Trois découvertes par l’intermédiaire du Pouilly Fuissé

 

 

« Le Pouilly-Fuissé est un vin blanc d’appellation d’origine contrôlée produit sur les communes de Chaintré, Fuissé, Solutré-Pouilly et Vergisson en Saône-et-Loire. L’aire de production se situe au sud de la Bourgogne ; elle fait partie du vignoble du Mâconnais. » Voilà pour la définition. Qu’en fut-il des découvertes ?

Tout à fait singulières par leur contexte, propice à des réflexions politiques et métaphysiques que l’on n’attend pas de la dégustation d’un vin aimable, conforme à la modestie de son terroir mâconnais, sans prétendre au prétentieux et coûteux prestige du Chassagne-Montrachet produit en Bourgogne. Cette dégustation fut entourée de circonstances historiques. L’auteur travaillait à l’époque comme professeur à l’université Lovanium, sise à Kinshasa encore appelée Léopoldville. L’indépendance du Congo avait été proclamée le 1er juillet. Une semaine plus tard l’armée congolaise se mutinait et le gouvernement perdait le contrôle de la situation. La mutinerie ne fit pas dans la dentelle. Le 7 juillet au soir on amena à l’hôpital universitaire des  femmes d’officiers belges  qui avaient été violées à la chaine par les mutins. André Ryckmans, fonctionnaire de la territoriale, un ami, fut abattu le 17 juillet. Et plus tard ce fut Patrice Lumumba lui-même qui devint victime de ce désordre.

L’université organisa l’évacuation des femmes et des enfants, tandis que les professeurs demeuraient pour assurer les examens. Comme conséquence, ils étaient réduits à déjeuner tous ensemble au club universitaire. C’était aux alentours du 20 juillet 1960. Durant le repas, la radio continuait à diffuser des nouvelles qui nous intéressaient au plus haut chef. Par ce canal prit la parole Anicet Kashamura, ministre de l’information du gouvernement de Patrice Lumumba. Il fit un appel au meurtre de tous les Blancs en proposant à chaque Congolais de choisir tout de suite sa victime, car il n’y en aurait pas pour tout le monde.

Le personnel du club était composé de Congolais qui ne bronchèrent pas, mais les convives posèrent leurs fourchettes et cessèrent de manger, sans exception. Le recteur suggéra que chacun rentre chez soi et qu’il commence par détruire son stock de boissons alcooliques, propres à exacerber d’éventuels émeutiers. C’est ainsi que nous retrouvâmes à quatre ou cinq chez le maire de petite communauté professorale, Emmanuel de Béthune. Il aligna ses bouteilles dont plusieurs Pouilly-Fuissé sans compter du Porto et du whisky.

L’idée de verser le vin dans l’évier nous parut scandaleuse. On pouvait atteindre au même résultat en le consommant. Et c’est ainsi que durant l’après-midi et jusqu’à minuit tout le stock de vin et d’alcool fut consommé en engendrant non pas l’ivresse, mais un certain sentiment de béatitude. Durant cette dizaine d’heure, je découvris plusieurs leçons élémentaires, qui m’avaient toujours échappé.

La première leçon, la plus marquante, fut qu’il est impossible d’échapper à la peur de la mort lorsque celle-ci parait immédiate. D’autant plus qu’elle était aggravée par deux caractéristiques. Première particularité, les émeutiers de l’époque avaient la réputation de ne point adhérer à une éthique d’euthanasie, mais au contraire celle de se livrer à une débauche d’inventions, dont la plus élémentaire consistait à découper la victime en rondelles à coups de machette. Il ne s’agissait donc pas seulement de mourir, mais aussi de  souffrir. Seconde particularité, après le décès, selon la conception religieuse de l’époque, (l’Université était catholique) le défunt passait instantanément en jugement particulier portant sur les faits et  méfaits de sa vie, avec l’éventuelle sanction de se retrouver en enfer, pour  y souffrir éternellement.

En résumé, les perspectives de cet après-midi étaient déplaisantes. Elles eurent pour seul effet de nous encourager à boire sans répit. La magie du Pouilly Fuissé opéra, au point que nous nous retrouvâmes (en pensée) sur les bords de la Loire, dans l’environnement idyllique du Jardin de la France, un lieu de haute et ancienne civilisation peuplé de personnages bienveillants. La vision sinistre de la brousse dans le panorama du voisinage s’estompa sous le bleu tendre du ciel de l’Hexagone. En second lieu, j’appris ainsi que le meilleur moyen de lutter contre la peur est encore tout simplement la boisson.

Le troisième enseignement fut plus tardif et le plus étonnant. Nous, les professeurs, étions là pour former des universitaires dont le Congo avait grand besoin : des juristes pour fonder des tribunaux, des médecins pour garnir des hôpitaux, des scientifiques pour peupler les laboratoires, des philologues pour enseigner dans les écoles et même des théologiens pour enseigner l’amour du prochain, qui semblait singulièrement faire défaut. Au nom de quoi fallait-il que nous soyons massacrés pour nous être engagé dans cette tâche ? Cela paraissait prodigieusement injuste. J’appris ainsi concrètement, pratiquement, expérimentalement que la justice n’est pas de ce monde, mais que ce sont toujours les innocents qui paient pour les coupables. Et puis plus tard dans la nuit, que les professeurs méritaient tout de même d’être exécutés car ils étaient en fait les complices de la colonisation. D’un côté les compagnies minières exploitaient le cuivre, de l’autre l’Etat colonisateur envoyait des médecins, des professeurs, des missionnaires qui permettaient d’affirmer une mission civilisatrice. Nous n’étions que des alibis, donc les complices prétendument vertueux d’une entreprise sordide.

Finalement rien ne se passa et à minuit nous regagnâmes nos couches avec la satisfaction du devoir accompli et du plaisir partagé. Plus en prime quelques découvertes politiques et philosophiques.

Il y a soixante ans que j’ai reçu cette triple leçon de choses. Chaque fois que l’on débat de la politique d’accueil des réfugiés en Suisse, je me rappelle cet après-midi de juillet 1960, qui m’a tout révélé. L’Afrique avait réclamé son indépendance, qui lui avait été accordée dès 1960 sans tergiverser, pour l’excellente raison que les colonies africaines coûtaient cher aux budgets des Etats colonisateurs, tandis  qu’elles ne bénéficiaient qu’à des intérêts privés. Les colonisés ruminaient tout naturellement  un sentiment de frustration depuis presque un siècle. Pour l’éliminer quoi de plus naturel que de commettre le meurtre réparateur de quelques membres de la tribu des colonisateurs. Après avoir expulsé les colonisateurs survivants, le Congo devint une sorte de Far West dominé par les militaires seuls détenteurs d’armes, tandis que les populations civiles payèrent un lourd tribut de massacres, de pillages, de viols. La décolonisation n’a pas supprimé les désavantages de la colonisation mais elle exonère la responsabilité des Etats européens. L’exploitation de l’Afrique se développe sans contraintes dans des pays faibles au bénéfice d’une bourgeoisie locale. Cela s’apparente à une autocolonisation.

Les anciens colonisés se retrouvèrent vite pris au dépourvu. Ils se souviennent maintenant avec nostalgie de l’époque de la colonisation. Ils n’aspirent plus qu’à émigrer vers les anciennes métropoles, pour y retrouver la sécurité, la paix et le bien-être dont ils ont joui et dont ils sont privés. A ce retournement de situation, rien ne serait pire que d’éprouver  quelque sentiment de Schadenfreude. Les leçons tragiques de l’Histoire ne justifient pas ce genre de psychodrame compensateur.

L’Europe, y compris la Suisse, est confrontée réellement à la possibilité latente d’une invasion par des centaines de millions d’Africains, menacés dans leur existence même, par la violence ou par la misère. Selon la loi de la mer, ceux qui font naufrage devraient être secourus et débarqués au port le plus proche. Selon les Droits de l’Homme, dont nous prétendons détenir l’exclusivité, nous devrions tous les accueillir, ce qui est matériellement impossible. Nous en recueillons donc le moins possible pour ne pas créer « un appel d’air ». Néanmoins  nous subissons l’irrésistible montée d’une extrême droite, raciste, intolérante, autoritaire qui constituera peut-être la lointaine punition de la colonisation, en ce sens qu’elle détruira la démocratie. L’exemple des Etats-Unis, au pouvoir d’un président inculte, menteur et déséquilibré,, est là pour nous prévenir.

Nous vivons ainsi avec le regret d’avoir commis une erreur historique. Fallait-il ne jamais coloniser, pour ne pas décoloniser tellement mal qu’il ne reste plus d’autre ressource aux anciens colonisés que de traverser la Méditerranée sur une embarcation précaire, afin d’atteindre cet Eldorado constitué par l’Europe, mère ou marâtre du monde ? Sous le prétexte de civiliser, avons-nous accouché d’une planète barbare? Et les flots de la barbarie risquent-ils de nous engloutir? L’avenir perçu en 1960, qui est devenu notre présent, je l’ai découvert au fond de plusieurs verres de Pouilly Fuissé. On ne boit jamais trop si c’est pour  rencontrer la vérité.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

21 réponses à “Trois découvertes par l’intermédiaire du Pouilly Fuissé

  1. Très bon article qui résume de façon objective le comportement des États et qui reste valable pour d’autres périodes tant passées que futures car, ne nous faisons pas d’illusions, ce sera toujours le côté sombre de la Force qui triomphera.
    Patrice Lumumba victime du désordre ? À l’époque, on parlait d’assassinat commandité par l’ancien colonisateur. Les Soviétiques en avaient même fait un héros en donnant son nom à une de leurs universités. Où est la vérité ?
    Merci aussi pour les arguments que vous donnez pour soulager ma conscience des excès commis dans les cafés de Liège quand j’étais étudiant.

    1. Patrice Lumuba a été assassiné par un peloton d’exécution commandé, semble-t-il, par un agent belge. On ne le saura jamais vraiment car on ne cherche pas à le savoir.

      1. “Le 17 janvier 1961, dans le Katanga brièvement sécessionniste de Moïse Tshombe, Lumumba sera torturé sous la supervision d’officiers belges, avant d’être exécuté dans des circonstances qui n’ont, soixante ans après, toujours pas été élucidées.

        Le corps, lui, n’a jamais été retrouvé. Et pour cause. En 2000, dans un documentaire télévisé, le commissaire de police belge Gérard Soete a raconté avoir découpé et dissous dans l’acide le corps de l’ancien Premier ministre. Preuve à l’appui, il a affirmé avoir conservé une dent de ce dernier, relique qui sera saisie en 2016 dans le cadre de l’enquête ouverte en 2012 par le parquet fédéral belge, suite à la plainte déposée par plusieurs enfants du défunt Premier ministre.”

        – Jeune Afrique, 11 septembre 2020 (https://www.jeuneafrique.com/1043103/politique/assassinat-de-patrice-lumumba-connaitre-enfin-la-verite-est-un-droit-legitime-et-un-devoir-collectif/).

        En effet, on ne semble pas empressé à établir la vérité des faits sur l’assassinat de Patrice Lumumba, même soixante ans après. Puisqu'”on ne boit jamais trop si c’est pour rencontrer la vérité”, faut-il alors s’en remettre au Pouilly Fuissé (à défaut de vin de palme)? “In vino veritas” serait-il devenu le credo de la quête post-moderne du savoir, comme l’était autrefois celui de l’Oracle de la Dive Bouteille?

        Petit constat: en matière de découpage à la pièce, il semble que les Belges n’étaient pas en reste. Quant à ceux que vous promettaient les émeutiers lumumbistes en 1960, était-ce un prélude à “Black Lives Matter”?

    2. Pour mémoire, une dent de Lumumba vient d’être restituée par la Belgique au Congo, elle provient d’un soldat belge à qui les militaires congolais insurgés avaient demandé de faire disparaître le corps. Comme quoi, il n’était pas réservé aux Congolais de découper leurs victimes.

  2. Bonjour, pour une fois je souris, j’ai compris la raison pour laquelle je ne suis pas toujours d’accord avec vous : je suis abstinente depuis toujours, ergo je n’ai pas votre sagesse. Mais d’abord, vu votre description des faits de 1960, vous ne nous donnez pas vraiment envie d’accueillir ces gens chez nous, secundo en faisant venir les élites de ces Pays ici ( en Suisse, parce que en Italie ce ne sont pas les élites qui arrivent ! ), on prive ces Pays de leurs meilleurs éléments. C’est du colonialisme déplacé, mais c’est toujours du colonialisme.

    1. C’est bien le sujet du blog. Le colonialisme représente une pente à laquelle il est impossible de résister. Avant 1960, la Belgique jouissait des revenus engendrés par l’exploitation du cuivre katangais, mais elle compensait en assurant la sécurité, les soins médicaux, la formation, les routes, bref tout ce qui est nécessaire à un pays moderne. C’est cela qui a disparu sans aucun bénéfice. L’exploitation sauvage des ressources minérales se poursuit avec un bénéfice réduit ou inexistant pour les populations locales.
      L’accueil des réfugiés est un autre problème. Il nous met en contradiction avec nos valeurs affichées. Il pompe les ressources en personnel qualifié à notre bénéfice. C’est un autre phénomène auquel il est quasiment impossible de résister. Si un jeune a l’ambition de progresser dans sa profession et de travailler dans les meilleures conditions, comment l’en empêcher? De quel droit? Je rappelle que la Suisse jouit d’un quart de ses médecins formés à l’étranger. C’est gagnant pour l’intéressé et pour le pays. C’est aussi contraire à toute éthique politique. Mais que faire?

  3. Texte très amusant à lire, très spirituel et désabusé. Du grand Jacques Neirynck!

    D’autant plus intéressant qu’il est écrit par un monsieur d’un bel âge, qui a eu le temps de réfléchir à tous ces problèmes et qui est revenu de beaucoup d’illusions.

    Les problèmes qu’il pose ils ne leur donne pas de réponse, probablement parce qu’il n’y a pas de réponse.

    Manifestement les grandes fautes historiques tragiques, comme la colonisation qui exploite les peuples indigènes d’Afrique, ou la volonté de ne pas se prémunir contre une immigration qui est une souffrance insupportable pour les peuples indigènes d’Europe, créent des tensions qui ne peuvent que provoquer des soubresauts comme l’arrivée au pouvoir de barbares qui coupent en rondelles des professeurs d’université avec des machettes, ou qui élisent de démagogues populistes et autoritaires et votent le Brexit.

    La question est: aurait-il été possible d’éviter ces fautes tragiques? Probablement pas car les intérêts qui voulaient la colonisation moderne, pour en tirer des profits pour eux-mêmes aux frais des finances publiques des pays colonisateurs, étaient plus forts que la volonté des gouvernements démocratiques (du moins parlementaires) français, belges, britanniques, et même allemands, qui n’ont pas pu s’opposer à la colonisation, même si certains hommes d’état comme Clemenceau ou Bismarck la voyaient d’un mauvais oeil. En effet les états parlementaires sont dans la main de ces intérêts économiques. Nous le savons bien.

    Et ce sont en gros les mêmes intérêts qui ont plus tard voulu l’immigration massive et le multiculturalisme. Là ils se sont heurtés aux peuples, qui n’ont jamais accepté l’immigration et qui chaque fois qu’ils ont été consultés ont montré leur opposition aux politiques immigrationistes. Mais on n’a jamais écouté le peuple, dont la voix ne compte pas en face du pouvoir profond des grands intérêts économiques.

    Personnellement je me suis toujours dit que le devoir des gouvernants serait de prévoir l’avenir. Par exemple, si les gouvernants des années 70 à aujourd’hui avaient voulu conserver la démocratie libérale, ils n’auraient pas du permettre cette immigration, car il était évident qu’à terme cela allait créer une réaction brutale des peuples de souche européenne qui ne veulent pas mourir malgré tout, et qui se sentiraient obligés tôt ou tard de se débarrasser de la démocratie libérale pour tout simplement avoir une chance de survivre.

    Donc, si l’on voulait conserver la démocratie libérale, il est très évident qu’il fallait faire une politique comme celle préconisée par Enoch Powell en Angleterre. Ceux qui ont mis un terme à la carrière d’Enoch Powell et ont poussé Ted Heath au poste de premier ministre (un homme qu’ils “tenaient” à cause de ses moeurs pédophiles), prétendaient agir au nom de la démocratie libérale contre un conservateur excessif et xénophobe. En réalité ils ont été les fossoyeurs de la démocratie libérale et de l’esprit d’ouverture au monde, puisque les conséquences prévisibles de leurs décisions ont été la montée du populisme et le Brexit.

    La question que je me pose est donc: est-ce que ces hommes ont agi par sottise, ou est-ce qu’ils ont voulu les conséquences de leurs décisions? Ce qui est certain, c’est qu’ils ont agi avec conscience et volonté, ce serait facile à prouver. Ils avaient un agenda, comme on dit aujourd’hui. Je pense aussi qu’ils étaient capables de prévoir l’inévitable réaction populiste qui devait se produire deux générations plus tard.

    Je pense donc que la démocratie libérale ne leur importe pas, ou très peu. Seuls leurs intérêts leur importent. S’il faut en passer pendant quelques temps par des régimes autoritaires et démagogiques, ils en passeront par là et s’accomoderont avec le populisme.

  4. Peut-être ce que j’ai lu de plus intelligent, depuis bien des années, sur les ambigüités de la colonisation et leurs conséquences. Excellent !

    Je crois que ce sont les Monty Python, dans cette scène extraite de leur film « La vie de Brian », qui ont le mieux résumé le paradoxe des conquêtes civilisationnelles (“What have the Romans ever done for us ?”).

  5. Puisqu’il n’y a eu de victimes l’histoire est amusante mais les deux derniers paragraphes de l’article ne servent à rien car pleins de contradictions. Vous écrivez menace d’invasion et obligation d’en accueillir…..Le sous sol du Congo est mille fois plus riche que celui de la Belgique. Ne mettez pas la faute sur décolonisation, ce n’est pas crédible, svp.

  6. “… décoloniser tellement mail qu’il ne reste d’autres ressources aux anciens colonisés…”
    Donc tout est de notre faute et les intéressés sont irresponsables. Ceci suppose implicitement que les Africains sont incapables de développer leur continent et c’est un bel exemple de racisme implicite, d’ailleurs fréquent dans les argumentaires anti-racistes !
    Et si l’Europe n’avait pas colonisé l’Afrique, laissée alors entièrement responsable de son destin, une Afrique qui, sauf erreur, n’a pas su inventer ni l’écriture, ni les mathématiques, deux outils indispensables au progrès, où en serait-elle ? Aurions-nous alors vraiment été à l’abri de toute immigration de masse ? Personnellement j’en doute.
    La colonisation, une erreur historique. Mais dites-moi, l’Asie du Sud-Est ne fut-elle pas colonisée par les méchants Français et, pire, l’Inde par les affreux Anglais ? Même la Chine fut maltraitée.
    l’Asie est-elle misérable et sur le point de nous engloutir démographiquement ? Non, bien sûr.
    Alors cessons de tenir la colonisation des impardonnables blancs pour responsable univoque de tous les maux humains. Croyez-vous que les Égyptiens d’origine arabe, actuellement largement majoritaires, éprouvent l’ombre d’un regret pour les Coptes d’avoir colonisé leur pays dès le 7ème siècle ? Non, ils brûlent leurs églises…! Visiblement, ils sont “ouachement plus décomplexés que nous ” ! Mais il est vrai que “Copte Lives Matter” n’est pas très porteur, pas franchement tendance…
    Deux poids, deux mesures… encore et toujours… Ah! si seulement Dieu avait existé…

    1. Le Blog n’évoque pas la culpabilité mais la causalité de décisions politiques qui s’enchaînent jusqu’à mener dans une impasse. Les mutins de l’armée congolaise n’étaient pas plus coupables que je ne l’étais d’enseigner le calcul des circuits électriques.

    2. “une Afrique qui, sauf erreur, n’a pas su inventer ni l’écriture, ni les mathématiques…”

      Les hiéroglyphes ont-ils donc été inventés sur la Lune? La langue égyptienne est la plus ancienne langue écrite connue et les mathématiciens égyptiens ont su calculer la circonférence terrestre à partir de l’ombre d’un obélisque projetée par le soleil. Quant à la littérature copte, à l’origine du monachisme chrétien, elle a été en grande partie détruite par l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, créée à partir de rien par Ptolémée 1er en 290 avant J.C. Cet incendie a été ordonné en 391 de notre ère par l’empereur Théodose et le patriarche d’Alexandrie Théophile, un dévot intégriste avant la lettre. Plusieurs centaines de milliers de rouleaux de papyrus, de parchemins et de codices d’oeuvres déclarées païennes, parce que non conformes aux principes nouvellement établis du christianisme, sont alors partis en fumée. Seuls ont subsisté les écrits bibliques et ecclésiastiques.

      Ce n’est que trois siècles après que le général musulman Al-as Amrou, occupant Alexandrie, décide de détruire le reste:

      “Si tous ces livres sont conformes au Coran, dit-il, alors ils sont inutiles. S’ils ne le sont pas, ils sont dangereux.”

      Pendant la période hellénistique et romaine et malgré le déclin de l’empire pharaonique, la bibliothèque d’Alexandrie contenait, avec les oeuvres des grands docteurs de la gnose, Marcion, Carpocrate, Valentin, Basilide, Ptolémée, Marcos et Aetius, l’encyclopédie de Pline, le dictionnaire d’Aristophane, directeur de la bibliothèque alexandrine au IIIe siècle, les écrits de Callimaque sur la tragédie grecque et sa compilation du premier Who’s Who” de l’histoire. On y trouvait aussi la correspondance des détracteurs de la gnose, les hérésiologues, dont les lettres originales d’Augustin – le futur Saint Augustin – contre Faust, son maître, celles de Tertullien, d’Irénée et d’Evodius. C’est aussi à Alexandrie que la version grecque de l’Ancien Testament, la “Septuaginta”, a été rédigée.

      Le mathématicien Euclide a conçu le premier manuel de géométrie à Alexandrie, dont la bibliothèque contenait encore les résultats des mesures faites par Eratosthène sur l’arc de méridien compris entre les tropiques, ainsi que les travaux des mathématiciens de Saïs, de Tyr, de la Persépolis brûlée, de Byzance, d’Eleusis, de Rome, de Césarée, de Bénarès et d’Athènes. Dionysius y a organisé son “ars grammartica” en modèle cohérent, appelé à devenir le texte modèle pour toutes les langues, écrites et parlées et auquel Noam Chomsky “Himself” atrtribue, encore plus qu’à Descartes et à Port-Royal, la paternité de la grammaire générative.

      Les travaux de Pythagore, d’Apulée, les mystères d’Isis, les vestiges de ce grand surgissement de spiritualité que fut le néo-platonisme entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère autour de la Méditerranée, de Pergame à Carthage en passant par Antioche, Ephèse, Smyrne et Milet, ces lieux-phares d’où naquit notre civilisation, tout cela est parti en fumée quand le pieux Théodose a décidé de brûler cette merveille du monde et d’envoyer les hérétiques à la mort. Les premiers auteurs de ce qui a sans doute été le plus grand auto da fe de l’histoire n’ont pas été les Musulmans, mais les “bons” Chrétiens eux-mêmes.

      La Bible ne dit-elle pas que “le pire ennemi de l’homme, ce sont ses proches”?

      1. Désolé de mon manque de précision, par Afrique, je pensais à l’Afrique noire, celle qu’on nommait autrefois “nègre”, et pas aux rives de la Méditerranée. Je vous rappelle que Monsieur Neirynck parle du Congo et que la plupart des migrants d’Afrique viennent plus du sud du Sahel que… d’Alexandrie !
        Votre étalage d’érudition à propos d’Alexandrie – rassurez-vous, j’en connaissait la plus grande partie – est hors propos. Le fait est que aujourd’hui, l’Égypte est dominée par une population musulmane d’origine arabe, exemple d’une colonisation irréversible et sans états d’âme.
        Et je ne saisis pas ce que vous voulez démontrer !??

        1. “Ceci suppose implicitement que les Africains sont incapables de développer leur continent ”

          “par Afrique, je pensais à l’Afrique noire”.

          Mouais, je n’invente rien, c’est tiré de vos comments! d’ailleurs, celui-ci aussi…

          “Et je ne saisis pas ce que vous voulez démontrer !??”

        2. A mon tour de regretter si je vous ai mal compris. Je vous avoue pourtant que c’est le passage suivant de votre commentaire qui m’a quelque peu dérouté:

          “Alors cessons de tenir la colonisation des impardonnables blancs pour responsable univoque de tous les maux humains. Croyez-vous que les Égyptiens d’origine arabe, actuellement largement majoritaires, éprouvent l’ombre d’un regret pour les Coptes d’avoir colonisé leur pays dès le 7ème siècle ?”

          Permettez-moi deux remarques à ce sujet: 1) La minorité copte d’Egypte, comme vous le savez sans doute, est victime du fanatisme des franges radicalisées de la population, et non de la société musulmane dans son ensemble. Sinon, comment aurait-elle pu s’en remettre, pour sa sécurité, au gouvernement Al Sissi – pourtant peu réputé pour être composé d’enfants de choeur? Même si plusieurs de ses membres ont choisi l’exil et constituent une diaspora non négligeable, elle n’a pas encore fait l’objet d’une élimination systématique de la part des autorités.

          En ce qui concerne l’occupation de l’Egypte par les Musulmans au VIIe siècle, elle n’a pas effacé les traces de l’ancienne société greco-romaine, au contraire de ce qui est souvent pris pour allant de soi. Une étude récente a même démontré que ce sont les Musulmans eux-mêmes qui se sont efforcés de maintenir les administrations existantes et l’usage de la langue grecque, devenue langue officielle depuis l’avènement des Ptolémées: Mathieu Tiller, “Qui a vraiment détruit la bibliothèque d’Alexandrie?” dans “Historia”, special 24, juillet-août 2015.

          L’auteur de cet article propose d’ailleurs une hypothèse originale: selon lui, ce ne seraient ni les invasions (romaines, arabes et, entre deux, les conflits entre paganisme et christianisme naissant) qui auraient causé la destruction de la bibliothèque mais, tout simplement, que celle-ci serait morte de mort naturelle, les rouleaux de papyrus supportant mal le climat humide de la Basse-Egypte.

          Quoi qu’il en soit, oublierait-on que c’est grâce aux Arabes que les oeuvres d’Aristote nous sont en partie parvenues, sans compter leur apport aux mathématiques? Mes références à l’ancienne bibliothèque d’Alexandrie, d’ailleurs accessibles à tous aujourd’hui (voir en particulier l’article de Wikipedia sur ce sujet), n’avaient pas d’autre but que de le rappeler.

          2) Quand monsieur Neirynck, qui vécu sur place les tragiques événements de 1960 au Congo, dit que “La décolonisation n’a pas supprimé les désavantages de la colonisation mais elle exonère la responsabilité des Etats européens” et que “L’exploitation de l’Afrique se développe sans contraintes dans des pays faibles au bénéfice d’une bourgeoisie locale. Cela s’apparente à une autocolonisation”, on pe peut que lui donner raison: le 30 mai 1967, l’ancienne province du sud-est nigérian déclarait sécession sous le nom de République du Biafra, après que ses ressortissants, à majorité chrétienne et d’ethnie Igbo, la plus éduquée et active de l’ancienne Fédération nigériane, aient subi d’épouvantables exterminations dans les grandes villes du nord, à majorité musulmane (plus de trente mille morts dans la seule ville de Kano).

          Les Biafrais, qui se disaient “les Juifs de l’Afrique”, avaient obtenu le soutien politique et militaire de la France, seul pays occidental à avoir reconnu leur indépendance en septembre 1968, ceci non pas pour des motifs humanitaires – même si “Médecins Sans Frontières” et les ONG actives sur le terrain ont engendré une nouvelle ère de l’action humanitaire, plus interventionniste et médiatique -, mais d’abord, sur le plan politique, pour faire contrepoids au géant anglophone du Nigeria et du point de vue économique, en vue de s’assurer des concessions pétrolières dans la région sécessionniste, principal producteur d’or noir en Afrique de l’Ouest.

          La France, avec le plein aval du président de Gaulle, qui y jouait un “Vive le Québec libre” africain, et de son successeur Georges Pompidou, ancien directeur général de la banque Rotschild, qui détenait alors d’immenses capitaux sur les sites pétrolier algériens, a ainsi permis, par le biais de ses services secrets, de prolonger une guerre atroce qui a fait en trois ans entre trois et quatre millions de morts, en grande majorité des civils (le chiffre exact de victimes n’a jamais été connu, ceci en grande partie à cause de l’inexistence de registres d’état-civil).

          La responsabilité des anciens colonisateurs dans les guerres dites de “libération”, dont celle du Biafra se voulait le modèle, est donc indéniable. Pour avoir vécu cette tragédie sur place comme secouriste volontaire d’une ONG suisse, et comme monsieur Neirynck l’a connue bien avant au Congo – la sécession du Katanga est souvent considérée comme un prélude à celle du Biafra -, je pourrais vous en parler d’expérience – Puilly Fuissé en moins.

          Ai-je répondu à vos questions?

  7. Bonsoir Monsieur Neirynck, n’auriez-vous pas par hasard confondu le pouilly-fuissé (vin de la région de mâcon)avec le pouilly-fumé (vins de la loire) ?

    1. La définition donnée et le souvenir sont bien le Pouilly Fuissé de Macon. Je connais par ailleurs le Pouilly Fumé qui est un vin de Loire.

  8. Si nous n’avions plus qu’un État et des lois planétaires, les problèmes de migrations , de colonialismes, … seraient derrière nous.
    Nous n’avons qu’une planète et il serait temps d’en prendre conscience .
    Ressasser les problèmes du passé ne nous mènent nulle part …

  9. Rarement lu un blog avec autant de plaisir. Une remarque : bravo au chardonney mais rien ne vallent les vertus de notre chasselas pour apaiser un peuple!

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