Retraites

Retraites / LPP et pouvoir d’achat: les raisons du référendum

Au rayon des lois improbables, il y a la dernière révision de la loi sur la prévoyance professionnelle. Adoptée en vote final le 17 mars 2023, on se demande comment cette loi a pu obtenir une majorité à Berne.

Aperçu de la loi

Voici en un coup d’œil les changements prévus:

Loi en vigueur Nouvelle loi

Taux de conversion

6.8%

6%

Taux de cotisation

(en % du salaire coordonné)

25-34 ans: 7%

35-44 ans: 10%

45-54 ans: 15%

55-65 ans: 18%

25-44 ans: 9%

45-65 ans: 14%

Seuil d’accès

22050 CHF

19845 CHF

Baisse du taux de conversion

La mesure phare de la loi, c’est la baisse du taux de conversion de 6.8% à 6%. Ce taux de conversion sert à calculer la conversion du capital constitué en rente de vieillesse annuelle. La fixation de ce taux de conversion est essentielle sachant que la plupart des retraités optent pour la rente et non pour le capital en raison d’une espérance de vie élevée en Suisse: 85.6 pour les femmes et 81.6 pour les hommes. En 2010 déjà, une baisse du taux de conversion de la LPP avait été écartée en votation populaire par 72% de la population et par la totalité des cantons.

Compensations insuffisantes

Les baisses de rendements et des intérêts sur les marchés des placements (dans les obligations notamment) et l’augmentation de l’espérance de vie depuis plusieurs années plaident en faveur d’une baisse du taux de conversion. En réalité, le taux de conversion de 6.8% s’impose uniquement aux éléments du salaire annuel compris entre CHF 22 050 et CHF 88 200. Le taux de conversion pour la part surobligatoire (pour les caisses qui le prévoient) oscille autour de 5%. Quoi qu’il en soit, des compensations importantes pour les classes moyennes et populaires sont indispensables pour éviter des baisses de rentes. La loi prévoit certaines compensations pour les personnes ayant un avoir à la retraite inférieur à CHF 215 000. Cette compensation est dégressive en fonction du nombre d’années suivants l’âge de la retraite: CHF 200/mois les cinq premières années, CHF 150/mois les cinq années suivantes, puis CHF 100/mois cinq ans plus tard. D’autres compensations plus faibles sont prévues pour les assurés jusqu’à un avoir de CHF 430 000. En plus de pénaliser l’espérance de vie, ces compensations dégressives sont très insuffisantes.

Baisses du pouvoir d’achat pour les retraités et les femmes notamment

Pour la plupart des retraités, cette réforme aboutira à plusieurs centaines de francs de pertes à un moment où l’inflation (3.3%) et la vie chère atteignent des niveaux records. L’exemple cité par Mattea Meyer coprésidente du Parti socialiste suisse est assez parlant. Une infirmière à temps partiel de 50 ans au revenu mensuel brut de CHF 4500 francs devrait avec cette loi payer 147 francs de cotisations supplémentaires par mois pour obtenir 8 francs de rente en moins. 1/3 des femmes ne sont pas affiliées à une caisse de pension. Quant à celles qui touchent une rente LPP, elle est en moyenne deux fois moins élevée que celle d’un homme. Les compensations de la loi sont insuffisantes pour la rendre acceptable.

Réforme combattue par les syndicats et par plusieurs employeurs

Cette réforme s’est détournée du compromis initial des partenaires sociaux. Aujourd’hui, les syndicats d’employés et les partis de gauche demandent son rejet. Des associations professionnelles s’en détournent aussi comme GastroSuisse. Quant au Centre Patronal, il parle de projet « mort né ». La récolte de signatures pour le référendum débutera dans quelques jours. Le peuple est très attaché à ses retraites. Le sujet ressort en tête des préoccupations dans les enquêtes d’opinion et s’invitera dans les élections fédérales du mois d’octobre. Toute nouvelle réforme doit compenser le renchérissement et assurer des retraites dignes. Nous en sommes loin avec cette révision de la LPP. D’autres propositions comme l’initiative populaire pour une 13e rente AVS apportent de vraies réponses. L’initiative pourrait bien se trouver au coeur des débats en mars 2024 en même temps que la votation sur la révision de la LPP. Affaire à suivre