Les têtes, qui dépassent, doivent être coupées

La presse romande fait ses délices de deux scandales imaginaires, visant deux têtes d’affiche du PLR vaudois, Pascal Broulis et Isabelle Moret. Les prétextes invoqués sont tellement minces qu’ils paraissent ridicules, sauf aux journaux qui en font leur titre de première page.

Que reprocher à Pascal Broulis ? Il paie ses impôts, mais pas comme certains moralistes l’exigeraient. Sa résidence principale est à Sainte-Croix et il a un pied à terre à Lausanne pour des raisons évidentes. Selon arrangement entre les deux communes, il paie un tiers de ses impôts communaux à Lausanne et les deux tiers à Sainte-Croix. Cela fait 100 CHF de moins par mois, que s’il payait tout à Lausanne. Circonstance aggravante : son épouse loge à Lausanne et leur fils y va à l’école ; c’est un autre scandale car il devrait être scolarisé à Sainte Croix, résidence principale de son père. La question cruciale est de savoir combien d’heures par an celui-ci passe à Lausanne. Ne serait-ce pas plus du tiers du temps ? Dans ce cas il serait coupable d’optimisation fiscale, il ne violerait pas la loi, mais il l’utiliserait à son profit. Il ne commettrait pas d’infraction, mais il ne respecterait pas une certaine morale. Ainsi un élu serait soumis à des lois non écrites, inventées pour les besoins de la cause, à savoir abattre un homme politique hors du commun, qui a réussi le tour de force de relever les finances cantonales. Beaucoup de bruit pour rien du tout. La question intéressante, à laquelle on n’aura pas de réponse, serait de savoir d’où vient le coup. Un affidé du PLR qui vise sa place, l’UDC qui veut affaiblir le PLR, un journaliste du Tages Anzeiger qui désire se faire mousser ?

Pour Isabelle Moret, le reproche est encore plus futé : elle ne paie que des acomptes en matière d’impôts parce que les services fiscaux ne lui adressent pas un décompte définitif, compte tenu d’une situation compliquée par un divorce. Ce n’est bien évidemment pas de sa faute, puisqu’elle ne demanderait pas mieux que le fisc fasse plus rapidement son travail. La question, insinuée dans l’article du Tages Anzeiger, est celle d’un lien éventuel avec le scandale précédent. Pascal Broulis était-il au courant et aurait-il influencé ses services dans un sens favorable à Isabelle Moret ? On n’en sait rien, on n’a pas le commencement d’un indice, mais en soulevant simplement la question, on suggère qu’elle pourrait se poser.

Le lecteur pressé de ce genre d’article en retire l’impression vague d’un complot fuligineux impliquant deux élus, qui ne paieraient pas tout à fait leurs impôts comme il faudrait. De là à considérer que toute la classe politique est pourrie, il n’y a qu’un pas. Tel est bien le mobile secret de cette campagne de presse. A qui profite le crime ? A ceux qui veulent utiliser les institutions pour les détruire et les medias pour les accaparer. Ils agitent le peuple avant de s’en servir. Ils sont déjà tellement puissants qu’il vaut mieux ne pas citer de nom.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

11 réponses à “Les têtes, qui dépassent, doivent être coupées

  1. Bonjour Monsieur,

    Vous aviez beaucoup moins de complaisance envers des acteurs économiques lors de vos enquêtes par le passé à la télévision.

    Vous exprimez un avis et le respecte. Vous semblez en savoir plus que le simple quidam et la presse sur la situation fiscale de M. Broulis et Mme Moret. Ce qui est possible.

    Selon moi une procédure s’éternise pour plusieurs raisons. La complexité de la situation et la volonté des personnes concernées. Dans le cas de Madame Moret, cette dernière ne donne pas d’éléments qui démontre une quelconque volonter d’aller de l’avant. Même si son conjoint n’est pas coopératif, elle aurait certainement pu terminer la procédure la concernant dès la séparation officialisée. Je parle par expérience.

    Dans tous les cas, je suis d’avis, les élus doivent être transparent et leurs données publiques. Il est intolérable que des secrets, notamment fiscal, puissent être évoqué. Comme citoyen j’admirais choisir en connaissance de cause.

    Meilleures Salutations

  2. Il y aurait surement beaucoup de raisons sérieuses de critiquer la politique de monsieur Broulis, mais là cette attaque est tellement mesquine et risible qu’elle ridiculise ses auteurs. Quant à l’aspect annexe, que vous mentionnez, concernant les acomptes provisionnels de madame Moret, même remarque.

  3. Le titre choisi par M. Neirynck incitait à lire la chronique qui semblait prometteuse, équilibrée, mais celle-ci se révèle, à la lecture, décevante sur le fond… La promesse du “sans parti pris” n’est que difficilement tenue ; à tout le moins, bien tancée par les propos qui y sont défendus.
    Il est difficile, à première vue, de ne pas acquiescer à un propos intelligemment structuré. Mais, à bien y regarder, un assentiment à ce point de vue reviendrait à faire (trop) rapidement fi des règles légales inscrites dans la LiCom (toujours en vigueur).
    Il est un peu court d’affirmer que les communes peuvent s’arranger… Certes, elles le peuvent, mais – et la précision est d’importance – elles doivent le faire dans le cadre légal, soit en application de l’art. 14 Licom, qui prévoit une répartition selon la durée du séjour dans chacune des communes. Il semble ainsi un peu précipité d’écarter d’un revers de main le cadre légal, pour qualifier de “beaucoup de bruit pour rien du tout” l’évocation de la situation du Grand Argentier (dont la compétence est évidente et sa sensibilité politique tout aussi patente, mais il s’agit là d’une question différente) en plaçant d’emblée, comme le fait M. Neirynck, la discussion dans la perspective d’une “certaine morale”, ou de “lois non écrites”, qui s’appliqueraient à un groupe déterminés d’individus. A moins d’admettre d’emblée que le cadre légal ne s’applique pas aux membres du Conseil d’Etat… Ce qui, dans un Etat de droit, paraît difficile à affirmer.
    Quant à se fonder sur l’arrangement conclu entre les deux communes, l’argument est délicat, et peu respectueux du sentiment de justice que les politiques devraient s’évertuer à entretenir, en soignant les détails, dans leur communication. Certes, l’arrangement n’a pas été contesté devant l’autorité compétente, comme le relevait le Conseiller d’Etat dans sa note aux médias sortie le même jour que la publication du Tages Anzeiger. Mais, peut-on sérieusement imaginer que le cas soit porté devant l’autorité cantonale compétente, qui dépend directement du Grand Argentier ? Celui-ci, par ses propres subordonnés, se serait alors prêté à un exercice fort intéressant (du moins en théorie) qui aurait consisté à corriger la situation fiscale du… contribuable Broulis ! Autrement dit, à se corriger soi-même ! Une espèce de mise en abîme, dont le maniement ne pourrait que chatouiller l’intellect de chaque citoyen, mais malheureusement peu satisfaisante lorsqu’elle est mesurée à l’aune des potentiels conflits d’intérêts…
    Un point n’est pas abordé par M. Neirynck, ni d’ailleurs pas les représentants de la droite s’étant exprimés dans les médias. Il s’agit de la crédibilité de nos institutions. L’absence de communication du Conseiller d’Etat (il se réserve apparemment pour le Grand Conseil) et d’informations sérieuses sur sa situation (la note transmise aux médias était peu convaincante, car truffée d’imprécisions pour tout lecteur attentif de la LiCom) ne favorise pas cette crédibilité. Au contraire. Pourtant, celle-ci est essentielle au fonctionnement de toute démocratie, en particulier au respect des lois, qui présuppose l’assentiment des citoyens, intimement lié au respect des institutions (pour faire court). La stratégie de la droite est délicate, et laissera certainement des traces (plus ou moins visibles) s’agissant du fonctionnement et de la crédibilité des institutions, celles-ci étant pourtant largement prioritaires, les intérêts personnels des politiciens, aussi compétents soient-ils, étant à cet égard secondaires. En cela la chronique de M. Neirynck ne fait que porter, au moins de manière indirecte, un (autre) coup silencieux à nos pauvres institutions…
    Si la position du Grand Argentier est difficile à justifier, pourquoi ne pas simplement l’admettre, s’en amender (s’il y a lieu, évidemment) et passer à autre chose ? Cela n’aurait rien à voir avec de la faiblesse, mais démontrerait un réel courage, dont les politiciens devraient, peut-être, plus souvent faire preuve, et dont les citoyens, quels qu’ils soient, ne seraient certainement pas insensibles.
    Le débat est en tous les cas intéressant, et il a le mérite de permettre des réflexions intéressantes sur les liens existant entre la politique, le droit et le comportement humain en général.
    E Piaget

  4. TTC_RTS: Patrick Fischer peut maintenant analyser conjointement les affaires de P. Broulis et faire compléter son manuel ‘l’Impôt heureux’ avec ses nouvelles méthodes fiscales personnalisées.

  5. Ça pourrait être intéressante une initiative pour la fin du secret des impôts.
    Aussi la transparence des gains .

  6. Il serait maintenant judicieux d’analyser conjointement les affaires de P. Broulis et faire compléter son manuel ‘l’Impôt heureux’ avec ses nouvelles méthodes fiscales personnalisées.

  7. Quand je parlais de la crédibilité des institutions… Les nouvelles du jour semblent indiquer que les intentions ne sont actuellement pas dirigées dans cette direction…

    M. Broulis ne veut plus s’adresser aux médias (si ce n’est hier au Matin dimanche..) et, partant, aux citoyens lambda (dont je fais partie), mais exclusivement devant le Grand Conseil. Seulement, il ne désire pas le faire lui-même, mais a demandé à la suppléante de son département de le représenter (Mme Gorite)… Comment un homme de cette envergure (il reste évidemment un homme brillant et doté de compétences indéniables), peut-il esquiver ainsi la rencontre, qu’il attendait pourtant, avec les députés ? Et, d’un autre côté, comment sa collègue ministre peut-elle accepter cette mission pourtant ici “intuitu personae” ?

    M. Broulis n’a, dit-il, aucune objection à faire l’objet d’un contrôle fiscal. Toutefois Mme Gorite exclut cette possibilité qui présuppose l’intervention des subordonnés de M. Broulis. On peut observer une belle entente au sein du Conseil d’Etat, puisque, après les séances tenues par l’exécutif sur la “question Broulis”, l’un fait une proposition pour éclaircir la situation (proposition par ailleurs dénuée de toute consistance puisque M. Broulis ne prend pas la peine de proposer une inspection impartiale, donc externe…), l’autre – qui pourtant devrait le représenter mardi devant le Grand Conseil, écarte d’un revers de main la proposition… On ne peut qu’espérer que Mme Gorite ne donne pas mardi devant le Grand Conseil des informations qui seront ensuite contredites par M. Broulis dans une note aux médias…

    Le Conseil d’Etat ne peut-il pas trancher la question et décider d’une position à tenir, quitte à déplaire au ministre des finances ? Il n’est ici pas question d’accuser, de pointer du doigt avec véhémence, mais seulement de susciter une attitude enfin courageuse des politiques concernés, dans le seul but de (il est triste de devoir le rappeler) … veiller aux intérêts des institutions qui, redisons-le, ne peuvent (et ne doivent) être placées au niveau des purs intérêts personnels !

    Oui, la démocratie est fragile (M. Broulis le sait), mais elle est surtout, de nos jours, bien fragilisée par ceux qui la mette en oeuvre tout en la louant.

    Puisse la sagesse et le bon sens revenir éclairer nos représentants dans cette situation qui se révèle plus brumeuse qu’heureuse..

    E.P.

  8. Oui, on comprend pourquoi le PLR veut maintenir le secret bancaire et fiscal!
    Au final, l’optimisation fiscale…, ce n’est pas pour tout le monde… !
    P.B aime aussi surtaxer le peuple chaque année par une indexation de l’impôt ICC de 2% (revenu) et de 3% (fortune) alors que le renchérissement dans ce pays est bien inférieur à 1%. Est-ce bien légal ? Et qui est réellement concerné par cette indexation ??
    Les retraités sont les grands perdants, ils ne ressentent que l’augmentation cynique des impôts!

  9. Dans le cas de P. Broulis, une procédure d’enquête NEUTRE devrait être engagée, enquête que le ministre des finances applique à d’autres: lever du secret bancaire, vérification de toutes les pièces justificatives, la preuve de la résidence réelle, ainsi que une surveillance de ses déplacements et activités si nécessaire, etc.
    Sinon, il se présentera probablement encore comme un ange blanc..
    Nom d’un Ulysse !

  10. Après de mûres réflexions, une procédure d’enquête fiscale ‘INDEPENDANTE et NEUTRE’ est décidée.
    Une procédure d’enquête de blanchiment ou de recherche de la vérité ? Il n’est certes pas aisé d’en désigner l’organe compétent et neutre : une commission issue de l’administration fiscale chapotée par
    l’intéressé sous enquête et comme vérificateur externe une personnalité ayant déjà de bonnes relations
    avec ce dernier. C’est vrai, le citoyen-assujetti se pose des questions…

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