@naassomz1

Bonne fête, Papa ?

Bonne fête à tous les papas ! Ce matin en me réveillant, j’ai voulu faire le point sur la condition des pères sous nos latitudes et plus précisément sur le congé paternité, ce serpent de mer de la politique suisse qu’on évoque toujours, mais qui ne se concrétise jamais. Le 23.05.2019, le Conseil fédéral renonçait à entrer en matière sur la proposition de deux semaines de congé paternité de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats. En 2015, la naissance de ma deuxième fille m’a donné droit à cinq jours de congé paternité, de quoi me faire passer pour un privilégié. En Suisse, la plupart des pères n’ont droit qu’à un seul jour pour la naissance de leur enfant (qui ne constitue pas un congé paternité, à proprement parler) contre trois en cas de décès du conjoint ou de son enfant. Tout juste de quoi assister à la naissance de son enfant. Malaise

Nécessité

On voudrait décourager les pères de s’investir dans l’éducation de leurs enfants qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Tous les parents le savent : la naissance d’un enfant est une révolution. Sortir de soi pour focaliser son attention sur son nouveau-né, changement de rythme, nuits rock’n’roll, défi pour le couple, charge mentale … Excepté dans la pub, cette étape de vie intense et extraordinaire à tous points de vue n’a rien d’un long fleuve tranquille. Alors que toutes les femmes de bonne volonté s’apprêtent à défiler en nombre dans les rues de Suisse pour demander un meilleur partage des tâches entre femmes et hommes, il y a quelque chose de totalement anachronique à nier aux pères leur rôle essentiel dans les premières étapes de vie de leurs propres enfants.

Et ailleurs ?

Alors que la situation s’enlise en Suisse, en Europe notamment, les lignes bougent. Point important : alors qu’en Suisse, le congé-paternité est le cheval de bataille des partis de gauche, ailleurs, indépendamment des majorités en place, la situation évolue. Alors que l’Europe du Nord est exemplaire, la condition paternelle progresse également dans le Sud de l’Europe et dans les pays de l’Est. Tour d’horizon non exhaustif

Congé paternité en jours : tableau comparatif – la Suisse bonne dernière

Allemagne Autriche Bulgarie Danemark Espagne Finlande France Grèce
365 365 15 14 56 54 14 2

 

Islande Italie Lituanie Norvège RU Slovénie Suède Suisse
90 2 30 112 14 14 480 1

 

Allemagne : base volontaire et pour un seul parent (congé parental)

Danemark : 224 jours (32 semaines) de congé parental en sus

Espagne : dès 2021, 112 jours (16 semaines), contre 56 jours actuellement (8 semaines)

France : 3 jours à la naissance + 11 jours à prendre dans les 4 mois suivant la naissance

Royaume-Uni (RU) : faible indemnisation

Enfin, l’Union européenne s’apprête à garantir un congé paternité de deux semaines, dans tous ses Etats membres à la suite d’une directive du Parlement et du Conseil adoptée, début 2019.

Et maintenant ?

Tout prochainement (vraisemblablement en 2020, voire 2021), nous voterons sur une initiative populaire fédérale demandant 4 semaines de congé paternité. En 2015, un sondage montrait que 81% de la population suisse était favorable à l’introduction d’un congé paternité. Le financement envisagé repose sur un financement paritaire employeur-employé de l’assurance perte de gain, qui nécessiterait tout au plus un très léger relèvement de la cotisation paritaire. Le Conseil des Etats a ficelé un contre-projet proposant 2 semaines, mais le Conseil fédéral y est défavorable. Dans le cadre de leurs revendications, les collectifs de la Grève des femmes – et les hommes solidaires – demandent, entre autres changements, 8 semaines de congé paternité : une demande mesurée, dans la moyenne de ce qui se fait ailleurs en Europe

Projet de congé paternité en Suisse en semaines : état des lieux

Initiative populaire Commission du Conseil des Etats Conseil fédéral Grève des femmes
4 2 8

 

Jean Tschopp

Juriste de formation, Jean Tschopp est l’auteur d’un livre sur l’accès aux ressources et aux matières premières (Statut et droits collectifs des peuples autochtones, Stämpfli, 2013). Titulaire d’un doctorat en droit international de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), il est depuis 2012, député socialiste au Grand conseil vaudois et vice-président de Groupe depuis 2016. Parallèlement, Jean Tschopp exerce comme responsable conseil (service juridique) à la Fédération romande des consommateurs (FRC)

2 réponses à “Bonne fête, Papa ?

  1. Excellente analyse. Lorsque mon premier enfant est né (et pour le second également), j’ai eu “généreusement” droit à 1 jour de congé. Résultat, avec le stress j’ai provoqué le seul gros accident de ma carrière de conducteur en revenant “en vitesse” de l’hôpital au travail, fort heureusement avec des dégâts matériel seulement. Il serait vraiment temps au XXIème siècle que cela change en Suisse!

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