La SSR vaut-elle seulement un franc par jour?

La redevance Billag est réduite à 365 CHF par an, soit évidemment 1 CHF par jour. Cette initiative du Conseil fédéral est certainement issue d’une agence de communication. Quel meilleur argument dans une campagne  que de sortir l’argument un petit franc par jour ? Mais ce n’est plus de la politique, cela devient de la mendicité. Comme une pauvresse Rom assise à même le sol, le gouvernement tend la main.

C’est évidemment la crainte que l’initiative antiBillag réussisse qui mêne à ce genre de concession : en demandant moins d’argent aux citoyens, on sauvera la SSR ; on donnera une satisfaction mineure aux initiants en leur coupant (un peu) l’herbe sous les pieds. Car la coalition antiBillag fédère plusieurs sortes d’opposants.

Tout d’abord l’UDC qui veut la disparition  de ce service public, qui achète les journaux, qui reproduit la stratégie de conquête du pouvoir plusieurs fois utilisée et réussie. C’est reproduire le schéma Berlusconi. Ce n’est pas No Billag mais No SSR

Il y a des opposants plus réfléchis, ceux qui ne supportent pas que l’on taxe des ménages qui ne visionnent en aucun cas des émissions de la SSR. Ils refusent de payer ce qui est en fin de compte un impôt de capitation, frappant également tous les citoyens, quels que soient leurs revenus ou leurs fortunes. S’il faut un service public de l’information qu’il soit subsidié par la caisse fédérale alimentée selon les règles fiscales ordinaires.

Il y a enfin ceux qui ne sont pas d’accord avec la politique de la SSR, jugeant démesurées sept chaines de télévision et dix-sept radios. Aucun de ces postes ne dispose d’un budget suffisant pour émettre ce qui constituerait un vrai service public. Il y a certes d’excellentes  émissions, il y en a d’autres qui font simplement du remplissage en achetant des séries à bas coût indépendamment de leur qualité. Le déficit d’un budget public est compensé par des recettes publicitaires. Mais celles-ci ne sont inconditionnelles : les annonceurs en attendent un résultat tangible. Il faut donc recruter des téléspectateurs influençables par la publicité, c’est-à-dire la fraction la moins éduquée de la population. Le seul moyen est de diffuser des émissions à la portée de ce public, peu captivantes pour d’autres publics, qui sont aussi des électeurs.

Or la SSR joue un rôle important dans les institutions suisses : elle fédère concrètement quatre langues, une diversité de cultures et de sensibilités. Elle est un outil essentiel dans un pays fédéraliste. C’est cela que le Conseil fédéral essaie de sauver en désarmant les opposants, en les ridiculisant par la faiblesse de la somme demandée. On ne peut que lui souhaiter bonne chance dans ce combat difficile. Mais on peut également demander à la SSR de repenser sa politique, de la recentrer sur la mission de service public, en restreignant son offre pour mieux soutenir des émissions originales plutôt que de racheter à bas prix des séries américaines éculées, qui véhiculent une culture tellement différente de la nôtre. Le Conseil fédéral devrait avoir une meilleure opinion de ls SSR que de l’estimer et de la vendre pour un franc par jour. Ce qui ne coûte rien est suspect de ne rien valoir

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

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