Les commentaires déplacés

 

L’instrument le plus précieux du blog est la possibilité d’y apporter des commentaires. C’est une façon simple, rapide, efficace de découvrir la valeur d’une idée, d’une proposition, d’un projet. C’est demander l’avis du peuple et l’obtenir par retour du courrier. De sorte que la plupart des commentaires sont hautement instructifs : ils nuancent une idée, la contredisent ou même la ridiculisent. C’est une pédagogie instantanée. C’est l’instauration d’un débat d’idées, concept  un peu trop exigeant.

 

La plupart des commentaires sont instructifs, mais pas tous de la même façon. Certains ne disent rien sur le blog lui-même mais tout sur le commentateur. On y apprend que le peuple est composite, on l’analyse, on le découvre non sans surprise.

 

Le commentaire le plus déplacé est évidemment le texte d’injures. Rare mais pas inexistant. D’où émane-t-il ? D’un psychopathe, d’un ennemi intime, d’un farceur ? On ne le saura jamais, car il est prudemment anonyme. C’est une très mauvaise idée d’autoriser ou même d’encourager l’utilisation de pseudonymes. Cela incite certains à se révéler pour ce qu’ils sont. On ne voit jamais ces commentaires sur le site car ils vont directement à la poubelle.

 

Un cran au-dessus se situent les commentaires ne visant que la personne de l’auteur et pas son texte. Le correspondant n’a pas lu le blog ou l’a lu de travers, mais en tous cas il n’a rien à en dire. Dès lors il s’en prend à l’auteur. Il ne l’attaque même pas pour ce que celui-ci est vraiment en tant que personne, mais pour la catégorie à laquelle il appartient, à quelque minorité détestable en bloc. Il fut Belge dans son enfance et donc il coltine jusque dans son grand âge la bêtise que les Français attribuent aux Belges en général, pour se sentir eux-mêmes plus intelligents. Il a vécu en Afrique donc il est colonialiste. Il a représenté le PDC au Parlement fédéral donc c’est un catholique bigot. Il a enseigné à l’EPFL donc c’est un intellectuel prétentieux. Etc…

 

Un peu plus haut sur l’échelle se situent les commentaires déphasés, hors sujet. Le correspondant est bien ennuyé de découvrir à la lecture du blog quelques faits irréfutables, qui contredisent sa vision du monde. Il réaffirme avec force celle-ci en niant les évidences présentées dans le blog. C’est l’analogue de Trump démentant le réchauffement climatique pour relancer les mines de charbon américaines. Le correspondant se révèle immanquablement comme personne farouchement de droite ou de gauche ou écolo. C’est le croyant d’une idéologie sommaire, accroché à ses certitudes, refusant véhémentement le débat d’idées. Certains vont jusqu’à exiger que la rédaction du Temps procède à une censure préalable.

 

Enfin, il y a les commentaires décalés, qui s’offusquent du blog parce que celui-ci ne se conforme pas au politiquement correct, à cette mélopée politicienne sans cesse ressassée par tous les partis pour maintenir la stabilité précaire du système. Ainsi, les centrales nucléaires suisses sont évidemment les plus sûres du monde au point d’être prémunies contre tout accident grave. Les OGM sont toxiques pour le consommateur. Les musulmans sont terroristes par nature. L’armée suisse est, selon son conseiller fédéral de tutelle, la meilleure du monde. La production agricole suisse est plus chère que celle de l’importation parce qu’elle est naturellement d’une qualité supérieure. Il n’y a absolument aucun danger que l’AVS ou la LPP puisse faire défaut aux pensionnés dans vingt ou trente ans. La meilleure façon de réduire le coût de la santé est de restreindre le nombre médecins car ce sont eux qui fabriquent les malades. C’est sur ces contrevérités que trop de lois sont construites parce que le souverain n’accepterait pas les vérités elles-mêmes. Telle est la plus lourde des découvertes d’un blogueur.

 

En terminant, on ne peut s’empêcher de redouter les commentaires que s’attirera ce métablog.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

7 réponses à “Les commentaires déplacés

  1. Les commentaire de haine et de mépris, dirigés vers l’auteur(e) d’un l’article ne sont à mon avis pas moins offensifs que les injures, et ils ne vont pas « directement à la poubelle », à moins qu’il y ait plus mauvais que ce que j’ai vu. A ce sujet je me souviens d’un blog récent qui a généré plus de 70 commentaires, dont l’un s’attaquait directement à l’auteure sur sa « manière de vivre » sans rapport avec l’article, tel le prêtre du tribunal de l’Inquisition qui condamne avant d’envoyer au bûcher. Celui-ci commençait son texte par : « Vous supprimerez certainement mon commentaire mais… » L’auteure lui a indirectement apporté de l’importance : « Je n’efface pas car je souhaite vous répondre… », puis en d’autres mots : « Je ne suis pas celle que vous pensez… » Faible ou courageuse ? Je pense plutôt forte car l’on peut ainsi se rendre compte des obstacles qu’une militante rencontre à une échelle plus grande que le blog. Le commentaire méprisant et haineux a ensuite été effacé ! Ceci pour dire que parfois la censure immédiate n’est peut-être pas toujours la solution souhaitée…
    Maintenant Monsieur Neirynck, vous n’avez évidemment pas l’obligation de réagir à une autre question que je soulève. Votre blog sur l’analyse des causes de l’effondrement pont de Gênes a créé une déferlante de commentaires, puis une vague scélérate contre votre navire dirigée par un auteur de blog paru peu après, ne se gênant pas dans son style de contre-argumentation : « Faut quand même pas déconner… » À qui j’ai répondu : « Vous êtes à l’aise pour jeter de l’huile sur le feu, et je pense finalement que vous êtes plus soucieux de votre popularité en vue des élections que des ponts qui s’effondrent… » Il y a donc des articles qui eux aussi sont hors-sujet, agressifs et d’une certaine manière injurieux. Devraient-ils être évalués avant publication ? On évoquera la liberté d’expression, c’est donc une proposition perdue d’avance… Qu’en pensez-vous ?.. Et pour l’autorisation des pseudos, je comprends les conséquences négatives que vous mentionnez. Mais songeons aussi que c’est une possibilité de s’exprimer pour des personnes qui seraient contraintes de s’abstenir pour des raisons professionnelles par exemple. Dommage pour elles ? Mais également pour des opinions fondées que l’on désire connaître d’une personne aux premières loges pour émettre des critiques. Faut-il encore que celle-ci soit honnête… Alors pour ou contre l’usage des pseudos, en rapport de ce qu’il y aurait à gagner et à perdre, ce n’est pas si simple…

  2. vérités, contrevérités, Vérité avec un grand V, vérités scientifiques: ce mot est à prendre avec des pincettes tant il est sujet lui-même sujet à controverses infinies.
    D’abord la science n’émet pas pas de vérités, mais offre des modèles qui doivent se rapprocher le plus des règles de la nature et qui évoluent donc en fonction de nos connaissances.
    Les grandes Vérités que veulent nous imposer les grandes religions ( ou tous les gourous) ne sont en fait que des dogmes qu’on devrait accepter sans discuter puisque inspirés par Dieu lui-même , mais comme je l’ai déjà dit ne reposent que sur des mythes irrationnels par nature. Dieu n’aurait pas besoin d’une inquisition ou de poseurs de bombes pour imposer Sa Vérité ! Il y a confusion avec les règles fondamentales de la Nature , d’où la confrontation entre scientifiques et fondamentalistes (E pur si muove) ! on trouve même des gens qui veulent démontrer que la Terre est plate !!!
    Les petites vérités ou contrevérités de tous les jours que l’on assène sans arrêt débouchent des faits partiels que l’on inclut ou exclut pour donner ses propres versions (typique en politique) et finissent en rhétorique subtile pour convaincre une population du bien fondé d’une proposition .
    Le GIEC se place entre la sainte Inquisition et les politiciens , puisque son dogme du CO2 est en fait une thèse qui exclut un certains nombres de faits (albédo des nuages, cycles océaniques, …).
    Le débat est utile justement pour décortiquer les contradictions des uns et des autres sans qualifier la valeur des auteurs, mais seulement celle de leurs arguments .

    1. Vous n’êtes pas dans le bon blog… Sur les vingt-et-une lignes de votre commentaire, seules les deux dernières sont en rapport avec le sujet.

  3. Les blogs du Temps sont magnifiques de par la diversité des sujets qu’ils permettent de lire.

    L’auteur d’un blog doit s’attendre évidemment à des réactions et on peut vous laisser la correction de publier aussi des commentaires “quasi désobligeants”.
    Ceci n’est pas le cas de tous les blogueurs, même si le commentaire n’a aucune désobligeance, mais contredit leur avis.

    En revanche, il faut se garder de prendre les commentaires comme une photographie de la population.
    D’abord toute celle-ci ne lit pas le Temps et il faut aussi de temps pour s’exprimer.
    D’accord avec le commentaire ci-dessus que l’anonymat (même s’il peut permettre les abus) permet l’avis de personnes qui doivent “se protéger”.

    En revanche, ce qui serait bien, serait de recevoir quittance du commentaire envoyé. Ca ne me parait pas compliqué techniquement et me parait en revanche éthique et devrait même être une obligation légale.
    Combien de sites s’ouvrent sur une fenêtre de “contact” et une fois envoyé, plus de traces de votre envoi!

    P.S. Mais le Temps a peut-être peur que ceci puisse générer des polémiques?

  4. Je me suis senti visé car dans un récent commentaire je m’en étais pris à monsieur Neirynck en tant que membre du PDC, qui pourtant exprimait des vues très opposées à la doctrine catholique.

    A vrai dire il y a si longtemps que le PDC n’est plus catholique que j’ai tort de protester là contre. On sait aujourd’hui que le PDC, dans sa relation à la religion catholique et même tout simplement chrétienne, ne vaut guère mieux que le CDH (Centre Démocrate Humaniste) qui est l’équivalent du PDC en Belgique. lci la dénomination “humaniste” indique clairement –pour toute personne ayant un minimum de culture politique- que ce parti belge est devenu un nid de francs maçons, exactement comme le PDC en Suisse. Les illustrations et grands penseur belges catholiques comme Marcel de Corte et d’autres doivent se retourner dans leurs tombes, mais il faut dire que la démarche du CDH belge est plus homnnête que celle du PDC suisse. Car le CDH a au moins la franchise d’afficher dans sa nouvelle dénomination qu’il est noyauté et contrôlé par les loges, tandis qu’en Suisse le PDC, avec son fameux C, qu’il n’ose pas supprimer, se prétend encore chrétien, ce qui est se moquer du monde.

    Ma critique dans ce commentaire un peu agressif n’était pas dirigée contre monsieur Neirynck, qui est un homme d’esprit que je lis souvent avec plaisir même si je suis assez rarement d’accord avec lui (cela m’arrive de temps en temps), mais bien contre son parti qui s’obstine à s’appeler PDC alors qu’il devrait s’appeler PDH, et qu’il est dirigé par des gens comme monsieur Neirynck. Monsieur Neirynck est dans son rôle de coucou humaniste éclairé nichant dans un parti historiquement démocrate chrétien. Je ne lui reproche pas. Je reproche à ce parti de n’être pas clair et de tromper le public sur la marchandise.

    1. Ce commentaire relève du fantasme et est tout à fait décalé. Je ne dirige en rien le PDC, dont je ne suis l’élu dans aucune assemblée même si j’en reste membre. Je ne suis pas franc-maçon, même si j’ai été invité quelques fois à y donner des conférences lors de sessions ouvertes, je n’en connais aucun dans mon entourage PDC et je doute qu’il y en ait. Même si c’était le cas, il n’y aurait là rien de répréhensible. La franc-maçonnerie est une organisation tout à fait honorable qui s’efforce de développer une spiritualité laïque.
      Je n’ai approuvé ce commentaire qu’à titre d’exemple de commentaire déphasé, sans rapport avec le blog.

  5. Celui ou celle qui aborde les idées d’autrui avec intelligence risque de les comprendre (l’intelligence comprend toujours), et ce serait un malheur de partir en guerre contre elles, à moins d’y mettre une passion étrangère au souci de la vérité, ou une dose de mauvaise foi.
    Et si on préfère une critique agressive, mieux encore négative, des idées d’autrui, c’est qu’on croit faire preuve ainsi de personnalité. On fait place nette, on fait table rase, on refuse, on disperse, on ventile – attention au refoulement ou au transfert! – afin d’édifier sa propre idée à la place de l’idée d’autrui. Faut-il craindre, ainsi, qu’il n’y ait que l’amour-propre, géniteur de tant de théories et d’idéologie(s), qui y trouve son compte, et non point l’amour de la vérité ni même la véritable audace? Avec moins d’amour-propre, moins de désir de briller en se distinguant, nous nous entendrions sans doute beaucoup mieux sur bien des choses qui ne sont pas aussi obscures qu’on le dit. Ce n’est pas l’intelligence humaine qui est si débile; c’est la vanité humaine qui est forte. Et derrière cette vanité, ce qui se dissimule encore et toujours, c’est un sentiment d’infériorité: on veut tellement être original parce qu’on n’a que trop le sentiment de l’être fort peu.

Les commentaires sont clos.