Main qui tient une marionnette

L’art de la manipulation politique

Souvent associée à l’extrême droite, la manipulation cérébrale inspire d’autres partis et les arguments de campagne deviennent une véritable jungle. Est-ce l’avenir que nous voulons pour notre démocratie ?

La politique consiste à identifier les évolutions dont notre société a besoin et à proposer des solutions concrètes pour améliorer le quotidien de chacun et de chacune, sur le moyen et le long terme. Souvent, les idées des uns·unes soulèvent l’opposition des autres. Ainsi va la vie politique, basée sur une saine représentativité du peuple et des opinions.

Ces combats d’idées permettent de trouver un juste équilibre. Les sujets soumis à votation en sont l’illustration : lorsque les élu·es ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une proposition (et pour autant qu’un référendum soit signé par 0.6% à 3% de la population1), c’est au peuple de se prononcer.

Des arguments fallacieux

Et c’est là que les jeux d’influence débutent. Les partis politiques, les associations et les groupes d’intérêts tentent de convaincre le peuple de signer telle initiative populaire, tel référendum puis, le moment venu, de déposer dans l’urne leur voix précieuse.

Et plus une opinion est minoritaire, plus elle risque d’être représentée par des arguments trompeurs. Certains n’hésitent pas à se munir d’armes ignobles pour attirer dans leur filet les personnes les moins instruites.

On se souvient de la campagne contre les naturalisations simplifiées où l’UDC créait la polémique avec son amalgame de musulmanes voilées (position rejetée), ou encore du scandale où la même UDC détournait des propos de Micheline Calmy-Rey contre sa volonté pour promouvoir l’initiative dite d’autodétermination (position rejetée) qu’elle combattait. L’initiative sur la justice, qui visait à tirer au sort les juges fédéraux, laissait entendre que nos juges fédéraux n’étaient pas indépendants (position rejetée). Quant aux votations sur les lois Covid, elles ont évoqué la privation de liberté et usurpé l’identité du journal Le Temps (positions rejetées).

 

Publicité UDC sur les naturalisations, illustrées par une femme voilée Publicité politique "Voulez-vous des juges indépendants?" Publicité politique "La loi covid met fin à nos libertés" Fausse manchette du journal Le Temps

 

Actuellement, l’extrême gauche résume la participation de la Suisse à l’espace Schengen à une phrase choc : « Mourir en Méditerrannée ». Elle implique que voter oui aux acquis de Schengen revient à envoyer des êtres humains mourir en pleine mer !

Pub politique d'extrême gauche "Mourir en Méditerrannée. Non à Frontex"

 

Convaincre coûte que coûte

Dans cette chasse aux voix, les coups bas sont hélas devenus monnaie courante et c’est ainsi que les titres des initiatives populaires ne veulent parfois plus dire grand-chose.

Lorsqu’une initiative ou un projet de loi parle de justice, en opposition à l’injustice, c’est de la manipulation. Lorsqu’on parle d’une idée cohérente, en opposition à une situation incohérente, c’est de la manipulation. Lorsqu’on utilise un terme qui ne veut pas dire grand-chose, dans une tentative de noyer le poisson, comme autodétermination, c’est de la manipulation.

Dans ce registre des titres déviés, la palme d’or revient à l’UDC Genève qui a récemment lancé son initiative « Oui au recyclage des déchets non biodégradables » pour parler, en réalité, de déchets non recyclables qu’elle entend envoyer en décharge en France plutôt que de traiter nos mâchefers2. C’est bien la première fois que l’UDC s’intéresse à l’Europe et se soucie de l’environnement. Mais surtout, faire croire que les mâchefers sont des déchets qui peuvent être recyclés est mensonger et racoleur. Maintenant, c’est certainement plus vendeur que « Pas envie de mâchefer dans mon jardin » !

Soyons factuels

Bien entendu, nous mettons tous et toutes beaucoup d’émotion dans les convictions que nous défendons et dans les idées qui nous tiennent à cœur. Mais on a le choix d’être honnêtes avec le peuple ou de vouloir sciemment le tromper. Et si certains partis n’hésitent pas à franchir la ligne, les Vert’libéraux s’engagent résolument pour défendre ses idées avec respect et honnêteté, de manière aussi factuelle que possible.

Ainsi, nos initiatives cantonales sont libellées de manière explicite : « Pour l’abolition des rentes à vie des Conseillers d’Etat » et « Pour un congé parental maintenant ». Nos campagnes sont également claires, même lorsque l’émotion se mêle au factuel : « Les questions d’éducation ne se règlent pas d’un coup de baguette magique » (CO22), « Schengen, une chance pour notre économie, notre sécurité, nos libertés » (Frontex), « En Suisse, le tabagisme tue 9’500 personnes et coûte 3.9 millards par an » (Publicité tabac), « Mettons fin à un privilège d’un autre temps » (Rentes à vie), « Notre identité n’est pas à vendre » (e-ID).

Ces exemples montrent qu’une politique sans coup bas et avec respect est possible. Et que la majorité du corps électoral s’intéresse aux enjeux et n’est pas dupe : preuve en est le nombre de ces cas où ces discours honteux ne font que mousser mais n’influencent pas la majorité qui oppose ces idées.

 

1 A Genève, un référendum ou une initiative communale doit être signée par 2.6% à 16% de la population, selon les communes. Au niveau cantonal, le nombre de signatures nécessaire correspond à 2% de la population pour un référendum ou une initiative législative et à 3% pour une initiative constitutionnelle. En Suisse, 50’000 signatures permettent de valider un référendum national et 100’000 pour une initiative populaire, soit 0.58% et 1.16% de la population suisse.

2 Pour faire simple, les déchets ménagers des Genevois sont incinérés aux Cheneviers. Tout ce qui n’a pas brûlé (porcelaine, minéraux, métaux) est trié afin de valoriser ce qui peut l’être. Le résidu, appelé mâchefer, ne peut être recyclé et doit être entreposé en décharge, après avoir pris soin d’isoler les sols pour ne pas les contaminer. La décharge de Châtillon étant arrivée à saturation, Genève doit trouver un nouveau lieu et c’est peu dire que personne n’en veut dans son jardin. Par crainte qu’un terrain de Satigny ne soit retenu par le Conseil d’Etat, l’UDC Genève entend interdire la création d’une nouvelle décharge sur le canton et préfère externaliser nos mâchefers en France.

 

Jenoe Shulepov Bucher

Un œil sur la planète, un regard sur l’économie. Jenoe Shulepov Bucher, président des Vert’libéraux – Ville de Genève, est attaché tant aux valeurs libérales qu’à la nécessité de tendre vers une société davantage tournée vers l’humain. De nationalité suisse, Jenoe Shulepov Bucher est en couple avec son partenaire (enregistré) depuis 2013. Il est passionné de films et de séries TV.

3 réponses à “L’art de la manipulation politique

  1. Il y a des choses intéressantes dans cet article, mais quand j’ai vu que l’auteur employait le langage inclusif, évidemment à mes yeux tout son argumentaire est devenu caduc. Dommage…

    1. C’est marrant, j’ai stoppé la lecture de l’article en voyant “les uns-unes” et me suis directement rendu dans l’espace des commentaires pour tomber sur le vôtre.

  2. Merci pour ce très bon billet.

    Dans que ce soit dans les argumentaires politiques ou la publicité, j’ai pris pour habitude que si le message me semble délibérément trompeur, le messager est malhonnête, et donc je ne vote/achète pas.

    Malheureusement, comme vous le mettez bien en évidence, ce type de pratiques sont hélas très répandues. Les partis qui ont l’honnêteté de montrer ouvertement leurs couleurs ont mon respect.

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