La Suisse est appelée à participer aux sauvetages en Méditerranée

Au cours des six premiers mois de cette année, les demandes d’asile en Suisse ont baissé de 10% par rapport à 2018 s’élevant à 7’029 demandes d’asile (1). C’est une baisse disproportionnée par rapport au nombre croissant de personnes déplacées dans le monde et aux nouvelles arrivées de réfugiés bloqués en Grèce, en Libye et en Turquie.

Sans réagir aux actualités sombres des mois de juillet et août en Méditerranée et en Libye, Madame Karin Keller-Sutter, Conseillère fédérale de justice et police annonçait en juillet devoir baisser les capacités d’hébergement pour les requérants d’asile et donc fermer certains centres fédéraux (2).

On peut déplorer le mauvais “timing” de l’annonce.

Au même moment, une pétition était lancée pour demander au Conseil fédéral et au Parlement de prendre des mesures concrètes en faveur des personnes en détresse en mer Méditerranée comme la France, l’Allemagne, l’Espagne, Malte, le Portugal, ou même les Pays Basla Finlande et le Luxembourg.

Pourquoi fermer des centres alors que la Suisse est capable d’en accueillir davantage?

Concrètement le Conseil fédéral devrait plutôt offrir d’élargir son contingent de réinstallation au-delà des 800 places promises en 2019 ou proposer d’accueillir les réfugiés bloqués sur les navires humanitaires bondés et tenus à distance des côtes italiennes.

L’inaction du Conseil fédéral cet été au pic de la crise était malvenue pour un pays si fier de sa tradition humanitaire.

A la veille de la réunion ministérielle qui devrait se tenir à Malte le 19 septembre prochain, plusieurs ONG suisses demandent à la Suisse de proposer des solutions humanitaires de répartition des réfugiés sauvés en Méditerranée et de jouer un rôle actif dans les prochaines délibérations européennes destinées à remplacer le système Dublin

Des actions concrètes envers les personnes sauvées en Méditerranée

 

Ainsi, jeudi 29 août 2019, plusieurs organisations non-gouvernementales suisses ont adressé une lettre à Madame Karin Keller-Sutter lui demandant de s’engager pour que la Suisse “soit au premier rang et assume ses responsabilités en matière de protection des réfugiés et de respect des droits humains”. 

Tout en soulignant l’engagement et la tradition humanitaire de la Suisse, Amnesty International, Caritas Suisse, la Croix-Rouge suisse, l’Entraide protestante suisse (EPER), l’Oeuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO), l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et l’Union Suisse des Comités d’Entraide Juive (VSJF), dénoncent la politique des Etats européens visant à contenir l’arrivée de nouveaux réfugiés. Ils rappellent que le secours aux personnes en détresse en mer est une obligation en droit international. Ils encouragent la Suisse à jouer un rôle actif dans l’instauration d’un mécanisme européen d’attribution des personnes sauvées en Méditerranée. 

La Suisse doit aussi renforcer l’aide d’urgence en Libye, faire en sorte que les réfugiés détenus sur place puissent être évacués au plus vite, augmenter rapidement ses contingents de réinstallation et encourager l’aménagement du dispositif de réinstallation suffisamment tôt sur les routes migratoires. Enfin, Amnesty International, Caritas Suisse, la Croix-Rouge suisse, l’Entraide protestante suisse (EPER), l’Oeuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO), l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) et l’Union Suisse des Comités d’Entraide Juive (VSJF) appellent les autorités à prendre des mesures pour  participer à la mise en place d’un système durable de sauvetage en mer. 

 

Le système de répartition suisse des requérants d’asile à l’échelle européenne?

 

Madame Karin Keller-Sutter et son Secrétaire d’Etat, Monsieur Mario Gattiker seront tentés de fournir une réponse “langue de bois”. C’est l’habitude dans ce domaine, et puis nous ne sommes plus très loin des élections fédérales.

Cependant derrière la façade, il se trouve que la Suisse profite beaucoup et depuis des années du système Dublin. Il serait préférable qu’elle n’attende pas d’être “forcée” de se plier à un nouveau système européen d’asile sans y mettre son grain de sel. La seule façon d’éviter un “diktat” serait naturellement de participer activement à l’élaboration du nouveau système d’asile européen souhaité par Ursula von der Leyen, élue Présidente de la Commission européenne en juillet dernier. Elle-même s’est prononcée en faveur d’une réforme du règlement Dublin responsable de surcharger injustement les pays frontières de l’Union européenne comme la Grèce (3), l’Italie et l’Espagne. Cette question est en tête de liste des tâches à accomplir pour la nouvelle présidente de la Commission européenne, qui commencera son travail au mois de novembre. Elle devra trouver un compromis avec les Etats les plus récalcitrants à tout changement comme la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Croatie. La Suisse peut l’aider à y parvenir. Elle a un rôle déterminant dans l’élaboration d’un système de répartition respectueux des droits fondamentaux  des requérants d’asile arrivant en Europe. 

 

Voici quelques récentes nouvelles sur le sujet:

Greece moves 1400 asylum-seekers from crowded Lesbos camp as migrant numbers climb


  1. Les principaux pays de provenance des requérants ayant demandé l’asile en Suisse ont été l’Érythrée, l’Afghanistan, le Sri Lanka, la Turquie et la Syrie. 
  2. Au mois de juillet la RTS annonçait que la Confédération disposait de plus de 4000 lits dans les centres existants et les abris temporaires mais que moins de 50% des lits étaient occupés à la fin juin. Les plans “nouvelle procédure” de la Confédération prévoient pourtant d’étendre les capacités à 5000 lits mais cela sera stoppé avec la baisse des demandes. D’ailleurs plusieurs cantons ont déjà fermé l’an dernier certains de leurs centres.
  3. En août, la Grèce a appelé l’UE à l’aide devant l’augmentation des arrivées de réfugiés. Il y a quelques jours, 600 réfugiés d’Afghanistan sont arrivés à Lesvos et le gouvernement grecque vient d’annoncer des mesures de raccourcissement de la procédure d’asile et des mesures pour accélérer les renvois vers la Turquie.

Jasmine Caye

Avec une expérience juridique auprès des requérants d'asile à l'aéroport de Genève, Jasmine Caye aime décrypter l'information sur les réfugiés et les questions de migration. Elle a présidé le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM) et continue d'assister des personnes en procédure d'asile. Les articles sur ce blog paraissent en version courte sur un autre blog ForumAsile.

2 réponses à “La Suisse est appelée à participer aux sauvetages en Méditerranée

  1. Effectivement, la politique du Conseil Federal en la matière, ces derniers mois, n’est pas glorieuse. Notre savoir faire Humanitaire et notre réputation sur l’aide aux réfugiés, sont sérieusement mis à mal. De plus, comme vous l’écrivez si bien, nous avons plus de 2’000 lits “froids”!
    Il est vrai qu’en cette période pré-électorale, et aux vues des résultats des scrutins dans divers pays, comme dans deux Länder en Allemagne, la semaine dernière, l’Europe ne va pas dans le bon sens. Il faut garder espoir, que la “langue de bois” pratiquée ces temps, s’estompera pour une politique plus volontaire sur les réfugiés. La situation en mer et dans certains pays comme la Grèce, est extrêmement peu Humaine et difficile tant pour les locaux comme pour ceux qui arrivent.
    Cependant, le travail se complique et les mesures d’intégration sont mises à mal, dès que des événements impliquant des réfugiés se passent, comme le weekend dernier à Lyon. Mais nous devons regarder devant nous, et n’oublions pas toute la détresse que nous pouvons un peu soulager, en plus de nos obligations tant morales que juridique, comme vous le mentionnez.

    Bravo pour votre article et votre engagement.

  2. Adapter rapidement la capacité d’accueil vers le bas dès que le nombre des arrivées diminue, puis attendre lorsqu’il augmente à nouveau, est une manière de ne pas montrer la porte trop grande ouverte…

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