La mère des batailles

Tout vient à point à qui sait attendre. Après 20 ans d’initiatives UDC évitant délibérément de poser la question de leur conformité avec le droit international (initiative contre l’immigration de masse, renvoi automatique des criminels étrangers, interdiction des minarets), le premier parti de Suisse semble privilégier une autre stratégie. En 2018, nous voterons sur une initiative qui, sans détour, demande de faire primer la Constitution fédérale sur le droit international, en excluant toute obligation de la Confédération contraire à la Constitution. La mal-nommée « initiative pour l’autodétermination » (le droit à l’autodétermination étant lui-même un principe de droit international) postule que la Convention européenne des droits de l’homme est devenu trop gênant pour les dessins UDC. Ce samedi 28.10.2017 à Frauenfeld (TG), les délégués UDC ont confirmé cette tactique, en lançant une initiative exigeant la dénonciation de l’Accord sur la libre circulation des personnes dans les 12 mois suivant son adoption. Ce revirement est un tournant après l’initiative contre l’immigration de masse qui, tout en l’insinuant, ne remettait pas ouvertement en cause l’Accord sur la libre circulation.

Le combat des valeurs

Jusqu’ici l’UDC a habilement véhiculé des représentations xénophobes au sein de la population contre un discours des « élites » enfermés dans leurs « principes ». Cette fois, cette stratégie pourrait se retourner contre elle, à condition toutefois que les opposants à l’initiative dite « pour l’autodétermination » s’engagent sur le terrain des valeurs, à commencer par la défense de notre système démocratique.

Droits humains indissociables de la démocratie

La méprise des initiants consiste à dissocier droits humains et système démocratique. Historiquement pourtant, l’émergence de systèmes démocratiques est consubstantielle à celles des droits humains. C’est aussi vrai pour notre la naissance de notre Etat fédéral démocratique en 1848, dont la Constitution reconnaît les premiers droits humains, parmi lesquels la liberté de la presse et la liberté religieuse, comme autant de moyens de protéger ses citoyens contre de possibles dérives des pouvoirs en place.

Protéger notre Constitution

L’autre méprise du texte consiste à opposer Constitution fédérale et droit international. Nos droits fondamentaux constitutionnels sont indissociables des droits détaillés dans la Convention européenne des droits de l’homme. La plupart des jugements du Tribunal fédéral statuant sur l’étendue de nos droits constitutionnels se réfèrent d’ailleurs expressément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En s’attaquant aux « juges étrangers », l’initiative s’en prend en réalité directement aux juges suisses. Les périodes troubles que nous traversons avec la prise de pouvoirs de mouvements réactionnaires au sein de notre monde Occidental, nous montre combien ce que nous considérions comme des acquis reste fragile. L’initiative « pour l’autodétermination » est aussi l’occasion de nous réapproprier nos valeurs démocratiques dans les urnes contre les mouvances qui aimeraient nous les confisquer.