Les sachants

 

Face à une question, il existe une gamme de réponses : il y a ceux (rares) qui connaissent la réponse ; ceux qui ne la connaissent pas et qui l’admettent (encore plus rares) ; ceux qui font semblant de me pas avoir entendu ; ceux qui se fâchent d’être interrogés ; ceux qui inventent effrontément une réponse dans le vaste champ de leurs préjugés (les plus nombreux). Ce sont les « sachants ».

Leur modèle est Donald Trump, qui a prouvé que le mensonge mène à tout, y compris au sommet du pouvoir mondial. Sur le seul sujet de la pandémie, il a successivement nié qu’elle existe, l’a comparé à une grippette, recommandé d’avaler de l’eau de Javel, annoncé un vaccin pour la semaine prochaine, etc. Pire : il aurait attrapé le virus et en aurait été guéri en moins de trois jours avec la complicité de plusieurs médecins. Pour ne pas utiliser le terme désobligeant de « mensonges », les médias se sont rabattus sur « fake news », comme s’il était légitime de diffuser des nouvelles « truquées », comme si l’information n’était qu’un « truc » parmi d’autres.

Le sachant est l’exact contraire du savant ou encore du scientifique. Au fond, ne sachant rien, il s’imagine savoir tout, car il ne sait même pas ce que signifie le savoir. Le savant sait qu’il sait quelques petites choses sur un sujet bien restreint, en dehors duquel il ne sait rien. Un savant sait ce que c’est le savoir, car il sait tout sur presque rien et rien sur le reste. Un sachant ignore son ignorance. C’est un atout considérable dans un débat.

La science authentique est une activité étrange. Pas de dogmes. On n’y affirme rien qui ne puisse être ensuite démenti. Plus robuste : c’est dans la seule mesure où une affirmation peut être démentie par une expérience qu’elle mérite d’être appelée scientifique. Exemple classique : longtemps en Europe on a pu affirmer que tous les cygnes étaient blancs, jusqu’à ce qu’on en découvre des noirs en Australie. L’énoncé scientifique est devenu : tous les cygnes sont noirs ou blancs. En revanche, affirmer qu’il existe des cygnes bleus ou rouges, n’est pas un énoncé scientifique.

En dehors des sciences naturelles, soumises à un perpétuel contrôle expérimental, il existe donc des pseudo-sciences, discours sans fondements aucuns : la chiromancie, l’horoscope, l’homéopathie, la voyance, les prévisions boursières. Il existe aussi des sciences dites humaines, qui ne risquent pas d’être démenties puisqu’elles ne jouissent pas du contrôle expérimental : la théologie, la philosophie, les droits humains, la sociologie, l’économie, le droit. Cela ne signifie pas que leurs affirmations n’aient aucune valeur. Elles peuvent réconforter ceux qui doutent de tout, consoler les affliger, coïncider avec la réalité par suite du hasard. Elles ne peuvent rien prédire : ni l’économie les crises, ni la sociologie les révolutions. Elles essayent d’expliquer a posteriori ce qui s’est passé. Mais certaines peuvent aussi tuer celui qui y croit ou ceux à qui on impose d’y croire.

Les sachants opèrent dans l’espace public, par exemple les lettres de lecteurs de la presse papier. On y entend tout et son contraire, affirmés avec une détermination qui laisse pantois. On en déduit que le sachant n’est pas un menteur commun. Il ne dit pas le contraire de la vérité, puisqu’il ignore celle-ci. C’est bien moins un imposteur qu’un inculte, qui essaie de conforter l’image médiocre qu’il a de lui-même, en affirmant avec opiniâtreté ses convictions pour s’en convaincre lui-même.

L’autre champ d’action des sachants est la politique. Il n’est pas requis de posséder les éléments d’un dossier pour se prononcer avec autorité. L’actuel Conseil fédéral en est l’illustration extrême. Chacun des Sept possède un domaine de compétence, mais il ne le dirige pas, surtout pas. Il est placé là où il ne sait rien. Ainsi le médecin  Cassis ne s’occupe pas de santé mais de diplomatie. L’économiste  Berset ne s’occupe surtout pas d’économie mais de santé. Le vigneron Parmelin ne s’occupe pas d’agriculture mais d’économie et de formation. La juriste Amherd ne s’occupe pas de droit mais de l’armée,  parce qu’elle n’a pas fait un service militaire. La professeur Sommaruga ne s’occupe pas de formation mais de transports. L’interprète multilingue Keller Sutter ne s’occupe pas de diplomatie mais de droit. Ueli Maurer qui est officier ne s’occupe pas de l’armée mais des finances. Chacun étant cantonné dans un domaine, dont il ne connait rien, ne risque pas d’avoir des idées préconçues et défendra n’importe quelle thèse qui rencontre une majorité parmi les Sept. Ce sont les plus illustres des sachants suisses.

Ils sont soutenus par la majorité des sachants parmi les citoyens. Aux Etats-Unis, Trump vient de recevoir les suffrages de 76 millions de sachants, presque la moitié des électeurs. Partout dans le monde une proportion analogue existe. Quand il est question de se vacciner contre le Covid, un même mouvement de sachants se manifeste : ils savent que la vaccination ne protège pas et qu’elle engendre des maladies incurables. Plus de la moitié des électeurs suisses ont voté pour l’interdiction constitutionnelle de construire des minarets car ils savaient que ceux-ci menaçaient la sécurité nationale. Le mariage des homosexuels serait une catastrophe, car les sachants savent que le mariage ne peut être que l’union d’un homme et d’une femme. Pas question de diminuer l’émission de CO2, car les sachants savent qu’il n’y a pas de réchauffement climatique, que, s’il y en avait, il ne serait pas dû à notre  action et que s’il était dû à notre action, nous ne pouvons rien y faire.

 

 

 

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

44 réponses à “Les sachants

  1. Bonjour. Merci pour votre article; vous démontrez majestueusement que vous êtes à classer parmi les “sachants”.

    1. Vous êtes plus que dur avec notre ami Jacques Neyrinck, qui a la bienveillance de publier votre commentaire mesquin, à quatre-vingt/ huitante-huit ans!

      Vous souhaitant autant de lucidité, à cet âge, si le covid ne vous emporte, veuillez agréer, cher Troll, mes sincères salutations blablaltesques, autant que trollesques.

      P.S. On espère que la nouvelle direction du Temps mettra un peu d’ordre sur ces blogs.
      Car ils pensent lutter contre les GAFAM avec leurs commentaires de nains et leurs journalistes prétentieux, qui ne se sont pas encore rendu compte qu’ils ne travaillaient, ni pour la NZZ et encore moins pour le NYT?
      Dommage, car il y a de jeunes journalistes talentueux… 🙂

  2. Ce qui est le plus affligeant, et on l’a vu avec le Covid, ce sont des universitaires, non spécialistes du Covid, qui se prennent pour des épidémiologistes.
    On le voit aussi concernant le climat, où un géologue y va avec sa petite vérité.

    Sachant que dans une certaine partie de la population, l’universitaire est vu comme un maître du savoir, les dégâts de ces universitaires ignares parce que étrangers à aux autres domaines que le leur, perpétuent une cacophonie dans le publique, et au final, les spécialistes du domaines ne sont plus écoutés.

    La méfiance de la parole des scientifiques vient du parasitage d’autres scientifiques/universitaires qui sont étrangers aux domaines des spécialistes.

    Connaître Wiki par cœur, ne fais pas de nous des spécialistes. Il faut admettre, même si cela va à l’encontre de nos égos, qu’il y a des gens qui savent mieux que d’autres, par leurs connaissances et travail dans leur domaine de compétence, alors que nous dans ces domaines, nous sommes presque des ignorants.

    Le plus gênant, c’est l’approximation des politiciens. Les journalistes devraient avoir la tâche de démonter les sachants politiciens, mais ont-ils le temps/volonté de le faire ?

  3. Quel article !
    La démonstration de votre analyse dans le champ politique est imparable !
    Je me permets d’ajouter à votre démonstration quelle s’applique aussi aux fonctionnaires « compétents-sachants » à la tête des départements fédéraux.
    Et si on prends en détails les organisations de certains départements cantonaux, votre démonstration fait office de théorème!
    Merci pour ces articles vous égayez notre quotidien!

  4. Merci pour ce magnifique article qui mérite quelques jours de réflexions pour en discerner tous les aboutissants et redéfinir les ensembles…
    Vous bonifiez, si j’ose me permettre. Cette définition du sachant est intéressante, on ne peut qu’espérer que les sachants en fasse la définition officielle du Larousse. Je n’en avais pas la même compréhension car j’en excluais le critère de la prétention qui semble pour vous prépondérant pour le remplacer par celui de la compétence. C’est une mauvaise interprétation d’un mot qui me semblait venir du domaine de la pédagogie: on remplaçait les termes d’animateur et d’apprenant par ceux de sachant et non-sachant. Ce qui me semblait presque un progrès: il est souhaitable que l’animateur sache, mais rien ne prouve que les apprenants apprennent véritablement. Vouloir dépoussiérer le mot de savant et l’extraire des livres de science fiction afin de pouvoir l’opposer à celui de sachant… je propose la création d’une fondation vouée à la poursuite de cet objectif.

  5. Le sachant M. Neirynck est reparti sur orbite déployant toute sa rhétorique inutile …
    Pour ne prendre qu’exemple de ses affirmations à l’emporte pièce, il met dans le même sac l’économie et la religion !
    Pourtant en prenant le temps de l’analyse , l’économie utilise des termes proches des sciences : capital (énergie potentielle ) , flux ( courant ), inflation ( pertes ou dissipation d’énergie ) , … Certes l’économie n’est pas bien simulée aujourd’hui , car peu étudiée sous l’angle scientifique et que par des gens qui n’y voient qu’un tas de billets de banque, mais il faudrait sérieusement s’y coller et on pourrait à terme construire des schémas tels qu’on les trouve en électrotechnique ou en mécanique …
    Quant au registre politique , il ne fait que se répéter en prédisant un avenir glorieux à M. Cassis dans le ministère de la santé en tant que médecin , métier qu’il n’exerce plus depuis des années ..
    Faudra-t-il à l’avenir chercher des spécialistes à la place des CF ? Bien sur que non , il ne faut pas perdre de vue que les personnes choisies ont une responsabilité politique et elles peuvent choisir autant de spécialistes souhaités pour les conseiller dans les domaines pour lesquels elles doivent prendre des décisions et justement les scientifiques ne sont pas connus pour prendre des décisions , juste pour expliquer l’état de leurs connaissances ! Ne mélangeons pas tout !!!

    1. Dans mon blog c’est la théologie et l’économie qui sont placées dans le domaine des sciences humaines. La religion n’est pas une science.

  6. Le savoir s’acquière péniblement grâce aux années de travail, à la pratique et à l’expérience. Plus j’ai progressé dans l’étendue de mes connaissances, plus j’ai découvert l’étendue de mon ignorance. Cette dynamique de la connaissance est franchement très stimulante.

  7. J’ai bien aimé votre article mais à la fin, je crains que vous ne mélangiez deux sphères bien distinctes.
    Les faits scientifiques qui ont une réalité intrinsèque comme la vaccination et la problématique du CO2 et où vous faites mouche. Dans le genre, les platistes sont à l’acmé des “sachants” – entre parenthèse, c’est fou ce que ce néologisme sonne mal à l’oreille, comme tous ces substantifs dérivés de participes présents et chers à la novlangue “so chic”…
    Par contre, le mariage et les minarets n’ont aucune réalité intrinsèque et démontrable; ce sont des conventions humaines, la concrétisation des “idées et valeurs” d’une société à un certain moment.
    Refuser les minarets ne requiert pas de savoir, ce n’est que l’expression d’une préférence d’un choix de société. Votre ironie envers ceux qui ne partagent pas vos choix de société, les traitant de “sachants”, manque de rigueur… scientifique.
    Entre parenthèse, je ne comprenais pas pourquoi ce refus des minarets – référence récurrente dans vos blogs – vous irrite tant, jusqu’à ce que j’ai réalisé que vous collaborâtes avec le “suave” Tariq Ramadan… Vous aurait-il aussi envoûté par sa rhétorique toute orientale…?

    1. Le refus des minarets est contraire à la liberté des cultes définie dans la Constitution. C’est ma seule raison de m’y opposer. En revanche je crains que la majorité qui a inscrit cet article antiminaret dans notre Constitution aient de ce fait exprimé une méfiance, voire une haine de l’Islam. Tout en étant un catholique pratiquant, j’estime que toutes les religions méritent le même respect. Je pense parfois qu’il n’y qu’une seule religion sous des apparences diverses.

      1. Eh! oui, car il n’y a qu’un seul homo sapiens sapiens… sous des apparences diverses…!
        Et comme nous chuchote le perfide dicton : DIEU A CRÉÉ L’HOMME ET… CELUI-CI LE LUI A BIEN RENDU !

      2. “Le refus des minarets est contraire à la liberté des cultes définie dans la Constitution.”

        Faux. En effet, vous vous référez expressément à la notion constitutionnelles actuelle et la constitution précise noir sur blanc que l’édification des minarets est prohibée. Ladite édification ne fait donc pas partie de la liberté des cultes telle que définie dans la Constitution.

        Je ne vous ai jamais vu écrire :

        “Le devoir de défense imposé à l’homme suisse est contraire au principe d’égalité constitutionnelle entre en homme et femme.” Pourquoi ?

        1. Je ne l’ai pas encore écrit mais je suis tout à fait d’accord avec cette proposition.
          L’interdiction des minarets est contraire et contradictoire avec une liberté fondamentale énoncée dans les premiers articles. Il n’y a pas une liberté des cultes pour les chrétiens et pas pour les musulmans. Sinon il fallait le prévoir dès les premiers articles.

          1. Nullement Professeur. Désolé. La prohibition des minarets est lex specialis et lex postérieur. On peut comprendre que la prohibition des minarets, plus précise que le principe de liberté des cultes, en définit le contour (lex specialis) et qu’elle a modifié la constitution en sa version antérieure (lex posterior). Les grands principes ne sont pas supérieurs aux précisions constitutionnelles dès lors que celles-ci sont claires et que le constituant à décider de s’asseoir sur le grand principe (selon le TF).

            En matière d’Abwerhplicht (service militaire ou civile ou taxe militaire) la situation est la même.

            Il reste la Conv.EDH et pour moi cette inégalité homme-femme viole l’article 14 (égalité stricte entre hommes et femme) en relation avec l’article 4 Conv.EDH, qui prohibe le travail forcé. En effet, si l’article 4 autorise le service militaire, un travail forcé, c’est seulement dans le respect de l’article 14 CEDH. Il est vrai que stricte ne veut pas dire absolue. Cependant la femme n’a pas des défauts de capacité tels qu’elle ne peut rien faire dans le cadre de l’armée et ensuite … le service civil clôt toute discussion.

            Et pendant ce temps les invalides militaires de milice voient leur rente diminuée de moitié à l’âge AVS alors que :
            – Ils ont payé de leur poche l’intégralité de leurs cotisations AVS.
            – Ils ne sont pas au bénéfice d’un deuxième pilier.
            – Tel n’est pas le cas pour les assurés accidents sociaux qui, eux, perçoivent la même rente si leur invalidité est survenue avant l’age de 45 ans. De là à dire qu’il vaut mieux être femme et étrangère que homme et suisse …

  8. Une équipe de l’Université de Lausanne a mené une recherche sur un sujet semblable, le langage des pseudo-savants. En voici la référence:

    Patrick Sériot, Elena Bulgakova et Andreja Eržen, « La linguistique populaire et les pseudo-savants », Pratiques, pp. 139-140, 2008. URL : http://journals.openedition.org/pratiques/1220 ; DOI : https://doi.org/10.4000/pratiques.1220.

    Dans les années 1950, Roland Barthes s’exclamait déjà : « (…) une de nos servitudes majeures : le divorce accablant de la mythologie et de la connaissance. La science va vite et droit en son chemin ; mais les représentations collectives ne suivent pas, elles sont des siècles en arrière, maintenues stagnantes dans l’erreur par le pouvoir, la grande presse et les valeurs d’ordre. » (Roland Barthes, Mythologies, Paris 1957), pp. 72-73).

    Molière n’a-t-il pas déjà réglé leur sort aux sachants, surtout dans leur version féminine, dans ses “Femmes savantes”?

    Un sacheur chassant sacher chon sien… pardon, un chasseur sachant chasser son chien sans sécher ses sachets sur son chassieux séchoir

  9. Article lucide, comme d’habitude, et qui prête à penser. Je partage mes réflexions.
    – Que se passerait-il si l’on confiait la santé à Cassis, l’économie à Berset, l’armée à Maurer, etc. ? Je trouve que cela mériterait d’être tenté ! A moins de penser que l’être humain est trop idiot pour se gouverner en société intelligemment, il devrait se contenter de sa tribu, comme autrefois dans la jungle. Vision assez rousseauiste. Je n’aime pas, je trouve cela désespérant.
    – Les sciences qui “ne jouissent pas du contrôle expérimental” méritent-elles d’être déclassées par rapport à celles qui en jouissent ? Mais il n’y a pas que l’expérience qui décide de la scientificité, il y a le langage déductif, la formalisation du langage, la mathématicité, si l’on peut dire, la logique. Il y a une science du langage. Pourquoi la déclasser ? Parce quelqu’un qui parle, c’est mieux que quelqu’un qui connaît les règles de la grammaire d’une langue, mais ne peut en parler ? Mais il est évident que l’un est aussi nécessaire à l’autre, à moins, encore une fois, de vouloir retourner à l’état de nature, où ce qui est important, c’est de fabriquer des outils pourvu qu’ils fonctionnent, et non pas pourvu qu’ils soient beaux, par exemple.
    – La conséquence du déclassement des sciences “humaines” par les sciences “exactes”, n’est-elle pas ce qui a provoqué la catastrophe du réchauffement climatique ?

    1. Le blog ne déclasse pas les sciences humaines par rapport aux sciences naturelles mais il distingue entre les deux discours : l’un qui est dogmatique, l’autre qui ne l’est pas. La société a besoin de dogmes là où elle ne peut rien espérer d’autre. Mieux vaut tenter d’expliquer la survenue sociologique et économique de la Révolution française que de l’admettre comme une punition du Ciel. On peut en toute sécurité désigner des prix Nobel de Physique ou de Chimie, mais c’est très risqué d’en faire de même en économie car la société n’arrête pas de changer.

      1. Donc, si l’on vous suit – et je rejoins Verhelst à ce sujet – la logique, comme la grammaire, est dogmatique. La logique n’est-elle pourtant pas le fondement de la mathématique? Or, elle est enseignée non pas dans les facultés des sciences, mais en philosophie, qui fait partie des facultés des lettres où l’on sait bien que le mot chien ne mord pas.

        1. Pour vous répondre correctement il faudrait un exposé d’épistémologie qui n’a pas de place ici. Dans mon énumération, la mathématique est laissée de côté avec la logique parce que son statut est étrange. Elle décrit la Nature sans que l’on sache si elle en fait partie. Il y a en mathématique des conjectures qui semblent vraies parce que l’on n’a pas de contre exemple mais que l’on ne parvient pas à démontrer. Les théorèmes d’incomplétude de Gödel prouvent que certaines propositions sont indémontrables.
          La grammaire est bien une science humaine puisqu’elle concerne les langages. Ceux-ci évoluent et ce qui était vrai peut devenir faux. Par exemple par une décision de l’Académie française ou du gouvernement.

          1. Ah non. il n’y a pas une logique, il y a des logiques. Et je me demande pourquoi on fait usage de ce qu’on appelle LA logique et pas d’une autre logique. LA logique est criticable parce que dès lors qu’une proposition est vraie et fausse toutes les propositions sont vraies et fausses. Cette propagation de la contradiction n’est pas nécessairement une bonne chose en toute circonstance. Au passage la logique formelle est enseignée en (certaine) faculté des sciences.

            Ah non, il y a pas la logique inductive mais aussi la logique déductive, réduite à la théorie kolmorovienne des probabilités. Pourquoi cette version de la théorie des probabilité et pourquoi théorie des probabilités. Choix culturels de circonstance. Génial ou entravant ? Sans doute les deux à la fois.

          2. Je n’ai pas dit qu’il y eut une seule logique. Votre remarque est intéressante. La logique à laquelle on se réfère d’habitude est celle d’Aristote. Il y en a d’autres. Et les théorèmes de Gödel ont ruiné l’idée que l’on puisse démontrer si une proposition est vraie ou fausse.

          3. Gödel a mis en exergue le fait que la logique des prédicats du première ordre est un mauvais choix puisque faisant reposer l’édifice sur des fondations branlantes.

  10. Fréderic Dard avait une théorie que je trouve intéressante : tous les hommes naissent con.

    Certains s’en aperçoivent et passent leur vie à lutter contre eux-mêmes.
    C’est un effort de tous les instants et il arrive parfois que l’on devienne con comme on se met dans des pantoufle, fatigué de résister.

    Et tout cela n’a rien à voir avec la compétence ou le savoir. Des personnes très compétentes dans leur domaine seront des cons toute leur vie.
    Alors que des personnes illettrées ou peu instruites, des artistes ou des poètes, pourront faire preuve d’une sagesse et d’une lucidité qui pourrait inspirer bien des « savants », sachants, pensants et autres parlants.

    1. J’adhère à la chanson de Brassens sur les cons. Ce n’est pas le sujet du blog qui traite d’ignorants qui se prononcent sur des questions qu’ils ne maîtrisent pas. Un sachant n’est pas nécessairement stupide ou méchant. Il ne sait pas ce que c’est que de savoir au sens fort du terme.

      1. «Ce n’est pas le sujet du blog qui traite d’ignorants qui se prononcent sur des questions qu’ils ne maîtrisent pas»

        Je ne suis pas tout à fait d’accord.

        Mon père, enseignant, avait une expression : les «imbéciles compétents».

        On peut maîtriser un «savoir au sens fort du terme» tout en étant un parfait imbécile par ailleurs.
        Je me demande dans quelle mesure cette combinaison de savoir et de connerie ne constitue pas la catégorie la plus dangereuse de sachant.

        Notre époque n’est d’ailleurs pas avare en exemples spectaculaires.

        1. Définition de la connerie selon Serge Gainsbourg: “C’est la relaxation de l’intelligence.”

          Dans les années soixante, la Californie a passé une loi qui garantissait le droit d’être un con. Que deviendrait la Démocratie sans ces derniers?

  11. Le Conseil fédéral s’appuie sur des experts et une Administration très puissante. Quand la PDC exprime une opinion sur la chose militaire son collègue Maurer peut questionner pour affiner encore et encore la politique à suivre. Quand je lis “Conseil fédéral” ça représente pour moi l’essence de ce que l’Etat a fait/a l’intention de faire et non pas les 7 sages. Votre théorie sur les “sachants” était pratiqué copieusement quand j’étais à l’école dans les année 60/70 “répond seulement si tu sais”. L’enseignement moderne est de participer et de répondre même si c’est faux ou pas très juste, ça ouvre les horizons. Votre article est un appel à nous faire coudre les masques sur les bouches pour ne pas avoir le droit de parler. Je pense que pour une fois “vous avez tout faux” comme on dit dans votre canton. Bien cordialement de Genève !

    1. Durant une longue carrière j’ai été amené à prendre des responsabilités dans une foule de domaines. J’ai surtout commis des erreurs graves dans ceux dont je ne connaissais rien. Telle est mon expérience. J’ai réussi le plus souvent là où j’étais compétent. Mais à vous entendre, ce n’est qu’une fausse impression.

      1. Oui, le micro-management nécessite savoir et expérience spécifiques mais le CF fait du macro-management, de la politique et du guidage ! Si Covid 19 ne s’était pas mêlée à la présidence de Trump je ne suis pas sûr qu’il aurait perdu la réélection. J’ai l’impression que 4/5 des commentaires sur internet relèvent du ras-le-bol ou du défoulement de ceux qui ne craignent plus le regard d’un employeur ou d’un client. Ne tirez pas trop sur nous autres les “sachants”, SVP !

    2. ” L’enseignement moderne est de participer et de répondre même si c’est faux ou pas très juste, ça ouvre les horizons.”

      A quel enseignement moderne faites-vous allusion? Celui que j’ai connu non seulement comme élève, à peu près à la même époque que vous, mais plus tard comme prof, ressemblait aussi à celui-ci:

      A mon premier remplacement dans un collège genevois renommé (j’étais alors en fin d’études à l’uni), le maître que je remplaçais pour cause de congé-maladie, assis dans sa cuisine devant une bouteille de blanc à demi-vide, m’a présenté sa classe en ces termes:

      – Dites-vous bien que ce sont tous des petits cons et des petites connes en chaleur, des fils et filles à papa qui ne sont dans ce collège que parce que le père vote dans le même parti que le dirlo.

      Après m’avoir invité à finir la bouteille et entrepris d’en ouvrir une autre, il a ajouté:

      – Ils font courir sur moi le bruit que je suis en congé-maladie pour soigner une cirrhose du foie. Ah, les merdeux! Ah, les fumiers! Ah, les salopards!

      La doctrine officielle de l’école publique était à cette époque celle de la centration sur l’Elève avec un grand E. Ce maître, qui était tout sauf un amateur – avec plus de vingt ans de métier, il avait le statut de maître de didactique – avait toutefois sa conception à lui de la centration. J’étais venu chez lui pour m’enquérir du programme à mener avec sa classe.

      – Oubliez le programme. On fait une recherche, me dit-il tout en débouchant une troisième bouteille.

      Au bout de la quatrième, tout ce que cherchais c’était la sortie.

      Très participatif, l’enseignement moderne, vraiment. Et quels horizons enivrants il ouvre, alors…

      Vous faut-il d’autres exemples?

      1. Non pas besoin d’autres exemples, ma tension est montée déjà de 2 points à la lecture de votre commentaire. Y-t-ail eu des célébrités qui sont passées par votre classe?

        1. Oui, mais pas dans celle-ci. Je pourrais vous citer, entre autres, la fille cadette de Charlie Chaplin, un descendant dégénéré du dernier doge de Venise, un prince de haute lignée de l’Ordre de Malte, le fils psychopathe de la secrétaire de Rockefeller à New York et, pour d’autres enseignants de ma famille, qui en compte plusieurs, Sylvester Stallone, alias Rambo, les enfants de Mohamed Lebjaoui, père fondateur du Front algérien de Libération Nationale (FLN), les petits-fils d’un des premiers magnats de la communication aux Etats-Unis – tout un monde qui survit fort bien sans l’instruction publique, dont je me suis par ailleurs bien gardé d’abuser de l’hospitalité.

          1. @ un cancre las: je vous suggère d’écrire dorénavant sous le pseudonyme AK-47 communément appelé Kalachnikov, car vous n’écrivez pas, vous mitraillez !

  12. Avant tout je veux vous dire MERCI
    Merci pour votre partage (également merci à la personne m’a fait découvrir votre article)
    Je pense que tant qu’il y aura une infime partie de l’humanité qui sera encore capable de se poser des question, il y aura encore un peu d’espoir pour notre espèce.

    Mais, ne sachant pas écrire, je préfère reprendre les mots d’un autres :
    Maintenant je sais (interprété par Jean Gabin)

    Quand j’étais gosse, haut comme trois pommes
    J’parlais bien fort pour être un homme
    J’disais, je sais, je sais, je sais, je sais
    C’était l’début, c’était l’printemps
    Mais quand j’ai eu mes 18 ans
    J’ai dit, je sais, ça y est, cette fois je sais
    Et aujourd’hui, les jours où je me retourne
    J’regarde la terre où j’ai quand même fait les 100 pas
    Et je ne sais toujours pas comment elle tourne
    Vers 25 ans, j’savais tout
    L’amour, les roses, la vie, les sous
    Tiens oui l’amour, j’en avais fait tout le tour
    Et heureusement, comme les copains
    J’avais pas mangé tout mon pain
    Au milieu de ma vie, j’ai encore appris
    Ce que j’ai appris, ça tient en trois, quatre mots
    Le jour où quelqu’un vous aime, il fait très beau
    Je peux pas mieux dire, il fait très beau
    C’est encore ce qui m’étonne dans la vie
    Moi qui suis à l’automne de ma vie
    On oublie vite le soir de tristesse
    Mais jamais un matin de tendresse
    Toute ma jeunesse, j’ai voulu dire je sais
    Seulement, plus je cherchais
    Et puis moins j’savais
    Y a 60 coups qui ont sonné à l’horloge
    J’suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j’m’interroge
    Maintenant je sais, je sais qu’on ne sait jamais
    La vie, l’amour, l’argent, les amis et les roses
    On ne sait jamais le bruit ni la couleur des choses
    C’est tout ce que j’sais
    Mais ça, j’le sais
    Source : Musixmatch – Paroliers : Harry Philip Green

  13. Monsieur Neirynck expose très concrètement le critère de Karl Popper permettant de distinguer ce qui est la science et ce qui ne l’est pas.

    Ce que j’ai de la peine à comprendre, c’est que Le Temps laisse des esprits confus et mesquins, des trolls tels ce sempiternel Hubert Giot, démontrer à chacune de leurs interventions vers quels abîmes de stupididé un être humain peut être attiré. Par une frustration géante, n’en doutons pas. Par haine de soi, de sa propre médiocrité, allez savoir. Le chant des sirènes de l’ignorance et de la confusion mentale.

    1. C’est l’auteur du blog qui décide de publier ou non un commentaire. Personnellement je n’élimine que ceux qui sont hors sujet ou insultant. Un débat démocratique suppose que toutes les opinions soient exposées, même si leur seul énoncé pousserait à les éliminer. Cela restreindrait la discussion à des gens qui sont à peu près d’accord sur l’essentiel. Or il existe un tendance radicalement opposée à ce consensus. Comme elle infléchit toutes les votations, il vaut mieux qu’elle puisse s’exprimer à visage découvert.

      1. Vous avez raison, bien sûr, Monsieur Neirynck, je regrette d’avoir écrit ce texte peu convainquant et de m’être énervé bêtement. Cela dit, je ne puis que vous admirer sincèrement de remonter inlassablement, tel Sysiphe, le rocher de la connaissance honnête, par essence humble et tatonnante. Contre cette montagne de mauvaise foi, de post-vérités, de théories du complot proches souvent du pur et simple délire. Les réseaux sociaux, les blogs, sont devenus des repaires de négationnistes, de menteurs, de charlatans, de complotistes de tout poil. Comment arrêter le flot inlassable de leurs stupides théories ? Nul ne sait. On commence à discerner l’échec ultime de l’humain lorsqu’il s’affranchit des règles élémentaires de la bonne foi, de la rigueur intellectuelle, qui devraient aller de soi. Nous sommes en train d’expérimenter quelque chose d’inédit et de très inquiétant. La victoire ultime des sophistes ? Espérons que non. Vos idées me rassurent, merci de tout cœur.

      2. ” puisse s’exprimer à visage découvert”.

        Sorry, mais un avis de troll sous multi-pseudo, n’est pas un avis à “visage découvert” et même si d’aucuns en sont restés à ce stade de démocratie du web gafamesque, et nonobstant les blogueurs, comme les cyclistes, rivés à leur compteur!

        Sous pseudo et enregistré OUI, sous multi-pseudo, NO WAY 🙂

        D’ailleurs, si on est blogueur, on “devrait” accepter la contradiction obligatoire et non avoir le choix de sélectionner, non?

        Dans quel monde nous entraine ce quotidien??????????????????????????????????????????????????

        1. Je répète que je publie tous les avis contradictoires, pas les interventions hors sujet ou les propos insultants. Faut-il obliger tous les blogueurs à le faire? C’est une autre question qui ne me concerne pas. L’organisateur du blog est libre d’énoncer ses règles. Personne n’est obligé de bloguer ou de faire des commentaires.

          1. Oui, c’est bien ce que je dis, on espère que ce quotidien va un peu évoluer et inclure tous les blogueurs et commentateurs, avec des règles communes, sauf votre respect de blogueur émérite 🙂

  14. Ne sommes-nous pas tous des « sachants » ? A vingt ans, en sortant de l’école, l’université, une école d’ingénieur nous avons appris. Et NOUS SAVONS, de plus par nos influences, notre culture familiale, nos religions etc. De ce magma complexe, multiforme qui forme la société, sortent des individus qui ne se contentent pas de cet état, qui continuent à chercher, apprendre et deviennent des « sachants-savants » à des degrés divers.
    Le « sachant » sait, le « savant » sait que tout peut être remis en question et que toute certitude n’est que temporaire.
    Cette société, c’est un orchestre ou tous les musiciens accordent leurs instruments en même temps. Cela donne une cacophonie. Mais survient le chef d’orchestre et la musique prend forme.
    Et c’est précisément ce chef d’orchestre qu’il est important de considérer. Il est par définition « sachant », peut être « savant » mais surtout « sage ». Il possède une baguette magique qui se manifeste par une capacité de synthèse, d’analyse basée sur le long terme, d’humanité, d’un abandon de soi, d’une dose de bon sens, en définitive une aptitude à prendre les bonnes décisions pour l’entreprise, la commune, le canton, le pays et ceci dans l’intérêt de la cause qu’il défend.
    De Gaule répondait me semble-t-il à ces critères en rajoutant le courage politique de dire ou d’imposer les justes décisions. (Algérie par exemple.)
    Trump quant à lui a cassé sa baguette magique par son ego surdimensionné son nombrilisme maladif et ses manipulations sournoises à gérer ses propres intérêts.
    Les membres du Conseil Fédéral sont, ou devraient être, des « sachants-savants-sages » Ne plébiscitons pas des « savants » à la tête de nos départements, ils pourraient, par leur position, comme c’est souvent le cas, imposer leur savoir dans des domaines qu’ils ne maitrisent pas. Et puis, il faudrait autant de savants que de domaines, un peu comme la France aux 16 ministères et au chef d’orchestre qui se prend pour un savant !

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