Le All Party Parliamentary Group sur le trafic de personnes et l’esclavage moderne s’est penché minutieusement sur les conditions des requérants mineurs non-accompagnés à Calais afin de comprendre ce qui les incitait à vouloir rejoindre l’Angleterre. C’est sur les informations récoltées auprès de 86 mineurs par le « Refugee Rights Data Project (RRDP) » entre le 5 et le 9 avril 2017 que le groupe parlementaire s’est basé. Les résultats de cette enquête sont sans appels : à Calais et dans les environs la plupart des jeunes ont été victimes de violences policières soit lors d’arrestations, soit durant une période de détention soit pendant leurs interactions avec la police française. L’enquête révélée dans un rapport de 60 pages publié par une fondation anglaise (« Human Trafficking Foundation »), aboutit à la conclusion que les procédures d’entrée légale en Angleterre pour les mineurs non-accompagnés bloqués à Calais doivent être rapidement améliorées.
Les mineurs isolés ne reçoivent pas d’information sur la procédure d’asile
Selon le All Party Parliamentary Group, les témoignages des mineurs interrogés sont graves et démontrent l’incompétence mais aussi le manque de volonté du côté français et anglais pour améliorer la situation déplorable des mineurs isolés à Calais. Sur le 86 mineurs interrogés seulement 28% sont passés par des centres d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés (CAOMI), 33% ont de la famille en Angleterre, 97% ont subi des violences policières dans la région de Calais, seulement 17% ont reçu de l’information sur leurs droits et les possibilités de changer leur situation et seulement 5% des mineurs non-accompagnés ont bénéficié d’une information sur le droit européen en matière de migration i.e. règlement Dublin.
La violence policière, un facteur d’incitation principal au trafic de mineurs non-accompagnés
L’enquête se concentre sur trois axes, le plan Dubs de mai 2016 qui devait facilité l’arrivée de 3’000 mineurs non-accompagnés d’Europe mais qui fut volontairement avorté par le gouvernement en février dernier, le trafic de personnes et d’enfants vietnamiens de France en Angleterre grâce à un réseau basé à « Vietnam City » un campement dans la forêt d’Angres et la violence policière en France qui est un facteur d’incitation principal au trafic de mineurs non-accompagnés selon les auteurs et les signataires du rapport dont deux membres de la Chambre des Lords. Les points forts du rapport sont les témoignages retranscris des jeunes mineurs isolés de Syrie, d’Afghanistan et d’Erythrée qui ont finalement pu rejoindre l’Angleterre et ceux d’autres jeunes qui ont subi des procédures anormalement longues. Pour les auteurs du rapport les requérants isolés laissés sans assistance appropriée deviennent rapidement les proies des passeurs.
Le rapport de Human rights watch
Un autre rapport de Human Rights Watch vient d’être publié et fait aussi état de violences policières à l’égard des requérants d’asile mineurs dans la région de Calais et Dunkerque. L’organisation a mené des entretiens avec plus de 60 requérants d’asile et auprès de travailleurs humanitaires actifs dans cette zone.
Selon Human Rights Watch « les policiers à Calais, en particulier les Compagnies républicaines de sécurité (CRS), font un usage courant de gaz poivre sur des migrants, enfants et adultes, alors qu’ils sont endormis, ou dans d’autres situations où ils ne présentent aucune menace ; qu’ils aspergent de ce gaz ou confisquent des sacs de couchage, des couvertures et des vêtements ; et que parfois, ils pulvérisent du gaz sur la nourriture et l’eau des migrants. Les policiers perturbent également la délivrance d’assistance humanitaire. Les abus policiers ont un impact négatif sur l’accès aux services de protection de l’enfance et sur la volonté de migrants et leur capacité de déposer une demande d’asile. »
En mars 2017, les autorités politiques ont interdit aux associations humanitaires de distribuer de la nourriture, de l’eau, des couvertures et des vêtements aux demandeurs d’asile mais elles se sont confrontées aux décisions de justice et au Défenseur des droits, Jacques Toubon, qui ont condamné les mesures prises par les autorités locales. Résultat : une seule distribution d’aide humanitaire par jour, d’une durée de deux heures est autorisée depuis fin juin dans un lieu précis. Les autres distributions d’assistance humanitaire sont régulièrement perturbées par les policiers.
A Calais, les intimidations et les violences à l’égard des requérants d’asile ne sont pas nouvelles. Déjà en 2014, les chercheurs de Human Rights Watch revenaient choqués par les témoignages recueillis. Calais est l’exemple parfait d’une politique dissuasive qui ne fonctionne pas parce qu’elle concerne des personnes en mode de survie qui ont de sérieux motifs d’asile et qui en plus ne reçoivent pas l’assistance de base nécessaire ni les informations juridiques qui s’imposent.
Calais : le contre-exemple européen
Il est temps pour le président Emmanuel Macron de mettre en œuvre « l’adoption d’une approche humaine à la question des réfugiés et des demandeurs d’asile ». Son gouvernement vient d’annoncé des initiatives « visant à améliorer l’accès aux procédures de demande d’asile et à fournir des logements supplémentaires et d’autres aides aux demandeurs d’asile et aux enfants non accompagnés. » Dans son rapport, Human Rights Watch propose quelques idées au ministère de l’Intérieur : lever les obstacles à l’accès aux services de protection des réfugiés et ouvrir un guichet unique pour les demandes d’asile à Calais, collaborer avec les associations humanitaires pour assurer un hébergement pour tous les demandeurs d’asile et enfin garantir aux enfants migrants non accompagnés un accès aux services de protection de l’enfance.
A relire ces conseils on tombe des nues : sommes-nous en France ?