Saisie de la culture par l’administration

 

Ainsi les cantons romands viennent de décider de modifier l’orthographe du français, comme si la langue entrait dans leur juridiction. Au Grand Siècle, Richelieu créa l’Académie Française pour lui confier ce rôle, c’est-à-dire une assemblée de véritables praticiens de la langue, les écrivains. Eux-seuls peuvent observer les modifications spontanées de celle-ci sous l’effet de l’usage populaire. A la marge, ils peuvent essayer d’y apporter quelque ordre, mais sans se faire trop d’illusions. L’anglais évolue plutôt bien sans académie. Il existe des éditeurs pour les dictionnaires

Car toutes les langues ont pour nature d’évoluer. Le latin n’a-t-il pas éclaté d’abord en une foule de dialectes locaux qui se sont finalement agglomérés autour de six à sept langues qui elles-mêmes n’ont pas cessé d’évolue ? Il n’est donc pas question de se récrier devant des tentatives de remise à jour. Sauf que celle-ci concerne l’orthographe. On peut et on doit en dire tout le mal qu’elle mérite, par ses complications infinies qui ont pour seul mérite de créer le métier de grammairien et les fonctions d’enseignants. Dans un pays francophone, les enfants parlent le français quand ils abordent l’école obligatoire. Ils le parlent, mais ils ne le lisent ni ne l’écrivent.

Il faut donc leur apprendre que les lettres è et ê se disent de la même façon, o ou au se prononcent de la même façon, comme en, an, em, am. Le p de loup ne s’énonce pas,  mais son féminin n’est pas loupe selon une certaine logique mais louve. Un î ou un û se prononce toujours i ou u.  Les graphies sain, saint, sein, seing, ceint se prononcent de la même façon, mais ont des sens bien différents. Etc…

On conçoit donc que la maîtrise de l’orthographe ne soit pas à la portée de tout le monde, spécialement des enfants élevés dans des familles démunies de livres, de journaux ou de revues. Cela existe. C’est donc un facteur de discrimination sociale fondée non sur l’argent, mais sur la culture. Des instituteurs ou des enfants d’instituteurs (Marcel Pagnol) peuvent concurrencer des fils de banquiers. Insolent. L’orthographe n’est donc qu’un fragment de la culture, un bien gratuit que peuvent s’approprier les plus modestes, moyennant de la persévérance et de l’engagement. A ce titre, elle mérite quelque attention au moment de la bazarder.

Anecdote vécue. Voici quelques années un diplômé de l’EPFL souhaitant se consacrer à l’enseignement s’inscrivit à la Haute Ecole Pédagogique vaudoise. Très rapidement il déchanta et m’apporta, comme pièce à conviction, un cours de pédagogie bourré de fautes d’orthographe, dont le thème principal était d’ailleurs tout à fait cohérent, puisqu’il stigmatisait l’orthographe comme étant un facteur gratuit de discrimination sociale. Je remis cette chose à la Conseillère d’Etat vaudoise. Qui fit la moue. Peu de temps après, je fus interpellé par la directrice du service en charge de lutte contre le harcèlement dans l’administration, passablement agacée par ma démarche harcelante à l’égard de ce pauvre enseignant. Pour m’absoudre, elle me proposa de dénoncer l’étudiant coupable de cet acte de lèse-enseignant. Ce que je refusai naturellement de faire, en priant cette administration de cesser d’enquêter sans juridiction sur l’activité de parlementaires cantonaux.

Cette histoire a le mérite de dépeindre froidement ce que notre système éducatif public pense de l’orthographe et d’expliquer pourquoi ces administrations se jugent compétentes pour la réformer. Dans le sens de la simplification. Puisque l’effort demandé à l’élève est pénible, il est urgent de le réduire. Telle est l’inspiration de cette pédagogie du relâchement des exigences. La même dégradation est du reste sensible dans l’enseignement des mathématiques vaudoises, plaisantes et ludiques, qui se gardent bien d’aborder réellement ces disciplines austères et utiles, mais difficiles, que sont la géométrie, l’algèbre et la trigonométrie. Le but n’est pas d’enseigner mais de socialiser dans une bonne ambiance décontractée. C’est le concept « Club Med » de l’école.

Il a la vertu inestimable de laisser à leur place ceux qui n’en ont guère. Pour certains partis, leur électorat se recrute d’ailleurs parmi les humbles et les offensés, les diplômés à la sauvette, les rejetons de familles défavorisées sans accès à la culture en général. Il ne faut pas trop ébranler leur condition pour qu’ils restent fidèles aux seuls partis qui leur promettent toujours que cela changera et qui se gardent bien de le faire jamais. La culture apparaît ainsi comme l’ennemie de certains intérêts politiques, très particuliers. Ce n’est pas nouveau. Ce n’est pas propre à notre pays. Bien avant, bien ailleurs, certains dictateurs l’avaient compris.

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

27 réponses à “Saisie de la culture par l’administration

    1. Exact. De plus, la ségrégation entre ceux qui connaissent bien l’orthographe et ceux qui ne connaîtraient que les nouvelles règles continuera à s’exercer, voire encore plus.
      On peut critiquer la pénibilité de l’orthographe du français, mais de fait, cela fait aussi partie de l’apprentissage de la culture et de l’histoire. Sauf à considérer que l’accès au passé est inutile?
      Bientôt, il faudrait peut-être aussi supprimer l’apprentissage de l’histoire, car l’histoire compliqué, non?
      Bref, comment transformer l’école en nivellement sociologique vers le bas.

  1. Je ne comprends pas: vous décrivez longuement les chicaneries inutiles de l’orthographe française. Vous soulignez le fait qu’elles permettent essentiellement de justifier des postes de grammairiens et d’enseignants .
    Et finalement vous faites un mauvais procès à la gauche qui ne soutiendrait cette réforme que pour des raisons électorales. Ne serait-ce pas plutôt le PLR qui, en s’y opposant, tente de sauver ses avantages de classe?

    1. Je décris l’orthographe pour ce qu’elle est, une convention aussi arbitraire que toutes les autres qu’il faut néanmoins maîtriser pour accéder au monde de l’emploi et de l’âge adulte. Elle ne justifie pas les postes d’enseignants mais elle les requiert. Cela fait partie de toutes ces activités dont nous pourrions faire l’économie si nous étions tout à fait rationnel. Mais nous ne le sommes pas, ni dans la langue, ni dans le reste.

      Chaque parti défend ses privilèges de classe : la droite en les préservant par exemple par l’en seignement privé, la gauche en gardant des électeurs par leur illettrisme qui les empêche de réussir dans la vie.

      1. Puisque l’orthographe découle de choix arbitraires selon vos propos, il n’est pas plus arbitraire que de vouloir la simplifier ?
        Écrire « île «  avec l’accent circonflexe ou « ile «  sans accent ne change absolument pas la signification de ce mot et ne réduit en rien la richesse de la langue …
        Où trouvez-vous une objection à écrire les mots au plus proche de la phonétique ou selon des règles grammaticales uniformes ( des chevals et non des chevaux ) ?
        L’orthographe est juste une question de mémoire , plus souple pendant l’enfance que favorise donc l’origine sociale qui ne peut pas rendre les personnes plus intelligentes …
        Il ne faut donc pas confondre ce sujet avec les mathématiques qui vont de pair ( ou de paire) avec la logique …

        1. L’ordinateur ne comprend le langage humain que par le biais des mathématiques et de logique. Le langage Prolog, fondé en logique du premier ordre, a été inventé à cette fin voici bientôt un demi-siècle. Il reste le langage le plus utilisé en intelligence artificielle.

          D’autre part, le linguiste, philosophe et mathématicien Noam Chomsky a montré qu’il existe un lien entre langues dites “naturelles” et langages formels (mathématiques) de programmation. Les propriétés mathématiques du langage (probabilistes et relationnelles, entre autres) sont bien connues des linguistes et informaticiens. D’où tenez-vous l’idée qu’elles soient séparées?

          1. Ça fait bien longtemps que prolog n’est plus utilisé pour faire de l’IA. Pas plus que Lisp. Le lien entre langues naturelles et langages artificiels est des plus ténus. Aucun langage artificiels n’est probabilistes (ou alors des monstres de labos d’universitaires) – ceux qui ont une grammaire régulière L2 souffrent terriblement de cette “lacune” (par rapport aux L1) car tout les outils permettant de travailler avec ces langages sont nettement plus compliqués à développer, et poussifs en runtime.
            Langues naturelles et artificielles partagent le fait qu’elles ne sont que des constructions humaines (contrairement aux mathématiques, qui sont des découvertes -l’analogie avec la proposition de supprimer la division, sur un blog voisin, est des plus mal venue). Rien ne s’oppose à ce que la norme d’un jour soit modifiée le lendemain – excepté l’inertie des locuteurs, leur manque d’agilité. On fait bien évoluer le droit, voire les textes sacrés. Pour ma part, le défaut que je vois dans tout cela est qu’au contraire, le français “réglementé” n’évolue pas assez. Si on inculquait des évolutions régulières , peut-être que nos paysans n’auraient plus peur de devoir changer la manière de pratiquer leur métier, sur un temps aussi “court” que 10ans.
            Bien sûr, cela impose de reconsidérer l’énergie mise à apprendre à distinguer le “juste” du “faux”, et tous ceux qui se rassurent sur leur hautes capacités intellectuelles parcequ’ils ont bachotés risquent de devoir se remettre en question.

  2. La question est de savoir comment les illuminés qui ont inventé cette “ortograffe” nullissime, vont faire quand les enfants deviennent en âge d’interagir avec les autres générations, plus anciennes. D’emblée, nos jeunes deviendront des handicapés sur le marché du travail francophone par le choix de nos écoles.

  3. On est juge de sa propre orthographe, encore plus de celle des autres, mais on ne juge jamais l’orthographe en elle-même, alors que ce n’est qu’un outil au service de la langue.
    12 façons d’écrire le son “S” : s, ss, c, ç, t, th, sth, x, z, sc, cc, sç…. et 3 façons de prononcer la lettre “S” : s, z, muet…
    Dans beaucoup de langues, on sait comment s’écrit un mot seulement en l’entendant. Pourquoi la langue française est donc si compliquée ?
    Les académiciens sont bien une assemblée d’écrivains : c’est un titre honorifique, et pas scientifique. Il n’y a aucun linguiste parmi eux.
    Dès lors on “choisit” et transforme les origines étymologiques des mots, préférant le latin et le grec, plus “classe”, aux langues germaniques ou à l’arabe, dont l’apport au français est pourtant conséquent.
    les Italiens ne manquent pas de culture, alors qu’ils écrivent “filosofo” pour philosophe, et ils connaissent aussi bien que nous l’origine de “filo” et “sofia”…
    La simplification n’induit pas qu’on fera moins, mais qu’on peut faire mieux! Que de temps perdu à apprendre par coeur toutes les exceptions, temps qui pourrait être mis à profit pour faire par exemple de l’histoire de la langue, ou de la trigo chère à Mr Neirynck !
    Et donc un nivellement par le haut !
    Evidemment, c’est difficile de dire à ceux qui ont souffert qu’ils ont souffert pour rien…

    Toutes ces remarques sont tirées d’une présentation de Arnaud Hoedt et Jérome Piron, profs de francais et de “filosofie”, institut Don Bosco, Belgique.*
    On y apprend plein d’autres choses intéressantes sur la langue, et offre une vision alternative sur le sujet tout à fait surprenante. De quoi donner à réfléchir sur l’aspect discriminatoire de l’orthographe…

    * vidéo youtube, environ 20 min.
    https://youtu.be/5YO7Vg1ByA8

    1. @ Sam Rappaz Vous écrivez: “temps qui pourrait être mis à profit pour faire par exemple de l’histoire de la langue”. Je salue votre idéalisme, mais pensez-vous réellement que cette génération puisse être intéressé par ce sujet ? Il n’ont déjà aucune connaissance de l’histoire ni de la géographie ou d’autres matières de connaissances générales. A part la PS3 ou 4 ! Cher Monsieur, c’est comme avec les mathématiques, si vous voulez forger votre capacité de réflexion pour devenir ingénieur, vous devez apprendre les mathématiques, pas uniquement l’algèbre …. Cette lacune sur la capacité de réflexion se retrouve bien visible grâce aux médias dans les réflexions de certains de nos politiciens, qui faute d’instruction nous sortent des âneries à longueur de prise de position …
      Que dire des candidats à l’embauche qui ont été nivelé par le bas par le corporatisme de gauche au pouvoir dans l’éducation comme on peut le voir sur Vaud?

    2. “Les académiciens sont bien une assemblée d’écrivains : c’est un titre honorifique, et pas scientifique. Il n’y a aucun linguiste parmi eux.”

      En effet, et n’est-ce pas tant mieux? Car quand on a fréquenté quelque peu la dite gent des “lingouïstes”, tous plus distingués les uns que les autres (comme disait le regretté André Chavanne), on se rend assez vite compte de leur degré d’illettrisme et d’inculture. Ils savent tout (ou prétendent tout savoir) sur le langage mais rares sont ceux qui connaissent plus d’une langue que la leur et l’anglais. Chomsky, leur Messie, en est l’exemple le plus édifiant.

      Les linguistes sont des industriels du langage, pas des écrivains, ni même des journalistes, pourtant passés maîtres dans l’écriture rentable. Ils pratiquent l’accord du participe passé comme le marin la trigonométrie ou l’analyste bancaire la corrélation de Poisson. Grâce à Google Translate et à Yandex, ils devraient même bientôt entrer en bourse.

    3. J’arrive certainement trop tard… Mais bon…
      Juste pour dire, pourquoi une langue aussi peu phonétique qui, par exemple, pour dire “Mom” l’écrit Maugham – ce bon vieux Somerset – est devenue si mondialement adoptée ?

      J’ai le souvenir d’avoir un peu étudié l’esperanto au gymnase: votre rêve incarné, purement phonétique et sans exception ! Résultat: une langue sans âme, sans charme, presque grotesque…

      Nivellement par le haut ? Ah! ça, si vous placez la barre assez bas, tout le monde la passera.

      1. parce que l’anglais est facile à apprendre, grammaticalement simple malgré son lot d’exceptions, et paradoxalement son vocabulaire est beaucoup plus riche que le francais…
        En allemand, comme dans beaucoup d’autres langues, pas de concours de dictée, tout le monde ou presque ferait la note maximale… que de temps gagné pour ces élèves, de ne pas devoir apprendre par coeur des myriades d’exceptions…
        et inversement, ô combien rébarbative doit sembler l’écriture du francais pour un non francophone désirant apprendre la langue…
        L’espéranto est le pire exemple que vous pouviez choisir : une langue “artificielle”, créée dans le but de trouver un moyen de communication universel, malgré un ethnocentrisme flagrant…
        Aucune histoire, aucune culture, et donc sans âme, sans charme, presque grotesque, vous avez raison.
        On en vient donc à “l’exception francaise”. Et on confond la langue de Molière avec l’orthographe de Molière. Les émotions ressenties à la lecture du Misantrope (sans “h”, comme il l’écrivait lui-même…) sont-elles plus intenses avec les cédilles ?

        en résumé : abandonner ces futilités qu’on appelle des subtilités pour faciliter le développement des idées et ainsi évoluer…

  4. Le nivellement par le bas ! EXEMPLE:
    Le RH incompétent utilise Linkedin pour trouver assez vite un “profil” à la hauteur de l’entreprise qui elle cultive aussi le nivellement par le bas puisqu’il m’arrive de trouver plus de 15 fautes par lettres de motivations sur des CV “Linkedin”.
    Que dire de la présentation du candidat ensuite ? Pour ma part je l’élimine avant qu’il se présente, mais pour le RH incompétent, il engrange ce CV Linkedin comme un trésor inestimable puisqu’il a parfaitement exécuté sa mission ….
    Et voilà, après l’école qui nivelle par le bas, le monde du travail le fait aussi par opportunisme et par “rentabilité”. Sauf qu’après l’engagement, ils se rendent compte que ce n’est pas le bon candidat à la bonne place, donc celui-ci changera d’entreprise après une ou deux années au mieux. Mais ce ne sera la faute à personne, comme lorsque nos élites décident pour l’avenir de la Suisse !

  5. “Ainsi les cantons romands viennent de décider de modifier l’orthographe du français, comme si la langue entrait dans leur juridiction.”

    L’orthographe n’a-t-elle pas toujours été une affaire d’Etat? Par leur décision de la modifier, les cantons romands font-ils autre chose que de reprendre la réforme initiée en 1990 par l’Académie française elle-même? Celle-ci, après s’être rétractée dans un premier temps sous la pression de certains de ses membres, qui y étaient opposés, l’a intégrée dans son dernier dictionnaire. Le Robert, le Larousse et la plupart des autres dictionnaires ont fait de même. Les correcteurs orthographiques des traitements de texte, qui l’ont d’abord ignorée, intègrent de plus en plus la nouvelle orthographe, comme, par exemple. OpenOffice.

    D’ailleurs, cette proposition de modification n’a pas valeur prescriptive, mais de simple recommandation. Les deux formes d’écriture sont admises et les élèves ne doivent pas être pénalisés s’ils ont recours à l’une ou à l’autre. Ils n’auront ainsi plus à se triturer les méninges pour tenter de comprendre pourquoi, où, quand et comment le chapeau de la cime est tombé dans l’abîme. Est-ce un mal?

    Bien sûr, comme avec toute réforme le risque subsiste qu’à force de vouloir être à la page, comme disait Etiemble, on arrive très vite à la page blanche.

    A cet égard, on pourrait citer le cas de l’introduction de la méthodologie “Maîtrise du français” en 1979, récemment qualifiée, dans ce journal même, de “plus invraisemblable fiasco pédagogique de la République” par une haute responsable romande de l’instruction publique et, comme toutes les réformes menées aux frais du contribuable, passée aux oubliettes depuis longtemps – au point que même son éditeur ne se souvient plus de l’avoir publiée.

    Comme disait Michel Butor, les réformes n’ont pour but que de maintenir le statu quo. Pour la République des Pions, métier que l’on fait quand on ne sait rien faire d’autre, n’est-ce d’ailleurs pas une question de survie?

    “Those who can, do; those who can’t, teach” (George Bernad Shaw, “Man and Superman”).

    1. J’ai produit une traduction française de Shaw : si vous êtes capable de quoi que ce soit, faites-le; si vous ne l’êtes pas, enseignez le ; si vous n’êtes pas capable de l’enseigner, faites de la pédagogie.

  6. On pourrait rappeler à Jacques Neirynck que Maurice Grevisse, l’auteur de l’immortel chef d’oeuvre intitulé: “Le bon usage”, publié en 1936 et 16 fois réédité depuis, tiré à des millions d’exemplaires, était un modeste instituteur belge issu d’une famille très, très pauvre. Ca ne l’a pas empêché de maîtriser la grammaire et l’orthographe. Alors l’argument sur la grammaire et l’orthographe qui seraient discriminatoires envers les enfants d’origine modeste, c’est archifaux. C’est le contraire qui est vrai.

    1. Très juste. L’orthographe est un art à la portée de tout enfant décidé à travailler et convenablement soutenu. Le cas de Grévisse est illustratif. L’obligation pour un Chinois de mémoriser des milliers d’idéogrammes n’a pas l’air de nuire à la fortune de la Chine, bien au contraire. C’est en exerçant son cerveau qu’on l’améliore.

  7. @ M Martin F : va pour l’histoire et la geo ! tout sera toujours plus interessant que les 12 facons d’écrire le son “S”… Et pensez-vous serieusement que la connaissance de toutes les exceptions de la langue francaise forge notre capacité de réflexion ?
    Vous corrélez le niveau d’instruction avec le niveau d’orthographe: c’est une erreur, a mon avis !!
    Mr Neirynck HIMSELF, que personne ici n’osera traiter d’ignorant, fait parfois des fautes d’orthographe dans ses commentaires (très souvent des fautes de frappe, rassurez-vous…), et s’est meme récemment payé le luxe d’en faire une dans son prénom ( CF blog : “un échec prévisible et prémédité” , commentaire du 18 juin à 8h39)…
    devrions nous donc éliminer d’office son ”dossier” ??? et inversement : combien d’excellents orateurs ou écrivains, maniant parfaitement la langue, nous sortent des aneries ??
    @la tour de babil : je pense que non, ce n’est pas “tant mieux”… j’ai pris les linguistes comme exemple, je n’en connais aucun… l’idee etant d’y apporter un peu de science… Les academiciens, tout aussi respectables qu’ils soient, elisent un nouvel arrivant en fonction de ses “belles lettres”, et decident de facon totalement arbitraire ce que doit etre le francais, sans aucun apport scientifique, voire totalement à l’opposé, juste parce que ca leur parait plus… joli ?… cela ne vous interpelle pas ?

    @ m cape : Vous nous décrivez ici le principe de Peters, et cela n’a rien à voir avec l’orthographe… un employé qui est promu ou engagé comme RH notamment parce qu’il ne fait pas de fautes de francais ne garantit aucunement sa capacité à gerer sa nouvelle fonction. S’il est effectivement incompétent comme RH, et s’il veut garder tous les avantages de sa fonction, il a intéret à engager des personnes incompétentes aux postes subalternes, evitant ainsi de se faire piquer sa place…. ca, c’est du nivellement par le bas, et l’orthographe n’y est pour rien !
    Et s’il utilise pour cela le seul critère de l’orthographe, il risque bien de se retrouver à son tour au chomage… je m’en explique plus loin..

    @ M Grevisse : j’ai bien relu tous les post ci-dessus, et il me semble qu’il n’est dit nulle part que la discrimination etait envers les enfants d’origine modeste…
    de mon coté j’ai signalé l’aspect discriminatoire de l’orthographe, mais dans le sens qu’il peut éliminer d’office par exemple une personne dyslexique, ou un jeune suisse-allemand bardé de diplomes, amoureux de la langue francaise, LE candidat idéal, mais ayant quelques soucis avec le participe passé et l’infinitif (qui le lui reprocherait…), et qui a malheureusement écrit dans sa lettre de motivation “ j’ai toujours rêvé de travaillé dans votre entreprise”… et hop! poubelle…
    c’en est devenu telllement ridicule, qu’un chomeur qui doit faire ses recherches d’emploi peut se dire “ je fais 1-2 fautes dans mon CV, et je suis sur de ne pas bosser pour cette entreprise qui ne m’intéresse pas….” alors qu’il a exactement les qualifications requises…
    et pour le RH incompétent cité plus haut, le piège est qu’il engagera peut-être un dyslexique, mais qui a un instinct de manager sensationnel, et qui lui piquera quand meme sa place tot ou tard…!!

    et finalement, @ J. Neirynck : je me permets de vous contredire : la calligraphie est un art, pas l’orthographe. C’est un code graphique pour décrire une langue… un outil.
    Apprendre le sens de l’effort ne doit-il donc etre lié qu’à l’orthographe ? Les enfants chinois apprennent beaucoup d’idéogrammes, certes, mais pas tous, et d’abord ceux qui sont utiles pour la vie en société. il n’est pas absolument nécessaire de tous les connaitre, bien que ce soit (difficilement) faisable.
    Et c’est le cas dans toutes les écoles du monde : on a rarement appris l’entièreté d’une langue au sortir de l’école obligatoire. s’encombrer en plus de complications et d’exceptions futiles, apprises mécaniquement, donc sans veritable exercice pour le cerveau si ce n’est la mémoire, est définitivement une perte de temps…

    PS : c’est à dessein que j’ai “oublié“ des accents, des majuscules, des cédilles…
    sans oublier les fautes totalement involontaires, malgré plusieurs relectures…

    1. “Les academiciens, tout aussi respectables qu’ils soient, elisent un nouvel arrivant en fonction de ses “belles lettres”, et decident de facon totalement arbitraire ce que doit etre le francais, sans aucun apport scientifique, voire totalement à l’opposé, juste parce que ca leur parait plus… joli ?… cela ne vous interpelle pas ?”

      En aucune façon, bien au contraire. On peut être lettré ou artiste tout en s’intéressant aux mathématiques et aux autres sciences, et vice-versa. Alain Robbe-Grillet, élu à l’Académie française en 2004, était ingénieur agronome. Il est vrai que, décédé quatre ans après, il n’a guère eu le temps de goûter aux charmes de l’immortalité. Einstein était un violoniste accompli.

      Ce n’est pas parce que l’enseignement public a décidé, à la suite de Pascal, que le cerveau humain comprenait deux parties, l’esprit de géométrie et celui de finesse, manière commode pour l’administration scolaire, et donc à l’Etat, de mettre les gens en boîte, qu’aucune passerelle ni passage n’existe entre nos deux lobes cervicaux. Je connais plus d’un scientifique (et néanmoins ami) capable de comprendre et d’expliquer une oeuvre artistique, qu’elle soit d’ordre littéraire, plastique, musicale ou autre, avec bien plus d’intelligence que bien des littéraires, peintres ou musiciens (cette dernière discipline étant sans doute la plus proche des mathématiques). Est-il besoin de citer Monsieur Neirynck, autant scientifique qu’écrivain, en exemple?

      A l’inverse, un écrivain peut aussi bien prendre goût aux mathématiques, comme Rousseau, par exemple. Rien n’empêche un(e) licenciée ès lettres (ou au bénéfice d’un master, selon la terminologie de l’université sauce bolognaise), de s’inscrire en formation postgrade en sciences, une fois son diplôme en poche, et inversement. Les passerelles existent bien, mais mieux vaut être persévérant si l’on veut s’y engager. Car, chien! Elle est bien gardée, la science… Croyez-en ma longue expérience.

      Cordialement.

      1. J’ai gagné me vie en enseignant une branche des mathématiques et je me sui diverti par la littérature. Les deux sont présents dans ma bibliographie.

        1. “J’ai gagné me vie en enseignant une branche des mathématiques et je me sui diverti par la littérature. Les deux sont présents dans ma bibliographie.”

          Il est vrai que votre bibliographie a de quoi faire pâlir de jalousie certains de vos critiques. On attend toujours avec intérêt de lire un article de Wikipedia qui leur soit consacré (je m’abstiens de donner des noms). Sans doute avez-vous fait le bon choix, car l’inverse (écrire pour s’assurer la matérielle) est plutôt risqué paraît-il. Dostoïevski, peu suspect d’avoir été fan de littérature de divertissement, peinait à vendre ses livres entre deux crises d’épilepsie, et passait le plus clair de son temps à fuir ses créanciers. Etiemble ne disait-il pas qu’avant d’être des machines à écrire, les écrivains étaient des machines à souffrir?

          Aujourd’hui, pas moins machines pour autant, les gens de plume ne semblent plus souffrir que du syndrome de l’invendu. Quand on a la chance, comme moi, d’avoir rencontré quelques écrivains en chair et en os parmi ceux qui nous ont le plus marqué, si on s’attend à des révélations de leur part sur leurs secrets d’écriture, on risque fort d’être déçu. Alain Robbe-Grillet me disait: “Je vends, je n’achète pas.” Un autre ponte du Nouveau Roman, Claude Simon, prix Nobel de littérature 1974, me confiait pour sa part: “J’ai toujours besoin d’argent.”

          Le Nobel ne suffirait-il donc plus à payer le loyer?

          Ecrire pour vivre ou vivre pour écrire, il faut savoir ce qu’on veut, dit Jean Guénot, journaliste, enseignant, académicien et écrivain (non, ce n’est pas incompatible).

          Certains auteurs, qu’on préfère ne pas nommer, vendent leur écriture comme les mercenaires leur peau: plus cher que ce qu’elle vaut. Mais pour la plupart, ils doivent se trouver un second métier – celui d’écrivain n’est même pas reconnu au SECO -, traducteur, enseignant (c’est la voie royale, paraît-il), rédacteur technique, ou échouer dans le journalisme, métier qui ne mène à rien à condition d’y entrer. Quand Lucien de Rubempré, l’anti-héros d'”Illusions perdues” parti à la conquête de la presse parisienne, pousse pour la première fois la porte d’un journal, un écriteau l’arrête: “Le public n’entre pas ici”. Il a l’impression d’entrer comme un puceau dans une maison close. Au point d’avoir inspiré à Balzac sa célèbre boutade sur la presse: “Les journaux sont les lupanars de la pensée”.

          Mon professeur de français, au gymnase, se vantait du nombre de vocations d’écrivains qu’il avait contribué à étouffer dans l’oeuf. Il est vrai que les études de lettres devraient guérir pour de bon de l’envie d’écrire.

          Et vous, quels conseils donneriez-vous à un jeune (et même à un moins jeune) désireux de goûter à l’aventure littéraire?

          1. De ne pas compter sur ses droits d’auteur pour gagner sa vie. Pour être vraiment écrivain, il faut soit avoir une fortune, soit prostituer sa plume, soit attendre d’être à la retraite. C’est ce que j’ai fait.

      2. je suis complètement d’accord avec tous vos arguments, rien à redire.
        Toutes les personnalités que vous avez citées n’ont par contre pas été reconnu par leurs pairs en fonction de la qualité de leur orthographe.
        Bien qu’elles fassent mal aux yeux, les fautes commises dans mon commentaire précédent ne vous ont pas empêché, me semble-t-il, de comprendre mon propos, et ainsi d’en débattre.
        Nous pourrions aussi débattre sur la beauté toute subjective des mots. Par exemple, je trouve que les cédilles sont moches en plus d’être inutiles…
        L’idée n’est pas d’en arriver à un orthographe “SMS”, mais de simplifier un peu pour gagner en efficacité. Mais aussi pour éviter de biaiser son jugement de la qualité d’un texte en fonction de la qualité de son orthographe.
        Et c’est là le sens de mon propos : on pose un jugement de valeur sur l’orthographe, qui annule toute réflexion sur le texte en lui-même. Le piège était pourtant grossier, et Ma Fichi est tombé dedans dans son commentaire ci-dessous.
        Les oublis volontaires deviennent ainsi de la fénéantise des critiques, et le débat s’arrête là, les idées derrière les mots n’ayant du coup plus aucune valeur car mal orthographiées.
        Comme ces commentaires que l’on peut trouver dans certains blogs : “ Va d’abord apprendre à écrire, tu pourras peut-être ENSUITE exposer tes idées…”
        N’est-ce pas discriminatoire ?
        Ainsi, obnubilé par mon orthographe, Ma Fichi en oublie de corriger “certains mot” dans son propre commentaire… Ou est-ce un piège ?
        Du coup, moi aussi je paraphrase St Mathieu : “ Tu vois le païen qu’il y a dans l’oeil de ton voisin, mais ne vois-tu pas l’apôtre qu’il y a dans le tien ? “
        PS : je crois bien avoir mis cette fois tous les circonflexes, cédilles, trémas… Mais que ce fût rude !!

    2. Les seules fautes d’orthographe graves et inacceptables sont celles commises par la fénéantise des critiques, en manquant les accents sur certains mot et pas sur d’autres, comme c’est le cas dans votre commentaire, qui indique la présence de cure-dents partout et ne voit pas les bâtons devant les yeux !

  8. @FRIDOUX

    Prolog n’est plus utilisé en intelligence artificielle que par ceux qui ne se sont jamais donné la peine de l’apprendre. Détrompez-vous: IBM en a fait le langage de son projet Watson. Et savez-vous que Prolog gère plus du tiers des systèmes de vente de billets d’avion? Qu’il est à la base du projet Clarissa de la NASA, projet qui a produit un navigateur de procédures à commande vocale qui a été testé en direct sur la Station spatiale internationale en juin 2005?

    Langage idéal pour développer des applications Web, après avoir connu une éclipse relative – sauf à l’université, où il s’est au contraire répandu à vitesse exponentielle – ces vingt dernières années, éclipse surtout due à l’ignorance des entreprises à son sujet, il occupe aujourd’hui les avant-postes dans l’exploitation des réseaux. Pour vous en convaincre, il vous suffira de consulter le site de la version en source libre de Prolog la plus utilisée dans les entreprises et à l’université, SWI-Prolog (https://www.swi-prolog.org), en particulier sa version “prologweb”.

    Pour rappel: ce langage dit de cinquième génération, de type déclaratif, a été inventé en 1972 par Alain Colmerauer et son équipe au laboratoire d’intelligence artificielle de l’Université de Lumigny-Marseille pour analyser le langage naturel, et d’abord le français, dont les rapports avec les langages formels, et en particulier les probabilités (pour l’analyse des fréquences), sont loin d’être aussi ténus que vous le pensez, comme la communication homme-machine le montre. Quant à la hiérarchie de Chomsky, si c’est à elle que vous faites allusion à propos des grammaires régulières, c’est elle qui est en voie d’extinction au regard des nouvelles grammaires formelles (HPSG, LFG, GPSG, etc.), qui rendent les transformations inutiles. Si vous visitez son site, vous constaterez que Chomsky, aujourd’hui, fait de la reconnaissance vocale.

    Mais il est vrai que Prolog doit son peu de reconnaissance au fait qu’il n’est guère sorti du milieu de la recherche, jusqu’ici. Et, comme on le sait, les chercheurs ne savent pas se vendre. Il est tout aussi vrai que ce sont les filles de joie qui se vendent. De plus, elles écrivent leurs mémoires, voyagent, donnent des conférences internationales, contribuent au PIB et la police les protège. Elles vivent très heureuses. Ce n’est pas le cas du chercheur lambda, condamné à mendier les subsides et à bidouiller en solo dans l’anonymat de son laboratoire-catacombe.

    Cordialement.

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