Deux arbres en forme de visages se regardent

Comment tendre à une écologie raisonnée?

Alors que les Verts sortent de leur tempête acarnée, Antonio Hodgers prône l’écologie de l’envie et la responsabilité individuelle. Cette voie·x de la raison, de l’équilibre, semble être le meilleur compromis entre le bon sens et l’urgence climatique.

 

Un équilibre complexe

Il y a quelques semaines, les Verts genevois tentaient d’inscrire l’interdiction de consommer de la viande durant les représentations officielles pour les députés de la prochaine législature. Cet épisode m’a interpellé tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme, ce dossier est symbolique d’une génération qui veut tout interdire au nom d’une vision qui se veut supérieure aux autres, voire unique. Et cette tendance m’effraie sincèrement.

Sur le fond, je salue cette quête d’exemplarité. Il est indéniable que l’on consomme trop de viande et qu’il faut se diriger, en tant que société, vers moins de viande dans nos assiettes. Dans ce contexte, vouloir que nos élus montrent l’exemple fait sens. Et l’éditorial «Les carnivores qui crient au loup» résume très bien cet esprit.

Il y a un équilibre complexe à trouver et la décision prise par les Verts, le week-end dernier, de demander aux élus de se montrer exemplaires, en accord avec le programme du parti, laisse davantage de liberté aux individus et me paraît être un compromis bienvenu.

 

L’écologie de l’envie

Cette semaine, j’ai beaucoup apprécié l’interview qu’Antonio Hodgers a accordée à la Tribune de Genève. Certains propos rejoignent pleinement ma vision personnelle de ce que doit être l’écologie aujourd’hui. «Ne jugeons pas trop vite les comportements des personnes. Partons plutôt du principe que chacun fait au mieux de ses possibilités. L’individu ne peut pas tout porter», confie-t-il.

Et même si le Conseiller d’État a une vision assez fausse des Vert’libéraux, je ne peux qu’adhérer aux propos d’une écologie de l’envie. «Il faut développer une écologie de l’envie et pas de la punition. C’est un magnifique projet collectif. La société qui sera prospère en 2050, sera celle qui dépendra le moins du carburant fossile et qui s’adaptera à la sobriété énergétique. Faisons de ce chemin un projet de société enviable!»

Quoiqu’en dise le ministre, le propos colle davantage au discours vert’libéral qu’à celui qu’affiche son parti depuis plusieurs mois.

 

Comparaison n’est pas raison

Comme le dit très justement Antonio Hodgers, «on ne peut pas tout comparer, ni normer». Et l’article du Temps «Les chiens, pires que les SUV pour la planète», qui m’a beaucoup amusé, partage le même constat.

Un livre de 2009 évoque la consommation de viande de nos amis à quatre pattes, qui équivaut, pour un chien de taille moyenne, a un impact sur la planète deux fois supérieur à celui d’un SUV conduit sur 10’000 km.

Gregory Okin, professeur à l’Université de Californie, invite à éviter certaines comparaisons. «Est-ce que ça voudrait dire que si vous n’avez pas de chien ou de chat, vous pouvez avoir un SUV ou conduire plus votre voiture? Cela n’a aucun sens!»

Au-delà du sujet, qui prête un peu à sourire (même si certaines pistes sont loin d’être inintéressantes), cette comparaison entre la consommation de viande d’un chien et les kilomètres parcourus par un véhicule thermique résume assez bien les discussions qui ont cours au sujet de l’écologie et le problème qu’elles révèlent.

 

Chacun sa part

Lorsqu’on parle d’urgence climatique et des efforts à consentir chacun, à notre propre échelle, on essuie régulièrement le fameux argument du manque d’impact de nos petites actions au regard de la catastrophe écologique que représentent les émissions de GES des plus grands pays industriels que sont les États-Unis, l’Inde et la Chine – pour ne citer que les plus gros.

Bien évidemment, nos engagements en Suisse, de petite ou grande importance, peuvent paraître bien ridicules au regard de ce qu’on tolère de ces grands pollueurs. Mais comme je le signalais en interaction avec un lecteur, j’aime me rappeler la fameuse histoire du colibri.

Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : «Colibri! Tu n’es pas fou? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu!» Et le colibri lui répondit : «Je le sais, mais je fais ma part.»

Ce faisant, le colibri vise à inspirer les autres animaux et, par son exemple, à fédérer les autres animaux pour que tous ensemble, ils viennent à bout de l’incendie.

Et si, à l’image du colibri, nous arrêtions de nous cacher derrière ce qui se passe ailleurs, et que nous participions tous et toutes, à notre échelle, à notre rythme, à faire du monde de demain un monde vivable et pérenne? Un monde tourné vers le collectif, vers les générations futures, plutôt que vers son unique et irremplaçable nombril!

Jenoe Shulepov Bucher

Un œil sur la planète, un regard sur l’économie. Jenoe Shulepov Bucher, président des Vert’libéraux – Ville de Genève, est attaché tant aux valeurs libérales qu’à la nécessité de tendre vers une société davantage tournée vers l’humain. De nationalité suisse, Jenoe Shulepov Bucher est en couple avec son partenaire (enregistré) depuis 2013. Il est passionné de films et de séries TV.

4 réponses à “Comment tendre à une écologie raisonnée?

  1. Je suis totalement en accord.
    L’idée du colibri inspirant ses congénères est très juste a mes yeux. L’être humain apprend et s’adapte par mimétisme : ceux qui agissent en colibri feront non seulement leur part mais donneront de l’inspiration à d’autres qui eux-mêmes montreront l’exemple, jusqu’à ce que les plus frileux/sceptiques soient finalement convaincus.
    Et quand la conscience collective de l’enjeu s’étend, la société se transforme et rend les changements individuels plus aisés (plus de structure pour la mobilité non motorisée, alimentation locale en circuit court plus accessible …).

    1. Bien sur, l’exemple du colibri est tout mignon , mais il ne faut pas être naïf, le monde ne marche pas comme cela, on n’est pas chez les bisounours et les 1,5 milliards de Chinois et les 1,4 milliards d’Indiens n’ont que faire des 8 millions de colibris Suisses…. Ce n’est pas en s’y mettant tous avec notre petite cuillère que l’on va vider l’océan.

      On est dans un monde où il y a des aspect géopolitiques majeurs qui dépendent de dirigeants et dictateurs qui n’ont que faire de ce que vous pensez. La Chine et l’Inde ouvrent une centrale à charbon par semaine pour satisfaire les besoins de base de leur population, croyez-vous qu’ils regardent ce que font les colibris Suisses et croyez-vous que réduire le nombre de voitures à Genève va changer quoi que ce soit dans le reste du monde ? Vous pouvez rêver, mais vous essayez de faire passer les 0,1% d’émissions de CO2 de la Suisse à 0,05 % quand Chine + Inde + USA équivalent à 80% des émissions de CO2 mondial. Vous vous trompez de cible.

      Je sais que cela ne plait pas à certain de lire ces données factuelles, mais c’est la simple réalité et il faut la regarder en face. Votre colibri aura effectivement fait sa part sachant que cela ne sert strictement à rien, il aura juste bonne conscience c’est tout…
      Cela dit, ce n’est pas parce que je ne suis pas “vert” que je n’ai pas un comportement respectueux envers l’environnement. Pour moi les verts actuels sont de rouges ripolinés pour faire passer des idées marxistes collectivistes sous couvert de sauver le monde.

      1. 1- Les émissions de eCO2 en Suisse ne pèsent en effet pas lourd …face aux émissions importées ! (37M tonnes contre 116M tonnes /an).
        Les consommateurs en Suisse sont donc responsables d’émissions massives à l’étranger.

        2- Réduire de moitié la circulation à Genève (pour reprendre votre exemple) c’est moins aucune goutte d’eau dans l’océan…mais si cela s’inscrit dans une transformation globale de la mobilité à l’échelle européenne les résultats en terme de réductions des émissions de GES sont massifs.

        3- Chaque habitant de Suisse émet 13,51 tonnes de eCO2 /an… 2 fois plus qu’un français… Et 8x plus qu’un indien. Le bilan carbone de chaque habitant d’Inde est d’environ 1.8 tonne eCO2 par an… Ce qui est un bilan individuel compatible avec l’objectif d’une élévation contenue de 1.5°C de la température (COP 21).
        Ce qui veut dire qu’en moyenne un indien n’emets pas trop de GES par rapport aux objectifs des accords de Paris, c’est nous qui sommes en retard par rapport à eux.
        Comparer les émissions de 1380 millions de terriens avec celles de 8 millions d’autres est un raisonnement assez aberrant.
        Faites l’autruche si vous voulez, mais laissez les colibris faire avancer les choses.

  2. J’ai souvent rencontré autour de moi des gens à l’écologie triste, le cycliste qui renverse le piéton et l’insulte, le promeneur sans chien qui “engueule” le promeneur avec chien, l’agressivité verbale d’un passant face à un conducteur de SUV et j’en passe. À chaque fois il s’agit de petits dictateurs en herbe qui véhiculent leur message écologique avec aigreur, voire haine.
    Alors que pour moi, “sauver la planète” ou, plus modestement, se remettre en question est un projet optimiste, bienfaisant, en vue d’une société meilleure qui sait corriger ses excès pour le bien de tous.
    Je me réfère au livre de Madjid Ranema, “Quand la misère chasse la pauvreté”, écrit si mes souvenirs sont bons il y a plus de vingt ans. Après les multiples erreurs politiques et économiques qu’il décortique dans le système occidental, il constate et pense que la solution sera apportée par la multitude de petites initiatives locales et vernaculaires qui favorisent les circuits courts dans tous les domaines où c’est possible. Et il donne des chiffres et des exemples.
    Nous sommes aidés dans cela, par exemple, par les règles contraignantes d’étiquetage imposées aux fabricants. Quasiment tous les produits de la vie quotidienne ont une étiquette de provenance, de fabrication, de composition. On peut donc choisir en connaissance de cause. Il suffit de se donner la peine de la lire, même si c’est écrit en tout petit dans un coin. Ce n’est qu’une goutte de colibri ? Peut-être, mais c’est à ma portée.

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