Pourquoi la Suisse échappe à la malédiction du Brexit

 

Il a suffi de 44 jours à Liz Truss pour parfaire le désastre du Brexit, que Boris Johnson avait mis trois ans à préparer. En abandonnant son poste de premier ministre au bout de six semaines, elle remporte le record du plus court mandat en Grande-Bretagne depuis 1945. Le pays n’est plus que le fantasme de ce qu’il fut jadis : le centre d’un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais et la première place financière du globe. Mais le peuple y croit encore, conforté par les grands spectacles offerts par la monarchie. Le Roi ou la Reine ne sont-ils pas les chefs de l’Eglise anglicane, juste un cran en dessous de Dieu lui-même.

Cette illusion et cette croyance au miracle permirent à Boris Johnson de vendre le projet du Brexit à la population en lui attribuant les vertus souverainistes traditionnelles : du seul fait de son autonomie,  le pays retrouverait sa splendeur antérieure et, du coup, la richesse récupérée ruissèlerait par merveille sur tous les citoyens. Ils ne seraient plus confrontés à la concurrence sociale de travailleurs étrangers, qui déprimait le niveau des salaires. Comme, selon Johnson, l’appartenance à l’UE aurait ruiné à petit feu les Anglais de la classe moyenne, il pouvait lui imputer tout ce qui allait mal, c’est-à-dire ses propres gaffes.

Une fois le Brexit conclu, ses conséquences immédiates furent bien autres que ce qui avait été promis : de fait, les Britannique sont plus pauvres, les barrières douanières sont relevées, le pays est moins attirant pour les investisseurs, le chômage est en hausse,  il y a un manque à gagner fiscal, une fuite des talents, l’intégrité du Royaume-Uni est remise en question par la revendication d’indépendance écossaise. L’inflation y atteint 10% tout comme dans l’UE.

Face à ce désastre prévisible, Liz Truss proposa platement de réduire les impôts des plus riches afin de stimuler la croissance et d’en attendre des rentrées fiscales miraculeuses. Comme cette politique de St. Nicolas ne suscita l’adhésion de personne, le parti Conservateur y perdit sa réputation de gestionnaire avisé des finances publiques.

Quel leader charismatique aurait-il réussi à redresser cette situation qui témoigne de l’art de gouverner au plus mal ? Et qui réussira maintenant ? La faute en est-elle à Liz Truss, confrontée à une situation inextricable, au point de se raccrocher à la version la plus extrême de l’idéologie libérale dans l’espoir d’un miracle ? Ou bien faut-il remonter plus haut est incriminer le Brexit lui-même qui n’a pas tenu ses promesses, a enfoncé davantage le pays dans une impasse et aggravé les crises d’origine externe ?

Cela soulève la question de la viabilité d’un pays moyen, isolé de l’UE, par rapport à de vastes ensembles, les Etats-Unis et la Chine. Cela suggère la même question destinée à la Suisse : est-elle avantagée par sa rupture avec l’Europe ? Est-elle plus prospère parce que plus indépendante ? Est-ce du réalisme de se tenir éloignée de l’UE ou du romantisme patriotique ?

La réponse à ces questions tient du paradoxe : les destins du Royaume Unis et de la Confédération helvétique sont pour l’instant on ne peut plus contrastés. Aucun des maux qui frappent le premier ne concernent la seconde.  Où se situe la différence sinon dans les institutions ?

Les institutions suisses ne permettraient pas à un Conseiller fédéral en charge des finances de propose un mini-budget irréaliste, qui soulèverait un pessimisme général et une méfiance à l’égard de la monnaie nationale. La collégialité du Conseil fédéral prévient les décisions impulsives. Il n’y a pas d’homme fort mais sept faiblesses associées. De façon plus précise encore, la Suisse n’a pas de premier ministre en situation de la lancer dans des aventures comme le firent Boris Johnson et Liz Truss. La gouvernance y est à ce point émiettée que personne ne peut, à lui seul, mal l’utiliser.

C’est le génie de l’acratie que de se méfier du pouvoir au point de ne pas l’exercer et de s’en remettre à la lenteur, la prudence, la procrastination, voire l’inertie et l’impuissance. La seule façon de ne jamais commettre d’erreur consiste à toujours s’abstenir d’agir. La force de la Suisse est sa faiblesse organisée. Pour traverser un fleuve en furie, il vaut mieux se laisser porter par le courant que de le couper.

 

 

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

46 réponses à “Pourquoi la Suisse échappe à la malédiction du Brexit

  1. “sans parti pris”, dites-vous ?

    Je trouve dommage de faire primer le dogmatisme sur une analyse rationnelle et les faits. Mais bon, c’est votre blog. Vous avez le droit d’exposer votre parti pris.

    Les faits vous donnent cependant tort.

    1. Sans parti pris ne signifie pas sans prise de position mais sans position déterminée a priori avant analyse des faits et réflexion. Quels faits invoquez-vous qui me donneraient tort?

  2. Aznavour chantait: “La misère serait moins pénible au soleil”. Par comparaison l’on peut chantait que “la misère est plus douce à 27”.
    La GB n’a rien à envier à l’UE qui imprime des milliards et qui distribue sans compter, pourtant les émissions de la BCE ne sont pas gratuites. Normalement les 27 devraient comptabiliser leurs parts des dépenses crées par Von der Leyen dans les comptes nationaux. Rien que les vaccins (50 milliards) et l’Ukraine ont rajouté à la misère de l’UE plusieurs dizaines de milliards et ce n’est pas fini. La Suisse est le bénéficiaire de la mauvaise gestion de ses 3 grands voisins depuis toujours. L’Autriche est un modèle à suivre. Neutre, neutre, neutre.

    1. Comment peut-on être bénéficiaire de la mauvaise gestion de ses voisins?
      Aujourd’hui l’Autriche remet en question sa neutralité dont il n’est plus assuré qu’elle la protège.

      1. Les déficits rouges vifs et les enfers fiscaux des autres font de notre ciel un paradis à tous les niveaux. On vend “la stabilité, la neutralité et du folklore” et ça a toujours marché. On va voir si le meurtre par la majorité des 7 de la neutralité va changer la donne. L’Autriche a reconfirmé sa neutralité, ce qui ne l’empêche pas d’aider l’Ukraine, d’une façon mesurée.

  3. Je n’arrive pas à m’empêcher de voir dans les problèmes de gouvernance du Royaume-Uni et le lent naufrage de la France les prémisses du déclin de l’Europe toute entière (Suisse comprise).

    Soyons réaliste : le XXIème siècle ne sera pas européen.

    1. Bien d’accord. Selon le proverbe “les poissons pourrit par la tête”, c’est l’Etat qui fut le plus puissant qui entre le plus tôt en décadence.

    2. Je ne pense pas, ou alors, il faudrait plutôt parler de déclin du modèle occidental, car les E-U ne vont pas très bien eux non plus. Alors que resterait-il? Le Royaume-Uni et la France, anciennes superpuissances, ne sont pas à eux seuls l’Europe; l’Europe, c’est aussi tous les autres pays, notamment les plus petits – Suisse comprise – qui réussissent merveilleusement bien.
      Les superpuissances (E-U) et anciennes superpuissances (France, Angleterre…) n’ont peut-être simplement pas eu le temps de développer cette résilience qui permet aux autres pays de s’adapter et de survivre dans ce monde mondialisé en constante mutation. Ils ont plutôt toujours été habitués à ce que les autres s’adaptent à eux. Mais ça viendra…

  4. D’autres hypothèses sur les causes du déclin de l’Europe? La réduction du temps de travail (je suis horrible oui mais), la télévision-machine-à-bouffer-le-temps qui éteint beaucoup de passions, le confort douillet alimenté par les activismes chinois ou indien, le manque d’information sur la situation économique, le souvenir de la puissance ancienne et surtout, surtout le manque de sources d’énergie. Cependant quand on souffre on réagit parfois, à voir? Je pense que l’Europe n’échappera pas au déclin sans l’invention des centrales nucléaires à fusion. Appelez ça une lubie mais l’accès à une énergie abondante donc moins chère changerait tout. Quid de la Suisse si ses voisins ont le niveau économique du Bengladesh? migrants-envahisseurs?

    1. Comme il y a des décennies que l’on essaie de développer l’énergie de fusion, rien n’est moins sûr que sa mise au point. Il y a des technologies qui constituent des impasses.

  5. La Suisse fonctionne en compromis, ailleurs les gouvernements doivent donner des gages idéologique, ce qui veut dire souvent des conséquences mauvaises. La Suisse a un gouvernement terrien pas intellectuelle, le compromis force à épouser la réalité.
    En France, à une colère citoyenne, les gouvernements donnent une réponse intellectuelle pour rester coller à une idéologie, c’est tout ce qu’il faut pour faire monter le populisme.

    L’idéologie, c’est le fléau des démocraties.
    Avoir une vision, suivre une ligne cohérente, c’est nécessaire, mais si cela devient une idéologie qui empêche de s’adapter avec la réalité vécu par la population, ce sont les populismes qui en profitent.

    L’Angleterre n’échappe pas à la maladie idéologique de droite ou de gauche. Elle ferait mieux d’adapter son système politique à son nouveau rang. Elle n’a pas besoin du système actuel herité de l’empire mais un système suisse qui colle mieux à la réalité et donc aux citoyens.

    Quant à la décadence, les démocraties ont la capacité de changer, alors que l’autoritarisme ne peut pas admettre ses erreurs parce que c’est remettre en cause les pseudo bonnes raisons de l’autoritarisme.
    La décadence pour les régimes autoritaires fait partie de ces régimes, la démocratie se relève toujours.

    La Chine est piégé par le Covid, l’Inde est miné par le début d’une guerre de religion encouragé par le gouvernement. Je ne vois pas un meilleur avenir chez eux, au contraire.
    Quant aux USA, le malade, il retombera sur ses pattes.
    La démocratie est le phénix. La démocratie reste le système le plus viable sur la durée et le plus efficace puisque s’adapter ne contrevient pas à ses valeurs

    Les démocraties sont capables de faire un reset, l’autoritarisme, non. L’Angleterre se relèvera, mais ce serait plus rapide avec un système à la Suisse plus dans la réalité moins dans l’idéologie.
    Je suis optimiste pour l’avenir des démocraties.

  6. La différence entre la situation de la Suisse et celle du Royaume Uni est le fait que des élites traîtreuses (notamment Eduard Heath, pédophile notoire donc “tenu”) ont fourvoyé le Royaume Uni dans le carcan de l’Union Européenne, ce qui était contraire à ses intérêts. Il aurait été péférable pour le Royaume Uni d’aménager ses relations avec le continent, de concert avec la Suisse, dans le cadre de l’AELE et donc sans perdre sa souveraineté. Une fois qu’elle eut perdu sa souveraineté, le dégât n’était plus réparable. On a bien senti que le peuple britannique était mal à l’aise dans ce machin qui contrariait tout le temps ses instincts, ses réflexes profonds et son caractère national. Il ne s’agit pas de nostalgie passéiste d’un statut impérial, même si psychologiquement cela a pu jouer un rôle, ce qui est normal. Les Britanniques ont essayé de s’accommoder tant bien que mal à cette cote mal taillée, qui ne leur convenait pas. Ils sont toujours refusé l’euro. Mme Thatcher a dit : “give me my money back !” et ils ont obtenu un traitement spécial. Ils se sont efforcés, non sans un certain succès, de transformer le projet d’intégration européenne en un projet de zone de libre échange. Mais cette zone de libre échange était à la fois trop contraignante pour leur ADN politico mercantile et trop souple pour ne pas dénaturer le projet intitial du traité de Rome, et en partie, le miner de l’intérieur. Bref, malaise total, et échec total, y compris pour l’UE elle-même,. mais cet échec prévisible aurait pu être évité au début, en s’abstenant de vouloir adhérer. Finalement la déception a été telle, que le peuple britannique, qui a gardé une énergie et une volonté hors du commun, a préféré “ein Ende mit Schreck” à “ein Schreck onhne Ende” (une fin dans l’horreur plutôt qu’une horreur sans fin). Ce fut le Brexit. Il est très possible que cette décision courageuse et dramatique se solde par la disparition du Royaume Uni, qui ne pourra pas y survivre. Les Ecossais, qui rêvent de leur indépendance, pourraient se saisir de ce prétexte pour enfin l’obtenir. Les Irlandais, qui n’aiment pas l’idée d’avoir une frontière internationale au milieu de leur île, pourraient se réconcilier, se réunifier, et eux aussi devenir indépendants en rejoignant l’UE. Tout cela est possible. Les Britanniques ont courageusement pris ce risque. Ce serait donc la fin d’une belle aventure, qui finalement n’aura duré que depuis 1707. Pour ma part, je ne pleurerai pas la disparition du Royaume Uni qui a causé énormément de troubles en Europe et dans le monde depuis trois siècles. Sic transit gloria mundi. Ce sera très triste pour les vrais patriotes britanniques, mais c’est leur problème, pas le nôtre. Il fallait réfléchir avant. L’erreur n’était pas le Brexit, c’était l’adhésion à la Communauté, puis à l’Union pseudo “Européenne” qui est en réalité la négation de ce qu’est la véritable Europe. Ca ne pouvait que mal finir. La Suisse a eu la chance d’échapper au même engrenage, grâce à ce que vous appelez son “acratie”, grâce à une opposition déterminée et très tenance de patriotes, au premier rang desquels ils faut rendre hommage, malgré tous ses défauts, à monsieur Christophe Blocher, grâce à sa démocratie directe, grâce à Pierre-Yves Maillard, qui a torpillé l”’accord cadre” parce qu’il savait parfaitement que cet accord serait fatal pour l’ensemble des acquis sociaux en Suisse. Grâce à tout cela, l’erreur initiale et fatale qu’avaient commise les Britanniques, n’a pas été commise en Suisse, et c’est pourquoi la Suisse va moins mal que ses pays voisins. Mais il faut rester vigilants car l’UE continue inlassablement ses chantages odieux et mesquins, et à l’intérieur du pays il y a encore une cinquième colonne antisuisse très forte, qui n’a jamais renoncé au bradage de notre pays.

  7. Monsieur Neyrinck,
    Encore un hymne à la mondialisation. Par bonheur les commentaires de certains de vos lecteurs lucides et éclairés tel que celui intitulé ‘L’ERREUR C’ÉTAIT D’ADHÉRER’ donnent un autre éclairage sur les mérites d’une Suisse traditionnelle que vous haïssez !

    1. J’ai assez loué les qualités du système politique suisse pour ne pas me faire accuser de “haïr” la Suisse. Tout ce qui est exagéré est insignifiant.

    2. Je voudrais prendre un peu la défense de monsieur Neirynck.

      Cher monsieur Wohlwend je vous trouve injuste envers notre compatriote Neirynck. Je ne crois pas du tout qu’il haïsse la Suisse. Il l’aime, mais à sa manière, qui n’est pas la nôtre. Je veux dire ni la vôtre, ni la mienne.

      Nous aimons une Suisse historique qui est un Sonderfall, forcément, comme tous les autres pays, avec ses traditions, son identité et sa souveraineté. Mais tout ça n’a pas beaucoup de sens aux yeux de monsieur Neirynck. C’est un homme des Lumières. Pour lui les traditions nationales et les identités n’ont pas de sens, même si sans doute il apprécie certaines traditions de notre pays, disons la fête des vignerons ou d’autres traditions. Mais pour lui la souveraineté est une idée dépassée. Pour lui la Suisse est un concept républicain moderne qui n’existe que depuis 1848, et aucun pays n’a un héritage particulier à préserver. Il s’agit uniquement de construire le Temple de l’Humanité dans une gouvernance mondiale qui est la forme moderne de la vieille utopie de République Universelle. Donc, la Suisse n’a pas à être neutre, elle n’a pas à être indépendante, elle doit entrer dans l’UE et dans l’OTAN, elle doit juste apporter sa petite pierre à la construction de la République Universelle.

      C’est une conception diamétralement opposée à la nôtre. Vous le dites justement, c’est une “ode au mondialisme”. C’est pourquoi je suis souvent énervé par les prises de position de monsieur Neirynck et je lui rentre dans le cadre rég8ulièrement. Mais à force, j’ai fini par l’apprécier quand même.

      Il a écrit une fois une chose qui m’a touché, c’est que quand il était petit garçon en Belgique, pendant la guerre, il écoutait Sottens sur son poste à galène, sans doute les émissions de René Payot. Et que c’est la raison pour laquelle il a toujours désiré s’installer dans notre pays et devenir suisse, ce qui a fini par arriver quand il a été nommé à l’EPFL. Je dois dire qu’autant je suis totalement opposé à beaucoup de ses idées (sur certains sujets comme la culture, ou l’école, je suis parfois d’accord avec lui) autant je lui pardonne parfois son mondialisme à cause de cette confidence qui venait du coeur.

      1. Monsieur ou Madame Sottens,
        J’ai eu l’occasion à de nombreuse reprises de commenter les billets de Monsieur Neirynck. Je l’ai toujours fait avec modération et respect. Nombre de ses billets se sont avérés pertinents et je l’ai toujours relevé. Je n’ai aucun parti-pris pour ou contre Monsieur Neirynck. Ce que je lui reproche par contre c’est de n’exposer que ses sentiments et de ne jamais répondre aux critiques par des arguments factuels et référenciés.

    3. Pour préciser ma pensée, monsieur Neirynck aime la Suisse, mais sa Suisse à lui, telle qu’il la conçoit, c’est à dire une idée plutôt abstraite. Il n’aime pas la Suisse traditionnelle, là vous avez raison. Mais je ne dirais pas qu’il la hait non plus, simplement elle lui est indifférente. Il ne la connait pas, et ne comprend pas ce que c’est. Pour lui cette notion n’a aucun sens. Il a pour la Suisse un certain sentiment affectif, comme je l’ai senti quand il a parlé de ces émissions entendues sur son poste à galène. Et c’est sûr que pendant la guerre on pouvait tomber amoureux de la Suisse en écoutant radio Sottens, si on habitait en Belgique occupée par les nazis. Mais à part ça, à mon avis, monsieur Neirynck a surtout pour la Suisse un “patriotisme constitutionnel”, comme dirait Habermas.

      1. Ce n’est pas vrai. Non seulement j’admire les institutions suisses, y compris dans ce qu’elles ont de plus paradoxal, mais j’éprouve un véritable sentiment d’appartenance, spécialement dans ses traditions, dans son terroir, dans sa diversité. Je refuse qu’on me dénie cela au terme de je ne sais quelles suppositions. En ce qui me concerne, je ne me permettrais jamais de douter du patriotisme authentique d’un de mes concitoyens, même et surtout s’il diverge d’opinion. C’est je crois la définition de ce qu’il y a de plus fort dans ce pays : admettre la diversité des opinions et ne pas exclure l’autre.

        1. Je confirme.

          Pour vous lire depuis des années, vous êtes critique, encore heureux, mais un ardent défenseur de la Suisse et de nos institutions. Pour le terroir, je ne saurais le dire. 😉

        2. OK. Je vous demande pardon. Vous êtes un vrai patriote suisse. Cependant votre dévouement pour les idéaux de la gouvernance mondiale font que tout de même votre patriotisme, très sincère, est d’une espèce particulière. En tous cas différent de celui des gens qui, comme moi, pensent que l’objectif d’une gouvernance mondiale implique nécessairement la dissolution des patries charnelles. Il y a peut-être des gens, vous en faites probablement partie, qui pensent que l’existence des patries charnelles est compatible avec une gouvernance mondiale. Je ne le pense pas.

          1. Réfléchissez à notre structure fédéraliste, faite de patriotismes emboités. On peut être fier et dévoué spécifiquement à sa commune ou à son canton tout en se sentant Suisse. Ne nous sentons-nous pas Européens en plus de Suisses parce que nous apprécions Paris, Rome, Vienne comme si nous étions chez nous bien plus que Chicago, Shangaï ou Kinshasa?

          2. “…l’objectif d’une gouvernance mondiale implique nécessairement la dissolution des patries charnelles.”

            Qu’est-ce qu’une “patrie charnelle”? Avant de théoriser sous l’influence des marxistes Adorno et Marcuse, les bêtes à penser des “Gay Sixties”, Habermas, que vous citez, n’a-t-il pas été membre des Jeunesses Hitlériennes et élevé en Allemagne nazie, cette nation ô combien charnelle, surtout dans le genre carnassier, enivrée par de son patriotisme de “Bier Stubbe” aux relents nazional-saucisstes?

            Sur les présupposés nationalistes et communautaristes de l’auteur de la théorie du Patriotisme constitutionnel, avez-vous lu l’intéressant article de Sophie Heine,
            “Jürgen Habermas et le patriotisme constitutionnel”? L’auteure y soutient que si le patriotisme constitutionnel de Habermas “constitue officiellement une critique des dérives du patriotisme classique, il a fini par reproduire plusieurs de ses caractéristiques. Même s’il doit se déployer au niveau européen et repose sur des principes démocratiques et ouverts à réinterroger sans cesse, il n’est pas aussi éloigné qu’il le prétend des approches nationales-civiques.” […] “…les traits communautariens qui apparaissent dans l’approche habermassienne de l’Europe ne permettent pas de se prémunir complètement contre le retour d’une glorification acritique du passé.” […] “…
            la tentative de Habermas de neutraliser les dangers du communautarisme en plaidant pour un patriotisme démocratique et ouvert a quelque chose d’illusoire. Moins que par son contenu – politique ou culturel, ouvert ou fermé –, l’identité commune est périlleuse quand on la considère comme la source de légitimité première de la communauté politique.” (Sophie Heine, “Jürgen Habermas et le patriotisme constitutionnel”, Politique – revue belge d’analye et de débat, 14 octobre 2011 (https://www.revuepolitique.be/jurgen-habermas-et-le-patriotisme-constitutionnel/#markerref-2038-25).

            Au fond, sous son masque constitutionnaliste, Habermas n’est-il pas un parfait réactionnaire?

            Ou, comme dirait Alexandre Zinoviev à propos d’un autre néo-patriotisme bien charnel et d’actualité, “les lendemains qui sentent et l’avenir du saucisme” n’ont-ils pas encore de beaux jours devant eux?

  8. Le système suisse ne l’a pourtant pas préservé des problèmes d’approvisionnement énergétique et des conséquences du réchauffement climatique.

    On peut voir que certaines qualités suisses ont disparues: porquoi a-t-on permis d’alimenter le pays en gaz naturel sans prévoir sur le sol national des stocks de gaz naturel comm on le fait pour l’essence et diverses matières premières ?

    Et face à la sécheresse et aux bouleversments climatiques qui génèrent des catastrophes naturelles, la lenteur et le compromis ne font pas le poids.

    Le système suisse est bien conçu contre les aventures idéologiques ou les prises de pouvoir, mais il ne sera pas efficace lorsque des changements radicaux seront nécessaires

    1. Tout à fait d’accord. Un gouvernement composite est idéal pour gérer la routine mais impuissant face à des crises.

  9. Ainsi “l’acratie” helvétique est un jour honnie et le lendemain louée !
    On reconnait les analyses contradictoires et absurdes de l’auteur de ce blog qui n’a jamais compris comment fonctionne la Suisse , même comme parlementaire !
    Ce n’est pas Boris Johnson qui a organisé le referendum sur le Brexit , il y était même opposé au début !
    David Cameron est à l’origine du Brexit , et Theresa May a négocié la sortie de l’UE, mais a échoué sur certains points repris ensuite par Boris Johnson ayant retourné sa veste … laissant Liz Truss dans la panade …
    Le modèle de gouvernement dirigé par une seule personne montre ses faiblesses , comme en France ou aux USA , …
    La Suisse ne peut pas subir les mêmes conséquences , n’ayant jamais été membre de l’UE !
    Encore une erreur d’analyse !!!
    Elle a préféré la voie bilatérale , mais qui arrive à bout de souffle , l’UE n’ayant pas le temps de décliner une version d’union spécialement pour la Suisse qui ne sait pas si elle veut être dedans ou dehors en fonction des circonstances ! Etre dedans pour faciliter les exportations ou la recherche , mais dehors sur d’autres sujet …
    Un club ne fonctionne pas ainsi , on doit accepter autant les inconvénients que les avantages …
    L’Autriche, autre pays neutre, ne se sent pas broyée par l’administration bruxelloise , elle y a trouvé une certaine stabilité tout en menant sa propre politique et en participant pleinement aux décisions de l’UE, le principal argument d’adhésion …

    1. Je n’ai pas décrié l’acratie mais pris note de sa réalité avec des avantages et des inconvlnients comme toute forme de gouvernement.

  10. Que c’est bien dit et écrit ! Moralité : pas de précipitation dans les bras de l’UE qui ne suscite pas vraiment une folle envie. Nous finirons bien par adhérer, mais en attendant mieux vaut un petit chez soi. Element important passé sous silence : l’état d’esprit, l’ardeur au travail, l’inventivité de notre peuple, incomparable à certains autres de notre entourage. Foin de modestie !

  11. “Un gouvernement composite est idéal pour gérer la routine mais impuissant face à des crises” Formidablement vrai. Lors de ma jeunesse folle on m’avait fait faire un exposé sur la notion de “nation”. Je n’étais pas satisfait de mon travail et les questions que je me posais alors restent toujours aussi inquiétantes. Elles pourraient presque toutes commencer par “dans quelle mesure…”. Il semble y avoir actuellement un plus grand désir de nation: défendre ses intérêts, dissentions en Europe pour plus d’égoïsme, dans l’OTAN pour plus de puissance, dans le monde pour plus d’orgueil. Mais les faits sont têtus: les voyages, les échanges, les comparaisons de produits, les collaborations fructueuses sont de plus en plus faciles. Et internet! Le covid, la guerre façon poutine, la menace chinoise nous laissent groggy mais les choses se décanteront peut-être si on peut garder un minimum de sagesse…tous!

  12. Un simple coup d’œil au juridisme européen suffit à se dégoûter de tout. Par bonheur le droit helvétique fonctionne, même si certains recours fédéraux font traîner en longueur.

    On est loin des complications juridiques qu’affrontent les européens.
    Les anglais ont voulu en sortir, mais ils sont retombés dans leurs travers, les américains en souffrent tout autant.

    Le droit et la justice… personne n’en parle. Pourtant c’est la fondation de tout système politique, économique, social…

    La qualité du système suisse est due à une justice rapide, efficace, simple, applicable et appliquée par tous.

    1. Si les opposants à chaque dictature sont tenus de prendre les armes, la planète va s’embraser. Les Ukrainiens ne peuvent rien faire d’autres puisqu’ils sont agressés par l’étranger. C’est une guerre entre deux nations. Votre règle amènerait au déclenchement d’une multitude de guerres civiles.

      1. Ma règle mettrait fin aux tyrannies et cesserait de nous exposer aux prisonniers et autres internés libérés par leur pays et mis sur le chemin “Europe”…

        Il faut combattre pour sa liberté car personne ne le fera à nôtre place !

        Nous sommes confrontés à la plus grande crise migratoire depuis 70 ans !
        https://www.blick.ch/fr/news/suisse/la-cheffe-du-sem-christine-schraner-burgener-nous-sommes-confrontes-a-la-plus-grande-crise-de-refugies-depuis-la-seconde-guerre-mondiale-id18003936.html

        Et combien de migrants vers le Qatar, l’Arabie saoudite, la Russie, etc ?
        Combien de migrants au Japon, en Corée, en Chine ?
        Combien de migrants en Amérique du Sud ?

        Pourquoi ce fardeau est toujours pour nous ?
        Pourquoi ce trafic qui nous rappelle les heures les plus sombres du commerce triangulaire ?

          1. La Suisse n’a jamais eu cette tradition.

            A une exception.
            Nous avons accueilli les soldats français du général Bourbaki en février 1871.

            Puis, on les a internés, mis au travail et fait payer la France pour leurs coûts. C’est sur ce cas que la gauche nous ment et nous parle de Suisse terre d’asile….

            Même notre loi sur l’asile a été imposée par l’UDC (son ancêtre) pour disposer d’une main d’oeuvre corvéable dans l’agriculture.

            Notre pays n’a aucune tradition d’accueil.

            Notre population, en revanche, a bon coeur. Et on lui ment pour entretenir sa naïveté.

  13. “Comme, selon Johnson, l’appartenance à l’UE aurait ruiné à petit feu les Anglais de la classe moyenne, il pouvait lui imputer tout ce qui allait mal, c’est-à-dire ses propres gaffes.”

    23 juin 2016 : les Britanniques disent “oui” au Brexit

    24 juillet 2019 – 6 septembre 2022: BOJO est premier ministre du Royaume-Uni.

    Petit problème de chronologie dans votre raisonnement ?

    1. Johnson a été un propagandiste du Brexit avant de devenir premier ministre en récompense de son action.

      1. J’aurais une question bête.

        Comment 3.9 millions de Brésiliens ont réussi à voter “nul” alors que c’est un vote électronique avec seulement 2 candidats au 2e tour ??

        Il y avait une touche “vote blanc” et “je vote nul” ? 🤔

        https://resultados.tse.jus.br/oficial/app/index.html#/m/eleicao/totalizacao

        “Oui, tout le monde vote électroniquement et le vote est obligatoire au Brésil pour ceux qui ont plus de 18 ans et moins de 70 ans.”

        https://www.francetvinfo.fr/monde/bresil/bresil-le-vote-electronique-a-permis-de-mettre-fin-a-la-fraude-explique-un-constitutionnaliste_5395264.html

  14. Ainsi, le cuirassé “Rule Britannia” prend l’eau par toutes ses écoutilles et toutes amarres lachées. Ce n’est plus le “Victory” de Trafalgar mais “Titanic II”. Pourtant, au milieu des années soixante, il tenait encore l’eau. Je me souviens d’une conférence que l’ancien premier ministre anglais Sir Alec Douglas-Home, en tournée aux Etats-Unis, donnait à l’Université de Californie à Riverside UCR), à laquelle j’assistais comme reporter du quotidien local. Thème de son intervention: L’avènement de l’union économique européenne. Pour l’ancien premier ministre conservateur, celui-ci ne faisait aucun doute et la Grande-Bretagne était appelée à y jouer un rôle-clé. Il passera de la parole aux actes quand il deviendra nouveau secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères sous Edward Heath (1970-1974). L’Angleterre en imposait encore.

    Mais avec le manque de vision d’un Boris Johnson ubuesque et de l’étoile filante Liz Truss, qui militait pour abolir la monarchie quand elle était étudiante (un erreur de jeunesse, confessera-t-elle plus tard), aujourd’hui, on est loin des années soixante, quand l’organisatrice de la venue de Sir Alec Douglas-Home à UCR présentait celui-ci avec ces mots: “La Grande-Bretagne a reconquis les Etats-Unis grâce aux Beatles et à la mini-jupe.” Sir Alec était ravi.

    Que reste-t-il encore à la Perfide Albion pour en imposer à un monde où le “Wall Street English” a supplanté l’accent d’Oxford, sinon l’évocation de la monarchie version Netflix?

  15. La Suisse échappe à la malédiction du Brexit tout simplement parce que n’ayant pas adhéré à l’UE, elle n’a pas à en sortir !

    L’Angleterre (qui est de fait la seule aux manettes de la GB) fut un empire colonial colossal … certaines vielles barbes anglaises s’en souviennent encore. Cela explique leur morgue, arrogance, sentiment de supériorité et de nostalgie. En Inde, les Anglais ont gouverné avec une brutalité inouïe ; la médecine ayurvédique interdite, les médecins qui continuaient à la pratiquer avaient les mains tranchées ! Les Anglais ont peu de respect pour tout ce qui ne se trouve pas sur leur île.

    Ce passé colonial explique pourquoi les Anglais n’ont jamais accepté d’être une simple voix parmi 28, au sein de l’UE. Ils estimaient devoir en être les patrons !

    Par ailleurs, la constitution anglaise n’est que très partiellement écrite. Tant que tout cela se passe entre gentlemen, tout fonctionne à peu près. Mais quand Boris Johnson, qui n’est pas un gentleman, s’en mêle, c’est une autre histoire. Lorsqu’il a écrit le discours de la reine, il lui a très cyniquement fait prononcer des mensonges. Du jamais vu au pays des fishs and chips !

    La prochaine crise anglaise sera tout simplement constitutionnelle.

    La Suisse n’aura jamais ces problèmes. La Suisse n’a pas de passé colonial, c’est une démocratie semi-directe, avec contrôle du peuple, pas de président élu, élections à la proportionnelle, transparence plus ou moins respectée. C’est probablement une des démocraties qui fonctionne le mieux au monde !

    A se demander pourquoi personne ne s’en inspire !

    1. Parce que personne ne peut jouir du pouvoir, de son prestige et de la satisfaction de l’ego.

  16. Où se situe la différence sinon dans les institutions ?

    En Suisse, il est une institution qui fonctionne particulièrement bien : l’éducation.
    La Suisse est le seul pays où les enfants sont encore éduqués. Ils sont polis, gentils et, dans le tram, ils laissent leur place aux vieilles personnes. Arrivés à l’âge adulte, TOUS parlent plusieurs langues, connaissent à fond l’histoire et la géographie de leur pays. Ils ont ont voyagé et leur culture générale est étonnante !

    Liz Truss, alors secrétaire d’État aux Affaires étrangères est allée aboyer au nez de son homologue russe, qui, mort de rire, lui a expliqué qu’elle confondait la mer Baltique avec la mer Noire ! Or, Liz Truss sort d’Oxford qui n’est pourtant pas réputée pour être une usine à cancres.
    Le système éducatif des pays européens est en faillite. Sans parler du niveau abyssal de nos “amis” américains dont la moitié croient que le monde a été créé en 7 jours.

    Mais, même s’ils ne méritent aucune considération au vu des dégâts causés, Boris Johnson et Liz Truss ne sont pas les causes du problème, ils n’en sont que les symptômes. Après tout, être, comme Liz Truss, inculte, stupide et agressive n’est pas un délit. Voter pour elle non plus. La vrai question est celle-ci : comment est-il possible que des personnages aussi médiocres arrivent au plus haut niveau de pouvoir ? Pourquoi ces personnages calamiteux ne sont-ils pas stoppés AVANT ? Les 6 semaines au pouvoir de Liz Truss ont obligé la banque d’Angleterre à intervenir à hauteur de 65 milliards. Juste pour limiter la casse. Une paille !

    La plupart de nos démocraties dysfonctionnent. Les filtres ne filtrent plus. Seuls ceux déjà en place ont le pouvoir de modifier les institutions, ce qu’ils ne feront pas car cela les renverrait immédiatement à leur propre médiocrité. Les médiocres ont confisqué le pouvoir.

    Avec son système éducatif est ses institutions plus saines, la Suisse résiste à cette décadence inéluctable. Mais pour combien de temps ?

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