Comment ne pas créer de besoins.

Comment réduire notre empreinte carbone sans taxes, sans rationnement, sans contraintes législatives ? Telle est l’impasse à laquelle nous nous heurtions dans nos blogs antérieurs. Néanmoins, il existe une faille à ce cul-de-sac. Avant de songer à nous priver de ce que nous aimons, pourrions-nous décider de ne pas consommer ce dont nous n’avons pas besoin ? Or, il existe une machine à créer des besoins : la publicité.

Tout d’abord, elle nous fait désirer des objets dont nous n’avons jamais eu besoin. Et ensuite, suave et compréhensive, elle nous fait prendre ces mêmes désirs pour des besoins. Sans publicité nous consommerions moins, car ce n’est pas gratuitement que  les firmes font de la publicité. Celle-ci fait partie d’une stratégie de création et de conquête des marchés. Si elle ne rapportait pas, elle n’existerait pas. Si elle disparaissait, la consommation baisserait.

Mais ce n’est pas aussi simple : toucher à la publicité, c’est toucher à la religion du siècle, la société de consommation. Au-delà d’un malaise sourd, inexprimé, se situe la prise de conscience des limites de la société de consommation. Elle constitua jadis le fonds de commerce idéologique des associations de consommateur et des ONG environnementalistes. Elle débouche maintenant sur un résultat électoral : les partis écologistes ont réussi à mobiliser en trois décennies 21 % de l’électorat helvétique. Actuellement, après l’effondrement de l’idéologie marxiste, ils constituent la seule opposition à un consensus politique reposant toujours sur l’idéal d’une société de consommation, du PS à l’UDC.

Sommairement décrite, cette idéologie propose un pacte simple, voire simpliste, entre gouvernements et gouvernés. La légitimité d’un régime, le succès d’un parti, le pouvoir d’un gouvernement reposent sur la capacité d’accroître le revenu des citoyens. Un Etat peut s’enrichir en vendant des armes à des sous-développés ou en favorisant des trafics financiers ; il peut négliger la protection de l’environnement ; à la limite même, il peut suspendre les libertés individuelles ; tant que le PNB par tête croît, ce gouvernement est légitimé et il reste en place.

C’est précisément pour n’avoir pas tenu ce contrat, que les régimes communistes se sont effondrés avec une vitesse impressionnante. Ils promettaient l’abondance par l’étatisation des moyens de production et la planification de la consommation, au prix de la dictature. L’expérience a démontré que ce n’était pas le chemin vers une société de consommation, bien au contraire. La variante marxiste de l’idéologie d’abondance a donc été éliminée. Les partis sociaux-démocrates en pâtissent de plus en plus.

Apparemment, cette déconfiture renforça la variante capitaliste, libérale, démocratique de la même idéologie qui serait la seule capable de remplir le contrat. Dieu existe, c’est le marché. Mais il doit être clair que cette confiance n’est jamais que provisoire et conditionnelle. La grande crise de 1929 a déjà une fois ébranlé cette confiance dans le système libéral en servant à l’époque de justification aux variantes nazies et communistes.

Dès lors, l’idéologie d’abondance est suspendue à l’épuisement des ressources naturelles ou humaines et tout simplement de la pollution de l’atmosphère. Il suffira de la prochaine crise écologique ou politique pour que la variante capitaliste soit remise en cause. De toute façon, elle ne peut pas tenir ses promesses indéfiniment et à l’égard de tous les habitants de la planète.

Elle est condamnée à la croissance, ou plus exactement elle se condamne à la croissance tout comme la variante nazie se condamnait à la guerre et la variante communiste à la bureaucratie. Mais une croissance indéfinie n’est pas réalisable et la croissance actuelle n’est possible qu’en maintenant dans la pénurie la majorité de la population planétaire. Si les Chinois s’avisaient de faire rouler un milliard d’autos au lieu d’une centaine de millions, le pétrole ne durerait pas une décennie et l’effet de serre se manifesterait de façon aggravée.

Il n’y a donc pas de tâche plus urgente que de réviser notre système de valeurs et d’en déduire un autre système technique. Sans préjuger outre mesure de ce que l’expérience apprendra, on peut d’ores et déjà plaider pour une culture industrielle avancée qui poursuivrait la libération des individus et des nations, qui améliorerait la solidarité entre les peuples d’aujourd’hui et les générations à venir, qui défendraient la modération démographique, qui donnerait des pouvoirs réels à une structure politique planétaire, qui reconstitueraient une culture homogène par la fécondation mutuelle des arts et des sciences. Une culture qui n’aurait pas besoin de propagande, pardon de publicité, pour se maintenir.

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

16 réponses à “Comment ne pas créer de besoins.

  1. Avec cette réflexion sur nos valeurs, on commence à se rapprocher du problème de fond, qui est spirituel. Il faudra bien finir par vous y affronter, et vous confronter à vos propres contradictions. Peut-être faut-il encourager plus que jamais une “culture industrielle avancée”, mais vous ne pourrez pas le faire sans un examen de conscience qui fasse le procès de l’idéologie du progrès, de la science sans conscience, d’un certain humanisme athée ou, ce qui revient au même, un humanisme qui relaie la transcendance hors du champ des interactions avec l’humanité. Il faudra bien finir par dénoncer, en même temps, un projet d’émancipation, le dernier en date l’émancipation du genre, qui remet en cause l’appartenance de l’humanité à la nature, car finalement c’est pour avoir voulu s’extraire d’un monde régi par l’alliance avec Dieu qu’on est tombé dans un monde où la nature est détruite, un monde qui veut se créer de toutes pièces et la culture (industrielle ou non) tenant lieu de nature.

  2. Donc, en gros, faire sous prétexte d’écologie tous ce que vous prônez et qui n’a jamais convaincu ?

    dur dur de croire tellement en ses idées et de voir la démocratie vous priver du pouvoir…

    1. Je ne crois pas du tout que la publicité sera supprimée du jour au lendemain, précisément parce que nous vivons sous le règne du souverain populaire. Ce que le blog essaie de montrer, c’est la contradiction entre des déclarations vertueuses sur la réduction de l’empreinte CO2 et la coexistence d’un machine à faire consommer.

      1. Bonjour Monsieur, la publicité existe depuis au moins plus de de 1000 ans et alors ? En faisant l’apologie du nouvel ordre mondial, soit une tyrannie qui me serait que pire, vous êtes dans le faux à mon sens. Les gens sont bien plus responsables qu’un petit nombre, toujours le même, à prendre des décision pour l’ensemble. En ce sens que pour moi, seul la démocratie directe, et réelle peut nous offrir une chance de survie. Il est plus facile d’accepter nos propres choix, que celui jamais vraiment bon de quelques décideurs déjà corrompus.

  3. Chacun connait suffisamment l’histoire pour se souvenir de la violence dont sont capables les sociétés ou classes sociales qui sentent qu’elles perdent pied. Tant la première que la seconde guerre mondiale ont été voulue par une haute bourgeoisie patriarcale pour changer l’histoire en cours. Maintenant, nous sommes face au vide: continuer ainsi et c’est 6 milliards de morts à moins qu’un conflit ne mette fin à l’humanité entière. Changer de direction, c’est faire face au vide. Il n’y a jamais eu de consensus global au niveau de l’humanité. Les vraies révolutions, celles qui nous a permis de devenir cultivateurs ou celle qui a remplacé le culte de la force et de la prédation par la loi de l’amour sont religieuses et prennent un temps énorme. Imaginez: nous sommes venu à l’agriculture en nous faisant à l’image des dieux pour nous approprier la terre. Maintenant la terre se révolte, nous n’en sommes plus maîtres. Nous ne pouvons plus nous contenter d’une place de prédateur nomade dans une nature qui n’existe plus. Quelle place allons-nous prendre?
    Allons-nous essayer de poser un pied devant l’autre ou allons-nous nous déchirer? C’est la question à 6 milliards de morts. Poser un pied devant l’autre c’est admettre la rupture sans regarder en arrière. C’est admettre que cette transition aura un coût et que la société doit être refondue. C’est admettre l’extrême nécessité d’une cohésion sociale (donc renoncer à vendre des droits de polluer). C’est finalement bien plus encore qu’un grand projet patriotique. Mais… si nous montrons l’exemple, sera-ce suffisant? Peut-être trouverons quelque avantage à exporter nos solutions. De toutes manières, il n’y a pas de choix. Les chances qui nous restent ne peuvent plus être gaspillées. Ce projet nécessite doigter et génie. C’est là où les Verts me font peur.

  4. Vous avez je crois bien identifier le problème. Les différents théoriciens en politiques économiques et industrielles, de droite comme de gauche, se sont à l’évidence trompés en négligeant des variables incontournables comme les ressources finies en matières premières, les conséquences d’une activité productive pour une démographie continue sur une planète non extensible. L’équation de la croissance (croyance) qui devait relier gains, industrialisation et promotion de la consommation bute sur des paramètres non pris en compte comme les déchets, la dégradation de notre environnement, les maladies et l’épuisement (prévisible) des ressources. Les révolutions de gauche comme de droite ont donc faillis et nous (notre civilisation) en payons le prix.
    Notre démocratie directe et participative semble avoir récemment joué son rôle en reflétant le début d’une action correctrice avec cette petite vague verte qui traduit l’inquiétude et la timide prise de conscience de la population. Comme souvent, mais tardivement, cette dernière n’est pas dupe de la myopie et l’étroitesse des visions politiques et industriels passées, qui elles aussi commencent (enfin) à s’interroger.
    Homo sapiens, le dernier survivant de la lignée, après des millénaires de nomadisme, s’est relativement récemment (environ 6000 ans) sédentarisé avec le début de ses problèmes (agriculture, élevage, propriétés, guerres et croyances à divers dieux et rites, abus, autorités et pouvoirs, différences entre hommes et femmes, etc.) et l’initiation d’une nouvelle période, l’anthropocène. Il va devoir une fois de plus activer son génial cerveau, réorienter son comportement, ses activités et tenter d’adapter son cheminement terrestre, en renonçant « raisonnablement » aux divers avantages, parfois excessifs et absurdes.
    Ce n’est qu’un simple constat biologique, physique et chimique, sans prétention. L’homme ne fait que passer et la planète demeure.

  5. Il semblerait que jusqu’à 25% du prix d’une voiture par exemple est consacré au Marketing. Tout le système se maintient debout, grâce à tous ses composants actuels, dans les proportions souhaitées par le « marché ». Si la publicité baisse subitement de 30% en Occident cela, représente des centaines de milliers d’emplois qui disparaîtraient. Le dilemme est difficile, comment calibrer l’économie pour qu’elle ne s’effondre pas en baissant la demande ?
    Il vaut mieux peut-être carburer à 100% aux énergies propres, et de garder pour le reste notre système actuel, malgré cette honteuse course effrénée à la consommation.

  6. Certes, sans combustibles fossiles le réchauffement climatique commencerait à être maîtrisé. Mais il est d’autres ressources que la consommation démesurée épuise : les terres arables, l’eau potable, les métaux, la biodiversité. Il n’y a rien à faire : on finit toujours par buter sur des limites à la croissance sur une planète finie.

    1. Toutes les bonnes choses font grossir ou elles sont immorales. Dans la rubrique immorale: si on dit limitant la natalité dans les pays pauvres, les bien-pensants crieraient au scandale ! car l’immigration, l’aide sociale, la gestion des criminels & de la criminalité, les systèmes de sécurité & de protection, les ONG et les fondations de bien faisances, constituent le vecteur économique qui croisse le plus et plongent nos pays dans les dettes publiques et la médiocrité. Pauvres occidentaux, nos pays sont hyper mal-gérés et maintenant la vague verte risque de nous achever.

      1. Nous voici donc au pays de la logique défaillante et du sophisme…

        “Toutes les bonnes choses font grossir ou elles sont immorales.”
        C’est une généralisation sur un jugement de valeur. 2 sophipoints et 1 additionnel lorsque vous aurez qualifié ce qui est moral, et que je vous aurez trouvé quelque chose de moral et qui ne fait pas grossir.

        “Dans la rubrique immorale: si on dit limitant la natalité dans les pays pauvres, les bien-pensants crieraient au scandale !”
        Je ne vous recrédite pas de sophipoint sur la jugement de la moralité, par contre, je vous en mets 1 pour l’homme de paille sur les propos que vous prêtez aux bien-pensants, et un demi autre par rapport à l’induction que le problème vient de la natalité des pays pauvres. Vous auriez marqué le point complet en limitant uniquement le problème aux pays pauvre.

        “car l’immigration, l’aide sociale, la gestion des criminels & de la criminalité, les systèmes de sécurité & de protection, les ONG et les fondations de bien faisances, constituent le vecteur économique qui croisse le plus et plongent nos pays dans les dettes publiques”
        Je mets 1 sophipoint. je n’ai pas même envie de vous trouver les statistiques le contredisant. Je vous l’enlève avec grand plaisir si vous me donner une référence fiable.

        “et la médiocrité”
        Encore un jugement de valeur.

        “Pauvres occidentaux, nos pays sont hyper mal-gérés et maintenant la vague verte risque de nous achever.”
        Encore un jugement de valeur sur la gestion et un appel à la terreur non étayé.

        Au final, 6.5 sophipoints en 7 lignes, pour au final n’apporter aucun contre-argument au fait que notre planète et ses ressources sont finies.

        1. Ma bonne blague ne semble pas prendre sur vous, dommage ! mais en tant que bon calculateur vous pourriez admettre qu’une planète à 11 milliards s’épuisent plus vite qu’avec 8 milliards d’êtres humains. Et que si nous devenions 5 milliards, sans guerre ni famine inchallah, d’ici 100 ans ça ne serait pas trop mal, au contraire.

          La Suisse est bien gérée et elle n’est pas visée par mon commentaire – mais prenez les USA avec un trillion de déficit budgétaire supplémentaire par an et la France avec sa gestion catastrophique et calamiteuse de l’immigration depuis Mitterrand ; « Médiocre » passerait pour un compliment. Salutations,

          1. Appeler à la bonne blague après s’être pris les pieds dans le tapis avec un coup de gueule peut effectivement être pris pour de l’humour. A l’heure des fake news, je préfère passer pour un vieux grincheux si ça me donne l’occasion de dispenser, selon mes moyens limités, un peu de prophylaxie intellectuelle.

            A coût constant par habitant sur la planète, je pense en effet que 8, ou même 5 milliards d’habitants auront de la peine à coexister. Utiliser 100 ans comme objectifs est un risque, c’est déresponsabilisant. Dans 100 ans, vous et moi ne seront plus là. Les problèmes sont déjà actuels.

            Vous mentionniez “nos pays” dans votre commentaire précédent. Je n’entre pas dans le débat ici sur l’état de ces pays, le domaine est trop éloigné du billet de base. Si vous souhaitez en débattre, nous trouverons un moyen d’entrer en contact.

  7. Apres avoir interdit la publicite, on interdit la television couleur ?
    On est a cote de la plaque !!!
    “Capitaliste, liberale et democratique” chercher le ou les intrus…
    Comme s’il n’y avait que la crise de 29 qui avait ebranle la confiance envers le capitalisme.
    Il est a l’origine de la situation actuelle et tire encore les ficelles, aide par les climatosceptiques et les passeistes de (presque) tous bords, bien trop contents de faire comme on a toujours fait. Ne rien changer, mettre le doute partout ou proposer d’avancer a reculon.

  8. Il y a deux autres causes importantes à la surconsommation, je pense.
    La première est assez difficile à définir. Les occidentaux aiment jeter, aiment avoir du neuf, aiment changer d’objets. Sans avoir vu la publicité d’un nouveau grille-pain plus performant, plus ceci, plus cela, si leur appareil a plus de cinq ans, est sale, si on ne distingue plus très bien les inscriptions sur les touches, si les tranches de pain ont des difficultés à sortir… L’occidental aura envie de le jeter et d’en acheter un neuf, il ne se donnera pas la peine de le nettoyer ni de le réparer.
    La deuxième cause est un scandale absolu, contre lequel les États ne semblent pas vouloir agir : il s’agit de l’obsolescence programmée.

    1. Corrigez-moi si je me trompe, mais j’ai lu quelque part qu’en France, une loi de juillet 2015 fait de l’obsolescence programmée un délit. D’autre part, il n’est pas si difficile d’entretenir un objet d’usage courant pour éviter le gaspillage. Un ordinateur dont on prend soin peut durer des années. Il n’est pas du tout nécessaire de le jeter dès qu’un nouveau modèle paraît sur le marché.

      Pourtant, il est consternant de constater combien chacun croit indispensable de se procurer le dernier modèle de voiture, de four à micro-ondes ou de machine à laver pour la seule raison que c’est ce que fait le voisin. Le mythe du “do as the Jones do” a la vie dure.

      Comme le montre l’auteur de cet article, la publicité a su rendre indispensable l’inutile. Tout débutant dans les domaines du marketing et de la communication – y compris le journalisme -, apprend que les moyens de communication sont faits pour empêcher les gens de communiquer. Pour avoir plusieurs années d’expérience dans ces domaines, je crois pouvoir dire, qu’on le veuille ou non, qu’aucun domaine de l’activité humaine n’échappe à la publicité. Ce journal ne survivrait pas sans elle. Il serait d’ailleurs intéressant d’observer de plus près où s’arrête l’information et où commence la publicité (ou la propagande, son équivalent idéologique). Par exemple, le battage médiatique actuel sur le réchauffement climatique relève-t-il de la première ou de la seconde? De la recherche des connaissances ou de la manipulation?

      A d’autres d’y répondre.

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