Valeurs à vendre

 

Le président du PDC vient d’annoncer que son parti change de nom et s’appellera désormais Le Centre. Cette décision a suscité des commentaires par trois blogueurs, plutôt sceptiques. Suffit-il de changer de nom pour mieux se vendre sur le marché électoral ? Et surtout, qu’est-ce que cette référence au Centre, vague, floue, indécise, pourrait apporter de décisif.

Le PDC dans sa composition actuelle traîne comme un boulet l’héritage du parti catholique conservateur de 1848, qui s’est appelé au fil des décennies : parti populaire catholique ; parti conservateur catholique ; parti conservateur-chrétien social ; parti démocrate-chrétien depuis 1970. Ces changements d’étiquette n’ont pas empêché son érosion de 23,4% des suffrages en 1963 à 11,4% en 2019. Il deviendra Le Centre en fusionnant avec le PBD et le PEV et en abandonnant toute référence confessionnelle, puisque celle-ci ne garantit plus un électorat inconditionnel.

En effet, il n’y a plus que 13% des catholiques qui soient fidèles à la pratique dominicale et 59% à croire en un Dieu unique. Le nombre de sorties de l’Eglise catholique au niveau suisse, qui s’élevait à 20’014 en 2017, a augmenté de 25% en 2018, pour atteindre 25’366. Le parti se disloque en même temps que l’Eglise à laquelle il fut identifié et parce qu’il lui est identifié. La référence morale a été retournée comme un gant. Les scandales causés par les prêtres pédophiles et les malhabiles dissimulations de l’institution y sont pour quelque chose, voire pour l’essentiel. Si un EMS se mettait à pratiquer le suicide assisté sans l’accord de l’intéressé, si un garage préparait des pannes futures, si la police elle-même organisait des cambriolages, ces entités causeraient un scandale analogue : une pratique directement opposée à l’objectif proclamé de l’établissement., une contradiction dans les termes.

Mais quel est donc cet objectif, de quelles valeurs se réclame-t-il ? La vocation historique du PDC fut de défendre les vaincus de la guerre du Sonderbund. Ce n’est plus un projet parce que leurs descendants se distinguent de moins en moins du reste de la population. Si une enquête essayait de discerner les différences entre la foi des catholiques et celle des réformés, on serait sans doute surpris du résultat. D’un côté comme de l’autre, on ne sait plus très bien à quoi l’on croit, si l’on croit, ce que signifie croire. Le vote chrétien est oblitéré dans son essence même.

Après enquête de marché, il ressort que Le Centre a vocation de doubler les suffrages du PDC. La manœuvre consiste à changer de drapeau tout en proclamant que l’on continuera à défendre les mêmes « valeurs ». La question est de savoir de quelles valeurs il s’agit : celle du catholicisme ou celle du centre politique ? Des valeurs morales ou des astuces parlementaires?

Une valeur spirituelle ne peut rester abstraite : elle ne prend un sens que si elle s’incarne dans une action individuelle ou collective. Dans cette dernière dimension, il faut que certaines décisions politiques ne s’s’inspirent pas de l’intérêt immédiat et visible d’un pays, mais d’un choix qui le transcende. Le meilleur exemple est celui d’Angela Merkel accueillant largement les réfugiés syriens en 2013, puis aujourd’hui en renonçant à la règle de rigueur budgétaire pour se porter au secours des pays du Sud de l’UE écrasés par le Covid19. C’est directement contraire aux intérêts à court terme de la CDU puisque l’Afd a enregistré un succès électoral. Le traditionnel parti chrétien de droite a cédé des électeurs mécontents à l’extrême droite. En étant fidèle concrètement à une valeur chrétienne (accueillir l’étranger), la CDU a écarté certains de ses électeurs qui n’étaient secrètement pas d’accord avec cette valeur.

Application à la Suisse : le PDC a-t-il été historiquement le parti qui a lutté pour accueillir le plus de réfugiés possibles, aussi bien lors de la dernière guerre que dans celles d’aujourd’hui ? Ou bien est-ce plutôt le PS ? Le refus de l’étranger en général par l’UDC lui attire-t-il un électorat chrétien intégriste, qui proclame d’autant plus haut l’amour du prochain qu’il lui préfère le confort de l’entre-soi ? Comment recruter des électeurs en incarnant des valeurs spirituelles dans la réalité si un électorat ne les partage qu’en théorie ?

Les déroutes conjointes de l’Eglise catholique et du PDC s’expliquent par une trahison des valeurs proclamées. La pratique ou la complicité de  la pédophilie s’inscrivent directement en violation de l’amour vrai du prochain tout comme la réticence à accueillir des réfugiés. Après l’incendie du camp de Lesbos, proposer de ne recueillir que 20 réfugiés mineurs est non seulement une vilenie mais une erreur stratégique sur le long terme.

Autre valeur trahie. Le pape François (qui est tout à fait catholique et même chrétien) a publié en 2015 une Encyclique Laudato si dans laquelle il condamne explicitement la pratique du marché des droits à  polluer. Ce système revient à attribuer à un pays riche le privilège de faire moins d’efforts que les autres, alors que les pays développés possèdent la capacité technique et financière de cesser complètement d’émettre, tandis que les pays en voie de développement ont besoin d’augmenter leur production d’énergie à bon marché, en polluant si nécessaire. L’existence de ce marché a été stigmatisé par le pape François qui en exprime bien le caractère immoral  :     « La stratégie d’achat et de vente de “crédits de carbone” peut donner lieu à une nouvelle forme de spéculation, et cela ne servirait pas à réduire l’émission globale des gaz polluants. Ce système semble être une solution rapide et facile, sous l’apparence d’un certain engagement pour l’environnement, mais qui n’implique, en aucune manière, de changement radical à la hauteur des circonstances. Au contraire, il peut devenir un expédient qui permet de soutenir la surconsommation de certains pays et secteurs. » (Laudato si, 171)

La nouvelle loi sur le CO2 comprendra les objectifs de l’Accord de Paris: une limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré et une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Au moins trois quarts des efforts seront effectués en Suisse. C’est-à-dire que la Suisse se dispense d’effectuer le dernier quart de l’effort nécessaire. Le PDC s’est-il opposé cette trahison d’une valeur morale explicitement chrétienne ou fut-ce plutôt les Verts ?

Il existe donc un marché des valeurs, analogue, à celui des droits de polluer. Ces valeurs sont estimées à proportion du pourcentage d’électeurs qu’elles séduisent . On en arrive au concept intéressant d’une morale à vendre en pièces détachées. Faut-il rester fidèle à ses valeurs proclamées au risque d’échouer dans une élection? Telle est la question posée dans le blog. On se garde d’y donner une réponse péremptoire.

 

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

26 réponses à “Valeurs à vendre

  1. La difficulté du PDC est que ses valeurs varient d’un canton à l’autre. Parfois avec des références au centre, parfois avec des référence au conservatisme. Le PDC genevois ou valaisan me semble 2 partis différents.

    Il me semble que le PDC ne devrait pas se voir comme centre, mais comme un parti qui défend la place de l’humain dans la société. La gauche le fait, mais elle est guidée par une idéologie et donc sélectionne ceux qui vaillent la peine d’être “sauvé”, en général des minorités.

    Le centre, c’est de ne pas être dogmatique, idéologique, mais s’adapter. L’Intelligence Artificielle peut aider comme mettre en difficulté la société, et je ne parle même pas de la sécurité. C’est un domaine où le PDC doit prioriser l’intérêt de l’humain.
    Si l’électeur perçoit un parti comme défendant l’humain dans le sens général, face à l’incertitude du futur, cet électeur choisira ce parti.

    La gauche discriminante (l’homme vieux hétéro étant la cible) est une tache dans la gauche. Le PDC a cette chance d’être le parti qui peut défendre TOUT humain parce qu’elle n’a pas une idéologie discriminante.

    Quant à Merkel, elle joue avec le feu. Une société déstabilisée n’est plus capable d’empathie. Le fil rouge, c’est la capacité d’intégration, juste un travail ne suffit pas pour parler d’intégration. L’accueil, ce n’est pas faire n’importe quoi et se retrouver avec un communautarisme à la française (ou USA) où la violence s’est installée.

  2. Dans tous les partis, il y a un peu de tout, meme a l’UDC et comme dans l’Eglise.
    Un Dick Marti (PLR) est plus centriste qu’un Christophe Darbellay (PDC).

    Si ce parti du centre peut empecher la Suisse de devenir bipolaire, genre US, alors il est plus que necessaire et indispensable.

  3. Mais au fond, si vous pensez que les valeurs chrétiennes, et encore plus catholiques, étaient un “boulet” pour le PDC, quelles sont les valeurs que vous voudriez voir défendues par le nouveau parti du “Centre”, des valeurs qui ne soient pas en pièces détachées ?

    1. Ce ne sont pas les véritables valeurs du christianisme qui étaient le boulet du PDC, mais leur trahison perpétuelle, c’est-à-dire le contraire de ces valeurs, leur négation.
      Les valeurs du christianisme en tant que religion sont d’une part la responsabilité personnelle de chacun pour ses actions et d’autre part la solidarité de tous autour des plus faibles. En ce sens un parti peut être à la fois libéral et social et pas seulement l’un des deux.

      1. Mais alors, dans ce cas, si vous plaidez pour les valeurs chrétiennes authentiques et non dévoyées, vous devriez vous opposer à l’abandon de toute référence à des valeurs chrétiennes, quelles qu’elles soient, prôné par la direction de votre parti, et demander simplement qu’on s’efforce d’être vraiment chrétiens, sans complaisance envers ceux qui trahissent les vrais idéaux chrétiens (pédophiles, combinards, opportunistes).

        Si pour vous les valeurs chrétiennes sont la responsabilité personnelle et la solidarité avec les plus faibles, ce qui implique d’être à la fois libéral et social, que ne plaidez-vous pour un parti clairement démocrate chrétien, d’esprit libéral ET social? C’est à dire pour le maintien du C.

        Je ne comprends pas votre position qui me paraît jésuitique. Vous ne pouvez pas à la fois être pour le vrai christianisme libéral et social, responsable et solidaire, et vouloir effacer le C du nom de votre parti. D’autre part, si vous ne voulez plus du C, vous ne pouvez plus faire allusion à des valeurs chrétiennes, quelles qu’elle soient, même pas comme un héritage.

        Au bout du compte je pense que l’abandon du C est une concession politicienne faite pour permettre la fusion avec le PBD: une formation aux racines idéologiques radical-socialistes, issue du parti Démocrate des Grisons des familles de notables Gadient, Schlumpf & Co. C’était un parti anti catholique, anti clérical, laïcard, de gauche et socialisant. (Le Dr Gadient fondateur du parti et qui était un cacique du Conseil national où il a siègé de 1925 à 1959, votait toujours avec les socialistes. Sa ligne politique etait tellement socialisante qu’elle empêcha l’implantation du PS aux Grisons).

        Bazarder le C, c’est le prix à payer pour que le PBD ex parti démocrate des Grisons et de Glaris, accepte la fusion avec l’ancien ennemi héréditaire. Un calcul politicien médiocre.

        Je pense que ce reniement ne portera pas bonheur au nouveau parti du Centre. Car aujourd’hui le christianisme redevient un drapeau pour tous ceux qui veulent réaffirmer une identité chrétienne, même sans aller à l’Eglise tous les dimanches mais surtout comme référence pour se démarquer de l’Islam envahissant.

        Voyez la réaction de Denis ci-dessous. Denis n’aime pas les grenouilles de bénitier, mais il se sent quand-même chrétien par opposition à l’Islam. Il y avait beaucoup de Denis parmi les électeurs potentiel du PDC. Mais les gens comme Denis ne pardonneront pas l’abandon du C. Dans l’avenir il y aura de plus en plus de Denis. Jamis ils ne voteront pour l’ex PDC devenu parti du Centre. Les stratèges PDC qui espèrent reconquérir un électorat de 20% grâce à l’abandon du C seront cruellement déçus.

        Pour moi l’abandon du C est un faux calcul. C’est le dernier clou dans le cercueil d’une formation politique au passé brillant.

        1. BRAVO, CHER MONSIEUR Neiryncke pour vos engagements objectifs pour l’homme. Je vous suis très reconnaissant et très fier de vous avoir croisé sur mon chemin. Vos engagements sont très encouragents et nous donnent de l’espoir. MERCI. Ruedi Vetter

      2. La biographie du fondateur du parti démocrate des Grisons: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/005321/2009-09-30/

        Il faut connaître l’histoire. Le Parti Démocrate aux Grisons (et aussi à Glaris) était une scission de gauche du parti radical dans un esprit rad-soc. Les Démocrates du Dr Gadient reprochaient aux radicaux d’avoir fait alliance avec les Conservateurs catholiques contre le socialistes. C’étaient des radicaux de gauche socialisants, laïcards, bouffeurs de curés.

        En 1971 les Démocrates ont fusionné avec le PAB, parti des Paysans, Artisans et Bourgeois, (Bauern Gewerbe und Bürgerpartei BGB) appelé PAI en Suisse romande pour Paysans, Artisans et Indépendants, avec à l’époque la couleur violette. Le PAB, BGB, PAI était issu d’une scission de droite du grand vieux parti radical, les contrairement aux Démocrates, qui étaient issus d’une scission de gauche du meme parti. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’UDC depuis 1971 s’est appelée Union Démocratique du Centre, ce qui est assez logique quand on fusionne un parti de droite et un parti de gauche. Mais plus tard l’élément de gauche, justement les anciens Démocrates, ont été expulsés de l’UDC qui, à nouveau, est clairement positionné à droite comme à débuts.

        Les Démocrates sont restés de sensibilité centre gauche mais ils font aussi devenus un parti de notables avec des dynasties comme les Gadient et les Schlumpf. M. Neirynck, vous aviez une collègue UDC, Brigitta Gadient, blonde, jolie, qui était de la 3ème génération de la dynastie fondée par son grand-père. Eveline Widmer-Schlumpf était aussi une héritière politique, étant la fille du Conseiller fédéral Léo Schlumpf qui était un Démocrate des Grisons et ne serait pas devenu Conseiller fédéral sans la fusion de 1971.

        Maintenant le PBD rad-soc des familles Schlumpf et Gadient fusionne avec le parti contre lequel le Parti Démocrates des Grisons, leur prédécesseur, avait été fondé. Dans la corbeille de mariage le PBD a obtenu l’abandon du C. C’est une victoire pour des radicaux socialistes laïcards. Mais les mariages de la carpe et du lapin ne sont jamais heureux. Exemple: la fusion du PAB et des Démocrates… 30 ans plus tard les Démocrates ont été répudiés.

        Je ne crois pas au succès de la fusion PDC PBD. Les ADN sont trop opposés. Ca ne peut pas marcher.

  4. Y en a marre de lire que l’accueil de flux raisonnables d’étrangers analphabètes et venant de pays qui nous sont hostiles est une pensée raciste! Arrêtez de ramener tout à votre propre expérience de professeur d’université et venez partager notre quotidien. On verra si votre bel âme tiendra une semaine dans un quartier populaire du haut de Lausanne ! Cap d’y passer une semaine jour et nuit? Et de sortir le soir seul ? donc sans vous calfeutrer ?…

    Votre proposition en résumé est de disputer au ps le vote communautaire ? Et une politique d’accomodements raisonnables?? Pfffffff

    Et pourquoi toujours tout ramener aux prêtres pédophiles ? et refuser l’existence même des quelques violeurs pédophiles étrangers ?

    1. Le mot raciste n’est pas utilisé dans mon blog. Les violeurs pédophiles étrangers ne sont pas inclus dans le clergé.

      1. Mépris de classe.

        Vous nous pensez suffisamment incultes pour ne pas comprendre le sens de cette phrase?:

        “En étant fidèle concrètement à une valeur chrétienne (accueillir l’étranger), la CDU a écarté certains de ses électeurs qui n’étaient secrètement pas d’accord avec cette valeur.”

        Je n’ai jamais compris pourquoi les grenouilles de bénitiers sont moqués (à raison) quant ils sont contre le mariage pour tous, mais loués quand ils paient des millions pour affréter des bateaux ou des avocats pour accueillir des jeunes hommes migrants hostiles au mariage pour tous, aux droits des femmes, à l’avortement, etc… en gros aux valeurs occidentales..

        Vous soutenez lesquels? Ceux qui veulent importer des millions de conservateurs religieux pour changer l’ouverture en Europe aux femmes, aux droits des homosexuels … ou ceux qui croient que ces migrants vont tous se fondre dans le progressisme occidental ? Un pakistanais qui manifeste au Pakistan contre Charlie est mauvais, mais génial et ouvert au blasphème s’il met les pieds en Suisse ??? MDR.

        Est-ce contraire aux valeurs chrétiennes d’exiger l’accueil de seulement ceux qui adhèrent un minimum au socle de nos valeurs communes?: égalité entre hommes/femmes/minorités sexuelles, droit au blasphème, suprématie de la loi civile sur la religion, respect des lois, …

        1. La CDU a écarté certains de ses électeurs à cause de l’accueil des étrangers. C’est indubitablement un fait historique, ce n’est pas une opinion. Ce blog ne soutient pas une thèse sinon que la différence entre des valeurs proclamées et leur mise en oeuvre est nuisible aussi bien à un parti qu’à une Eglise.

        2. L’amour du prochain s’adresse à tous les hommes, pas seulement à ceux qui pensent comme nous. Telle est la valeur prêchée par le christianisme qui va jusqu’à dire qu’il faut aimer ses ennemis. En pratique ce n’est pas facile voire possible. En suivant ce conseil jusqu’au bout Angela Merkel a nui à son parti. C’est un fait. Il faut en tenir compte. Faut-il rester fidèle à ses valeurs proclamées au risque d’échouer dans une élection? Telle est la question posée dans le blog.

          1. Non.
            Sous prétexte d’être conforme aux valeurs chrétiennes d’accueil, vous dites en réalité: soignons le vote communautaire. Donc un accommodement raisonnable à la canadienne…

            Notre pape ne demande par ailleurs pas un accueil inconditionnel. Au contraire! Un accueil prudent et soumis aux capacités d’intégration…

            https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Pape/Le-pape-Francois-est-accueil-inconditionnel-migrants-2018-01-10-1200904847

          2. Il existe une différence entre l’accueil de l’Allemagne et de la Suisse. D’accord que c’est une question de proportionnalité. Le PDC était-il dans la bonne mesure? Telle est la question. Je la pose, je n’y réponds pas.

          3. Et si vous y répondiez en ayant le courage d’assumer vos positions ??

            Vous ne le ferez pas car vous le savez: le réel, les chiffres et l’ensemble des éléments objectifs vous donneraient tort. Il faut vivre au sommet d’une tour d’ivoire, avec la retraite d’un prof d’uni, pour ne pas voir la réalité et prêchez l’accueil (je vous cite) jusqu’à nos “ennemis”.

          4. Ce n’est pas moi qui prêche l’amour des ennemis mais le christianisme. J’ajoute que c’est difficile, voire impossible. Donc une parti politique se réclame à la fois du christianisme et de ses valeurs mais ne parvient pas à se conformer à celle-ci. Faut-il comme Angela Merkel sacrifier l’avenir électoral de ce parti pour rester fidèle aux valeurs? C’est une question que je pose. Prenez les questions pour des questions et pas pour des affirmations. J’essaie dans ce blog de susciter un débat pas de l’étouffer a priori par l’énoncé d’un dogme. Manifestement cette approche désarçonne certains lecteurs. On peut douter de tout sauf qu’il faille pour avancer accepter le doute.

          5. Ma position est de douter. Cela vient de mon métier de chercheur. Celui qui ne doute pas de ses préjugés ne peut rien trouver. Vous m’attribuez la position d’un accueil sans limite des réfugiés, que je n’ai pas prise et que je ne suis pas obligé de prendre. Pas plus que celle inverse de la fermeture des frontières. Pouvez-vous admettre que la politique, comme la recherche, s’opère par la recherche d’un consensus entre des positions opposées, tenues par des partis qui doivent douter de leur position propre pour admettre un consensus.

          6. Non, je soutiens que vous défendez une politique d’accomodements raisonnables, même avec des ennemis affichés des droits de l’homme (égalité hommes/femmes/minorités sexuelles, etc). Parce que vous croyez que ces personnes pourraient voter pdc… En France, vous seriez sur la ligne d’un Jean-Christophe Lagarde.

            J’ai compris que vous ne souhaitez pas un accueil inconditionnel, mais j’ignore si vous défendez l’exécution des renvois des déboutés. A mon avis vous seriez plutôt du genre à penser qu’ils appartient aux gens de choisir où ils souhaitent vivre (et pas aux états de définir une politique migratoire) et qu’il existerait (une main invisible?) qui ferait que tout s’équilibrerait raisonnablement.

            Un gentil bisounours donc qui ne s’est guère confronté/mélangé avec le réel et qui pense à ses brillants étudiant.e.s africains, asiatiques, etc lorsqu’il entend le mot “étranger”, mais qui ne se promenera pas seul en ville de Lausanne après 23h00 en fin de semaine…

          7. Comme je ne fais pas partie d’un exécutif fédéral, cantonal ou communal, je ne suis pas obligé de procéder au renvoi des déboutés, puisque je ne contrôle pas le mécanisme qui opère le tri. Je ne suis pas obligé de prendre position. Cela me donne la liberté de démontrer qu’il y a des contradictions dans l’exercice de l’exécutif. Je les recherche plutôt que de vérifier la conformité avec une idéologie de droite ou de gauche. C’est dans ce dialogue entre exécutif et législatif que se fonde la démocratie. Si tous les pouvoirs sont confondus dans la même personne (Louis XIV, Staline, Hitler), l’expérience démontre que cela tourne mal.

          8. Je vous ai donc bien cerné.

            Au fait, dans vos exemples de grands génocidaires de l’histoire, vous êtes sûrs qu’ils ne souhaitaient pas :”contrôle[r] le mécanisme qui opère le tri” et donc avoir la mainmise sur l’indépendance de la justice ?

            Si l’on remet en cause “le tri” effectué par nos institutions, après contrôle judiciaire, sommes-nous encore en démocratie ????

          9. Les décisions d’un exécutif ne sont pas infaillible mais c’est le moins mauvais choix que de le confier à un élu qui doit régulièrement rendre compte de sa gestion. Les trois pouvoirs s’équilibrent et se contrôlent mutuellement.

  5. Si l’Eglise a trahi les valeurs originelles du christianisme, rien n’empêche qu’un parti puisse s’y référer en se distançant de l’autorité du pape auquel il n’est pas soumis .
    Il ne devrait pas avoir honte de soutenir les thèmes principaux autour de l’être humain qui doit rester au coeur de la politique .
    N’est-ce pas plutôt la politique qui a trahi les hommes en privilégiant le capitalisme et l’argent avant l’être humain ? Autant les républicains américains se réclamant de valeurs chrétiennes fondamentalistes que l’UDC , ainsi que le PDC, renient les valeurs proclamées par les fondateurs de cette religion !
    Au moins le PLR est cohérent: il défend les entrepreneurs et le progrès sans se soucier des conséquences …
    Et à l’opposé, les verts défendent la qualité de vie prioritaire par rapport à l’accumulation de richesses matérielles .
    Le PDC semble pris à ses propres contradictions , ne sachant plus quelles valeurs défendre , tantôt soutenant le capitalisme, tantôt la solidarité pourvu qu’elle ne coûte pas trop ! La main droite ignorant la gauche …
    Le vrai centre devrait chercher l’équilibre entre progrès et humanisme , mais aucun parti ne remplit ces conditions !

  6. Le problème vient de ce que le mot “valeurs” est positif en Ethique, c’est-à-dire dans la conduite individuelle, mais suspect en politique, où il est connoté à droite voire à l’extrême droite. Pour aborder le problème en politique, il faut y substituer la notion de vertu (v. par exemple https://www.polemia.com/a-bas-leurs-valeurs-vivent-nos-vertus/).
    Il est possible de dépasser le clivage gauche droite, et donc aussi le choix du refus du clivage au centre, en posant que le politique est le terrain où se joue la justice. Dans cette perspective, la fermeture ou l’ouverture des frontières n’est ni une question de valeurs ni une question d’attachement à la patrie, d’identité, de culture, ou d’histoire. Il s’agit de réfléchir aux causes, proches et lointaines, de la migration de tant de personnes. Je donne mon point de vue dans le message suivant.

  7. Pourquoi tant de migrations ? La pauvreté, sans doute; la corruption, le climat, la guerre, aussi. Mais au-delà de toute cette misère, il y a le rouleau compresseur de l’occidentalisation du monde, qui a commencé avec les grandes découvertes. La Suisse n’est pas un pays colonial, mais elle a contribué aux Lumières; c’est un pays de Réforme; ses universités forment une élite au plan mondial; Genève a accueilli la Société des Nations et accueille toujours aujourd’hui plusieurs agences de l’ONU. Celle-ci diffuse une “pensée unique” où il est parfois, tout de même, question de justice.
    Cela ne veut pas dire qu’il faille, en politique, “aimer son ennemi”, c’est une maxime d’éthique personnelle. En politique, il faut rendre à chacun son dû. La Suisse a-t-elle contribué au maintien au pouvoir de dictateurs, a-t-elle encouragé l’exploitation de matières premières au mépris complet des ouvriers, a-t-elle privatisé entre les mains de certaines de ses entreprises des biens communs comme de l’eau, des plantes médicinales, de l’air pur ? Non, pas l’Etat comme tel. L’Etat suisse, comme le montre très bien l’auteur de ce blog, est une machinerie très complexe pour réduire au maximum le pouvoir fédéral; le pouvoir est exercé par les cantons, un petit peu, par l’économie, la plupart du temps. C’est cela le rouleau compresseur de la modernité, le pouvoir aveugle de l’argent et du profit responsable de tant de destructions de par le monde. Je ne trouve pas, personnellement, que cela vaille le moindre effort d’être sauvé, mais je suis sensible à l’argumentation de Denis, il faut veiller à la sécurité du pays et lutter contre le “dumping social”. Comment ? En votant pour le PDC ? C’est égal, ce qu’importe, c’est de voter pour des personnes vertueuses.

  8. Que le PDC sente le besoin de se redéfinir, cela est en soit un signe de lucidité. Mais le fait-il dans la bonne direction? Qu’est-ce que le progrès selon le Centre? Je crois dans cette distinction entre chiens et loups. Je crois qu’il ne convient pas d’être des suiveurs, mais qu’en ces temps ou la mollesse le dispute à la violence, il est nécessaire de faire ses choix pour éviter d’avoir à subir ceux des autres. Les débats est nécessaire à ce propos et j’en remercie Le Temps pour ses blogs. Ors le PDC fait précisément l’inverse. En affirmant résolument son attachement aux valeurs chrétiennes, il pourrait prendre un pari périlleux mais qui, moyennant quelques explications, peut le mener très loin et bien au-dessus de la mêlée plutôt qu’au centre. Encore faudrait-il avoir le courage et l’énergie d’un tel choix résolument progressiste. Cela ne correspond pas, hélas, à ses traditions conservatrices.

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