La Suisse est en retard sur les autres pays européens concernant l’offre d’applications mobiles destinée aux réfugiés. Dans ce domaine, c’est surtout l’Allemagne qui mène le bal de la créativité technologique. Designers, développeurs, ONG et spécialistes de l’assistance aux réfugiés sont les créateurs de ces applications mobiles.
Ils se réunissent quelques fois en « hackatons » ou marathon de hackeurs (développeurs) pour élaborer les meilleures applications mobiles. En ce moment, c’est l’organisation Techfugees qui fait beaucoup parler d’elle car elle ambitionne d’allier le monde technologique et les besoins des réfugiés. Techfugees est une plateforme médiatique permettant l’échange sur les technologies destinées aux réfugiés et l’organisation d’évènements (conférences, séminaires et hackatons) pour répondre aux besoins des personnes migrantes. Techfugees a des antennes en Australie, Belgique, Emirats arabes unis, Espagne, France, Grèce, Hollande, Serbie et Turquie. La Suisse est absente de ce groupe ce qui est étonnant.
Les difficultés sur le terrain force la créativité technologique
Parmi les pionniers dans l’offre d’applications mobiles, un couple hongrois a lancé durant l’été 2015, au pic de la crise migratoire dans les Balkans, l’application mobile InfoAid qui fournit des informations en arabe, farsi, pashto et ourdou utiles aux personnes migrantes. Elle a d’ailleurs aussi sauvé des vies, renseignant sur les champignons mortels à éviter suite à des empoisonnements graves de personnes traversant les Balkans à pied.
En Turquie, un réfugié syrien du nom de Mojanhed Akil, 26 ans, a récemment lancé une application mobile android qui a été téléchargée plus de 40’000 fois. Cette application appelée Gherntna (« solitude en exil ») permet aux syriens de naviguer dans leur nouvelle vie en Turquie. Elle a eu tellement de succès que Mojanhed Akil a été invité par Google à la présenter par vidéo conférence lors d’une réunion de développeurs à Mountain View en Californie.
En Allemagne, Munzer Khattab et Ghaith Zamrik deux jeunes réfugiés syriens ont eu beaucoup de mal avec la bureaucratie allemande. Ils ont, avec quatre autres réfugiés, développé « Bureaucrazy » qui est sur le point de sortir en Allemagne et qui permettra de faciliter les démarches auprès des instances étatiques.
Pendant ce temps en Suisse
La Suisse observe ses pays voisins. Du côté des institutions en charge des requérants d’asile, certaines réactions sont défensives et mitigées ou carrément positives mais un peu tardives tout de même. Il faut dire qu’une application mobile doit être bien pensée sinon elle ne servira jamais et l’effort n’aura servi qu’à brasser du vent pour se mettre en avant.
Parmi les institutions positives qui sont à l’étude de projets sérieux d’application mobiles, il y a le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) dont la porte-parole, Céline Kohlprath, revient juste d’Allemagne où elle a constaté l’avance technologique de l’Etat fédéral et des Länder à ce sujet. L’Hospice-général qui souhaite être « un acteur du mieux vivre ensemble » selon les propos d’Anne Nouspikel, responsable de la communication, envisage sérieusement l’élaboration d’une application mobile pour, par exemple, créé une plateforme d’échange de compétences entre les personnes migrantes et les habitants de Genève (bénévoles, étudiants, associations etc).
Au SEM et à l’Hospice-général la réflexion porte aussi sur une application mobile qui faciliterait l’accès des requérants d’asile à leurs dossiers personnels, aux courriers administratifs par exemple, mais cela soulève des problèmes de protection de données personnelles.
Une perle rare
Mais nous avons une perle rare qui travaille déjà sur plusieurs projets d’applications mobiles au service des réfugiés. Judith Hunziker est Suisse. Elle s’est formée à la HEAD en Communication visuelle et elle a participé à plusieurs séminaires et hackatons technologiques en Allemagne et au Danemark dont deux projets respectifs sont issus, le projet « Amikeco » et le projet « Sport-Bridge », en cours de finalisation. Elle est basée à Leipzig où elle suit des cours de programmation. Avec le soutien de Fanny Giordano, camarade d’étude, elle a élaboré une application mobile suisse appelée « WELCOME » dont l’objectif est de faciliter les contacts entre les locaux et les requérants d’asile par le biais d’activités sportives, culturelles, culinaires etc.
« Je dois encore affiner ce projet, trouver une équipe de développeurs, des institutions qui me soutiennent dans la conception et le financement d’un tel projet afin de le concrétiser, mais je suis convaincue de la nécessité d’une telle application qui facilitera à la fois la vie des nouveaux arrivants en Suisse et pourrait être une ressource novatrice pour le travail des institutions en charge des personnes migrantes. »
Un rattrapage nécessaire et utile
La Suisse peut et doit rattraper son retard. Elle peut s’inspirer des plus ambitieuses applications mobiles si utiles qui existent déjà comme Ankommen ou Moin App, exemples d’applications lancées par les autorités en charges des requérants d’asile en Allemagne, ou Refugees on Rails, ReDi School of Digital Integration engagés dans la formation technologique des requérants d’asile en Allemagne, ou encore l’application connue RefugeesWelcome proposant des logements à l’image de CALM en France, ou celles qui facilitent la communication comme l’application Wefugees, Refugee Phrasebook ou Natakallam, ou encore l’indépendance économique (Startup Refugees, Moni), les dons (Share the Meal, Give Now, Helphelp2) et enfin le partage (Welcome Dinner).
Les idées ne manquent pas, les projets foisonnent, portés par une génération électro-choquée et galvanisée par les besoins des réfugiés en Europe et dans le monde.