Les impératifs catégoriques de la Jeunesse socialiste

A l’heure où l’abstention massive des moins de 30 ans apparaît comme l’une des causes de la défaite du scrutin du 9 février (lire L’Hebdo du 10/04/2014), une Jeunesse de parti apparaît de plus en plus comme une force de proposition incontournable dans le paysage politique suisse. Tout juste sortie de la campagne 1 : 12, la Jeunesse socialiste suisse vient de déposer 117'000 signatures pour son initiative contre la spéculation sur les biens alimentaires. En près de 170 ans de fédéralisme, aucune Jeunesse de parti n’était parvenu à faire aboutir une initiative populaire fédéral. En moins de trois ans, la Jeunesse socialiste suisse le fait coup sur coup.

En 2016, nous voterons sur l’initiative contre la spéculation alimentaire. Au cœur de l’initiative, l’interdiction de la spéculation sur les matières agricoles et les denrées alimentaires. Négociants, banques, assureurs, fonds de placement et gestionnaires de fortune auraient l’interdiction d’investir pour eux même ou leur clientèle dans des instruments financiers se rapportant à des matières premières agricoles et à des denrées alimentaires. Ceux qui passeraient outre cette interdiction s’exposeraient à des poursuites pénales.

Fluctuations records

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), depuis 2005 les indices des prix sur les matières premières fluctuent deux fois plus qu’entre 1995 et 2005. En 2008, cette fluctuation a été l’une des causes majeures d’une crise alimentaire sans précédent. A tel point qu’Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation a fait de la régulation des marchés agricoles la première de ses priorités pour assurer la sécurité alimentaire. «Agis seulement d'après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle». La Jeunesse socialiste a placé cette maxime kantienne – l’impératif catégorique – au cœur de sa politique.

Les spécialistes auto-proclamés du domaine ne manqueront pas d’affirmer que la régulation de la finance, internationale par définition, ne peut se faire à l’échelle d’un seul pays. Il n’empêche qu’il faudra bien débuter quelque part. Avec ses 500 entreprises actives dans le négoce des matières premières, la Suisse n’est pas l’Etat le plus mal choisi pour enfin encadrer cette spéculation funeste sur le dos de celles et ceux qui ne mangent pas à leur faim.

Jean Tschopp

Juriste de formation, Jean Tschopp est l’auteur d’un livre sur l’accès aux ressources et aux matières premières (Statut et droits collectifs des peuples autochtones, Stämpfli, 2013). Titulaire d’un doctorat en droit international de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), il est depuis 2012, député socialiste au Grand conseil vaudois et vice-président de Groupe depuis 2016. Parallèlement, Jean Tschopp exerce comme responsable conseil (service juridique) à la Fédération romande des consommateurs (FRC)