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Loi climat: des aides pour nous libérer des énergies fossiles

Les effets du dérèglement climatique affectent notre qualité de vie et notre santé ici et maintenant en Suisse en 2023. Les pics de températures élevées se multiplient avec des épisodes de chaleur suffocante: depuis l’ère préindustrielle, la hausse de température a augmenté de 2° Celsius en Suisse, deux fois plus vite qu’en moyenne internationale. L’érosion de nos forêts ne permet pas aux résineux dans le Jura de redémarrer leur cycle. Malgré les fortes précipitations de ce début de printemps, la sécheresse de cet hiver n’est pas parvenu à reconstituer entièrement la nappe phréatique.

Protéger les glaciers

Depuis 1860, le volume de nos glaciers a fondu d’environ 60% et s’accélère (12% de perte de volume entre 2016 et 2021). Les glaciers alpins pourraient disparaître d’ici la fin du siècle. L’initiative pour les glaciers signée par plus de 100 000 Suisses et Suissesses est précisément à l’origine de la loi fédérale sur le climat et l’innovation (LCI) sur laquelle nous voterons ce 18 juin 2023. Cette loi est un contre-projet indirect à l’initiative populaire et a convaincu les initiants de retirer leur texte. Contrairement à la loi sur le CO2 rejetée en votation populaire en 2020, la loi sur le climat et l’innovation ne prévoit aucune taxe. Cet élément est important. Premièrement, pour un niveau de consommation équivalent, les taxes affectent de la même manière les bas et hauts revenus et pénalise par conséquent les personnes à revenu modeste. Or nous ne devons laisser personne au bord du chemin dans notre combat face au dérèglement climatique. Deuxièmement, l’inflation soutenue qui sévit depuis une année et demie contraint les ménages à faire face à une hausse soutenue des prix (assurance maladie, électricité, frais de chauffage, carburant, loyers, alimentation) qui affecte particulièrement les classes moyennes et populaires.

Énergies renouvelables pour nos bâtiments et nos PME

Le secteur du bâtiment est avec celui du transport individuel motorisé le secteur qui émet le plus de CO2. C’est donc logiquement sur ce secteur que porte l’effort prévu pour le passage aux énergies renouvelables. Dans le bâtiment en Suisse, la majorité des maisons sont chauffées au mazout ou au gaz responsables d’environ 25% des émissions de CO2. Ces énergies fossiles consomment beaucoup d’énergie et coûtent chers. Pour l’essentiel, elles sont importées de l’étranger: la Suisse importe environ 75% de son énergie. Il faut inciter les propriétaires à remplacer leur chauffage au mazout (et électrique) au système de pompe à chaleur ou de pellet (moins polluants, car utilisant de l’électricité décarbonnée en Suisse). C’est la raison pour laquelle la loi prévoit CHF 200 millions de subventions par an sur dix ans pour accompagner les propriétaires dans ce changement. Ces montants s’ajoutent à ceux du programme bâtiment de la Confédération qui déploie déjà ses effets dans les cantons, avec une logique du premier arrivé, premier servi, ayant pour conséquence que toutes les demandes ne peuvent pas être honorées et que les délais d’attente sont longs. La loi repose sur la même logique pour soutenir les entreprises. Pendant six ans, CHF 200 millions seront à disposition des entreprise chaque année pour investir dans des technologies innovantes visant à réduire les gaz à effet de serre.

Action ou défaitisme

Après le premier succès en référendum contre la loi sur le CO2 en 2020, les opposants de la loi, UDC en tête, prétendent que loi sur le « gaspillage de l’électricité » aggraverait la crise énergétique en augmentant le coût des énergies. Cette critique ne propose pas d’alternative pour engager la transition énergétique qui engage la Suisse qui a ratifié l’Accord de Paris visant la neutralité carbone en 2050. Naturellement, les changements nécessaires passent par une réduction de consommation d’électricité et une certaine sobriété énergétique. Reste que renoncer maintenant à opérer ces changements nous coûterait beaucoup plus cher. Le coût des énergies fossiles se raréfie et augmente. Les ménages le constatent sur leurs factures de chauffage, la plupart des locataires (60% de la population suisse) étant chauffés au mazout ou au gaz. Les automobilistes aussi le voient avec la hausse du prix du carburant. Les investissements dans des systèmes de chauffage moins polluants seront facilités avec ces aides de la Confédération et ces investissements synonymes d’économie d’énergie seront rapidement amortis. Passer aux pompes à chaleur ou à un système de chauffage aux pellets, c’est aussi pour les locataires une diminution de leur facture de chauffage. Les soutiens à cette loi incluent les Socialistes, les Vert·e·s, la Gauche radicale, le Centre, le Parti vert’libéral, le Parti pirate et le PLR. Parmi les partis représentés au Parlement fédéral, seul l’UDC se range dans le camp du non.

Enjeu du vote

La loi sur le climat et l’innovation soutient le passage à des chauffages moins polluants. La réduction de nos émissions de CO2 a pour objectif de réduire notre dépendance énergétique à l’étranger et de protéger notre qualité de vie. Voter oui le 18 juin 2023, c’est accepter de voir la réalité en face et d’agir pour nous libérer progressivement des énergies fossiles; un pas dans la bonne direction.

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Initiative pour la protection du climat. De l’abstrait au concret

Le dérèglement climatique occupe nos discussions. Le 18 juin 2023, nous pourrons nous prononcer sur l’attitude à adopter, un privilège rare. Espérons que la participation soit au rendez-vous. En plus de la loi fédérale sur le climat, la population vaudoise s’exprimera aussi sur une initiative cantonale pour la protection du climat.

Des opportunités

L’Accord de Paris de 2015 prévoit d’atteindre la neutralité carbone de zéro émission nette de CO2 en 2050 pour limiter à 1.5° celsius la hausse du réchauffement climatique depuis l’ère pré-industrielle. La Confédération l’a ratifié en 2017. Huit ans après l’adoption de cet accord par 195 Etats (la Libye, la République islamique d’Iran et le Yémen ne l’ont toujours pas ratifié), les réalisations restent encore timides. Dans cette course contre la montre, les Etats ont pris du retard dans la poursuite de cet objectif. Enjeu international par définition, la protection de notre planète implique la participation active de tous les pays. La Suisse n’est pas en reste. Au cours des 150 dernières années, la température moyenne y a déjà augmenté de 2° Celsius, deux fois plus vite que la moyenne internationale. Ce dérèglement a un effet direct sur l’érosion de la biodiversité: un tiers des espèces animales et végétales voient leur habitat menacé. Au plan vaudois, un premier plan climat de CHF 173 millions a été adopté en 2020. Il en faudra d’autres pour renforcer l’effort: un plan climat de deuxième génération est annoncé pour 2024.

Et des actes

L’initiative pour la protection du climat demande d’implémenter cet accord pour l’appliquer au niveau cantonal et communal. Penser global, agir local. En substance, les principaux acteurs doivent passer à l’action pour limiter les conséquences du dérèglement climatique et de l’érosion de la biodiversité. La modification constitutionnelle soumise à votation impose des plans d’action au canton et communes avec des objectifs intermédiaires sur le chemin de la neutralité carbone 2050, pour 2030 et 2040.

Caisses de pension publiques et Banque cantonale vaudoise (BCV)

En moyenne, l’activité de la place financière et des caisses de pension favorisent une hausse de température de 4° à 6° Celsius. L’initiative s’étend aux aux personnes morales avec participation de l’Etat ou des communes. Les caisses de pension grosses émettrices de CO2 sont aussi mises à contribution. Chaque cinq ans, la Caisse de pension de l’Etat de Vaud (14.3 mia d’avoirs sous gestion) et la Caisse intercommunale de pension (CIP; 3.98 mia au bilan) doivent proposer une stratégie en faveur de la neutralité carbone. Quant à la Banque cantonale vaudoise, en cas d’acceptation de l’initiative, elle devrait aussi élaborer des plans d’actions reposant sur des objectifs intermédiaires pour 2030 et 2040. Au Parlement, les tentatives d’élus bourgeois de sortir la BCV du champ d’application de l’initiative n’ont pas abouti. Quant aux entreprises (sans participation publique), l’Etat et les communes veillent à ce qu’elles mènent leurs activités pour contribuer aux engagements de la Suisse en matière de lutte contre le réchauffement climatique et ses dérèglements.

Pour une écologie sociale

L’implication forte des collectivités et des entreprises est déterminante pour des investissements socialement responsables à la hauteur des objectifs dans les énergies renouvelables. Sans cette implication, le combat face au dérèglement climatique est voué à l’échec et les plus fragiles seront les premiers à en subir les effets.
Lancée par les Vert·e·s, l’initiative est soutenue par les Socialistes, les Vert’libéraux, le POP, Ensemble à Gauche, le Centre Vaud, Pro Natura Vaud, WWF Vaud, Actif-trafiC, l’Association « Engagés pour la santé », le Grand Conseil et le Conseil d’Etat. Le PLR laisse la liberté de vote. Pour sa présidente, la priorité « est de réduire les émissions de CO2 plus que de défendre la biodiversité ». Une déclaration qui laisse songeur, sachant la fonction essentielle des espaces animales et végétales dans la régulation des écosystèmes pour lutter contre le dérèglement climatique. Quand à l’UDC, elle s’oppose à l’initiative, une position étonnante pour une formation réputée proche des agriculteurs dont les exploitations sont directement affectées par le réchauffement climatique. Face à cette division, rien ne garantit l’acceptation d’une initiative pourtant centrale pour mettre tous les acteurs à contribution pour combattre le dérèglement climatique. Chaque voix comptera.

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Reconversion vers les métiers de la transition écologique

Durant ces vingt prochaines années, nos approches professionnelles devront se modifier en profondeur. La transition écologique ne se limite pas à des incitations à des comportements respectueux de l’environnement ou à des investissements dans les énergies renouvelables aussi indispensables soient-ils. Pour relever le défi de réduction de 50% de nos émissions de CO2 d’ici 2030 (par rapport au niveau de 1990) et de neutralité carbone en 2050 qui engage notre pays aux termes de l’Accord de Paris, il faut pouvoir repenser notre rapport au travail dans tous les secteurs d’activité sans exception.

Transition ou transformation?

Le mot « transition » n’est d’ailleurs pas le plus approprié. L’atteinte de la neutralité carbone n’a rien d’automatique. Elle ne se décrète pas. Dans son dernier rapport de 2018 sur l’environnement, le Conseil fédéral indique qu’en Suisse l’empreinte moyenne de gaz à effet de serre/personne est 23 fois supérieure à ce que les limites planétaires peuvent supporter. Un défi sans précédent s’impose à nous. Nous parlons d’une transformation écologique. L’ampleur des efforts nécessaires peut être vertigineux. Parmi les plus jeunes en particulier, mais pas seulement, un phénomène social d’eco-anxieté s’observe. Il faut en faire quelque chose. Plusieurs démarches existent pour repenser son orientation professionnelle, on peut citer notamment « Slow ta carrière » proposant des ateliers pour donner du sens et trouver sa voie professionnelle dans les limites planétaires. À la prise de conscience doit succéder une mise en mouvement. Nous sommes toutes et tous des acteurs du changement et nous ne sommes pas seuls.

Quels sont les métiers de la transition écologique ?

Une vision romantique et réductrice véhiculée par certains peut donner le sentiment que nous devrions tous retourner vers les métiers de la terre. Premièrement, nous n’avons pas tous des prédispositions ou affinités pour travailler à la ferme. Deuxièmement, ne serait-ce que pour préserver nos ressources, il n’y a aucune raison objective à tous nous reconvertir dans l’élevage ou l’agriculture.

En réalité, les secteurs professionnels favorables à la reconversion écologique sont innombrables: énergies renouvelables, agriculture de conservation, foresterie, régénération des sols, assainissement énergétique des bâtiments, transports publics et mobilité douce, accompagnement et conseil, formation, information et médias, finance durable, légal et institutionnel, recherche et séquestration de CO2, revalorisation des déchets, recyclage. Et cette énumération ne prétend pas à l’exhaustivité. Plus que des métiers en tant que tels, il y a des approches professionnelles à repenser en terme de durabilité et d’économie circulaire (voir le livre de Sophie Swaton de 2020 « Le revenu de transition écologique: mode d’emploi »). Dans un contexte où le secteur du bâtiment en raison d’isolations déficientes génère 26% des émissions internes de CO2, les ouvriers du bâtiment ont un rôle de premier plan à jouer dans la nécessaire transformation écologique. Peinant à recruter, la filière du bâtiment doit offrir de meilleures conditions de travail pour rendre ces métiers plus attractifs et pour faciliter les évolutions de carrière. Notre imaginaire aussi doit évoluer pour voir les ouvriers du bâtiment occupés à poser de nouvelles couches d’isolation comme des acteurs incontournables du combat contre le dérèglement climatique. Plus largement, la construction doit évoluer vers des matériaux moins dépendants du béton, vers des matériaux recyclés moins polluants ou vers le bois, comme le demande dans le canton de Vaud l’initiative populaire « Sauvons le Mormont ».

Comment y parvenir?

Comment accélérer cette reconversion? L’urgence climatique empêche de cibler l’effort de la nécessaire transition exclusivement sur les générations qui entrent sur le marché du travail. Quantité d’employés ne demandent qu’à se réorienter vers un métier plus durable. Seulement quand on a une famille à charge, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Des bourses sont nécessaires sous conditions de ressources pour les personnes qui n’ont pas les moyens de se lancer dans une nouvelle formation vers un métier durable. En un mot: nous avons besoin d’une écologie sociale. C’est la demande que j’ai faite dans une motion du 01.06.2021 portée par le Groupe socialiste au Grand Conseil vaudois: une motion soutenue par la gauche et le centre, mais combattue par un Parlement à majorité de droite. Au vote, le 30.11.2021, il a manqué trois voix à cette motion pour passer la rampe. Ce n’est pas la fin de l’histoire et nous reviendrions à la charge. Mais par-delà les déclarations d’intention et les postures électoralistes (les élections dans le canton de Vaud ont lieu le 20.03.2022), les crispations des partis bourgeois font encore trop souvent échec à la nécessaire transition écologique. Nous devons emmener tout le monde sur la voie de la transition écologique. Elle ne doit pas être le privilège de quelques-uns, sinon nous échouerons.

La transition écologique n’a rien d’évident. Cette nécessaire transformation s’incarne dans des trajectoires professionnelles de femmes et hommes déterminés à être des acteurs du changement. Nous avons à soutenir cette dynamique sans réserve par tous les moyens possibles. Le temps presse. Attendre nous coûtera trop cher. Ne tardons pas.