Utopies: pourquoi pas un monument au Civil Inconnu à Genève ?

Hélas, le martyr des civils dans le monde n’est pas prêt de se terminer. Il vient nous rappeler, si besoin était, que les conflits modernes frappent en premier lieu une population prise en otage par les forces belligérantes, qu’elles soient gouvernementales ou insurgées. Les violations du droit international humanitaire, censé protéger également les civils, ne se comptent plus. Aucun continent n’est épargné. Malgré un arsenal de conventions, de traités et d’institutions internationales ou non-gouvernementales, le sort des civils semble devoir se précariser à chaque nouveau conflit.

Maigre consolation, mais consolation tout de même, les graves infractions au droit international humanitaire restent dûment recensées dans l’espoir, qu’un jour ou l’autre, les coupables de telles violations répondront de leurs actes devant une instance judiciaire internationale. L’effet dissuasif semble toutefois négligeable, vu les rapports dramatiques qui nous parviennent au quotidien des quatre coins du globe. Au-delà des indignations, souvent sélectives et ponctuelles, il conviendrait de frapper les esprits, dans un pur esprit humanitaire, sur le sort particulièrement tragique réservé aux civils au cours de ces dernières décennies.

La plupart des visites officielles dans le monde commencent par le dépôt d’une gerbe sur la tombe du Soldat Inconnu. Une cérémonie solennelle vient régulièrement honorer la mémoire des soldats morts pour la patrie. Par leur sacrifice ultime, ils ont sauvegardé leur pays. Ils ne peuvent tomber dans l’oubli. Ils méritent honneurs et respect.

La Suisse a fort heureusement été épargnée par les boucheries des deux guerres mondiales. À l’occasion de visites d’État en Suisse, nos hôtes n’ont donc pas à se plier à un tel rituel. Alors, pourquoi ne serait-il pas possible de concevoir un monument qui permettrait d’honorer les millions de victimes, principalement des femmes et des enfants tombés dans les Balkans, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et dans les Amériques, dont le seul tort était de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment?

Dans une telle perspective, au moment où certaines agences humanitaires délaissent la Cité de Calvin, la Suisse et Genève pourraient renforcer leur position de pôle mondial de l’humanitaire en érigeant un monument au Civil Inconnu, devant lequel viendraient s’incliner les personnalités de passage en Suisse et dans la cité de Calvin.

Il existe bien à Genève des monuments honorant la mémoire de populations civiles spécifiques, mais aucun ne réunit symboliquement, en un même lieu, toutes les victimes sans distinction de nationalité, de race, de couleur ou de religion. Ces victimes-là méritent également que les grands de ce monde viennent s’incliner et méditer, ne serait-ce que très brièvement, sur les conséquences de leurs actes. Il existe un seul endroit au monde où un tel monument prendrait toute sa dimension humanitaire : il s’agit de Genève en Suisse !

 

Réactualisation d’un article publié dans Le Temps le  20.08.2012

Jean-Noël Wetterwald

Jean-Noël Wetterwald a travaillé 34 années pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés. Il a servi au Vietnam, au Cambodge, à Hong Kong, au Chili, au Guatemala, en Colombie, en Bosnie et plus récemment en Ukraine. Il a publié trois livres: d'exils, d'espoirs et d'aventures en 2014,le Nouveau roi de Naples en 2017 et tout récemment : témoin d'une déchéance. Contributions occasionnelles à la page d'opinions du «Temps». Il est aussi débriefeur à Canal 9.

3 réponses à “Utopies: pourquoi pas un monument au Civil Inconnu à Genève ?

  1. Comme monument, j’imagine bien que la pièce centrale soit un miroir. En regardant notre reflet, on y voit une potentielle victime et pour certains dirigeant, un responsable.
    Mais à mon avis, si on veut rendre un hommage, ce serait que l’ONU demande de faire fonctionner des sirènes une fois par année dans les villes où se trouvent des institutions onusiennes. La date devrait correspondre à la destruction d’une ville, peut-être la première de l’ère moderne.

    Un hommage ne changerait guère les choses, et certainement pas la montée des menaces dans le monde. Mais pour les familles des victimes, ce serait peut-être un réconfort que le monde se rappelle symboliquement de l’existence des disparus.

    1. Je ne saurais être plus d’accord avec vous. Cette idée me trotte dans la tête depuis quelques anneés.J’ai publié un premier article en 2012 sans grand succès ! Entre temps, il semblerait que Handicap International se soit également emparé d’un concept similaire, mais Genève me paraît être la seule ville au monde légitimée pour abriter un tel monument. Votre proposition concernant le miroir me paraît géniale !

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