Un Homme d’Etat vaudois

 

Selon un dicton courant, on n’aime pas en politique helvétique les têtes qui dépassent. Elles seraient donc systématiquement coupées, à moins que les titulaires de cette haute stature n’apprennent vite à courber le front et à simuler l’incompétence attendue. Est-ce irrémédiable ? Faut-il faire preuve de médiocrité pour réussir en politique ? Ne serait-ce pas une façon pour le populaire de se rassurer en imaginant que les gouvernants sont strictement à son image ? La politique est-elle le seul métier qui ne requiert pas d’apprentissage ?

Chez nos voisins, ce n’est pas le cas. De Gaulle, Mitterrand et Macron en France, Konrad  Adenauer, Helmuth Kohl et Angela Merkel en Allemagne démentirent cette règle. Et même en Italie, Berlusconi a joui d’une renommée, un peu différente mais tout de même persistante. A noter : depuis 1947 il n’y a eu que huit chanceliers en Allemagne, à comparer avec  25 premiers ministres français depuis 1959.

Or le Canton de Vaud a aussi eu son homme providentiel en la personne de Pascal Broulis, bien qu’il fut à moitié grec par son père. Son grand œuvre fut le rétablissement des finances. En 2004 la dette atteignait 8.65 milliards ; aujourd’hui elle est éteint par le plus simple des artifices fiscal : chaque année sous-estimer au budget les rentrées et surestimer les dépenses. Entretemps refuser les gaspillages que sont les faux investissements, les dépenses somptuaires, la poudre aux yeux politicienne.

Pourquoi ? parce qu’il a poursuivi en politique ce qu’il pratiquait au civil. Après une formation d’employé de commerce, il entame une carrière professionnelle au sein du Crédit foncier vaudois puis à la Banque cantonale vaudoise. En 2000, il devient directeur adjoint de sa division logistique. Cela sert parfois dans la gouvernance de comprendre ce que l’on gère.

Bien entendu cela ne suffit pas. L’enseignante Cesla Amarelle, professeur ordinaire de droit public et droit des migrations à Neuchâtel, en a fait l’amère expérience en tant que Conseillère d’Etat en charge de la formation. Il y faut aussi une intuition, un flair, une inspiration dont Pascal Broulis bénéficie par ses gènes helléniques. Il faut un génie politique pour rembourser en vingt ans des dettes accumulées depuis longtemps, sans exaspérer les contribuables. Ce fut le cas au point q’ il a remporté des élections triomphales, soit 100 000 voix pour son quatrième mandat en 2017.

Ce n’est pas tout. Le facteur obligé dans la définition d’un Homme d’Etat est la mesquinerie, la gratuité et la bassesse des attaques dont il est l’objet. En février 2018, il est attaqué sur la répartition de ses impôts entre Sainte-Croix et Lausanne. Le Conseil d’État constate le 30 mai 2018 qu’il « n’a bénéficié d’aucun traitement de faveur et été taxé dans le respect des règles et procédures ». La même année, il est critiqué pour des voyages auxquels il participe avec d’autres personnalités romandes en compagnie du milliardaire Frederik Paulsen : soupçonné d’acceptation d’un avantage, il est blanchi par le ministère public un mois plus tard, en octobre 2018.

Enfin reste à rappeler qu’il ne s’est pas engagé seulement pour le chapitre austère des Finances. Il est l’artisan de Plateforme 10, le quartier des arts lausannois à travers une histoire qui ne manqua pas d’échecs. Il reproduit ainsi la carrière de Périclès, son modèle, qui s’illustra dans la promotion des arts, une des principales raisons pour lesquelles Athènes détient la réputation d’être le centre éducatif et culturel du monde grec antique. Il fut à l’origine du projet de construction de la plupart des structures encore présentes aujourd’hui dont le Parthénon. Ainsi la Grèce est-elle venue restaurer le Canton de Vaud, empêtré dans ses hésitations et ses procrastinations. Il lui faudrait davantage d’immigration de ce calibre.

 

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

20 réponses à “Un Homme d’Etat vaudois

  1. ” par ses gènes hellénique”

    Merci de supprimer. En 2022, cette essentialisation ordinaire ne passe pas.

    1. Il est tout de même intéressant de constater que les gènes helléniques en question s’inscrivent dans une ancienne tradition vaudoise- quasiment identitaire. Déjà à l’époque du congrès de Vienne et les années qui ont suivi, Johan Capo d’Istria, ou Kapodistrias, grec, diplomate au service du tsar, futur président de l’éphémère République grecque, a usé de tout son pouvoir pour garantir l’indépendance vaudoise. Sans lui, probablement le canton de Vaud serait redevenu bernois. Il y a eu Ziziadis, personnage hors norme, communiste qui avait réussi à entrer au gouvernement vaudois (par suite d’une bourde des partis bourgeois). Il y a eu Broulis, qui en effet a joué un rôle important. Et maintenant les Vaudois, décidément “accro” aux gènes helléniques, ont élu un dénommé Vénizélos, nom illustrisime en Grèce car porté par le grand homme d’état du temps de 1ère guerre mondiale qui était le pendant de Mustafa Kemal Ataturk. Est-ce la même famille ? Ce serait intéressant de le savoir. En tous cas les gènes helléniques s’acclimatent bien en Pays de Vaud.

  2. J’approuve à 100 % ce panégyrique ! Puissions-nous en Suisse bénéficier des talents et du bon sens de tels argentiers aux commandes de nos finances publiques, ne serait-ce que pour éviter la situation catastrophique de certains de nos voisins… La mise en parallèle avec sa malheureuse collègue de gauche n’en est que plus éloquente !!!

  3. Trop d’avocats tue la démocratie!

    “L’art. 41 des statuts du PSV prévoit que les parlementaires fédéraux ne peuvent être élus que pour trois mandats. Le Congrès peut accorder “une” dérogation. La motions propose d’interpréter l’article 41 dans le sens ou “une” dérogation ne signifie pas “une seule”. Dès lors, une deuxième dérogation est possible.”

    Place aux jeunes et aux femmes ! Dehors les mecs bobo de > 50 ans !

    1. Disparition de la dette cantonale ? Oui, essentiellement par transmutation en dette communale.

    1. Les voyages d’étude sont une tradition qui constitue une forme de rémunération. Ce n’est pas contraire à la loi. Cela suffit pour ne pas les critiquer. Pourquoi faudrait-il que les élus ne puissent pas recevoir de cadeaux?

      1. Des cadeaux d’usage de moins de 500.-/année. Aucun problème.

        Pour le reste, ils ont un salaire.
        Et recevoir un cadeau en plus = se mettre en position de faiblesse.

        Une personne placée dans un CA pour représenter l’Etat n’a qu’un seul privilège: veiller à l’intérêt public. Si la société a 100’000 fr. de trop chaque année, le politicien doit s’assurer que les prix baisseront de 100’000/an, pas partir dans un hotel 5 étoiles pour se “former”.

        1. Ce n’est pas aussi simple. Une entreprise peut devoir augmenter son capital pour se développer. Ce n’est pas un service public rendu au moindre coût pour les usagers.

          1. Si. C’est une entreprise qui bénéficie d’un monopole d’Etat, donc pas soumis à concurrence.

            https://www.letemps.ch/economie/sel-lun-derniers-monopoles-publics-suisse

            “L’an dernier, les cantons ont encaissé près d’un million de francs par ce biais, réparti en fonction du nombre d’habitants.”

            Ils auraient dû encaisser 100’000.- de plus, si j’en crois la presse du jour… Et ces cadeaux interviennent alors que le CF voulait supprimer le monopole.

      2. @ Professeur Jacques Neirynck

        – “Les voyages d’étude sont une tradition qui constitue une forme de rémunération”, écrivez-vous. A vous suivre, ces braves politiciens ont donc déclaré au fisc la contre-valeur des avantages en nature reçus.

        – “Ce n’est pas contraire à la loi”. Affirmation péremptoire. Les administrateurs ont l’obligation de veiller aux intérêts de la société et à ne pas l’appauvrir. C’est pourtant ce qu’ils ont fait. De plus, représentant des cantons, ils doivent selon leur droit cantonal défendre les intérêts de leur canton et, par là, ne pas le priver de recettes.

        “Pourquoi faudrait-il que les élus ne puissent pas recevoir de cadeaux?” Parce que administrativent des limites claires existent. Mais aussi parce que les éléments constitutifs objectifs de l’infraction de droit fédéral “obtention d’un avantage indû” sont rapidement réunis, quand il ne s’agit pas des éléments objectifs constitutif de l’infraction “gestion déloyale”.

        1. Il reste que Broulis n’a pas été condamné, ce qui semble dire soir qu’il n’a pas enfreint la loi, soit que la justice ne fonctionne pas:

          1. 1. Quans Broulis a-t’il été membre ce conseil d’administration ? Il n’en est pas question dans l’article dont il s’agit.

            2. Illicite ne veut pas dire pénalement relevant.

            3. Si les éléments objectifs d’une infraction sont réunis et que les éléments subjectifs ne sont pas réunis, il n’y a pas infraction (cf. Affaire Pierre Maudet (si l’arrêt du Tribunal cantonal genevois est confirmé)). Ce qui ne veut pas dire que cela soit licite, ni d’ailleurs, moral.

            4. Vous critiquez Maudet, qui n’a pas appauvri le contribuable, et applaudissez ceux qui appauvrissent nos concitoyens.

            5. A titre individuel les citoyens sont présumés innocent, cependant la majorité des infractions pénales ne donnent pas lieux à des condamnatons même si elle sont graves.

          2. Je n’ai jamais critiqué Maudet. Référence?
            Il n’y a rien d’immoral à faire un voyage d’études.

  4. Mettre sur le meme plan, De Gaulle, Mitterrand et Macron, c’est faire croire qu’ils jouent dans la meme catégorie. Les deux premiers n’ont rien a voir avec l’actuel President, incapable d’avoir une politique claire, sauf celle de faire plaisir aux oligarques qui le soutiennent.

    1. Ne vous aventurez pas à juger des personnalités en cours d’action. Je ne pense pas qu’à très long terme les historiens seront tendre avec la présidence de Mitterrand, qui a ouvert la porte aux “moutons noirs”, comme il lui plaisait de les appeler et prétendre en même temps de les détester. Il a laissé faire pour démanteler le tissu industriel de la France. Il n’est pas le seul responsable du déclin de notre civilisation mais il en a hautement, ou bassement, contribué. De Gaulle était bon, exceptionnel, il n’y aura pas d’autre comme lui.

  5. J’ai commencé à aimer Broulis quand il a dit une fois à la télé, il y 15 ans environ: pour 10 mille francs je me déplacerais chez le contribuable s’il le faut pour aller chercher ses impôts. Je pense que Genève fera bien de l’engager comme conseiller financier pendant 5ans pour redresser nos finances!

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