Avant qu’il soit trop tard

 

Après une semaine de canicule éprouvante, lorsque les citoyens pestent contre les excès de chaleur, lorsque des records absolus de température sont atteints et dépassés, c’est le moment de faire l’état des lieux, c’est-à-dire de comprendre pourquoi rien n’a été fait à temps, pourquoi à des degrés divers les décideurs sont climatosceptiques.
Il y a trois espèces de climatosceptiques.
La première soutient qu’il ne se passe rien d’autre que des fluctuations statistiques de la météo : elle réfute les mesures de la température croissante de la planète en les attribuant à des manipulations de l’opinion publique manigancées par des organes officiels, c’est-à-dire non crédibles, menteurs, mythomanes. Il n’y a donc rien à faire.
La seconde admet que la température augmente mais nie que cela puisse être le résultat de l’activité humaine en se référant aux variations antérieures du climat suscitées par des cycles astronomiques. Il n’y a donc rien à faire.
La troisième admet que le réchauffement est dû à l’activité humaine, mais qu’il est supportable, que ses conséquences ne sont pas graves et que lutter contre lui nuirait à l’économie. Il ne faut donc rien faire.
Avant qu’il soit trop tard, il faut considérer la planète en refusant de s’angoisser. L’anxiété, mauvaise conseillère, engendre la panique qui pousse aux décisions étourdies. Surtout, elle décourage d’entreprendre. Cela explique la présente indifférence politique face au défi climatique.
Ou bien c’est vrai et il n’y aurait plus rien à faire parce que peuple n’acceptera jamais les mesures impopulaires. Ou bien c’est faux et il ne faut rien faire non plus. Pour rester les bras croisés avec une bonne conscience, les décideurs se convainquent que ce ne soit ni vrai, ni faux, dans la zone grise des menaces latentes, des préjugés incertains et de l’avenir imprévisible. Ils réussissent selon les circonstances à passer d’une catégorie de climatosceptiques à une autre au fil de la même intervention.
En réalité, si on veut limiter la hausse de la température de la Terre à 1.5°, il faudrait réduire l’émission de CO2 de 35 milliards de tonnes en 2018 à 10 milliards de tonnes en 2050. Cela signifie revenir un siècle en arrière, en 1950, mais dans un tout autre monde, avec une production industrielle multipliée par dix et une population par quatre. Quoique ce ne soit pas impossible, ce sera très pénible. Dans l’état actuel des consciences, cela ne se fera pas, parce que les peuples ne voudront pas diminuer délibérément leur niveau de vie, avant d’y être contraints par l’ampleur des catastrophes.
Nous ne sommes pas seulement confrontés à un problème technique et économique, qui comporte des solutions bien connues, mais nous affrontons aussi une injonction à remanier la civilisation.
Notre espèce humaine est l’aboutissement d’une série de défis environnementaux du même ordre, qui furent surmontés chaque fois par le dépassement du système technique existant et aussi par la réforme des institutions sociales et des croyances religieuses, qui les sacralisaient. La sanction latente de chacun de ces défis était l’extinction d’une tribu, d’une civilisation ou de l’espèce.
De même aujourd’hui, si nous continuons sur notre lancée, la planète ne pourra plus pourvoir aux besoins de la population actuelle. La crise à venir, la sixième extinction de masse, exécutera automatiquement le tri des peuples, en sélectionnant les plus aptes à la survie, ceux qui auront à temps adapté leur système technique et modifié leur mentalité.
Concrètement pour la Suisse le défi consiste à passer d’une importation de 80% de son énergie sous forme de combustibles fossiles vers une quasi autonomie en collectant l’énergie solaire, éolienne, géothermique sur son territoire. Ce serait œuvrer à un accroissement de sa souveraineté réelle. Refuser ce défi, nier la réalité, revient à placer la souveraineté helvétique dans un univers fantasmé. Il n’est pas trop tard mais beaucoup de temps a déjà été perdu.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

17 réponses à “Avant qu’il soit trop tard

  1. Je comprend et partage votre agacement devant cette inaction politicienne. De formation médico-scientifique, je fais le constat de ce changement climatique et des conséquences sur notre environnement de notre mode économique actuel et sur notre santé. Les changements climatiques ne sont pas nouveau, mais se déroulaient sur des périodes géologiques (Mo d’années) et le vivant s’adaptait (extinctions incluses). Or actuellement le changement est beaucoup plus rapide (décennies) et le vivant n’a semble t il plus le temps de s’adapter.
    L’eau sur notre planète est un bien commun, largement suffisante pour la population mondiale. Les terres disponibles travaillée avec une agriculture non industrielle sont largement suffisantes pour nourrir la population de notre planète. L’agriculture industrielle n’est qu’une vision de marchands.
    Les risques potentiels liés à ce changement climatique en cours peuvent résulter d’un problème de partage de ces resources et cela va être complexe.
    Je reste néanmoins optimiste, car il y aura adaptation des entreprises et activités humaines, sinon elles disparaîtront.

  2. Étant donné que probablement il sera impossible de mettre en place une politique pour stopper le réchauffement climatique, si ce réchauffement est aussi grave que vous le dites il faut s’attendre à ce que vos prévisions apocalyptiques se réalisent.

    Je vous cite: “La crise à venir, la sixième extinction de masse, exécutera automatiquement le tri des peuples, en sélectionnant les plus apte à la survie…”

    Très intéressant et pas très rassurant.

    Pourrions nous savoir quels sont les peuples qui ont le plus de chance de survivre au “tri automatique”?

    Question subsidiaire: est-ce que les peuples européens autochtones et notamment le peuple vaudois de souche, dont je fais partie, ont une chance de survivre?

    1. Vous avez déjà offert vos provocations de « vaudois de souche » qui se glissent comme des anguilles dans de nombreux blogs. Ce n’est donc pas une « question subsidiaire » mais l’unique qui est à l’origine de votre fatigante insistance. Espérez-vous être une fois gratifié de ces vains efforts ?..

    2. Il ne s’agit pas de chance aléatoire, hors de notre portée, mais de résolution politique, de choix, de décision. Survivront les peuples qui prendront à temps les bonnes mesures quel qu’en soit le coût et la difficulté. Face aux trois guerres franco-allemande le peuple suisse a chaque fois pris de bonnes décisions qui lui ont évité d’être entrainé dans la catastrophe du continent. Puisqu’il faut affronter un défi d’une autre nature, beaucoup plus grave, je préfère être en Suisse que dans une île du Pacifique et j’y suis plus optimiste. C’est évidemment égoïste.

      1. Il y a tout de même une contradiction dans votre théorie. D’un côté vous nous dites que c’est un problème mondial et que sans une suppression des souverainetés et des décisions draconiennes appliquées au plan mondial, on ne pourra pas venir à bout du problème climatique. Puis vous nous dites que la Suisse a plus de chances de s’en sortir car elle a prouvé qu’en cas de difficultés elle sait prendre les bonnes décisions. Cherchez l’erreur.

        Ca ne tient pas. L’air chaud ne vas s’arrêter à la frontière suisse.

        1. Le problème est planétaire mais les solutions sont nationales. Chaque pays peut et doit contribuer àa la solution. Ce faisant, il améliore ses chances locales. Si la Suisse produit son énergie sur son territoire, elle ne dépend plus des importations qui en temps de conflit deviennent problématique. Nous subventionnons l’agriculture dans le même but. La Suisse, à elle seule, ne sauvera pas la planète mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire.
          Par ailleurs je n’ai jamais écrit que la suppression des souverainetés constituait une solution. Comment voulez-limiter la souveraineté de la Chine ou des Etats-Unis. Les agences internationales ne peuvent que servir d’outils.

  3. Si la question était uniquement technique, je resterais optimiste. Mais les gens de la technique, les meneurs de projets reçoivent leur pain de la main des financiers qui eux voient leur survie, leur prospérité et leur domination dans une doctrine de la croissance infinie et de l’investissement dans des produits connus qu’ils croient comprendre et qui marchent déjà. Nous ne pouvons aborder un tel défit que comme une guerre pour la survie. Qui a envie de mettre en place une économie de guerre pour mobiliser les moyens nécessaires à cette transition qui ne peut être que solidaire? Le dire, c’est appeler à une révolution.
    Je présume que ceux qui lisent ces lignes aujourd’hui pensent que cela tient du catastrophisme… Alors, attendez encore un peu.

  4. Oin-oin vaudois de souche ? Je croyais que vous étiez neuchâtelois « du Haut »

    1. @DAUWALDER

      Enfin un connaisseur du peuple Suisse!

      Il n’y en a plus beaucoup par les temps qui courent.

      Vous avez raison le personnage de Oin Oin était neuchâtelois. Mais moi je suis de la branche vaudoise de la famille: c’est les Ouin Ouin avec un u.

      Mais j’espère quand même que mes parents neuchâtelois survivront au scénario catastrophe de Mr Neirynck.

  5. La Terre ne risque rien, elle a connu des taux de CO2 100’000 fois plus importants. Sans remonter aux origines, après la disparition des dinosaures, les mammifères ont proliféré dans un climat entièrement tropical de l’équateur aux pôles sans craindre les canicules sans un seul cube de glace .
    Encore plus proche de nous, la précédente période interglaciaire a vu fondre un bonne partie des glaces du Groenland sans que les espèces aient risqué de disparaitre il y a 120’000 ans .
    Si les espèces sont menacées aujourd’hui, cela n’a rien à voir avec le taux de CO2, seulement du aux défrichement des biotopes pour nourrir la population en pleine explosion démographique qui représente le problème No 1 d’aujourd’hui .
    Le GIEC donne 2.2 watts/m2 l’influence anthropique sur le climat , soit moins de 1% de l’énergie que dégage la Terre ou environ 1/2 °C , ce qui correspond à la moitié des fluctuations pendant l’holocène .
    Si il faut malgré tout activer la transition énergétique, c’est pour des raisons de pollution et de ressources parce qu’en brulant les fossiles, on n’arrivera jamais à remettre autant de CO2 qu’il y a des dizaines de millions d’années encore une fois sans nuire aux animaux !
    L’alarmisme climatique fait plus partie des prédictions à la Nostradamus que la science nous l’apprend .
    Gardons la tête froide …

    1. Vous avez calculé combien cela fait quand on multiplie par 100 000 fois le taux actuel de CO2? Il ne restera plus de molécules d’oxygène à votre cerveau et donc à vos neurones pour rédiger des commentaires pareilles. Et je pense personne ne le regrettera!

  6. Pas de panique, en Suisse on va devoir s’adapter à une petite augmentation de la température moyenne. Rien à voir avec les températures élevées supportées depuis des siècles par les populations traditionnelles de Mésopotamie, d’Iran et au-delà. Je garde le souvenir que leurs habitations traditionnelles restent fraîches et agréables à vivre, pour autant qu’elles respectent un type de construction (matériaux) et un urbanisme favorisant l’ombre et la circulation de l’air. En Suisse, nous bénéficions d’arbres et de forêts qui nous protègent et qu’il ne faudra surtout pas négliger à l’avenir, voir même développer (végétaliser davantage nos villes). Pour le reste nos biologistes, architectes et urbanistes connaissent très bien leur métier. Aux politiques de les écouter attentivement.

  7. Si l’Inde et le Pakistan déclenchent un hiver nucléaire?; si Trump atomise l’Iran?, si la Chine attaque Taiwan, etc.
    On gagne ou on perd des émissions de CO2 ?

    Et si on arrête l’aide humanitaire, combien de tonnes de CO2 en moins ?

  8. Au secours ! Le Jacques que nous adorons est tombé monomaniaque ! Trop insister sur le même sujet n’agirait-il pas à fin contraire ? Naïveté à imaginer la petite Suisse capable de sauver la planète ? Finalement, peut-être l’humanité doit-elle disparaître (un Diluvio Universale bis ?). Personne n’échappe à son destin, refrain connu ! Avec tout mon respect.

    1. L’espèce humaine a été façonnée par les variations climatiques. Nous sommes les survivants de beaucoup d’espèces disparues. L’humanité finira par disparaître mais ce n’est pas une raison pour ne pas essayer de se trouver parmi les rescapés.

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