Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument

 

On vient d’en avoir une illustration saisissante  par la révélation des dysfonctionnements du pouvoir, dans l’institution qui est à la fois une confession religieuse chrétienne, l’Eglise catholique, et un Etat de plein droit, le Vatican. Le jeu des pouvoirs n’y est pas moins féroce et pervers qu’ailleurs, alors qu’on pourrait attendre un exercice voué uniquement au service. Mais l’exercice du pouvoir y a accompli des ravages.

En quelques jours de ce mois, on a appris que :

Le cardinal australien George Pell, ancien numéro trois du Vatican, a été condamné à six ans de prison pour agressions sexuelles contre deux enfants de chœur.
Le pape François a réduit à l’état laïc le cardinal américain Theodore McCarrick, soupçonné d’avoir commis plusieurs actes d’abus sexuels aux États-Unis.
Le parquet de Paris a demandé la levée de l’immunité diplomatique du nonce en France, Mgr Luigi Ventura, qui fait l’objet de trois plaintes pour agression sexuelle.
Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, primat des Gaules, a démissionné après avoir été  condamné à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les actes d’abus sexuels commis par un prêtre.

Frédéric Martel dans son ouvrage Sodoma décrit l’omniprésence d’homosexuels au Vatican. Or, ceux-ci condamnent publiquement leur propre orientation, alors qu’elle ne l’est plus par la société civile.

A côté des abuseurs criminels continuent à œuvrer des millions de religieux et de laïcs qui s’efforcent, jour après jour, de remplir leurs missions pastorales dans la dignité, le désintéressement et la modestie. Eux n’exercent pas le pouvoir, mais ils sont humiliés par la carence ou la duplicité de ceux qui le détiennent.

Plus d’un milliard de catholiques sont agressés dans leur foi par ces révélations. Une structure fondamentale de l’Occident, une autorité morale, une œuvre de bienfaisance spirituelle et matérielle, s’effondre sous nos yeux, comme le fit voici quinze siècles l’Empire Romain, dont elle fut, en des temps barbares, le seul prolongement, le seul rempart contre l’anarchie. Nul ne peut s’en désintéresser, ni s’en féliciter. Le désordre des uns nuit à tous. Une civilisation repose sur des soutiens invisibles : une langue, une culture, un Etat de droit, une ou des religions, une vie associative, des traditions. Il est indispensable de conforter ces piliers en remédiant à leurs défaillances.

La particularité de l’Eglise catholique d’Occident est d’exiger le célibat des prêtres, à l’inverse des autres Eglises chrétiennes, y compris les catholiques d’Orient. Il en est de même du judaïsme et de l’islam. Si l’on met bout à bout les révélations des ces dernières semaines, l’enchainement des causes devient évident.

En ne recrutant que de futurs célibataires, un séminaire augmente statistiquement la proportion des candidats qui ont  une tendance homosexuelle. Cette minorité, qui fut universellement persécutée dans la société civile, trouve un refuge dans une structure au-dessus de tout soupçon, qui condamne d’autant plus fermement sa propre tendance qu’elle ne désire pas être dévoilée. Lorsque surgissent des cas de pédophilie (qui n’ont rien à voir avec l’homosexualité) un jeu de chantage s’instaure entre les pervers, qui ne sont pas dénoncés par leurs supérieurs, et ceux-ci, qui ont peur d’être dévoilés publiquement.

Le remède semble évident : que l’obligation du célibat ecclésiastique soit abrogée, pour ouvrir la possibilité d’ordonner des hommes ou des femmes marié(e)s. Ces dernières constitueront une protection particulière pour les enfants dont elles ne toléreront pas qu’ils soient abusés sous leurs yeux. On sait de  plus par l’expérience que, dans une organisation qui comporte à égalité hommes et femmes, les luttes pour le pouvoir sont moins âpres.

Incidemment seraient remis en question les subsides actuellement fournis par les pouvoirs publics à une institution, qui ne respecte pas l’égalité homme femme dans l’accession à certaines fonctions, ce qui est contraire à l’article 8 de la Constitution fédérale.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

7 réponses à “Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument

  1. “Or, ceux-ci condamnent publiquement leur propre orientation, alors qu’elle ne l’est plus par la société civile.”

    Combien de pays catholiques condamnent encore à mort les homosexuels? Vous semblez avoir un prisme politique limité à l’Europe…

    “En ne recrutant que de futurs célibataires, un séminaire augmente statistiquement la proportion des candidats qui ont  une tendance homosexuelle.”

    Pourquoi? Si on est pas marié, vierge ou si on ne veut pas se marier, on est homo? Voilà un raccourci bien étrange…

    “Ces dernières constitueront une protection particulière pour les enfants dont elles ne toléreront pas qu’ils soient abusés sous leurs yeux.”

    Ouais, pas convaincu. Le premier lieu d’abus sexuel n’est pas l’Eglise mais reste… le foyer familial, constitué par papa abuseur et maman qui regarde ailleurs…

    “On sait de  plus par l’expérience que, dans une organisation qui comporte à égalité hommes et femmes, les luttes pour le pouvoir sont moins âpres.”

    Par exemple pour la prof de l’epfz qui a récemment été licenciée ??

    Et bravo pour votre conception dans votre dernier paragraphe de la séparation entre l’Eglise et l’Etat. Pour un pdc, c’est fort!

    A mon avis, ce serait plus simple de ne pas mélanger homo et abuseur d’enfants, d’une part, et d’accepter le fait que les abuseurs sont des pervers qui recherchent des positions d’autorité sur les enfants (école, clubs sportifs, écoles, etc). Or, sans remettre en cause les dogmes d’une religion, il devrait être possible de les détecter dans ces métiers à risque et, surtout, d’encourager les dénonciations…

    Pour toucher mon FAss à l’armée, j’ai dû passer deux jours, comme tout le monde au recrutement, à cocher des cases et répondre à des questions pour s’assurer que je n’étais pas un tueur de masse potentiel… je suis convaincu qu’on peut exiger des professionels au contact avec des enfants de passer des tests sur d’éventuels penchants pédophiles/sadiques/… pour autant qu’on veuille s’attaquer au problème plutôt qu’à une Eglise…

    1. A ma connaissance, les pays condamnant à mort pour l’homosexualité sont : la Mauritanie, le Soudan, l’Arabie saoudite, le Yémen, l’Iran, l’Afghanistan, la Somalie, le Nigeria. Quels sont les pays catholiques dans cette liste?

        1. Le Nigeria n’est pas un pays catholique. Il y a autant de musulmans que de chrétiens et parmi ces derniers le quart est catholique. Ceux-ci représentent donc 12.5% de la population.

  2. Abolir le célibat des prêtres sera une excellente chose, mais parallèlement donner aux femmes leur juste place dans l’Eglise sera également souhaitable. Pourquoi continuer de réserver la prêtrise aux seuls hommes en reléguant les femmes à des tâches subalternes. Ces anachronismes témoignent d’une rigidité de doctrine inacceptable au 21è siècle. Combien faudra-t-il encore de papes progressistes pour y arriver ?

    1. Mon dernier alinéa est parfaitement dans cette ligne : hommes et femmes doivent pouvoir être ordonnés.

  3. le célibat des prêtres est une aberration que l’Eglise ne conçoit pas, pas plus que Foch et Pétain se refusaient à laisser les poilus dans les tranchées, assurés qu’ils étaient de se faire descendre immédiatement pas les mitrailleuses adverses, au point de les faire fusiller pour trahison; l’OAS non plus ne concevait pas une Algérie indépendante; Macron ne conçoit pas non plus de donner raison aux Gilets Jaunes; tout cela c’est l’ “ancien monde” , incapable d’ouvrir les yeux au point d’apercevoir enfin une réalité insupportable qui obligera à une remise en cause drastique! le printemps est là, espoir !

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