À partir de l’été 1943, l’Italie devint le théâtre d’affrontements militaires acharnés. Les perspectives d’un effondrement militaire italien après le débarquement allié en Sicile provoquèrent la destitution du Duce le 25 juillet et son incarcération par le roi Victor-Emmanuel III. Formellement, le nouveau gouvernement dirigé par le vieux Maréchal Badoglio continuait la guerre aux côtés de Hitler, mais secrètement, il cherchait à s’extirper du conflit. Le 8 septembre, il signa donc l’armistice avec les Alliés à l’insu des Allemands. Ces derniers réagirent en occupant l’Italie ainsi que les positions italiennes en Yougoslavie et en Grèce. L’invasion allemande entraîna aussitôt les premiers massacres de ressortissants juifs et la formation des groupes partisans en Italie.
Le 12 septembre 1943, les commandos nazis parvinrent à libérer le Duce emprisonné à Campo Imperatore au Gran Sasso. En contrepartie, ce dernier fut contraint par Hitler à diriger une république fantoche, mieux connue sous le nom de république de Salò.
Après avoir été longuement bloqués par les Allemands à Montecassino, entre Naples et Rome, les Alliés purent enfin remonter la botte. Ils entrèrent dans la capitale le 5 juin 1944 et continuèrent leur avancée vers l’Italie du Nord. Le 13 août, Florence était libérée, suivie par Rimini le 22 septembre. Pour les Italiens, la délivrance finale de tout le pays n’était plus qu’une question de mois.
Dans l’obscurité d’une guerre sans fin, une lueur d’espoir et d’humanité se mit alors à briller juste au-delà du Simplon.
C’est dans un tel contexte d’optimisme que les partisans opérant en Italie septentrionale parvinrent à contrôler quelques portions de territoire en attendant une arrivée des troupes alliées qu’ils jugeaient imminente.Dans l’obscurité d’une guerre sans fin, une lueur d’espoir et d’humanité se mit alors à briller juste au-delà du Simplon.
Sont-ils nombreux les Suisses qui se rendent en Italie à connaître l’épopée de l’éphémère république d’Ossola ? Le doute est permis. Pourtant, en automne 1944, les groupes de partisans opérant dans cette région limitrophe du Tessin et du Valais, étaient parvenus à chasser les troupes nazifascistes d’un territoire de 1600 km2, comptant 80.000 habitants, et à y établir un gouvernement parfaitement fonctionnel dans une Europe encore largement sous le joug de Hitler.
Malheureusement, cette noble utopie tourna court pour de multiples raisons.
Certes, cette expérience ne durera que quarante jours, du 10 septembre au 20 octobre 1944, mais ce furent quarante jours d’une liberté retrouvée. Les dirigeants de ce petit territoire instaurèrent des institutions démocratiques durables censées préfigurer celles d’une Italie postfasciste. Malheureusement, cette noble utopie tourna court pour de multiples raisons.
Tout d’abord, sur le plan externe, elle ne reçut pas le soutien escompté des Alliés, malgré quelques vagues promesses de leurs représentants en Suisse. Le gouvernement provisoire à Domodossola avait pourtant aménagé deux pistes d’atterrissage pour accueillir des troupes alliées qui auraient pu attaquer les Allemands à revers. Certes, il y eut quelques parachutages d’armement, mais bien insuffisants pour empêcher un retour en force des troupes nazifascistes.
En effet, Churchill et Eisenhower ne soutenaient pas une autorité issue d’une victoire partisane. Un rôle prédominant des résistants dans la refondation du pays n’était pas à l’ordre du jour. Les dirigeants alliés redoutaient une main mise communiste, préalable d’une guerre civile comme en Grèce ou en Yougoslavie. Pour ne rien arranger, les priorités opérationnelles alliées se concentraient désormais sur la campagne de France et les parachutages sur une Varsovie en insurrection. Dès lors, la campagne d’Italie allait se prolonger plus longtemps que prévu.
Sur le plan interne, la cohabitation s’avéra compliquée entre les différentes factions partisanes, communistes, socialistes, royalistes ou démo-chrétiennes qui soutenaient le gouvernement provisoire. Malgré ces vents contraires, les dirigeants ossolans avaient sincèrement crû en leur projet démocratique, convaincus de pouvoir tenir jusqu’à l’arrivée des troupes alliées.
Le gouvernement provisoire de la République n’avait aucune chance de survivre à une contre-offensive allemande.
La réalité fut autrement plus tragique. Ignoré des Alliés, affaibli par des bisbilles internes, le gouvernement provisoire de la République n’avait aucune chance de survivre à une contre-offensive allemande. Malgré la résistance héroïque des troupes partisanes, le sort de la République d’Ossola fut scellé le 20 octobre, lorsque les dirigeants de l’éphémère république franchirent la frontière helvétique en compagnie de nombreux partisans à bout de forces. Que pouvaient-ils faire ces quelque trois mille combattants mal équipés, à court de munitions, contre quinze mille nazifascistes dotés de tout l’armement nécessaire ?
Le seul véritable soutien externe provint de la Suisse qui envoya vivres et secours à la population.
Pendant la brève existence de la République d’Ossola, le seul véritable soutien externe provint de la Suisse qui envoya vivres et secours à la population. Après la défaite militaire, partisans et dirigeants purent trouver refuge en Suisse. Plus de deux mille enfants de l’Ossola furent évacués et acceuillis chez des familles en Suisse grâce à une opération de la Croix Rouge suisse.
Cette histoire d’utopies, de courage, d’héroïsme et de solidarité, ne mérite pas de tomber dans l’oubli. J’y reviendrai plus en détail au cours de mes prochains blogs.
Passionnant, merci, que de choses que je ne savais pas.
Cet épisode est très bien raconté dans la dernière partie de « Le cheval rouge » d’Eugenio Corti. Un immense livre qui gagne à être connu.
En effet, vous avez tout-à-fait raison. Le cheval rouge est une œuvre monumentale qui doit être lue par toute personne qui s’intéresse à cette période de l’histoire italienne.
Merci pour cet article qui m’a fait découvrir un événement dont, comme beaucoup de lecteurs, j’ignorais totalement l’existence.
Dans les années 94-97, à l’occasion d’un séjour en Albanie pour le programme PHARE de l’Union Européenne, j’ai été surpris de découvrir à Korça, une importante proportion de francophones. Renseignements pris, dans les années qui ont suivi la guerre de 14-18, a existé une République Libre de Korça dont la langue devait être le Français. Il existe encore une école qui fut le Collège Français de Korça et où l’enseignement était donné en Français.
Je signale en passant que Korça est une très belle petite ville avec un important patrimoine historique, le tout dans un environnement naturel superbe.
Merci pour votre commentaire et je suis ravi que mon blog ait suscité votre intérêt. La suite viendra dans quelques semaines.
Merci également de partager votre information sur Korça. J’ignorai l’existence d’une république libre dans cette partie des Balkans. À creuser…
Cher Monsieur, merci de cet article qui apporte un éclairage remarquable sur des faits que j’ignorais. Voilà une page d’histoire qui pourrait nourrir des négociations pour la paix aujourd’hui.