Depuis la votation populaire de 2005 en faveur du partenariat enregistré, les couples de même sexe sont tolérés. Le scrutin du 26 septembre 2021 est l’occasion de passer à une véritable acceptation des couples homosexuels. Les arguments des opposants au mariage pour tous montrent une étonnante similarité avec ceux de 2005. Passage en revue et contre-argumentaire.
« Une différence biologique insurmontable ». FAUX
Selon cet argument, la nature voudrait que le couple se réduit à l’union d’un homme et d’une femme. Dès lors, il n’y aurait aucune discrimination à interdire le mariage aux couples de même sexe. D’un point de vue biologique, cette assertion est fausse. Le règne animal connaît quantité de comportements homosexuels chez les dauphins et les girafes notamment et chez 450 espèces vertébrées. Des comportements bisexuels sont aussi observés chez certains lions, putois ou lézards ou encore lesbiens comme parmi les macaques (voir le très beau livre « Amours » de Jacques Attali et Stéphanie Bonvincini). L’exposition à visiter en ce moment au Musée d’histoire naturelle de Berne « Queer – La diversité est dans notre nature » en fournit une riche illustration. Pour les tenant d’une vision essentialiste pourtant, la différence entre une femme et un homme ne se réduit pas aux aspects physiologiques, mais procède de goûts et d’affinités différentes. Poussée à son extrême, cette approche peut aller jusqu’à justifier les thérapies de conversion, encore bien présentes en Suisse, contraignant les homosexuels à (re)devenir hétérosexuels (voir la motion de mars 2020 du député socialiste Julien Eggenberger au Grand Conseil vaudois « Pour l’interdiction des thérapies de conversion »). Cette vision s’oppose à une représentation constructiviste de la personnalité libérée des assignations de genre. Cette représentation accepte la part de féminité présente à divers degrés chez de nombreux hommes hétéros ou homosexuels et inversement la part de masculinité chez bien des femmes. Il arrive parfois qu’une personnalité passe même du masculin au féminin (ou inversement), voire au genre neutre. On parle alors de genre fluide.
« Le bien de l’enfant n’est pas pris en compte ». FAUX
La loi soumise à votation autorise le don de sperme aux couples lesbiens. Les opposants au mariage pour tous y voient un danger pour l’enfant. La plupart des pays d’Europe occidentale connaissent déjà le mariage pour tous depuis de nombreuses années. En Suisse, depuis 2018, l’adoption est possible pour les familles arc-en-ciel, mais moyennant une procédure longue et intrusive. L’accès étendu aux dons de sperme facilitera la parentalité des couples homos. Aucune étude empirique sérieuse n’a pu établir que le fait d’avoir des parents homosexuels allait contre le bien de l’enfant. Un nouveau-né et un enfant a besoin de parents présents et aimants pour se développer. Leur sexe est sans importance. Seul les vexations et discriminations exprimés par des personnes hostiles aux familles arc-en-ciel peut porter atteinte au bien de l’enfant. Sur ce terrain, on peut mesurer le progrès considérable réalisé en une génération à peine. Il y a une vingtaine d’année, l’insulte « pédé » résonnait encore largement dans les préaux. Aujourd’hui, sous l’impulsion des nouvelles générations, plus grand monde ne se risque à proférer des insultes homophobes en public, et ce, même si ces discriminations restent encore beaucoup trop nombreuses. L’acceptation en février 2020 en votation populaire à plus de 63% de la loi Reynard contre l’homophobie en fournit l’illustration (art. 261bis CP).
« La gestation pour autrui et le don d’ovules seront les prochaines étapes ». IMPOSSIBLE À SAVOIR
Le texte de loi soumis à votation le 26 septembre 2021 n’autorise aucune de ces méthodes de procréation médicalement assistée. Notre Constitution fédérale interdit la gestation pour autrui (mère porteuse) et le don d’ovules (art. 119 al. 2 let. c et d Cst). Seul une majorité du peuple et des cantons pourrait autoriser ces pratiques. L’avenir nous dira si ces pratiques seront autorisées un jour. Actuellement, en Europe, la gestation pour autrui est interdite notamment en Allemagne, en Espagne, en France et en Italie. Le Danemark et les Pays-Bas l’autorisent en interdisant toutefois toute rémunération. Le Portugal la limite aux cas de stérilité féminine en cas de dysfonctionnement de l’utérus. La Grèce ou l’Ukraine l’acceptent avec plus de souplesse. Pour revenir à la Suisse, à ce stade, aucun projet de gestation pour autrui n’est à l’ordre du jour. Le don d’ovules est lui interdit notamment en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Norvège ou encore au Portugal. La France autorise le don d’ovocytes anonyme sans rémunération. L’Espagne le permet aussi en préservant l’anonymat des donneuses et avec une rétribution possible. En Angleterre, la donneuse n’est pas anonyme et une rémunération est autorisée. En Suisse, une initiative parlementaire a été déposée en mars 2021 par la conseillère nationale verte libérale de Bâle-Ville Katja Christ. Elle n’a pas encore été traitée au Conseil national. Il est difficile de savoir le sort que le Parlement lui réservera. En tous les cas, si un projet devait aboutir, le peuple et les cantons auraient le dernier mot.
Sur le même thème pour prolonger le débat dans les blogs du Temps voir aussi:
Pour le mariage pour tous
Ecologie politique et égalité. Le blog de Delphine Klopfenstein Broggini. 13.08.2021. Le mariages pour toutes et tous. Un droit fondamental. 13.08.2021
Contre le mariage pour tous
Le grain de sable. Le blog de Suzette Sandoz. Mariage pour tous: nouvelles inégalités. 19.08.2021
Pour les arguments des deux camps:
Le site des partisans du Mariage pour tous
Le site des opposants au Mariage pour tous