Œil vert, regard libéral

Jusqu’où ira le déni climatique de la droite?

Salle du conseil national pratiquement vide

RTS

« Le climat ne doit pas être considéré comme une priorité supérieure aux autres ». Les mots sont forts. Et ils me rappellent avec vivacité les raisons qui m’ont porté à quitter le PLR en 2020.

 

La session du scandale

Le 2 mai 2022, le parlement fédéral a reçu une trentaine d’experts scientifiques pour une rencontre autour des enjeux climatiques. Les auteurs suisses des récents rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) étaient présents et ils ont offert une synthèse de leurs travaux.

L’idée est excellente. Ce qui en a résulté est proprement scandaleux.

Seul un tiers des élus a pris part à cette session. Outre les conflits d’agendas de quelques parlementaires, cette faible affluence s’explique par un large refus d’y prendre part exprimé par plusieurs élus du Centre, du PLR et de l’UDC.

Le vice-président du PLR « n’est pas d’accord que ce soit un groupuscule qui décide de l’ordre des priorités des politiciens élus ». Il affirme que « le climat ne doit pas être considéré comme une priorité supérieure aux autres ».

 

Le torchon brûle

Suis-je surpris ? Pas vraiment.

En 1989 2019, sous l’impulsion de Petra Gössi, le PLR s’est doté d’une politique environnementale et climatique libérale-radicale. Le message était clair : le parti entend prendre le virage de l’urgence climatique et se donner les moyens d’y répondre.

Alors membre de ce parti, je me réjouissais de voir enfin la droite se réveiller. Je me suis donc plongé avec plaisir dans la lecture de ce torchon papier de position. Douche froide.

Extraits : « Les prescriptions, voire restrictions, étatiques en matière de consommation n’ont pas leur place dans une société libérale. La responsabilité individuelle peut toutefois jouer un rôle important dans les habitudes de consommation. Une information de meilleure qualité et une plus grande transparence sont nécessaires et souhaitables. … Ce n’est que si la responsabilité individuelle et les mesures incitatives ne mènent pas aux résultats escomptés que des mesures plus fermes, telles que des restrictions de produits et de marchandises deviennent nécessaires. »

Bienvenue en 1989 ! Une ère où la liberté individuelle est vécue comme un dogme intouchable, au détriment de la responsabilité collective. Une ère où on a le temps de voir si les gens sont suffisamment responsables. 1989 ? 2019 ? Je crois que le PLR ne le sait pas lui-même.

La lecture de ce document m’a ouvert les yeux sur mon inadéquation avec le parti et a ouvert le chemin d’un engagement politique plus responsable des enjeux environnementaux.

 

Ce que vivent les jeunes

Le 11 mai dernier, Julia Steinberger, professeure à l’Université de Lausanne et co-autrice du dernier rapport du GIEC, publiait une belle leçon de vie qui résume parfaitement l’inadéquation des politiques actuelles face à l’urgence climatique.

L’article rapporte avec beaucoup de sagesse ce que vivent les jeunes d’aujourd’hui. Alors qu’ils étaient nombreux à crier l’urgence climatique dans les rues, on les découvre presque muets, plongés dans un sentiment d’impuissance. « Seuls les politiciens ou les chefs d’entreprise peuvent apporter les grands changements. … Toutes les personnes au pouvoir connaissent ce problème depuis si longtemps. Et pourtant, rien ne se passe, rien ne change. »

« Les adolescents admirent les adultes », nous raconte-t-elle. « Ils les voient comme des personnes responsables qui les guident et les protègent. Et ils voient les politiciens comme les adultes des adultes. » Ils sont donc perturbés de voir des politiciens qui savent ce qui se passe mais qui n’agissent pas.

Enfin, Julia Steinberger nous parle du décalage entre un monde qui arrive se mobiliser pour s’adapter à une pandémie et à la guerre en Ukraine, mais qui reste incapable de saisir la gravité de la situation face à l’urgence climatique.

 

Les adultes des adultes

« Les adultes des adultes. » Voilà une expression marquante, qui résume bien ce que devrait être un politicien. Quelqu’un qui est encore plus responsable qu’un adulte lambda, car instruit, car engagé à analyser profondément les choses et à faire bouger la société sur les enjeux qui comptent.

Pourtant, lorsque deux tiers de l’hémicycle abandonnent le navire et qu’ils revendiquent s’affranchir de l’urgence climatique comme base de toute action, on est en droit de se demander qui est l’adulte et qui est l’adolescent.

 

L’environnement comme premier filtre

En tant que Vert’libéral, je pense que les solutions à la crise climatique passeront par l’innovation et par l’entreprenariat. Je considère que toute action qui n’est pas en phase avec le principe du doughnut, soit car elle dépasse le plafond environnemental soit car elle ne respecte pas le plancher social, n’a aucune raison d’être.

Il ne faut pas craindre qu’une entreprise soit amenée à disparaître. Pour chaque entreprise néfaste qu’on doit amener vers la sortie, d’autres la remplaceront avantageusement. Ici on ferme une usine à charbon, là on crée un barrage hydroélectrique. Ici on ferme la production de véhicules thermiques, là on développe de nouvelles formes de mobilité douce. Ici on empêche une entreprise chimique de déverser des produits toxiques dans nos cours d’eau, là on crée de nouveaux procédés pour produire des médicaments à base de sources naturelles.

Les solutions sont multiples. Encore faut-il les empoigner avec vigueur. Certains partis politiques ne semblent pas comprendre que dans « urgence climatique » il y a le mot « urgence ». Lors des élections de 2023, nous ferions bien de nous en rappeler.

Quitter la version mobile