Décrépitude des services

« Une société de services est une entreprise fournissant à titre onéreux un travail, des prestations, du personnel, des équipements, des marchandises, à l’exclusion de la production de biens matériels. ». Cela va donc d’une école à un hôpital en passant par un restaurant. Dans tous les cas, cela signifie la mobilisation d’un personnel, plus ou moins qualifié, plus ou moins bien rémunéré. Cela s’étage d’un plongeur dans un restaurant jusqu’à un chirurgien chef de service. Pendant longtemps la thèse des économistes a été celle d’une mutation merveilleuse où les travailleurs de la campagne passaient par l’industrie pendant une ou deux générations avant d’accéder à une société de services. Or, ce derniers sont en voie d’attrition plutôt que de développement.

La vision prospective la plus significative est celle des Etats-Unis. Une fois que l’on est au cœur du pays, inutile de chercher une quelconque auberge campagnarde, mijotant des plats locaux, du reste inexistants. Il n’y a plus que les mangeoires à hamburger d’une chaine industrielle, besognant avec des travailleurs non qualifiés, des manœuvres formés en quelques heures et assujettis à des sonneries. Pas d’hôtels mais des motels, tout à fait fonctionnels mais sans charme. Pas de terrasse de café où l’on peut lézarder en sirotant un blanc ou une bière, mais des abreuvoirs limités à un café insipide. Le commerce est essentiellement entre les mains de chaînes nationales par le biais de grandes surfaces. L’épicerie de village, la boulangerie, la boucherie sont quasi inexistantes.

C’est vers ce désert que nous marchons à grand pas. Le signal emblématique est celui des chaînes de distribution en libre services. Le client est abandonné à lui-même pour découvrir les rayons où se nichent ses emplettes et récemment invité à établir sa note face à une caisse automatique.

Un peu partout le secteur hôtellerie restauration souffre d’une disette de personnel au point que des établissements ferment ou réduisent leurs prestations. C’est que ce genre de service rime avec un contexte de servitude. Certains clients mal élevés manquent à la courtoisie la plus élémentaire et oublient les pourboires.

L’épidémie s’étend vers d’autres secteurs. La Poste en est le dernier avatar. Année après année, le courriel grignote la poste aux lettres dont on peut se demander si elle survivra encore longtemps. A Lausanne Ouest, le bureau de St. Sulpice vient de fermer. Celui d’Ecublens ne délivre plus de colis à domicile, mais dépose une injonction de venir le chercher à la poste. Ce qui signifie tout d’abord posséder une voiture et ensuite se colleter un distributeur automatique, qui ne répond qu’à des manœuvres dépassant l’entendement de la plupart des clients. Heureusement le personnel est sensible aux plaintes et se dérange encore pour récupérer les colis au terme d’opérations magiques et les amener au guichet. Ultime projet, on évoque la possibilité d’utiliser des drones pour transporter les colis à domicile.

Dans une gare, les billets sont délivrés par des automates plutôt bien conçus, qui n’ont évidemment pas le sourire d’une préposée. Il existe encore de véritables hôtels en Suisse, mais il ne faut tout de même pas espérer qu’un groom portera la valise jusqu’à la chambre. Le restaurant de la Gare de Lausanne, jadis desservi par des serveurs compétents est devenu un libre-service, c’est-à-dire que les clients les remplacent. Un ordinateur n’est pas vendu avec un service de dépannage ou d’initiation et reste donc, son existence durant, sous-utilisé. L’épidémie a instillé l’idée du télétravail et, pire, du téléenseignement au point que des commentaires de ce blog suggèrent de réduire les bâtiments académiques en y supprimant les bureaux. Les crèches, quand elles existent, sont hors de prix.

Toutes ces mutations reposent sur l’action séculaire des syndicats, qui ont réussi à augmenter les salaires minimums et à instaurer des contrats de travail. Elles sont donc le prix à payer pour une révolution sociale majeure, une rémunération plus égalitaire et plus juste, comportant néanmoins encore de sérieuses lacunes. A la différence de jadis, il n’existe plus de servante, de jardinier ou de cocher à domicile sous-payés.

L’excellente série Downton Abbey a fasciné les téléspectateurs parce qu’ils découvraient le monde de 1900 où chaque dame disposait d’une femme de chambre à temps plein, chaque monsieur d’un valet de pied   et où une famille d’aristocrates jouissaient des services d’une domesticité pléthorique. Le bonheur des oisifs de naissance dépendait du labeur du peuple. Ce n’est évidemment plus ni souhaitable, ni possible. Cela n’aurait jamais dû l’être. Mais on peut abandonner l’idée que l’enrichissement d’un pays produira plus de services en remplacement des emplois des secteurs primaires et secondaires, l’agriculture et l’industrie.

Restent heureusement les services assurés vaille que vaille dans la pénombre des familles, la garde des enfants, l’assistance aux vieillards, la cuisine, la lessive le ménage, en un mot ce qui suppose encore l’inégalité entre les hommes et les femmes. Et puis l’exploitation encore plus occulte de ceux qui n’ont pas de permis de travail, pas de domicile fixe, pas de contrat, pas de protection syndicale, en commençant par les prostituées recrutées à l’étranger. Dans une société avec peu de services assurés, il y aura toujours une place pour ceux que l’on sous-estime ou dont on a honte.

 

 

La neutralité incomprise

 

A la Conférence de Munich sur la sécurité, notre ministre de la Défense a eu beaucoup de peine à expliquer la position rigide de la Suisse sur la neutralité. Au point qu’elle interdise à des pays tiers de réexporter vers l’Ukraine tout armement produit par son industrie. En ce sens, acheter à la Suisse ne signifie plus acquérir le droit de propriété. La Suisse demeure indéfiniment le véritable propriétaire. Cette démonstration d’intransigeance ne sert bien évidemment pas la réputation de cette industrie, qui risque de perdre des clients ou de devoir se délocaliser. Pour l’abstraction d’une vertu politique lancinante, le pays accepte de nuire à ses intérêts concrets.

Viola Amherd confesse qu’elle a eu beau expliquer la position suisse à des partenaires européens, ceux-ci ont continué à manifester de l’incompréhension. En Realpolitik – et même selon le bon sens le plus élémentaire – c’est la neutralité façon suisse qui est incompréhensible. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Suisse aurait exporté des armes pour 600 millions de francs suisses de l’époque, soit huit milliards de francs d’aujourd’hui, vers l’Allemagne nazie, pays agresseur, et sans rien fournir évidemment aux Alliés : peu importe le montant mais le fait est avéré. Et aujourd’hui sa neutralité serait offensée parce que des armements d’origine suisse, qui ne sont plus sa propriété, ni sa responsabilité seraient transférés à un pays agressé ? Quelle est cette logique ?

L’UE et l’OTAN, intimement liés, font face à une guerre qu’ils n’ont pas provoquée et à laquelle ils participent par pays interposé. C’est bien la guerre de l’Europe démocratique contre un empire totalitaire. Tous les moyens doivent être et sont fournis à l’Ukraine pour qu’elle puisse gagner ou du moins ne pas perdre, ce qui est déjà la définition de gagner pour un pays agressé. Malencontreusement, si la Russie ne gagne pas, cela signifie qu’elle perd, au moins la face, ce qu’elle ne supporterait pas. Pour l’instant, il n’y a donc pas d’issue diplomatique à cette situation bloquée, sinon celle des partisans de la capitulation inconditionnelle de l’Ukraine.

Selon la perception helvétique, la neutralité va en revanche de soi. Car elle appartient au génome du pays. La Suisse est tellement singulière que sur place, même en français, on utilise souvent le terme allemand, « Sonderfall. Ce qui ne regarde absolument pas les Suisses, c’est l’expérience tragique de l’Histoire. Un pays, qui a échappé aux guerres depuis des siècles, à l’oppression des pestes brune et rouge au siècle dernier, à la pauvreté des crises, aux révolutions sociales, aux dictatures, est le lieu d’un optimisme radieux : rien ne peut lui arriver dans la mesure où il reste fidèle à lui-même, où il demeure une exception politique.

Les quatre maximes fondatrices de la Suisse sont : la démocratie directe, le peuple a tout à dire ; la concordance, un exécutif doit inclure tous les partis ; la neutralité, la Suisse ne s’occupe pas des affaires des autres ; la milice, pas de politicien de métier, car il est déplacé de gagner sa vie par un engagement citoyen. Attenter à l’une de ces valeurs risque de détériorer les autres et de replonger le pays dans les affres de l’Histoire ordinaire. Par renoncement à sa vocation, il cesserait d’être le peuple élu.

Dans la dérive du conflit ukrainien, le malentendu est donc inévitable. Tant que la Suisse n’applique que les sanctions économiques, elle parvient à se prétendre neutre et à s’en convaincre ; dès que des armes fabriquées sur son sol interviendraient, même par l’intermédiaire d’un pays qui les a dûment achetées, elle ne le serait plus. La définition du terme est donc sujette à géométrie variable, interprétation mobile, explication impénétrable.

Si, par invraisemblable, les canons de l’armée russe étaient à portée de nos frontières, la proclamation helvétique de la neutralité n’entraverait pas Poutine, ignare du génome helvétique. La sécurité de la Suisse ne dépend donc pas du tout de sa posture neutre, mais bien du fait que son territoire est enclavé dans ceux de l’OTAN. Grâce à celle-ci, l’indépendance de la Suisse est garantie, sans qu’elle soit obligée d’adhérer à l’alliance qui la protège. Soit la situation du passager clandestin qui ne paie pas sa place. C’est tout bénéfice. La neutralité devient affaire de géographie car si nous étions un pays balte, elle ne serait pas possible. C’est moins la pratique d’une vertu qu’un constat pragmatique : nous n’avons pas de frontière avec la Russie.

Par crampe sur le concept, une moitié des citoyens suisses sont partisans de cette définition stricte de non-réexportation. Certains vont jusqu’au refus des sanction économiques. Que l’Ukraine devienne un pays satellite de la Russie ou même y soit englobée ne les concerne pas. Il leur semble que pour sauvegarder l’image de la Suisse, son confort, sa douceur de vivre il serait opportun, convenable, pratique de sacrifier une lointaine contrée dans un Est lointain.

Car, si l’Ukraine ne s’était pas défendue, disent-ils, il n’y aurait pas eu de guerre. C’est juste. Elle serait donc la véritable responsable. Mais y aurait-il eu la paix en Europe ? Toute victoire sans coup férir d’un agresseur ne l’incite-t-elle pas à d’autres agressions ? Toute manifestation de faiblesse de l’Occident ne convainc-t-elle pas Poutine de la justesse de son action. Si nous ne lui imposons pas une leçon, s’il ne comprend pas qu’il a déjà perdu, il pourra poursuivre tranquillement son agression à l’abri des armes suisses.

 

S’endetter pour investir?

Selon Info-RTS, : « Les perspectives financières sont sombres pour la Confédération, qui clôt 2022 dans le rouge avec un déficit structurel d’1,6 milliard de francs. Le déficit de financement du compte de l’année 2022 s’élève à 4,3 milliards de francs, soit un écart de 1,9 milliard par rapport au budget. Le frein à l’endettement permettant un déficit conjoncturel de 300 millions de francs pour 2022, la Confédération se retrouve donc avec un déficit structurel de 1,6 milliard. »

Les budgets de certains départements seront réduits en conséquence. L’orthodoxie reste de mise. C’est un choix qu’il faut considérer.

Trop souvent on parle des « finances de l’Etat », fédéral ou cantonal, alors qu’elles ne sont, selon l’usage anglo-saxon, que « l’argent du contribuable » et qu’en moyenne on ne peut en dépenser plus que ce qui a été collecté. A écouter la gauche plaider pour des débours sans limites, on a parfois le sentiment que, dans certains esprits, la Confédération n’aurait qu’à imprimer des billets pour disposer de tout l’argent du monde. Plus sérieusement, la même aile politique prône l’endettement comme si les dettes n’étaient pas une charge léguée par une génération à la suivante. La dépense sans provision est un réflexe bien ancré dans des partis élus par une majorité de citoyens, qui ne paient pas d’impôts du tout. La fiscalité, jadis conçue pour financer les dépenses publiques, s’est muée petit à petit en un outil de redistribution des revenus entre classes sociales.  C’est un système aberrant où l’on compense a posteriori l’inégalité des revenus par la progressivité de impôts.

La dette de la Confédération s’est accrue en raison d’un accident, de la lutte contre la pandémie de COVID-19. En Suisse, la dette est passée de 149 milliards à 246 milliards entre 1995 et 2020. Par rapport au PIB, de 41% à 31% au cours de la même période. Malgré le déficit de 2022, le niveau d’endettement de la Suisse reste faible en comparaison internationale. Exprimée en parité de pouvoir d’achat, la dette par habitant en Suisse s’élève à 26 367$, bien moins que celle de la France 60 790$ ou de la plupart des pays européens. La Suisse a réussi à moins s’endetter sans pour autant négliger les investissements nécessaires.

La rigueur du Conseil fédéral s’impose-t-elle maintenant ? Ou bien les défis actuels exigeraient-ils de s’endetter pour investir ? Et dans quoi ?

Tout d’abord dans la transition climatique. Celle-ci menace de plus en plus ouvertement par une météo en désordre. Il faut donc investir en isolation des bâtiments, en panneaux solaires, en éoliennes, en véhicules électriques ou à hydrogène avec toute l’infrastructure que cela suppose. Cette menace planétaire a la priorité absolue, d’autant plus que bien trop peu a été fait. La production de CO2 n’a cessé d’augmenter, encore d’un pourcent en 2022..

Mais les caprices de l’histoire ajoutent du malheur au malheur. La guerre se poursuit depuis un an sur notre continent et rien n’indique qu’elle pourrait s’arrêter, tout tend plutôt à son extension. Le risque d’une guerre mondiale qui adviendrait presque par inadvertance, n’est pas négligeable. Que fait la Suisse pour s’y préparer comme l’ont entrepris les pays scandinaves et baltes en première ligne ? Est-ce le moment de limiter le budget militaire ? Ou bien de le mettre en mesure d’organiser une défense fondée sur les enseignements de la guerre d’Ukraine, à base d’artillerie de précision, de drones et de missiles ? De renforcer la protection civile. De constituer des stocks aussi bien de matériel militaire que d’approvisionnement en aliments, en médicaments et en énergie.

Ce sont les deux défis les plus urgents. Il y en a probablement d’autres en réserve dans l’avenir que nous ne pouvons même pas imaginer. La parcimonie est-elle la meilleure réponse ?

 

 

 

Le Suisse, champion de la démographie

« La Suisse est la nouvelle championne de la longévité de ses habitants. Les centenaires étaient 377 en 1990, 787 en 2000 et 1888 désormais, dont 75% sont des femmes. Un garçon né dans notre pays en 2021 a la meilleure espérance de vie possible, avec 81,9 années, juste devant les Islandais, les Norvégiens et les Japonais. Pour une fille née en 2021, le pronostic est également très favorable, puisque la Suisse se classe 4e, derrière le Japon, la Corée du Sud et l’Espagne, avec 85,6 ans. La Suisse figure également en bonne place sur les chiffres de l’espérance de vie en bonne santé. Un trentenaire d’aujourd’hui peut espérer vivre en bonne santé jusqu’à l’âge de 78,8 ans pour les hommes et de 82,8 ans pour les femmes. »

Comment est-ce possible ? Faut-il s’en féliciter ou non ?

Le plus évident semble d’en attribuer le mérite au système de soins suisse. Mais cette évidence est controversée.  Selon la thèse politiquement correcte à Berne, cette longévité ne serait due que de façon marginale au système de soins. Cette affirmation pesante est un procédé de basse politique pour laisser entendre que nous dépenserions trop d’argent dans le système de soins, que la faute n’en est pas à la Confédération mais aux médecins. Elle dépend d’une supposition gratuite : en médecine ce serait l’offre qui créerait le besoin. C’est se fixer sur l’image du robuste montagnard, qui n’a jamais vu un médecin, qui n’a jamais été vacciné, qui n’a jamais de rhume, qui travaille jusqu’à la veille de sa mort, frappant d’un coup sans frais médicaux. Le système idéal de soins consiste à ne pas avoir à en dispenser. Nous n’en jouissons pas parce que les patients seraient naïfs et les médecins manipulateurs.

Le présent texte s’oppose à cette mythologie rocambolesque. En réalité, la densité médicale en Suisse est juste suffisante pour que tout un chacun ait accès à un généraliste très rapidement et à un spécialiste dans une délai raisonnable, ce qui n’est pas le cas dans beaucoup de pays. Il existe en plus la ressource des services des urgences. En Suisse, les mailles du filet sont donc serrées et beaucoup d’affections graves sont heureusement diagnostiquées à temps. Nous disposons d’un système de soins performant, qui est l’acteur le plus important de la santé nationale. Son coût est élevé, mais pas plus que les pays voisins et beaucoup moins que les Etats-Unis.

Les autres causes de ce record de longévité ne sont pas évidentes. Sans doute la pratique du sport, y compris le ski d’altitude en hiver. La bonne qualité des infrastructures qui limite les accidents. Une nourriture équilibrée accessible pour une population au pouvoir d’achat élevé. Peut-être aussi le bénéfice des institutions, qui privilégient des relations apaisées entre classes sociales, entre le peuple et les exécutifs, et évitent les aigreurs psychologiques. Voilà tout ce pourquoi nous produirions plus de centenaires qu’ailleurs. Ce grand âge ne serait-il qu’un prix attribué à la vertu civique ?

Faut-il s’en féliciter ? Pour ceux qui en bénéficient certainement, pourvu que leur santé continue d’être bonne. Moins pour les patients moyens qui financent ce vieillissement par leurs cotisations d’assurance maladie. Notre superposition de quatre générations mériterait une révolution culturelle à de multiples facettes. Par exemple : l’allongement de la durée du travail pour maintenir l’équilibre de l’AVS, ce qui fera grincer bien des dents ; une correcte prise en compte des patients âgés et handicapés ; un ministre de la Santé à temps plein au Conseil fédéral ; un salaire convenable pour le personnel médical ; la formation en Suisse de tout le personnel dont nous avons besoin plutôt que de piller celui de nos voisins.

On peut se demander dans quelle mesure notre excellent système de soins, assuré par un tiers de médecins et une moitié de personnel infirmiers formés tous à l’étranger, n’est pas une façon de recruter les meilleurs, les plus motivés de tout un continent.  Notre grand âge serait le bénéfice de l’inégalité de fortune. Tous les hommes sont égaux devant la mort, mais les Suisses sont plus égaux que d’autres.

 

 

La double magie des OGM

 

Dans notre culture traditionnelle, on connaissait deux magies : la blanche, inspirée du divin, et la noire, possédée par le diable. La première apportait des miracles. Les adeptes supposés de la seconde étaient éliminés par le bûcher.

Une magie blanche subsiste dans un large segment de la population : croyance dans l’horoscope ou la voyance, fascination pour les apparitions, adhésion à des sectes, engouement pour les rebouteux, méfiance à l’égard de la science, remèdes miracles dans les petites annonces, partis populistes. A cette régression, se superpose l’attribution d’un pouvoir magique noir à la Technique. On la ressent comme une menace dans la mesure où on l’ignore.

La magie de la Nature est blanche pour les écologistes : l’évolution biologique déifiée est bonne. Pour une population incroyante la Nature remplace Dieu. Bien qu’elle se meuve au hasard, elle est infaillible, elle ne se trompe jamais. Sauf lorsqu’elle a créé l’homme, qui est adepte de la magie noire de la Technique. Exemple, les OGM : modifier le génome fabriqué par la Nature est un blasphème.  Les aliments produits de la sorte sont certainement toxiques, même si on ne connait pas de cas.

Au contraire pour les scientifiques, les OGM sont l’équivalent d’une magie blanche, la promesse de récoltes sans pesticides et d’une production suffisante de nourriture pour huit milliards d’humains. La source de la magie n’est donc pas la chose en elle-même, mais des esprits opiniâtres dans des visions opposées.

De toute façon, le débat est académique car l’utilisation d’organismes génétiquement modifiée(plantes et animaux) dans l’agriculture suisse, acceptée jadis au parlement en 2001,  est actuellement interdite par un moratoire voté par le peuple, renouvelé en 2021 pour cinq ans par un parlement timoré. Certains organismes génétiquement modifiés sont néanmoins autorisés à l’importation : une lignée de soja, trois lignées de maïs, deux vitamines, deux présures, deux types de sucres comme ingrédients et plusieurs enzymes alimentaires. Contradiction, puisque selon cette pratique les OGM seraient positifs ou négatifs selon leur lieu de production. Il ne faut pas que la glèbe sacrée helvétique soit souillée !

Les résultats du PNR59 (suisse), plaidant pour l’arrêt du moratoire, ont été balayés par ceux d’une seule étude provenant de l’Université de Caen (française). Le peuple ne veut ni des OGM, ni surtout des études scientifiques prouvant qu’il a tort, puisque ces études font elles-mêmes partie de la magie noire.  Si les OGM étaient autorisés moyennant leur déclaration lors de la vente, il y a maintenant peu de chance que les consommateurs les acquerraient après tout le tapage qui a été fait.  La croyance l’emporte sur la réalité au risque de prétériter l’économie agricole suisse.

Cette approche magique procède d’une vision animiste de l’univers. Dans cette représentation, les phénomènes positifs ou négatifs, qui affectent notre bien-être, voire notre survie, procèdent d’une intention occulte, attribuée à des esprits invisibles.

Selon Piaget, l’enfant considère longtemps les objets comme des êtres vivants, doués d’intention et de conscience[. Dans l’animisme archaïque des adultes, de multiples esprits furent longtemps attribués aux éléments de la nature. L’animisme originel fut suivi par  le monothéisme, c’est-à-dire le renoncement à une Nature magique animée par des esprits. Ainsi, la découverte des religions aurait procédé d’une clarification. Mais cette vision optimiste néglige les régressions et les dérives de la société au début de troisième millénaire.

On ne peut pas vivre dans un environnement scientifique et continuer à adhérer à des cultes du passé sans s’enfermer dans des contradictions et affaiblir le progrès de l’économie. La question est cependant simple : le recours aux OGM serait-il bénéfique pour l’économie agricole ? Certains pays, qui ont donné une réponse positive, en expérimentent les avantages.  Aucun cultivateur n’est du reste obligé de semer des OGM s’il n’y trouve pas son intérêt. « La surface mondiale cultivée d’OGM correspond en 2019 à 190 millions d’hectares soit environ 10% des surfaces totales cultivées. Les plus gros producteurs mondiaux sont les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine, le Canada et l’Inde. À eux cinq, ils totalisent 91% des surfaces d’OGM cultivées en 2019.Les quatre plantes OGM les plus cultivées sont le coton, le soja, le maïs et le colza. »

Il n’y a plus aucune raison pour que la Suisse s’obstine dans son culte de l’ignorance, sa régression dans l’animisme et ses moratoires à rallonge.

Une publicité en déroute

 

La Poste fait campagne pour inciter à accepter certaines publicités dans les boîtes aux lettres. Le géant jaune mène son offensive contre les autocollants “pas de publicité”, qui nuisent à son chiffre d’affaires. Sur l’ensemble du territoire suisse, 60% des boîtes aux lettres ne veulent pas de prospectus. Dès lors l’entreprise propose depuis 2016 de recevoir seulement certaines publicités. On peut cocher les thèmes qui intéressent : alimentation, animaux, mode, voire les entreprises elles-mêmes autorisées à envoyer de la pub. Car la Poste est un prestataire important de service pour la clientèle commerciale. Près de la moitié de son volume sont des envois non adressés, en grande majorité des publicités.

La Poste subit d’abord la concurrence d’Internet. Si l’on a besoin de quoi que ce soit dont on ne connait pas de fournisseur, l’information est à quelques clics. Elle est transversale et comparative. La publicité postale souffre de l’ambiguïté du concept. Non seulement elle propose des produits ou des prestations, mais elle a aussi pour but de créer ou d’étendre des marchés.

Telle est l’obligation du producteur de biens ou de services. Après avoir consenti un  investissement, il doit s’assurer d’un marché adéquat. Donc investir en publicité, qui doit séduire le consommateur potentiel en le prenant, sinon par l’intérêt et la raison, du moins par les sentiments, les sensations, les sens, en suscitant le désir et l’inscrivant dans l’inconscient. Cette publicité est à la fois indispensable à la survie de l’entreprise, à la préservation des emplois et nuisible à l’exploitation mesurée des ressources de la planète. Elle constitue une des contradictions de notre société : on ne réduira pas les gaz à effet de serre sans maîtriser les incitations à la consommation.

La religion de la consommation constitue l’exorcisme de notre époque, qui ne promet plus le ciel après la mort, mais l’abondance et le bonheur durant cette vie. Mais ce culte est ouvertement décrié par des mouvements d’opinion, comme les partis écologistes. Mettre un autocollant prohibant le dépôt de publicité est du dernier chic.

Consommer oui. Mais quoi. Et puis encore pourquoi ? Qu’est-ce que c’est qu’une société de consommation sinon celle d’un pays hautement développé au point de vue technique, capable de produire tout ce qui est nécessaire aux consommateurs en surabondance. Il n’est pas possible de vendre toujours davantage pour satisfaire les besoins élémentaires – se nourrir, se soigner, se loger, se vêtir, se chauffer, s’éclairer – au-delà de ce que requiert la physiologie. Il faut vendre de l’inutile pour éponger le pouvoir d’achat et créer des emplois. La mode vestimentaire est déjà un artifice pour dépasser ces bornes mais elle patine.

Le citoyen consommateur, surtout s’il vit dans une grande métropole, polluée ne trouve plus que son sort s’améliore au fil des ans. Sa nourriture ne lui procure plus les plaisirs simples de la nourriture traditionnelle et la mode bio a épuisé ses stratagèmes. La télévision diffuse toujours des séries débiles, des jeux crétins et des films usagés, interrompus par des publicités exaspérantes par leur rabâchage. La confection des vêtements est bâclée. On produit beaucoup mais des produits de basse qualité. Le niveau de vie monte apparemment parce que le pouvoir d’achat augmente mais ce que l’on achète ne vaut pas grand-chose et n’a rien à voir avec ce que les produits représentaient jadis.

Si la publicité était vraiment informative et non incitante, elle susciterait peut-être moins de réticence. En ces temps d’économie d’énergie ou de papier, la Poste pourrait entamer une réflexion sur un autre concept, plutôt que de s’en tenir à une formule dont les destinataires veulent de moins en moins.

 

 

Le problème insoluble

 

 

«  1.953migrants ont perdu la vie ou ont disparu en tentant la traversée de la Méditerranée au cours de 2022, a annoncé le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). » Depuis le début la barre de 50 000 aurait été dépassée,

C’est plus que le nombre de Juifs refoulés à la frontière suisse pendant la guerre. Cela prépare donc d’exquis remords futurs, ceux qui arrivent trop tard pour ressusciter les morts mais à temps pour satisfaire des consciences délicates. Ces morts ne nous laissent pas indifférents, puisque nous nous lamentons en temps réel.

A titre d’utopie, on pourrait envisager une politique de large accueil à l’égard de tout requérant d’asile politique ou de réfugié économique : après tout, que l’on meure de faim, de maladie ou sous les balles, le résultat est le même. Mais il s’agit d’une illusion puisque l’Europe ne pourrait pas accueillir les quelques dizaines ou centaines de millions d’Africains qui désirent quitter leur continent.

Le défi consiste à les débarrasser de cette pulsion, qui les pousse à risquer leur vie, en améliorant leurs conditions de vie dans leur pays d’origine. Mais comment ? Car la gouvernance de l’Afrique laisse à désirer : corruption, guerres civiles, famines, pénurie de soins de santé, illettrisme, pauvreté.

L’utopie symétrique consisterait à retourner à une forme légère de colonisation. Certes, durant la première moitié du siècle passé cette administration forcée a assuré la paix entre les ethnies, l’amélioration de la santé, de la formation, du niveau de vie des populations colonisées. De cette époque datent hôpitaux, écoles, routes, ports, aérodromes. Néanmoins ces progrès matériels furent ressentis comme une consolation dérisoire au regard de la perte de liberté et de dignité des Africains, qui déclencha la vague de décolonisation à partir de 1960.

Il est trop tard pour déplorer aujourd’hui les relations qui furent celles de l’Europe et de l’Afrique. La colonisation était sans doute une erreur mais la décolonisation précipitée et improvisée l’aggrava. Les Africains en sont réduits à détester leurs propres gouvernements et à fuir leur pays, sans trouver de pays accueillant.

La mauvaise solution (qui sera choisie) consistera à fortifier les frontières de l’Europe par des barbelés, des patrouilles, des miradors, des radars. Le problème restera entier : en supprimant la possibilité de s’évader de l’Afrique, l’Europe choisira de les laisser dépérir sur place plutôt que de se noyer en vue de ses rivages. Comme cela posera moins de problème de conscience, c’est sans doute le but de l’opération médiatique et politique.

Mais l’Europe se contredit ainsi. La loi internationale oblige tout navire voisin à se porter au secours d’une embarcation en péril, de sauver les passagers et de les débarquer dans le port le plus proche. C’est ce que les marines nationales ne font pas, c’est ce qu’on interdit de faire aux vaisseaux des ONG.

Et donc, il n’y a pas de solution, sinon des bonnes paroles et des lamentations à profusion. Il faut admettre qu’en politique il existe des problèmes sans solutions acceptables. C’est une leçon salutaire. A forcer un résultat, on ne peut qu’empirer la situation. Il faudra supporter indéfiniment un malaise hérité d’un passé lointain. Comme le dit Jérémie : « Les pères ont mangé des raisins verts, Et les dents des enfants en ont été agacées. »

 

 

Une dérive politique

 

 

Le Conseil d’Etat genevois vient de refuser l’élection d’Eric Bauce comme recteur de l’université. Ce ne sont pas ses capacités de chercheur ou de gestionnaire qui sont mises en doute, mais son origine. Un Québécois est par nature inapte à diriger l’université de Genève, il lui manque cette subtilité qu’engendre le séjour dans la cité de Calvin, il parle le français avec un accent picard, en un mot c’est un étranger.

Or, nous sommes familiers avec le principe de séparation des pouvoirs. Même un conseiller d’Etat n’a pas à influencer le verdict d’un juge. L’idée est de fractionner le pouvoir pour éviter que l’on en abuse. Les dictateurs finissent dans un accès de folie paranoïaque. Dans l’acratie helvétique cela ne peut arriver car personne n’outrepasse ses prérogatives.

Ce qui est vrai pour les pouvoirs traditionnels, exécutif, législatif, judiciaire devrait l’être tout autant pour la séparation du politique et du scientifique. Ainsi le Conseil des EPF nomme les professeurs, sans que le Conseil fédéral n’intervienne. Pourquoi ? Parce qu’il est incompétent en matière scientifique. Parce que le passeport d’un professeur n’a aucune importance. Parce que les EPF doivent être excellentes et que tout doit être sacrifié à la qualité scientifique.

Il est très difficile d’expliquer à qui n’est pas du métier académique que chaque profil de candidat à un poste de professeur, a fortiori de recteur ou président,  est singulier et qu’il est impossible de commencer par établir entre deux candidats qu’ils seraient : ““A valeurs analogues, à profils d’excellence comparables, à qualités scientifiques et humaines proches, voire similaire” et de donner ensuite en toute bonne conscience la priorité à un candidat national. Pendant longtemps ce mécanisme a joué dans la plupart des universités européennes et j’en fus moi-même la victime dans mon propre pays où la règle était de nommer quelqu’un de la même province!

Il est aussi difficile d’expliquer que d’une certaine façon, les universitaires, comme les artistes d’ailleurs, ont une nationalité seconde, bien plus forte que celle de leur passeport. Une carrière et une réputation se construisent dans le monde entier. Les bonnes revues scientifiques sont internationales. Un candidat qui n’a jamais travaillé en dehors de son université d’origine et qui n’a jamais publié que dans des revues locales est douteux a priori et à juste titre, tout comme un musicien qui n’aurait jamais donné de concert que dans sa ville natale ou un comédien qui n’aurait jamais joué que dans un seul théâtre.

Cette mondialisation de la science repose sur une évidence : la recherche progresse dans plusieurs pays et un fragment de connaissance obtenu quelque part n’a pas de passeport. Notre physique a reçu des apports anglais, français, allemands et américains, mais elle est une et cette unité est sa véritable marque. Il faut le délire nazi ou soviétique pour promouvoir une science nationale

L’EPFL a abondamment bénéficié d’un président fribourgeois et médecin après trois présidents tous vaudois et ingénieurs. La nomination de Patrick Aebischer, médecin sans expérience de gestion institutionnelle et extérieur au milieu technique à la tête de l’EPFL a suscité des réserves. Des industriels en vue, ont émis publiquement leur réticence. Celles-ci ont produit une vacance de pouvoir d’un peu plus de deux semaines, avant que Patrick Aebischer n’obtienne gain de cause et ne prenne ses fonctions, avec l’équipe qu’il avait choisie, le 17 mars 2000. Mais l’expérience ultérieure a tranché. De 2000 à 20016, Patrick Aebischer a transformé une respectable école d’ingénieur romande en une université de technologie de réputation mondiale.

La nationalité du futur recteur de Genève est donc le type même de faux problème par lequel des mal placés essaient de se pousser. Parler de “ségrégation internationaliste” est une contradiction dans les termes puisque l’internationalisme consiste précisément à ne pas établir de ségrégation sur base du passeport, qui ne dit rien de la qualité du candidat et tout du hasard de sa naissance.

Le refus du Conseil d’Etat sera connu dans le monde scientifique international et détournera des candidats prometteurs de s’orienter vers l’Université de Genève. Celle-ci est maintenant contrainte de « choisir » un candidat local alors que, lors de l’ouverture du poste, il n’y en avait qu’un seul. Quelle personnalité crédible va-t-elle abandonner sa carrière de chercheur pour se consacrer à cette mission suicide ? Ce n’est jamais gratifiant de représenter le second choix. Quel ascendant pourra-t-elle exercer sur ceux qui ne l’ont pas élu ?

La meilleure réponse du berger à la bergère consisterait pour le corps académique genevois de s’abstenir de tout choix et d’en déléguer la responsabilité au Conseil d’Etat.

 

 

 

L’avenir à reculons

 

Initiative, contre-projet du parlement, referendum contre le contre-projet. Une routine classique en politique suisse. Mais l’objet est maintenant capital : la transition climatique, le plus grand défi du siècle :

« La Suisse va devoir se prononcer par referendum le 18 juin sur le contre-projet du Parlement à l’initiative sur les glaciers Il prévoit le remplacement des chauffages polluants, l’assainissement énergétique des bâtiments et une offensive sur le solaire qui facilitera la construction de grands parcs solaires alpins. »

Les initiants décrivent ce contre-projet comme « toxique » pour l’économie. Atteindre la neutralité carbone en 2050 signifie effectivement interdire le mazout, l’essence, le diesel et le gaz. Le chauffage et la conduite automobile ne seraient plus possible qu’avec l’électricité. Il n’y a pas d’échappatoire possible à ce défi. Si en 2050, on brûle encore des combustibles fossile, la situation du climat sera hors de contrôle. C’est cela qui  sera vraiment toxique.

Pour fournir une demande croissante d’électricité, le parlement a d’ailleurs ajouté une prescription sur le solaire au contre-projet. Les nouvelles constructions d’une surface au sol supérieure à 300 m2 devront se munir de panneaux photovoltaïques. Les grands parcs solaires alpins pourront obtenir une aide fédérale.

Dès lors que s’ébauche enfin un brouillon de plan fédéral à long terme, comment peut-on encore s’y opposer ? Comment un tel aveuglément est-il possible ? Comment peut-on céder à une aussi basse démagogie ? D’autant que l’année 1922 n’a pas été avare de catastrophes climatiques donnant un avant-goût de ce qui va advenir.

Jadis les populistes ont commencé par prétendre qu’il n’y avait pas de réchauffement climatique, puis quand cette posture est devenue impraticable, par affirmer que ce qui se produit n’est pas dû à des causes humaines. Cela semble être la position de repli sur laquelle se jouera le référendum de juin prochain. Soutenir qu’il est possible, voire indispensable de continuer à brûler des combustibles fossiles sans inconvénient aucun.

C’est nier l’influence des gaz à effets de serre sur le climat, une chaine causale pourtant établie au-delà de toute contestation. Comment est-il possible de promouvoir une politique en niant l’évidence ?

L’explication est simple. Le but du populisme n’est absolument pas de résoudre les défis tels qu’ils se posent en réalité, mais tels qu’ils sont perçus par la masse des électeurs, dont la formation scientifique est évidemment lacunaire. On peut donc prétendre n’importe quoi dans le débat politique, aussi bien pour le réchauffement climatique que pour la vaccination contre le Covid ou l’envoi d’armes à l’Ukraine. Cela procède d’une analyse cynique mais tout à fait réaliste de l’opinion publique. En y additionnant des campagnes de méfiance à l’égard des « élites », on ruine lentement l’édifice démocratique et on se rapproche du pouvoir illibéral.

L’exemple de Bolsonaro et de Trump démontre qu’une telle campagne de communication dégage une majorité électorale. Celle-ci acquise dans les urnes, une seule fois de justesse, le pouvoir devient définitivement la propriété du leader charismatique, propulsé par son identification aux craintes de la majorité. Il suffit ensuite de lancer des émeutiers à l’assaut des bâtiments qui sont le siège du pouvoir. La Suisse sera-t-elle indemne de cette contamination ? Rien ne serait plus dangereux que de le croire. La démocratie n’est pas douée d’immortalité. Nous ne sommes pas démocrates de droit divin. Il a déjà fallu protéger le Palais fédéral par des grillages contre des émeutiers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’UDC montre à nouveau qu’elle ne prend pas au sérieux la crise énergétique et climatique, a déploré dans un communiqué l’Association suisse pour le climat. Elle regrette que le vote à venir, qui devrait avoir lieu le 18 juin 2023, retarde le changement de loi.

 

Pénurie de médecins suisses pendant dix ans encore

 

Il suffit de se brancher sur les actualités pour enregistrer deux nouvelles dont la juxtaposition suscite d’étranges réflexions. Pourquoi la Suisse décide-t-elle de former trop peu de médecins (ou s’abstient de corriger la situation) ? Cinq réponses :

1/Personne ne sait ou personne ne veut savoir.

2/ La Confédération ne serait pas habilitée

3/ Les cantons universitaires n’auraient pas les ressources

4/ En formant moins de médecins, on croit qu’on contiendra les primes d’assurance maladie

5/ Le personnel médical poursuit une vocation, ce qui permet de l’exploiter sans risques.

Rappelons encore que plus du tiers des médecins pratiquants en Suisse ont été formés à l’étranger et qu’il faut dix ans pour qu’un étudiant devienne opérationnel. La situation actuelle perdurera donc jusqu’en 2033.

 

Pénurie de médecins

Des médecins urgentistes tirent la sonnette d’alarme dans la presse dominicale. “Nous sommes au bord de l’effondrement”, déclare le coprésident de la Société suisse de médecine d’urgence Vincent Ribordy. “L’ampleur actuelle de la charge de travail est sans précédent”.

14’779 emplois sont actuellement à repourvoir dans le secteur des soins. 3904 médecins sont également recherchés.

Le problème, qui est d’ampleur nationale, est “lié au fait que nous n’avons pas assez de personnel”, abonde dans le même sens le médecin-chef au service des urgences du Centre hospitalier du Valais romand, Vincent Frochaux. Illustration du manque de personnel, le site de Martigny du Centre hospitalier du Valais romand a dû d’ailleurs fermer ses urgences la nuit.  Vincent Frochaux parle d’un “cercle vicieux”. “Des gens expérimentés partent parce qu’ils sont fatigués. Ils sont remplacés par des personnes plus jeunes, qui ont moins d’expérience et qui prennent donc plus de temps pour accomplir les mêmes tâches. Du coup, la charge de travail se reporte sur le personnel plus aguerri, qui se fatigue

Outre un risque d’erreur plus élevé, la situation actuelle conduit à un traitement parfois indigne des patients, note Vincent Ribordy, avec de longs temps d’attente et une augmentation de la mortalité et de la morbidité. “Dans certains cas, l’anesthésie ne peut être réalisée qu’à l’aide de gaz hilarant ou d’opioïdes, car le personnel formé pour l’anesthésie fait défaut”.

Selon le coprésident de la Société suisse de médecine d’urgence, les collaborateurs souffrent de démotivation, de dommages moraux ou psychiques ou de burnout et tournent le dos à la profession pour cette raison.

« Chez nous aux urgences, un chef de clinique travaille par exemple 50 heures par semaine, dont quasiment 65% sont effectuées dans des horaires compris entre 19h00 et 07h00, ainsi que les jours fériés et le week-end”.

()RTS)

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Limitation du nombre d’étudiants

Au vu du nombre d’inscriptions parvenues dans les délais à la Conférence des recteurs des universités suisses (CRUS), la CUS recommande à nouveau de limiter pour l’année académique 2013/14 l’accès aux études de médecine humaine, dentaire et vétérinaire dans les Universités de Bâle, Berne, Fribourg et Zürich. Un test d’aptitudes réalisé en français, en allemand et en italien aura lieu, par conséquent, le 5 juillet 2013 pour les personnes inscrites dans ces disciplines.
3’270 personnes se sont inscrites aux études de médecine humaine pour la rentrée 2013 dans les quatre universités pratiquant le numerus clausus. Le nombre d’inscriptions est de 396 pour les études de médecine dentaire et de 478 pour les études de médecine vétérinaire. Malgré le retrait prévisible avant le test d’environ 20% des candidats, on doit s’attendre à un dépassement des capacités d’accueil en première année qui ne pourra pas être résolu par des transferts opérés avant le début des études.

A l’Université de Genève, les capacités d’accueil en médecine humaine sont dépassées de 32% (soit 530 inscriptions pour 400 places). Entre 2010 et 2012, les candidats aux études de médecine ont passé le même test d’aptitudes que leurs collègues alémaniques, à la différence près que les résultats n’avaient qu’une valeur indicative et non pas sélective. En décembre 2012, le Département de l’instruction publique du Canton de Genève et l’Université de Genève ont décidé de renoncer à ce test dès la rentrée académique 2013.
Les capacités d’accueil en médecine humaine sont également dépassées dans les Universités de Lausanne (+80%, 539 inscriptions pour 300 places) et Neuchâtel (+82%, 100 inscriptions pour 55 places).

(Etudiants.ch)

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