“On her Shoulders” d’Alexandria Bombach fera l’ouverture du Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) le 8 mars. Ce film revient sur le parcours de Nadia Murad, ancienne esclave sexuelle du groupe Etat islamique, désormais réfugiée en Allemagne.
Nadia Murad est née en 1993 à Kocho, un village près de Sinjar en Irak. Elle appartient à la minorité religieuse yézidie dont elle est le porte-voix aujourd’hui. Elle est co-lauréate avec Denis Mukwege du Prix Nobel de la Paix 2018 (1) pour son effort visant à mettre fin à l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre.
Activiste malgré elle
Nadia Murad a décidé de raconter son histoire dès son arrivée en Allemagne en 2015. Dans une interview récente, Alexandria Bombach explique qu’elle a cherché à montrer le combat d’une activiste souvent démunie face aux questions des médias et des politiciens. Car, pour être entendue en Europe, elle a dû régulièrement exposer les viols subis et se soumettre au “déshabillage médiatique”.
“Nadia Murad a pris la responsabilité de ce rôle parce qu’elle le devait. Elle est une activiste malgré elle, réticente (…) J’ai voulu dans ce documentaire montrer ce que lui coûtait de raconter encore et encore son histoire.”
Que s’est-il passé à Sinjar en août 2014?
Sinjar est une ville située dans le nord-ouest de l’Irak, proche de la frontière syrienne. La ville est un haut lieu de la religion yézidie. Le 3 août 2014 restera certainement l’un des jours les plus sombres pour la communauté yézidie d’Irak. C’est le début de la seconde guerre civile irakienne. Les milices armées du groupe État islamique s’emparent de la ville délaissée par les peshmergas du Gouvernement régional du Kurdistan qui se replient dans les montagnes pour attendre des renforts. La population civile est abandonnée à Daech et désormais en proie aux pires exactions.
Durant plusieurs jours, les Yézidis sont forcés de se convertir à l’islam mais ils résistent. Le 15 août tous les habitants du quartier où vivent Nadia et sa famille sont convoqués dans une école locale. Là, les femmes, les filles et les enfants sont séparés des hommes et emmenés à l’étage. Quelques hommes et adolescents sont massacrés dans la cour, tués par balle ou décapités, d’autres sont emmenés ailleurs. Six frères de Nadia périssent ce jour-là.
Lire aussi le rapport sur le génocide à Sinjar “In the Aftermath of Sinjar“, 2018, Nadia’s Initiative
Nadia est séparée de sa mère et emmenée, avec ses deux sœurs, ses cousines, ses nièces et les autres femmes et enfants du village, à Mossoul, conquise deux mois plus tôt. Puis elle est vendue comme esclave, violée par un commandant puis par ses gardes du corps. Les sévices ont lieu jours et nuit durant plusieurs semaines. Juste avant d’être revendue sur un marché, elle parvient à s’échapper et reçoit l’accueil d’une famille irakienne de Mossoul qui la cache pendant deux semaines. C’est grâce aux papiers d’identité de leur fille qu’elle parvient à rejoindre l’un de ses frères puis un camp de réfugiés près de Dahuk où deux de ses sœurs la rejoignent. En septembre 2015, grâce à une organisation d’aide aux yézidis, elle retrouvera sa soeur en Allemagne où elle réside actuellement (2).
En décembre 2015, elle s’exprime pour la première fois devant le Conseil de sécurité des Nations unies, critique la passivité de la communauté internationale et lui demande d’intervenir contre l’État islamique qu’elle accuse, preuves à l’appui, de génocide. Elle devient ambassadrice de bonne volonté des Nations unies pour la dignité des victimes du trafic d’êtres humains, le 16 septembre 2016.
Son témoignage sur France 24 en octobre 2018 est bouleversant.
Aujourd’hui 3 000 Yézidis sont portés disparus
Le groupe État islamique serait responsable de la mort d’environ 5 000 Yézidis et de l’enlèvement de près de 6 500 femmes, hommes et enfants. Plus de 3 000 membres de la communauté sont toujours portés disparus.
Différentes enquêtes de l’ONU en Irak et en Syrie ont confirmé l’ampleur des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et probablement crimes de génocide commis contre les yézidis.
Depuis quelques jours, les Forces démocratiques syriennes (FDS) assiègent le dernier bastion armé de Daech dans le village de Baghouz (est syrien). Les témoignages de violences continuent d’affluer, des charniers continuent d’être découverts et 50 corps de filles et de femmes décapitées gisants au sol viennent d’être découverts.
Alors, peut-être bien que les violences subies par Nadia Murad ne sont que la pointe de l’iceberg. Nadia Murad continue son combat et lance encore un appel à l’intensification des recherches et des enquêtes sur le terrain qui seront, espérons-le, facilités avec la chute imminente du groupe Etat islamique.
(1) Elle est aussi lauréate du prix Sakharov qu’elle a reçu en 2016
(2) Nadia Murad est l’auteur d’un livre “The Last Girl” publié en novembre 2017 et traduit en français “Pour que je sois la dernière” (février 2018).
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Courage à elle!!
Elle porte admirablement la cause des réfugiées.
Et qu’en est-il des jeunes filles nigérianes qui avaient été kidnappées et vendues en esclaves? et dont la secrétaire d’état américaine avait promis qu’elles ne seraient pas oubliées?