La corruption des meilleurs

 

André Comte-Sponville émet une question provocante : « tout musulman n’est pas islamiste, mais tout islamiste est musulman ; qu’est ce qui dans l’Islam entraîne cette dérive ? ». On peut du reste poursuivre la même question au sujet de tout groupe humain. Tous les chrétiens n’ont pas été inquisiteurs, mais tous les inquisiteurs étaient chrétiens. Tous les marxistes n’ont pas été staliniens, mais tous les staliniens étaient marxistes.

Telle est l’application récurrente du proverbe latin : corruptio optimi pessima, la pire corruption est celle du meilleur. Cela renvoie à des situations contemporaines. Comment les Etats-Unis, inventeur au siècle des Lumières de la démocratie moderne, ont-ils pu élire comme président un Donald Trump ? Comment le Père Marie-Dominique Philippe, religieux dominicain, fondateur de l’ordre religieux Communauté de Saint Jean, a-t-il pu profiter de la direction spirituelle de religieuses pour les violer ? Comment les victimes ne se sont ni défendues ni plaintes ? La réponse se trouve peut -être dans une citation de Vassili Grossman, écrivain russe : « le Mal vient essentiellement de ceux qui veulent imposer le Bien aux autres ».

Il faut donc analyser tout discours sur le Bien pour y découvrir l’amorce du Mal. Les mouvements, communautés, partis, Eglises, qui définissent les contours du Bien, veillent à s’inclure dans les détenteurs de celui-ci pour mieux en exclure les autres, tous les autres, spécialement leurs ennemis naturels. Cela explique le mouvement spontané des gilets jaunes qui ont réussi sans structure, sans finances, sans légitimité à paralyser l’action du gouvernement français et à soutirer une dizaine de milliards. Ils sont prétendument le peuple français, tandis que les autres citoyens, bien plus nombreux en sont exclus. Les institutions sont le Mal, leur refus le Bien. Au nom de cette distinction, des émeutes, des destructions et des pillages ont été effectués en toute impunité. Tout en se proclamant non violents, ils ont fini par admettre que seules ces violences les ont fait écouter, c’est-à-dire que le Mal est nécessaire pour produire le Bien.

Ils ont reproduit en notre siècle les mécanismes de conquête et d’exercice du pouvoir utilisés précédemment par le nazisme et le communisme, grands organisateurs de camp de concentration et d’extermination des autres, des suppôts du Mal. Les spécistes qui fracassent les vitrines des boucheries sont de la même engeance, comme les soi-disant environnementalistes qui sont opposés aux OGM, aux éoliennes et aux antennes de téléphonie mobile. Au nom du patriotisme et de la tolérance religieuse, le peuple suisse a fini par caser dans la Constitution le 29 novembre 1009 un article interdisant la construction de minarets.

Au lieu de vouloir instaurer le règne abstrait du Bien, il faudrait se limiter à l’exercice de la bonté et de la bienveillance à l’égard de tout le monde, surtout de ceux qui sont différents.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

17 réponses à “La corruption des meilleurs

    1. Citation exacte : “La Confédération helvétique obtient le meilleur indice d’efficience énergétique grâce notamment à l’hydroélectricité et au nucléaire qui couvrent 45% des besoins en énergie primaire (non transformée) du pays”. Grâce à ses barrages, la Suisse consomme depuis toujours moins de combustibles fossiles que d’autre.
      ais cela n’a rien à voir avec la transition écologique qui couvre les modifications de la consommation. En réalité la Suisse n’est pas championne de cela. Elle utilise très peu l’énergie éolienne comparée au Danemark, à l’Autriche ou à l’Allemagne.

  1. M. Neirynck confond tout : ainsi on n’aurait pas le droit de s’opposer aux OGM ou aux éoliennes, c’est mal ! C’est bien le point de vue des donneurs de leçons qui se croient au-dessus de la population , au-dessus des lois et même au-dessus de la nature !
    Sa logique ne tient pas la route, elle se termine invariablement en absurdité comme les religions qui se basent sur un dieu inexistant !

    1. L’article de ce blog présente une explication psychologique d’un phénomène qui prend place régulièrement dans le cadre des « bonnes causes » à défendre, où précisément des personnes, groupes, ou certains partis politiques estiment que tous les moyens sont bons pour imposer leurs certitudes. La science, autant que la psychologie qui n’en est pas une, ne travaille pas dans ce sens, et ne se permet pas de qualifier les croyances religieuses d’absurde. Il y a des scientifiques et des psychologues qui croient en un dieu existant ou non, comme toutes autres personnes de niveaux intellectuels ou d’instruction variables. Et parmi ces dernières il y en a qui s’opposent aux OGM, aux éoliennes, qui revendiquent le respect de la nature où il leur paraît évident que Dieu n’y est pas… Vous pouvez donc constater que sans avoir l’esprit scientifique, ni être croyant, vous êtes invité dans ce blog pour nous expliquer comment bien penser dans votre juste logique… C’est une grande et appréciable liberté à laquelle personne ne s’oppose, une chance que vous ne semblez pas reconnaître pour le confort qu’elle vous apporte…

    2. En Suisse, l’énergie éolienne reste inexploitée. Seules 34 éoliennes ont été installées en vingt ans. La Suisse dispose d’un potentiel estimé à 88% de la consommation d’électricité, mais il demeurera inexploité par suite de la multiplication des recours, au point que 160 projets sont actuellement en attente Le Conseil fédéral se résout à une contribution de 10%.
      À titre de comparaison, un autre pays de même taille dans les mêmes conditions géographiques, l’Autriche, en a installé 1016 pour une puissance totale de 2095 MW. Le 25 décembre 2018, elles ont couvert 28% de la demande en électricité. En 2030, 24% des besoins en électricité seront couverts en Autriche. Ce n’est donc pas une solution négligeable ou marginale.
      L’urgence est de cesser de brûler des combustibles fossiles parce que le climat est ébranlé. Telle est la défense prioritaire de l’environnement. Cela n’est possible que si on collecte sur le territoire national l’énergie disponible. Refuser les éoliennes sous couvert d’environnement dissimule un mal, un mauvais choix politique, sous un bien superficiel.

      1. L’urgence est d’arrêter d’exploiter une carrière en Allemagne, pour exploiter les matériaux en Chine, puis les installer à Zurich dans les nouveaux bâtiments des CFF.

        Nous sommes individuellement responsables de notre consommation, mais il serait temps de pointer du doigt les non-sens écologiques et ceux qui polluent le plus, notamment les transports maritimes. Et, scoop, cela permettrait de rapatrier des emplois en Europe!

  2. Je ne suis pas du tout d’accord avec vous sur les questions que vous évoquez et qui ne sont absolument pas réductibles de manière simpliste au concept moyenâgeux du “Bien” ou du “Mal”, ni à un pardon et une bienveillance automatique pour ceux et celles ayant commis des impairs. Comme vous le suggérez, l’enfer est en effet pavé de bonnes intentions, mais la problématique est autrement plus complexe et dépend fondamentalement des lois de la démocratie, souvent longuement débattues et amendées, ainsi que de particularités individuelles plus ou moins favorables. Non, le “Mal” ne vient pas essentiellement de ceux qui veulent imposer le “Bien” aux autres, mais des délinquants eux-mêmes et du cadre ainsi que des circonstances à la source des problèmes!!! Votre analyse en noir/blanc fait totalement abstraction de ces éléments-clés fondamentaux dans toutes les nuances des gris et des couleurs, dont il ne faut jamais oublier la complexité pour pouvoir considérer sainement un monde et des gens souvent pétris de contradictions.

  3. Oui, “bonté et de la bienveillance à l’égard de tout le monde”. Toute calomnie exclue.
    Mais comment est-il possible que vous preniez pour argent comptant tout ce qui est déversé sur le père Marie-Dominique PHILIPPE à qui ce procès est fait après sa mort ? Donc procès irrecevable, l’accusé ne pouvant pas se défendre.
    Le père Marie-Dominique PHILIPPE que moi, j’ai connu personnellement pendant 33 ans, était un prêtre priant, humble et pur, un vrai disciple de Jésus-Christ, un vrai fils de Marie et de l’Eglise.

    1. Le 5 mars sur Arte a été diffusé une enquête intitulée “Religieuses abusées”. Deux des victimes se sont exprimées en entrant dans tous les détails. Il va de soi que ces témoignages n’auraient pas été diffusés s’ils avaient été faux puisqu’ils auraient pu être attaqués en diffamation. Il ne s’agit donc pas rumeurs mais de faits bien établis.
      Ces crimes n’empêchent pas que dans la vie ordinaire le Père Philippe ait pu agir normalement. Le but de ce blog est de démontrer que le Mal coexiste et se dissimule souvent dans le Bien.

      1. Mais alors, après votre mort, n’importe qui pourra dire sur vous des horreurs ?
        Ne trouvez-vous pas juste ce proverbe : ‘des morts, dis du bien ou ne dis rien’ ?
        Pourquoi n’avoir rien dit, avant ?

        1. Très bonne question. Pourquoi n’avoir rien dit en temps opportun avant la prescription ou avant le décès? C’est une caractéristique de toutes les affaires d’abus sexuel. Les victimes se sont persuadées qu’elles sont les coupables parce que le Bien abstrait incarné par un supérieur religieux ou un dirigeant de l’économie est écrasant au point que le Mal ne puisse même pas être imaginé. Je vous renvoie au cas du cardinal Pell actuellement en prison en Australie après avoir été une autorité au Vatican et celui du cardinal MC Carrick qui vient d’être réduit à l’état laïc. Pendant des décennies le silence a été observé et c’est bien le problème alors que la loi civile impose de dénoncer les crimes dont on a connaissance. C’est précisément pour cela que le cardinal Barbarin vient d’être condamné pénalement.

          1. Les victimes se taisent si longtemps parce qu’elles ont peur, tout simplement. Et il y a de quoi, quand on voit sur ce blog l’aveuglement de certains commentaires malgré des faits avérés. Un viol commis par un “saint homme” ou un PDG n’est pas le “Mal” qui se cache dans le “Bien”, mais un rapport abusif de pouvoir, de domination et d’emprise morale ou matérielle. Osons nommer correctement les choses ! Les actualités démontrent amplement ce que sont les turpitudes des religieux et des dirigeants économiques. Le “Bien” et le “Mal” sont des notions réductrices et obscurantistes qui ne peuvent occulter la réalité de rapports sociaux basés essentiellement sur de l’hypocrisie et de la violence larvée, où la bonté et la bienveillance n’existent pas et servent juste de couverture morale. Désolé, mais je n’adhère vraiment pas aux discours ni aux “valeurs” d’un tel système.

  4. Euh, vous pouvez me donner l’article du code pénal suisse, du code de procédure pénale ou de la “la loi civile [qui] impose de dénoncer les crimes dont on a connaissance.” ??????
    p. ex.
    https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20124068

    Vous parlez de la disposition du CC entrée en vigueur le 1er janvier 2019?? (et qui n’existait donc pas avant) Mais qui est hyper limitée… et qui concerne (ce qui est très bien, mais ne doit pas être généralisé à tous les délits, type LCR p. ex.) la protection des mineurs.

    Ou faites-vous allusion à autre chose? Rassurez-moi, vous n’êtes pas pour une obligation de délation des citoyens??

    1. Art 443 CC “…toute personne qui, dans l’exercice de sa fonction officielle, a connaissance d’un tel cas est tenue d’en informer l’autorité. Les cantons peuvent prévoir d’autres obligations d’aviser l’autorité.
      Cette disposition s’applique également aux autorités de protection de l’enfant (art. 440 al. 3 en relation avec l’art. 314 al. 1 nCC). L’expression “dans l’exercice de leur fonction officielle” doit être comprise dans un sens large. Elle recouvre l’activité de toute personne qui exerce des compétences de droit public, même si elle n’occupe pas une fonction de fonctionnaire ou d’employée dans une collectivité publique (FF 2006 6708).

      1. Sauf que vous oubliez:”Les dispositions relatives au secret professionnel sont réservées.”
        Est donc réservé le secret professionnel des avocats, des notaires, des médecins, des ecclésiastiques… et de leurs auxiliaires (voir art. 321 CP).

        L’art. 314 CC est d’ailleurs encore plus clair: “a le droit d’aviser”…

        Je vais donc être plus clair: oui, je suis scandalisé que l’on ne dénonce pas immédiatement tout soupçon sur un fait qui porte sur l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’un enfant. Mais la Suisse 🙁 ne connaît pas la base légale qui permettrait de condamner pénalement un éveque pour ne pas l’avoir fait…

        Je trouve dommage qu’un législateur ne connaisse pas les limites de la loi (et prétende le contraire) car, je le répète, c’est choquant de ne pas pouvoir contraindre sous la menace d’une sanction pénale un ecclésiastique à dénoncer de tels délits. Comment peut-on sérieusement introduire: “Les dispositions sur le secret professionnel sont réservées” dans la base légale qui a trait à la dénonciation des … viols sur les enfants ??? De surcroît en plein scandale sur la pédophilie dans les églises….
        Et je sais que vous n’y êtes pour rien dans l’introduction de cette exception…

        Après oui, je sais également, on peut ergoter sur l’application de l’art. 11 al. 2 CP, qui pourrait éventuellement trouver application dans certaines situations bien particulières… mais.

  5. merci de nous agiter à coup de pique : plus facile pour nous d’entrer dans le débat!
    Le bien et le mal : que disent d’autre les recruteurs de daesh : nous luttons contre l’immoralité. Tout comme un célèbre rédacteur en chef local me le répète lui-même au cours de ses attaques répétées contre de grands personnages politiques sortant du lot par leurs brillants résultats. De quoi étouffer Plutarque célébrant les grands hommes. Ce genre de mission moralisatrice a souvent conduit l’humanité à de grandes catastrophes humanitaires.
    Eoliennes : Nos contrées d’Europe centrale sont sous-ventées par rapport aux bords de mers sur-ventés (voir la carte des vents) . Une éolienne mets chez nous 10 à 15 ans à rendre l’énergie dépensée à la fabriquer et à l’installer selon les vendeurs. L’organisation “sauvonsle climat” (www.sauvonsleclimat.org ou contrepoints.org) évoque plus de dangers pour la planète que d’avantages à des éoliennes dans nos régions peu ventées. Le rendement énergétique d’une éolienne diminue trois fois plus vite que la vitesse du vent : une jolie brise thermique de 15 km/h sur le lac de Joux est certainement insuffisante pour une éolienne pendant sa durée de vie à restituer l’énergie dépensée pour l’installer.

    1. L’Autriche n’est pas plus ventée que nous ne le sommes et elle tire profit de ses installations. Ceux qui présentent des projets en Suisse, bloqués par des recours, ne sont pas insensés au point de consentir un investissement voué à l’échec.

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