Publicité en ville

Zéro pub? Non. Consommer autrement? Oui.

L’initiative « Zéro pub » veut bannir l’affichage publicitaire de nos rues, dans l’objectif de mettre à mal notre société de consommation. A l’heure de l’urgence climatique, l’objectif est louable. Pour autant, la forme est à combattre vigoureusement. Analyse portée par 32 exemples.

 

Pourquoi défendre la concurrence?

Notre société, tournée vers le libre marché et la saine répartition des activités dans une concurrence bienvenue, favorise l’émergence de nouvelles entreprises et incite à la création et l’innovation. Cette liberté de commerce implique la nécessité de communiquer avec les différents publics d’une marque et c’est ce qui fait le succès (et ses limites, bien sûr) de nos sociétés occidentales. Quotidiennement, nous prenons tous et toutes des dizaines de décisions avisées, basées sur nos connaissances. Et la publicité joue un rôle essentiel dans l’acquisition de ces connaissances.

  • J’achète mes chaussettes chez la marque X parce que je sais qu’elles sont en coton bio.
  • Je vais dans le centre commercial X parce je sais qu’il met à ma disposition un parking gratuit.
  • Je m’inscris dans l’école X parce que je sais qu’il y a une formation qui m’intéresse.
  • J’achète mon matériel de jardin chez X parce que je sais qu’ils ont une offre spéciale qui me fera économiser de l’argent sur un besoin que j’ai identifié.
  • J’ai acheté une voiture électrique de la marque X parce que je sais qu’elle a une autonomie qui me permet enfin de considérer cette transition à l’électrique.
  • Je choisis d’utiliser le mode de transport X parce que je sais qu’il est plus écologique.
  • Je lis/écoute/regarde le média X parce que je sais qu’il propose un contenu qui m’intéresse.
  • J’ai choisi l’opérateur de téléphonie X parce que je sais que leur fiabilité ou leur niveau de service me correspond.

Toutes ces connaissances proviennent d’une multitude de sources. Et quoi qu’on en pense, nous sommes nourris par la publicité d’informations parfois précieuses. Sans s’en rendre compte, certaines de ces informations nous aident à y voir clair et à prendre des décisions.

Interdire l’affichage publicitaire, c’est se priver de ces informations. C’est également interdire, et il est important de le rappeler, la promotion des circuits courts, de la consommation locale et de l’économie circulaire. C’est freiner la transition écologique.

Et même dans les cas les moins écologiques, il sera toujours préférable de respecter la liberté des marques à communiquer et de saisir le problème à la racine, plutôt que de se laisser aller à la censure – premier signe des dictatures.

 

Les publicités présentes à Genève sont-elles synonymes de surconsommation?

En tant que Vert’libéral, je partage pourtant l’objectif d’une société moins tournée vers la consommation. Voire tournée vers une certaine forme de décroissance. Mais tuer une mouche avec un lance-missile, dans l’indifférence totale de tout ce qui entoure la mouche, est-il vraiment une solution intelligente?

Rien de mieux que quelques exemples pour illustrer un débat. J’ai donc pris le temps de me balader dans les rues de notre ville. Les illustrations ci-dessous sont le reflet assez exhaustif de ces balades. La question que je pose pour chaque publicité est la suivante : est-ce que la publicité incite à un achat au-delà de nos besoins? La réponse, illustrée par les feux de signalisation, est le reflet de ma perception personnelle.

 

Parmi les publicités que vous pouvez voir en ce moment en Ville de Genève figurent les offres en formation, souvent issue d’entreprises privées. Ces offres permettent aux étudiants qui les choisissent d’évoluer dans leur carrière professionnelle. Ces publicités n’engendrent aucunement une surconsommation néfaste à notre environnement. Au contraire.

 

Exemples de publicités. Thèmes : médias et télécom

Les médias sont une source d’informations utile et nécessaire. Les télécommunications peuvent poser d’autres questions, comme les ressources nécessaires à un service de streaming. Il semble cependant peu probable que la publicité ait une influence sur le fait d’avoir ou pas un forfait téléphonique. Son influence se limitera au choix dudit opérateur et c’est là toute son utilité.

 

Exemples de publicités. Thème : à boire

Lorsqu’il s’agit d’évaluer boisson et nourriture, les choses prennent une autre dimension. L’incitation à consommer des boissons sucrées, par définition problématiques en termes de santé publique, pose effectivement une question éthique, surtout lorsqu’on sait les dégâts sur l’environnement de certaines productions.

La publicité sert pourtant à équilibrer la concurrence entre les deux marques au cola, respectivement entre les autres marques de boisson ou de café. Vouloir limiter ces achats ne passera pas par l’interdiction, mais par d’autres moyens plus responsables.

 

Exemples de publicités. Thème : nourriture

Ici, nous avons deux cas totalement opposés. Le premier invite à acheter tel fromage plutôt qu’un autre. Le second invite d’une part à fréquenter telle marque de fast-food plutôt qu’une autre, et d’autre part à consommer de la viande. Dans les deux cas, on fait face à des publicités qui poussent sans doute à une consommation qui n’était peut-être pas prévue au menu. De plus, la surconsommation de viande pose un véritable enjeu pour la planète.

A ce sujet, la communication a un rôle-clé à jouer pour faire évoluer les mentalités. Si on veut éviter de devoir interdire la consommation de viande, et laisser libre choix aux consommateurs et consommatrices de décider quand et comment ils influencent une gestion plus saine des ressources, comme par la diminution de la quantité de viande consommée, il est essential de préserver la possibilité de communiquer !

 

Exemples de publicités. Thème: Shopping

En matière de shopping, il y a un certain nombre de cas à considérer. Tout d’abord, il y a l’exemple de la tondeuse qu’on ne va décemment pas acheter si on n’a pas un besoin précis (et là, la publicité ne fait qu’illustrer l’offre dont on pourrait bénéficier). Puis, il y a le matériel sportif, dont une consommation est bénéfique en termes de santé publique. Vient le chocolat de Pâques, qu’on aura évidemment tendance à acheter même si on l’avait pas prévu. Vient enfin l’excellente publicité de Zalando – si la marque mériterait un rouge pointé, tant elle est devenue le symbole d’une trop grande facilité logistique, avec de sérieuses conséquences sur l’environnement, la campagne sur toutes les formes de beauté, respectivement sur l’utilisation d’un outil pérenne, mérite une certaine nuance.

 

Exemples de publicités. Thème: shopping 2

Puis viennent les centres commerciaux. Si leur existence, leur fonctionnement est une incitation à une consommation extrême, ce n’est pas le cas de leurs publicités, qui tentent d’inciter les Genevois et les Genevoises à fréquenter leur établissement plutôt que le centre concurrent. Un orange foncé est de rigueur.

 

Exemples de publicités. Thème : services

En termes de services, j’ai rencontré les publicités de quatre marques, dont aucune ne symbolise une surconsommation mais répondent à des besoins concrets de nos vies quotidiennes. Que ce soit pour votre ménage, vos investissements, les soins de votre corps ou vos assurances, voilà des choses que vous n’achèteriez pas si vous n’en avez pas le besoin ou envie.

 

‘Watches and wonders’ oblige, il m’était impossible de passer à côté des marques de montres. Ici peut se poser la question des ressources naturelles et leur usage doit rester modéré. Pour autant, il est peu probable qu’une personne achète une montre sur un coup de tête. On est là dans le cas de figure le plus courant de la publicité : l’influence entre plusieurs marques. L’achat éventuel est de l’ordre du choix entre plusieurs options, pas entre rien et une montre.

De plus, l’industrie horlogère est importante pour notre région et nous sommes fiers d’accueillir des salons comme W&W, qui rapportent beaucoup à notre économie locale. Pourra-t-on encore se targuer d’être la ville-hôte de cet événement si les marques horlogères ne peuvent habiller nos rues durant cet événement ?

 

Exemples de publicité. Thèmes : mobilité

Les publicités en matière de mobilité ont une influence positive sur la société, car elles incitent à une utilisation plus rationnelle de l’espace et des ressources. Il semble assez cocasse qu’il ne soit plus possible de promouvoir l’électromobilité comme les vélos électriques de mWay!

Il est à noter que je n’ai rencontré aucune publicité pour une marque automobile, ni pour une marque d’aviation, deux secteurs décriés par les initiants.

Néanmoins, et tout engagé que je suis pour une mobilité plus durable, plus responsable, je tiens à souligner que les publicités automobiles sont utiles. Ce sont elles qui communiquent sur les évolutions des marques et de plus en plus de ces publicités valoriseront les innovations écologiques, comme l’émergence de nouveaux modèles électriques.

La transition écologique passera inévitablement par une communication particulièrement forte sur ces innovations.

 

Graphique : seulement 2% de publicités incitent à la surconsommation

Le constat est clair. Compte tenu de l’omniprésence de la publicité culturelle et politique et du nombre majoritaire de publicités qui servent à promouvoir autre chose que des grandes marques et des produits au-delà des strictes nécessités, la publicité qui pose problème aux initiants concerne 2% de ce qu’on voit en Ville de Genève. Tout ça pour ça !

 

Mais alors, comment lutter contre la surconsommation?

Au lieu de censurer les entreprises, et de freiner la transition écologique, voici quelques pistes que nous pourrions bien évoquer :

  • Eduquer les jeunes générations à une consommation respectueuse des ressources naturelles,
  • Sensibiliser (notamment à l’aide de l’affichage publicitaire) aux enjeux sociétaux,
  • Adapter les prix pour que certains produits comme la mobilité (voiture, avion) cessent d’être artificiellement tirés vers le bas,
  • Valoriser les produits locaux,
  • Développer les circuits courts,
  • Multiplier les actions en faveur d’une économie circulaire,
  • Réguler certains secteurs avec toujours cette intention de traiter le problème à la racine, pas au sommet.

 

Le référendum du bon sens

Ces exemples illustrent que la publicité n’est pas responsable d’une consommation extrême mais joue justement un rôle dans une société davantage tournée vers l’environnement. Ils montrent à quel point défendre l’affichage publicitaire est une évidence. Nous avons la chance de connaître un bel équilibre, avec une présence publicitaire modérée (2.3 supports pour 1’000 habitants, contre 4.4 à Zurich ou 5.2 à Lausanne). Réjouissons-nous-en! Et signons massivement le référendum pour que ce ne soit pas à 36 personnes, mais au peuple, de se prononcer!

 

zeropub-non.ch

Et maintenant aussi en récolte à domicile (oui oui, nous venons chercher votre signature chez vous) : signez-zeropub-non.ch

Jenoe Shulepov Bucher

Un œil sur la planète, un regard sur l’économie. Jenoe Shulepov Bucher, président des Vert’libéraux – Ville de Genève, est attaché tant aux valeurs libérales qu’à la nécessité de tendre vers une société davantage tournée vers l’humain. De nationalité suisse, Jenoe Shulepov Bucher est en couple avec son partenaire (enregistré) depuis 2013. Il est passionné de films et de séries TV.

10 réponses à “Zéro pub? Non. Consommer autrement? Oui.

    1. Toutes les publicités ne le sont pas, c’est certain. Cependant, comme je l’explique, la publicité est utile à la transition écologique. Entre autre.

      1. Merci Jenoe d’avoir pris le temps de faire une analyse approfondie. Tes arguments sont très pertinents et tes exemples plein de bon sens.
        Il est effectivement évident que les censures et les interdictions de tout genre empêchent les consommateurs de se responsabiliser et d’être maître de leur choix.
        Merci encore pour ce blog.

  1. Article intéressant mais qui confond publicité et information, confusion impossible pour qui suit depuis quarante ans les enquêtes de la Fédération romande des consommateurs. Et pour qui se souvient du «temps de cerveau disponible». Les arguments exposés ne me convainquent donc pas. De plus, je considère la publicité dans l’espace public comme de la pollution visuelle et la publicité à la télévision m’ennuie profondément. Et ne parlons même pas des publicités ciblées qui vous vous parviennent par notification selon vos déplacements. Quand j’ai besoin de quelque chose, je sais comment m’informer avant d’acheter, je n’ai pas besoin des sollicitations de la publicité.

    GMCC

    1. Je ne confond rien du tout. Je n’ai simplement pas la même opinion. 😉

    2. Je suis ravie que vous soyez capable de faire vos choix. Tout le monde n’est pas à votre image !
      Par ailleurs, si la publicité n’est pas affichée, les annonceurs trouveront d’autres moyens pour toucher les consommateurs, moyens beaucoup plus intrusifs qui arrivent directement sur vos ordinateurs ou téléphone ! Donc, supprimer la publicité à Genève, c’est supprimer des emplois (imprimeurs, afficheurs, etc.) au profit des GAFA puisque les budgets consacrés aux affiches seront reportés sur Facebook, Google et j’en passe ! Réfléchissez aux conséquences de vos actes. Merci

  2. L’information est une chose: elle doit être structurée et exacte. Elle s’adresse à notre cortex car elle doit être analysée.

    La publicité ne s’adresse pas à notre cerveau rationnel. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle est bien plus efficace. En jouant sur les émotions avec des associations, elle est capable de nous donner réellement faim alors que nous ne ressentions aucun besoin. Elle s’adresse à notre cerveau primitif et les volumes dépensés en publicité démontrent à quels points la plupart de nos choix sont irrationnels.

    Nous vivons à l’ère du numérique où, plutôt que de regarder la ville ou contempler la nature, les gens sont rivés sur leur smartphone qui est devenu la source principale de publicité.

    Dans ce contexte, une initiative qui permettrait à ceux qui désirent contempler un lieu sans qu’il soit dénaturé par de la publicité est intéressante. Car si la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres, alors il n’y aucune raison d’infliger de la publicité à ceux qui ne la désirent pas.

    Surtout que des alternatives sont possibles: avec le traçage GPS, un annonceur est capable de faire retentir votre smartphone devant un lieu précis selon le principe du “opt-in”. Des lunettes à réalité augmentée pourront bientôt afficher ces publicités aux nostalgiques qui le désirent. Et pour les les fans du metavers, leur univers est déjà bien pollué par les marques et la publicité. Il existe donc des alternatives pour assouvir le besoin de consommation.

    Libérer les villes de la publicité, c’est un donc revenir à la liberté en permettant à chacun de choisir.

  3. Votre analyse qualitative des pub vues en ville de Genève est intéressante. Avez-vous quantifié ces différents types de publicité? Comment arrivez-vous au graphique présenté et au chiffre de 2 à 8%? La démarche est intéressante et ce genre de données semble manquer dans les débats.

    1. Merci pour votre commentaire. L’analyse que j’ai réalisée est basée sur ma balade dans les rues de Genève d’une part (donc une photo à un instant T, représentative de la réalité mais non exhaustive) et le fruit de ma perception personnelle d’autre part (les feux vert/jaune/rouge sont le fait de mon appréciation des sujets). Si on admet cette part de subjectivité, on obtient effectivement un chiffre intéressant où, ajoutés à la perspective d’un 80% dédié à la culture (ce chiffre est un fait avéré), nous obtenons 2 à 8% de marques qui pourraient être considérées comme problématiques, car incitant à la surconsommation…

      1. Ok je comprends mieux ces chiffres. 3 pubs “rouges” sur 32, ça fait 9.4% des pubs commerciales. Si on y ajoute les “oranges” ça fait 14/32 = 44% des pubs commerciales qui sont problématiques.
        La démarche est intéressante mais pour pouvoir utiliser ces chiffres il faudrait la mener jusqu’au bout. Il faudrait compter le nombre d’occurrences de chaque pub, car j’imagine bien qu’elles n’apparaissent pas toutes aussi fréquemment. Pour être sûr que le choix d’inclure tel ou tel panneau d’affichage dans l’étude ne soit pas laissé au bon vouloir de l’auteur, il faudrait faire un relevé exhaustif de tous les panneaux de la commune, ou alors choisir aléatoirement, au préalable, un jeu de panneaux qui seront analysés.
        On pourrait aussi étudier le contenu des affiches sous d’autres aspects. Combien sont le fruit d’entreprises locales ? De PME? On entend souvent des arguments là-dessus mais jamais de chiffres.
        Votre analyse va dans la bonne direction mais manque d’une méthode rigoureuse. A ce stade les chiffres que vous présentez n’ont pas suffisamment de valeur pour être présentés dans un débat.

Les commentaires sont clos.