Les ennemis de nos ennemis sont-ils nos amis?

Nous sommes à nous-mêmes la plus étrange des énigmes. Nous ne savons jamais vraiment qui nous aime. En guise de parabole, la haute politique internationale, faite de pactes et de trahisons, d’alliances et de guerres peut nous éclairer comme l’effet d’une loupe grossissante.

 

Si vous ne comprenez pas ce qui se passe au Moyen Orient, ne vous affolez pas. A part quelques experts qui gardent un silence prudent, tout le monde est dans l’embarras, à commencer par les gouvernements, qui agissent de façon aléatoire au gré de leurs incertitudes. Il suffit de contempler le tableau de la situation pour comprendre qu’il est impossible de comprendre quoi que ce soit.

 

Instantané à un moment donné. L’Occident soutient le gouvernement irakien contre les djihadistes. L’Occident  n’aime pas ces islamistes, qui sont cependant soutenus par l’Arabie saoudite, allié des Etats-Unis, leader de l’Occident. En Syrie, l’Occident n’aime pas Assad. Il soutient mollement les rebelles syriens, mais les islamistes sont alliés à ces rebelles. L’Occident n’aime pas l’Iran, mais l’Iran soutient l’Irak dans sa lutte. Assad a gagné donc nous devrions l’aimer.

 

La Suisse fait partie de l’Occident tout en prétendant contre toute évidence qu’elle est neutre. La Suisse ne devrait donc avoir que des amis dans cette affaire, mais elle adopte pratiquement la position des Etats-Unis, qu’elle n’ose pas contredire de peur que ses banques subissent des amendes monstrueuses. Les multiples ennemis des USA deviennent les nombreux ennemis de la Suisse.

 

En résumé : certains de nos amis soutiennent nos ennemis ; certains ennemis habituels sont devenus nos amis ; certains de nos ennemis luttent contre d’autres de nos ennemis. Nous souhaitons logiquement que ces derniers perdent, mais nous ne voulons tout de même pas que les premiers l’emportent. Si certains de nos ennemis, dont nous souhaitons la défaite, la subissaient vraiment, ils seraient remplacés par d’autres ennemis que nous aimerions peut-être encore moins. Tout ça a commencé parce que les Etats-Unis ont envahi l’Irak pour en éradiquer des armes interdites qui n’y étaient pas. Les armes imaginaires ont été remplacées par des terroristes bien réels.

 

La question de fond devient donc : est-ce que les ennemis de nos ennemis sont forcément nos amis et les amis de nos ennemis sont-ils toujours nos ennemis? Puisqu’il n’est pas possible pour la Suisse de n’avoir que des amis, ne serait-il pas plus radical qu’elle n’ait plus que des ennemis? Ce serait une nouvelle définition de la neutralité, tellement plus simple à assumer.

 

Ainsi au lieu de nous exténuer à comprendre les autres, nos amours et nos amitiés, restons dans une prudente réserve et ne leur accordons jamais plus que ce qu’ils ne peuvent de toute façon pas nous donner.

 

 

 

 

 

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

4 réponses à “Les ennemis de nos ennemis sont-ils nos amis?

  1. La neutralité, ou le génie helvétique.
    La neutralité d’un petit pays qui exporte le 90% de sa production ne peut qu’être à géométrie variable et comme ce doit être difficile!

    L’ennemi No 1 du monde est bien les Etats-Unis et pour le reste du monde. Une culture qui n’a d’autre valeur que le dolar et la domination.
    J’ai peur que le terrorisme soit la même chimère que les pseudos armes de destruction massive et les guerres du Moyen-orient planifiées depuis lurette pour affaiblir l’Europe, sachant les migrants qu’elles provoquent. Et tout ça en défense d’Israël en faisant d’une pierre deux coups, subtil.

    Le reproche de la Suisse alignée sur les US doit, d’abord et surtout, s’adresser à l’Europe. Quel manque de vision et de courage pour cette Europe qui est en train de perdre, non seulement son âme et son histoire, mais aussi la guerre économique.

    Le futur risque d’être douloureux pour le vieux continent, entre la guerre protectionniste engagée par Donald qui ne va faire que des perdants (sauf les plus grandes multinationales) et les associations que l’on peut déjà observer entre GAFA et leurs homologues chinois.

    Et pendant ce temps-là, la planète se meurt de façon de plus en plus irréversible…!
    Courage devrait être la première notion à enseigner.

    1. p.s. Je vis en Uruguay et, curieusement, après ce comment, ma ligne web a été coupée 12 heures et rétablie seulement après que je demandât le chef des chefs, bon, mais je dois être conspirationniste, sûrement???

  2. Nos amis sont avant tout ceux qui partagent notre vision d’une société libre et structurée par un état de droit. Certaines grandes puissances pensent échapper à cette définition justement pour perpétuer leurs avantages, mais en reniant leurs valeurs fondamentales. Il faut savoir distinguer les gouvernements des pays qu’ils gouvernent.
    Ainsi, si le peuple américain est bien ancré dans la notion de démocratie, ses dirigeants peuvent parfois déroger à ses principes par pure tactique politique pour justifier ses fins.
    Donc, la Suisse aurait plus d’amis en se rapprochant davantage des peuples que des gouvernements qui sont provisoires .

  3. Parfois il est préférable de rester en retrait et observer ce qui se passe pour tenter de mieux comprendre cette cacophonie internationale et multilatérale à géométrie variable, car même les experts semblent y perdent leur latin.

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