Bienheureux les repus

 

L’homme le plus puissant du monde envoie le message suivant qui le dépeint tout entier et qui annonce le monde à venir :
«Le Mexique a profité des États-Unis depuis des décennies, a affirmé Donald Trump vendredi matin sur Twitter. Nos lois sur l’immigration sont mauvaises à cause des démocrates. Le Mexique fait fortune grâce aux États-Unis depuis des années. Il peut facilement régler le problème. Il est temps pour lui de faire finalement ce qui doit être fait!»
Dès le 10 juin prochain, les douanes américaines imposeront une surtaxe de 5% sur toutes les importations de biens en provenance de leur voisin du sud. «La surtaxe augmentera de 5% par mois jusqu’à 25% si des mesures adéquates ne sont pas prises d’ici à octobre», a-t-il menacé. Le président américain accuse les autorités mexicaines de laxisme dans la lutte contre le flux de migrants clandestins arrivant au Texas.
Nous connaissons ce genre de message, mais nous le croyions réservé aux histrions de la politique, Hitler, Staline, Pol Pot, Pinochet etc…Que de la Maison Blanche, qui fut jadis le dernier refuge des Droits de l’Homme sortent pareilles admonestations est inquiétant. Les menaces alternent avec les mensonges. Non, le Mexique ne fait pas fortune grâce aux Etats-Unis car le PIB par habitant n’y est que de 8 902 $ contre 59 531 $ : le Mexique est pauvre et les Etats-Unis sont sept fois plus riches, telle est la vérité. Non, le Mexique ne peut pas facilement régler le problème en édifiant un mur de 3200 kilomètres. Non, ce n’est pas la faute des démocrates qu’il existe une pression migratoire tout le long d’une frontière impossible à contrôler.

Aux Etats-Unis la population est nourrie, trop nourrie de viandes, de graisses et de sucre au point qu’y abondent les obèses et les diabétiques. Au lieu de paître sur les immenses pâturages de la plaine américaine, le bétail est entassé dans des enclos où il se repait de maïs pour grossir deux fois plus vite. En Amérique Latine, spécialement au Venezuela des gens meurent de faim faute de maïs.
Ce qui est vrai dans les Amériques ne l’est pas moins en Europe, même si les dirigeants, mieux élevés ou plus hypocrites, se gardent bien de lancer en l’air des propos inconsidérés. La pression migratoire a été réduite en chargeant la Lybie, le Maroc et la Turquie de servir de barrages, par tous les moyens. Les bateaux de sauvetage des ONG ne peuvent plus atterrir sur les ports européens de Méditerranée. Les prisons libyennes servent de déterrent pour l’Afrique au Sud du Sahara.

Trump n’a qu’un défaut. Il dit tout haut ce que tout le monde civilisé pense tout bas. Il lui manque ce vernis de diplomatie qui fait tout le charme du Vieux Continent.

Bienheureux les repus car il faudra les gaver avant de nourrir les affamés. Bienheureux les puissants car le monde leur appartiendra. Bienheureux les menteurs, car ils décideront de la vérité. Bienheureux les riches car on leur donnera le pain des pauvres.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

8 réponses à “Bienheureux les repus

  1. Là je pense que vous forcer un peu le trait pour appuyer votre message, mais chez les repus il y a aussi beaucoup de pauvres, voir de très pauvres, même en travaillant. Cette situation est humainement révoltante, je vous le concède, mais il semblerait aussi (Ferry et Bouzou, Sagesse et folie du monde qui vient…., Edition XO) que cela ne risque pas de s’améliorer. On n’arrête pas le progrès.

  2. Ne faudrait il pas parler de pacte faustien (notamment avec le problème évoqué dans le journal du jour du fentanyl)?

  3. Je comprends votre vision du monde.
    Mais elle n’est pas majoritaire. Certes, elle est majoritaire dans le cercle des repus (et je suis sûr que vos amis partagent cette vision) mais l’homme, depuis qu’il est homme, a toujours construit des murs pour se prémunir des plus pauvres que lui.

    Nous ne nous révoltons pas contre les riches, mais contre ceux qui nous mettent en concurrence avec des plus pauvres… car non seulement nous avons faim, mais en plus nous perdons alors l’espoir que nos enfants auront une meilleure vie que nous. Savoir que des riches existent, nous pousse à croire que nos enfants auront une chance de le devenir, savoir que des plus pauvres existent, nous rappelle à quel point nous sommes fragiles.

    Sincèrement, je préfère avoir la concurrence de plus pauvres (et plus désireux d’accepter n’importe quel salaire) derrière un mur que dans ma maison (et surtout que l’investissement dans le mur donnera du travail ici, plutôt que là-bas).

    On nous a convaincu que le droit d’asile était un droit de l’homme: ok. Dont acte.
    Mais pensez-vous vraiment nous convaincre que se laisser concurrencer les maigres miettes que les puissants nous laissent par une concurrence mondialisée et affamée est une obligation ? et que nous n’avons pas le droit de nous sentir menacés? ou de demander à nos gouvernement de nous protéger ?

    Oui, les peuples du Sud sont pauvres, probablement à cause de la politique et de la corruption. Mais devons-nous partager ici le peu que nous avons avec eux ? où leur dire clairement qu’ils peuvent obtenir mieux en travaillant à la démocratie, là-bas, plutôt qu’à concurrencer nos salaires, ici.

    Et comment peut-on se cacher derrière les Droits de l’homme pour encourger des hommes et des femmes à quitter ce qu’ils ont là-bas, pour venir grossir la masse des travailleurs pauvres ici.

    1. Merci pour ce commentaire si profond et si humain. Si vous vous référez à mon texte, je ne demande pas que les frontières soient ouvertes à tout vent. Mais je souligne à quel point la politique à laquelle l’Europe est contrainte contredit les discours vertueux qu’elle tient.

      Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde mais nous devons faire ce qui est possible. Nous n’y parvenons pas parce que la menace des partis populistes pèse partout. Si l’on est accueillant, on donne le pouvoir à ceux qui ne le sont pas du tout, Salvini, Le Pen, Orban et tant d’autres. Nous devrons vivre avec le problème de l’immigration qui n’a pas de solution en sachant qu’en fin de compte tous les murs du monde n’empêchent pas les migrants de rentrer de gré ou de force. L’expérience de l’empire romain est concluante. Notre ordre finira par s’écrouler.

  4. L’olibrius qui occupe la Maison Blanche confirme son QI à 2 chiffres et sa brutalité de cow-boy mal dégrossi, avec ses stupides solutions à l’emporte-pièce (à l’image de sa préconisation de Canadair pour éteindre l’incendie de Notre Dame). Quand donc nos amis d’Outre-Atlantique se doteront-ils d’un président digne d’eux ?
    Ceci dit, on tente de faire passer les Européens pour égoïstes. Hélas, aucune chance de me culpabiliser ! Parfaitement en paix avec ma conscience, donnant raisonnablement aux multiples sollicitations, je ne me sens pas responsable des malheurs du monde, bien incapable d’y porter remède (en existe-t-il ?)

    1. Il n’y a probablement pas de remède définitif mais des solutions palliatives, comme d’organiser des camps en des lieux reculés. Les Européens ne sont pas coupables de ce qui se passe mais ils doivent cesser de se donner bonne conscience en affirmant des principes qu’ils ne peuvent appliquer. L’horreur de la situation et la menace de l’avenir n’appellent que le silence.

  5. Je suis né au sud du Liban dans un milieu où ma détestation des USA était justifiée et profonde, en tenant compte de l’interventionnisme et du saccage du M.O. par cette puissance. Depuis mon arrivée en Suisse en 1987, j’ai commencé à aimer les USA, car j’ai réalisé qu’il s’agit de la seule locomotive de l’Occident, et que les autres pays européens sont hélas hyper-divisés entre eux, ne sauront tout simplement pas tenir le position du leadership face aux autres puissances mondiales. Rien que par égoïsme nous avons tous intérêt à ce que les USA ne s’écroulent pas économiquement, ce qui justifie à mes yeux la politique du Président Trump contre la Chine et contre le Mexique. Aujourd’hui la croissance de notre “protecteur” (le mot n’est pas péjoratif) est alimenté par une dette supplémentaire d’un trillion de dollars par an. Cette situation n’est pas tenable à long terme. Il est primordial que les USA réduise son déficit commercial de 600 milliards par an, pour que l’Occident ne s’écroule pas économiquement. S’agissant de l’immigration; elle serait bénéfique tant que nous pourrions intégrer les arrivants dans le marché du travail. Mais consacrer quelques points de pourcentage du PIB pour entretenir, à fonds perdus, une masse humaine malheureuse, ne peut qu’exacerber les détestables sentiments nationaux.

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