Jeunes et politique : Un rendez-vous manqué ? (épisode 2/4)

Pourquoi en Suisse les jeunes ne votent pas ou si peu (autour de 30% pour les moins de 30 ans) ? Quand j’ai adhéré au Parti socialiste, lors de ma première séance, j’ai soulevé cette question. Une quinzaine d’années plus tard, cette préoccupation m’habite toujours.

Le rôle de l’école

Premier élément de réponse. Notre système politique est compliqué. Les élections nous permettent de voter une liste en bloc, de panacher, de la composer de toutes pièces, de doubler des candidat.e.s, d’en biffer d’autres. Nous votons quatre à cinq fois par année sur plusieurs objets. Il faut rendre compréhensible des sujets de prime abord arides (nos impôts ou nos relations avec l’Union européenne) et pourtant essentiels. C’est le rôle de l’école. Dans ce domaine elle doit faire plus et mieux, avec un volume d’enseignement suffisant dédié exclusivement à l’éducation civique. Pour susciter l’adhésion à nos droits populaires, il faut les enseigner. C’est le seul moyen d’éviter la reproduction des inégalités en limitant les futurs électeurs aux enfants des parents qui votent. Aujourd’hui encore, plusieurs jeunes débutent l’Université ou une formation supérieure sans savoir ce qu’est un Parlement ni à quoi sert un référendum. Le droit de vote à 16 ans pourrait aussi s’avérer utile pour que les collégien.ne.s ou apprenti.e.s qui en cours se familiarisent avec notre système politique n’aient pas à attendre deux ans avant d’exercer leur droit de vote.

Clarifier les enjeux

En politique, il faut en permanence adapter son langage à son audience. Les politicien.ne.s ont beaucoup de progrès à faire pour rendre leur message compréhensible et accessible. Les élu.e.s pour la plupart ne sont pas des professionnel.le.s. C’est un avantage pour se confronter à la vie professionnelle et être plus proche de ce que vit la population. Mais ce système de milice implique aussi pour les élu.e.s d’éviter le jargon politique, les abréviations incompréhensible pour les non-initiés et de réfléchir à la manière dont ils s’expriment. Il faut que les élu.e.s s’intéressent aux Conseils d’établissements, aux Parlements de jeunes, Commission de jeunes, à tous ces espaces qui de l’enfance à l’entrée dans l’âge adulte, donne aux plus jeunes le goût du débat d’idées. Il faut que les élu.e.s se rendent disponibles pour se rendre dans les établissements scolaires, les collèges, les écoles professionnels, les gymnases et que les enseignant.e.s les y invitent.

Pas de fatalité

Certain.e.s politologues expliquent parfois que les jeunes ne votent pas avant d’avoir des enfants, ne se sentant pas concernés par les enjeux. Je ne me suis jamais satisfait de cette réponse. Elle est d’ailleurs démentie par la plupart des pays qui nous entourent dans lesquels les jeunes votent dans des proportions beaucoup plus significatives dès l’atteinte de la majorité. À 18 ans, les attentes sont aussi nombreuses que lorsque l’on devient parents. Elles sont simplement différentes. Comment financer mes études ? Quel sera mon premier emploi ? Est-ce que j’y trouverai du sens ? Comment trouver un logement accessible pour quitter le cocon familial ? Et surtout, de plus en plus depuis plusieurs mois : quelle action concrète pour le climat ? C’est aux politiques de répondre à ces questions. La nouvelle génération est consciente des difficultés qui l’attendent. Elle a les pieds sur terre. Elle est curieuse et très concernée par ce monde qui vient. Il n’y a pas de fatalité à voir son taux de participation aux votations et élections stagner autour de 30%. Prenons la peine d’écouter et d’entendre ce que les jeunes ont à nous dire pour apporter des réponses concrètes à leurs préoccupations, voilà sans doute encore le meilleur moyen de combattre l’abstentionnisme ambiant des moins de 30 ans.

À suivre le 18.08.2019 : « Jeunes et politique : Leviers et moyens d’action » (épisode 3/4)

-Pour en savoir plus, consultez mon Appel aux jeunes sur mon site internet

-Vous pouvez aussi (re)lire l’épisode 1 du 05.08.2019 « Jeunes et politique : L’éveil »

Jean Tschopp

Juriste de formation, Jean Tschopp est l’auteur d’un livre sur l’accès aux ressources et aux matières premières (Statut et droits collectifs des peuples autochtones, Stämpfli, 2013). Titulaire d’un doctorat en droit international de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), il est depuis 2012, député socialiste au Grand conseil vaudois et vice-président de Groupe depuis 2016. Parallèlement, Jean Tschopp exerce comme responsable conseil (service juridique) à la Fédération romande des consommateurs (FRC)

5 réponses à “Jeunes et politique : Un rendez-vous manqué ? (épisode 2/4)

  1. Merci pour cette très bonne analyse. Et que dites vous du vote dès 16 ans?
    Pourquoi mon père de bientôt 79 ans et qui se dirige vers le crépuscule d’une vie bien remplie ira voter en octobre alors que mon fils de 16 ans doit encore patienter pour élire celles et ceux qui feront “sa” Suisse ces prochaines années???

    1. Merci, Monsieur Furrer. Le droit de vote à 16 ans est une bonne mesure pour que les adolescents familiarisés avec notre système démocratique en salle de classe puissent rapidement en faire usage. À 16 ans, attendre 2 ans avant de pouvoir voter peut paraître très long. Je suis favorable au droit de vote à 16 ans

  2. Tout à fait d’accord avec le droit de vote à 16 ans et aussi avec la remarque de M. Furrer, sur une suppression du droit de vote, franchi la limite d’un certain âge.

    Ne doute pas que ça va en faire bondir certains, voyant ça comme une privation intolérable de “liberté”.
    Mais il me semble injuste que des “vieux” qui seront déjà “loin” lorsqu’une loi ou une mesure entreront en vigueur, puissent influencer ce processus futur pour les jeunes générations.

    Mais il en va de même avec le e-vote, on le voit bien, c’est politique.
    Comme la preuve de maturité des jeunes pour le climat, ce qui n’empêche pas tous les complotistes d’hurler, comme des idiots utiles, à la main-mise étrangère et leur demander une transparence qu’eux-même combattent bec et ongle aux motifs des plus futiles et fallacieux.

    L’exercice démocratique a perdu de sa pertinence, et pas que chez les jeunes, car le discours plein de promesses ne correspond pas ou rarement à la réalité, la faute à qui?

    1. P.S. Pour calculer l’âge limite du droit de voter, c’est assez simple: AVS + 20!
      Ceux qui pronent l’AVS à 67 ans auront ainsi deux années de bonus et pour les mêmes raisons
      hahahahah 🙂

      1. Ce mercredi 14.08 à 07h15, je serai invité du Grand Format de Radio Cité Genève pour aborder l’abstention des jeunes et les moyens de le combattre. La participation des jeunes passe par une place beaucoup plus importante réservée à l’éducation civique dans les programmes de formation

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