La vaccination dans les pharmacies : une évidence de santé publique ?

Le but premier de la santé publique est de prévenir les maladies aussi bien infectieuses (tétanos, poliomyélite, méningite, rougeole…) que non transmissibles (hypertension, obésité, diabète…). La découverte du principe de vaccination et l’introduction à large échelle des vaccinations ont permis de réduire très fortement la mortalité et morbidité (gens atteints d’une maladie, par exemple la grippe, mais qui n’en meurent pas) dues à certaines maladies infectieuses, ceci en particulier chez les enfants. Par exemple, les cas de poliomyélite sont devenus très rares en Suisse – celle-ci était la cause de paralysie irréversible et provoquait des handicaps majeurs chez la personne touchée.

 

 

En Suisse, nous avons chaque année une campagne de vaccination contre la grippe recommandée par l’Office Fédéral de la Santé Publique(OFSP). Le but est de réduire la circulation du virus dans la population : pour contrôler une épidémie, il faut au moins 80% de la population-cible vaccinée. Pour atteindre cet objectif, la condition essentielle est d’assurer un accès simple et rapide à la vaccination à la population générale en bonne santé. Les médecins vaccinent dans leurs pratiques, et considèrent que ceci est leur prérogative, même si la plupart du temps ce sont leurs assistantes médicales qui vaccinent. Aller chez le médecin pour se vacciner n’est pas un problème si la personne est suivie pour d’autres affections et doit de toute façon y aller.  Cependant pour les personnes en bonne santé, ceci ne fait aucun de sens, ni du point de vue médical ni du point de vue logistique.  Ainsi il est essentiel dans le système de santé suisse, que la vaccination soit accessible dans les pharmacies : les personnes peuvent aller sans rendez-vous, ceci sur leur chemin du travail ou le week-end par exemple.

Durant de nombreuses années, les organisations médicales dans de nombreux cantons s’y sont opposées ; plus grave l’OFSP qui devrait défendre les principes de santé publique, ne soutenait pas non plus cette démarche pour des raisons obscures. Actuellement encore certains cantons s’obstinent à interdire la vaccination en pharmacie malgré le fait que la vaccination soit maintenant inscrite dans la loi fédérale sur les professions médicales universitaires comme fonction attribuée aussi au pharmacien.

 

 

 

 

 

 

 

L’OMS a lancé une campagne de vaccination contre la rougeole pour les personnes non-vaccinées et pour celles qui sont incomplètement vaccinées (besoin d’une dose de rappel) Pour arrêter la transmission de ce virus extrêmement contagieux dans une population, il faut plus que les 80% de couverture : dans ce cas, on estime qu’il faut que 95% de la population soit vaccinée complètement. Nous avons actuellement une épidémie de rougeole en Suisse : à première vue étrange pour un pays hautement structuré avec un budget de santé de presque 80 milliards pour 8.5 millions d’habitants. Pourquoi ?  Je n’aborde pas ici le problème du sous-groupe irresponsable de la population qui s’oppose par principe aux vaccinations. Une couverture vaccinale de 95%ne peut être atteinte que par un large accès au vaccin : pharmacies, soignants en santé primaire, etc.  Là également, l’OSFP ainsi que les associations médicales ont refusé le principe de vaccination en pharmacie des personnes en bonne santé lors du lancement de la campagne en 2015. Donc son échec était très clairement prévisible : nous avons actuellement une couverture d’environs 87% seulement. Et malgré l’épidémie et l’urgence d’action, seuls 7 cantons (dont VD et FR) acceptent la vaccination contre la rougeole en pharmacie mais seulement pour des personnes de plus de 16 ans. Lors de ce débat, les discussions rationnelles n’ont pas été possibles et la logique lobbyiste a prévalu : de la part de médecins ceci est encore explicable, mais le manque d’appui de l’OFSP dans cette question de santé publique est inadmissible car il ne remplit pas son mandat primaire. Ainsi, un large rapport a été publié (il ne va être bon que pour les archives) – mais la réalisation pratique a échoué et ceci de façon prévisible. Par rapport à nos voisins européens, nous sommes vraiment les mauvais élèves.

 

La vaccination : une responsabilité personnelle et collective !

Comment cela est-t-il possible ? Avons-nous à faire à une guérilla des lobbys, ceci au dépend de la santé publique et de la population ? La réponse est clairement oui : l’intérêt particulier des médecins prévaut sur celui de la santé publique. Même si on peut le comprendre du côté des médecins qui défendent leur revenu, la position de l’OFSP est incompréhensible.  Dans la structure helvétique, les maladies infectieuses sont du ressort de la confédération, donc de l’OFSP qui doit mettre en pratique les principes de santé publique à l’échelle nationale. Les maladies infectieuses ne connaissent pas de frontièreset donc une stratégie nationale voir européenne est nécessaire et indispensable. En effet la vaccination protège bien l’individu, mais pour avoir un effet maximal sur une population il faut avoir un nombre important de personnes qui soient vaccinées (voir schéma). Ainsi pour les vaccinations, l’OFSP pourrait et devrait édicter des règles et principes que tous les cantons doivent suivre. La réalité actuelle est que chaque canton bricole des lois cantonales, ceci en fonction des intérêts des lobbys locaux.

Donc en cette matière, le rôle central de l’OFSP doit être renforcé, et le politique doit exiger de l’OFSP que le rôle de santé public prévale sur les débats des lobbys pour le bien de la population suisse

 

La vaccination protège l’individu, mais aussi la population parce qu’elle diminue la circulation des germes responsables. Mais ceci nécessite qu’une grande partie de la population soit vaccinée (Grippe 85%, Rougeole 95%).

Prochaine thème : Pourquoi la Suisse n’a-t-elle toujours pas un dossier électronique du patient ?

Jan von Overbeck

Jan von Overbeck est né 1954. Il est médecin interniste avec une large expérience aussi bien clinique que de l’industrie, de l’administration et de la politique de santé helvétique. De 2014 à 2018, il a été médecin cantonal à Berne. En 2018, il a ouvert sa propre firme dans le domaine de la santé. Sa conviction profonde est que le système suisse, bien qu’en soi excellent, a besoin d’une réforme profonde.

3 réponses à “La vaccination dans les pharmacies : une évidence de santé publique ?

  1. Les efforts faits pour faciliter l’accès à la vaccination, en la proposant en pharmacie, sont positifs, et les messages d’informations concernant la rougeole ont contribué à une prise de conscience. Le public avait à l’époque très vite compris l’utilité des vaccins, c’était la génération qui avait été victime ou témoin des maladies causant de graves handicaps, contre lesquelles on ne pouvait rien, sinon tenter de s’en protéger par des barrières physiques ou la désinfection des lieux. Et des dizaines et dizaines d’années plus tard, alors que la rougeole, pour la citer, était éradiquée, une vague anti-vaccination se propageait, soutenue par des personnes n’ayant aucune base médicale, ne voulant rien savoir du phénomène réel de propagation d’une infection, son origine, et ne comprenant pas même que le procédé du vaccin existe déjà dans la nature, puis a été développé en recherche médicale pour l’étendre, mieux le doser et le cibler ; des personnes nées en bonne santé et à l’abri des menaces de maladies du passé, croyant à un acquis naturel !

    Les « médecines » parallèles qui ne nécessitent aucune étude des branches scientifiques ont pris aujourd’hui leur essor sous l’appellation de « médecine non traditionnelle », comme si la médecine suivait des traditions, alors qu’elle évolue constamment. Et le non traditionnel offre une médication extraite des anciens pots émaillés des pharmacies du début du siècle dernier. C’est voir le monde à l’envers que de projeter le passé en direction du futur !

    Entre ces deux mondes de soins, qui par la force des pressions plus que par la raison sont devenus « complémentaires », je songe aux personnes qui sont à l’hôpital le lien, ou la prolongation, entre le médecin et les patients. Leur formation n’est pas universitaire, mais les cours qu’elles suivent sont adaptés et issus du savoir médical qui heureusement est le « traditionnel ». Le 40 ou 50 % des infirmières, il y a dix ans environ (?), refusait le vaccin de prévention de la rougeole. Cette liberté leur était accordée. Le pourcentage des non traditionnelles a ensuite un peu décliné, et j’ignore ce qu’il en est actuellement, ou si les partisans d’une vaccination obligatoire pour le paramédical ont pu imposer un règlement interne. Quoi qu’il en soit, je suis d’avis que cette situation est révélatrice de fortes contradictions dans ce qu’on veut et ce qu’on fait pour la médecine en général. Le temps où le pharmacien était sanctionné par le pharmacien cantonal pour avoir pris la tension cardio-vasculaire d’un client est révolu (acte médical). L’infirmière à petit chapeau blanc qui se tait devant le médecin, répond à ses questions, reçoit des ordres puis s’en va, c’est aussi le passé. L’infirmière peut aujourd’hui alléger la charge du médecin (et de coût) en effectuant des diagnostics dans des limites définies. Il est envisagé que dans la voie paramédicale celles-ci suivent partiellement des cours à l’uni, en commun avec les étudiants en médecine. Elles seront donc infirmières pour la plupart de leurs tâches, un peu médecin parallèlement, suivront les cours à l’école d’infirmière, avec un pied à l’uni… Et bientôt pour décharger un peu la femme de ménage, on lui apprendra à faire une piqûre. Ah là bien sûr j’exagère ! Mais pense néanmoins que le futur de cette évolution ne sera pas idéal, pour peu dire. Avantage tout de même : L’infirmière conseillera vivement à la femme de ménage de se vacciner, mais lui obéira-t-elle ?..

    Conclusion : La distinction entre apprendre et étudier devient de plus en plus floue, les professions sont moins compartimentées, mais dans le secteur médical il serait particulièrement important de réfléchir à temps aux conséquences possibles de cette évolution…

  2. Je n’ai strictement rien contre la vaccination, bien au contraire, il faut même l’encourager. La résistance à la vaccination contre la grippe existe aussi, toujours pour ces sempiternelles et obscures raisons, même en milieu hospitalier: dans ce cas, le personnel anti-vaccin est alors obligé de porter un masque.
    Finalement, l’OFSP et ses cadres seraient effectivement bien inspirés d’assumer leur rôle, plutôt que de dépenser de l’argent publique pour bricoler des rapports façon “fake News” sur les salaires des médecins en Suisse comme en 2018 si j’ai bon souvenir. Cela mis à part je pense que le pharmacien (et non pas l’aide en pharmacie) est tout à fait capable de vacciner. Reste à définir la liste des vaccins entrant dans ce cadre légal et fédéral.

    1. En dehors des raisons obscures, il y a des personnes qui peuvent avoir une mauvaise réaction à certains vaccins. Même si elles représentent une petite fraction du public, il serait dès lors difficile de rendre le vaccin obligatoire, à moins qu’un test préliminaire fiable existe pour les vaccins à effet incertain. Dans les raisons obscures, j’ai connu un médecin qui avait créé son laboratoire de médicaments homéopathiques, devenu très prospère aujourd’hui, et qui s’opposait fermement aux vaccinations obligatoires pour son fils. Je me souviens que pour l’une d’elles impossible à éviter, effectuée par gratté, il s’était rendu à la sortie pour aussitôt asperger la zone d’une solution d’alcool. Après cet événement, quand dix ans plus tard ce médecin avait donné à son fils des suppositoires « Cerveau » pour qu’il réussisse son Bac, je pensais qu’en plus de l’appât du gain le Docteur était convaincu de l’effet de ses produits. Puis un jour où il m’avait fait visiter son nouveau laboratoire, j’avais été ému en voyant le microscope électronique qu’il s’était offert (qui valait 100’000 francs à l’époque). J’étais pressé de lui poser des questions, songeant qu’il espérait certainement se servir de l’instrument pour obtenir des indices de l’effet du « principe actif ». Mais j’avais posé la question de manière plus simple : « À quoi ça sert ?.. » Sa réponse : « C’est pour l’esbroufe ! ». J’avais beaucoup aimé cette déclaration surprenante d’honnêteté, cela m’avait fait réfléchir sur ce que l’on croit, l’on sait, ou veut de toutes ses forces, en succès intellectuel et financier… J’avais alors vingt ans, et pouvais déjà me faire un avis raisonné sur l’homéopathie que je ne voulais pas prendre, ni pour réussir mon Bac, ni quand j’étais malade. Mais plus tard je pensais encore souvent au médecin obscur qui me faisait tant de bien pour me rassurer et me donner du courage quand j’étais enfant, les samedis où j’étais invité pour jouer avec son fils dans le grand jardin devant sa villa… Là ce n’était pas un effet placebo, ou un peu quand même ?..

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