À table

Et de quatre ! Il n’aura jamais été autant question du contenu de nos assiettes en politique. L’initiative des Jeunesses socialistes contre la spéculation alimentaire et celle de l’Union suisse des paysans (USP) viennent d’aboutir. Au même moment, les Verts et Uniterre lancent leur propre texte.

L’initiative de la Jeunesse socialiste veut interdire la spéculation sur les matières agricoles et les denrées alimentaires. Celle de l’USP pour la sécurité alimentaire demande le renforcement de l’approvisionnement en aliments issus d’une production indigène diversifiée et durable. Le texte des Verts milite pour le commerce équitable, la promotion d’aliments issus d’une production régionale et combat le gaspillage des denrées alimentaires. Enfin, l’initiative d’Uniterre pour la souveraineté alimentaire prône une augmentation des actifs dans l’agriculture, la réintroduction de droits de douane à l’importation et l’interdiction des OGM.

 

Vous reprendrez bien un peu de droit populaire ?

Ce bouquet d’initiative reflète un intérêt sans précédent du consommateur sur l’origine de son alimentation. Protectionnistes, écologistes, soucieuses des conditions de production et de la qualité de notre alimentation : les points communs des quatre textes sont nombreux.

 

Coalition de la faim

En l’espace de deux ans, le peuple pourrait être appelé quatre fois aux urnes sur des initiatives visant le même objectif : soutenir une agriculture locale, voire internationale, qui souffre de plus en plus. Un seul exemple, alors qu’en 1994, les producteurs de lait percevaient 1 franc par litre écoulé, en 2014, ils n’en touchent plus que 56 centimes. Avec quatre initiatives sur le même sujet, le risque est grand de provoquer chez l’électeur un sentiment de satiété. Autre écueil : la division entre partisans de chacune des initiatives, qui, au final, conduirait au rejet des quatre textes.

Paysans, locavores, adeptes des jardins improvisés sur leurs balcons et bobos inconditionnels du panier bio, auront intérêt à jouer la même partition en appelant à dire oui aux quatre initiatives. Quant aux politiciens sous la Coupole fédérale, on rêve d’alliances inattendues, capables de faire bouger les lignes. Une coalition de la faim à la hauteur des enjeux !

Jean Tschopp

Juriste de formation, Jean Tschopp est l’auteur d’un livre sur l’accès aux ressources et aux matières premières (Statut et droits collectifs des peuples autochtones, Stämpfli, 2013). Titulaire d’un doctorat en droit international de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), il est depuis 2012, député socialiste au Grand conseil vaudois et vice-président de Groupe depuis 2016. Parallèlement, Jean Tschopp exerce comme responsable conseil (service juridique) à la Fédération romande des consommateurs (FRC)