Réalité technique et fiction diplomatique

Le réchauffement climatique, si longtemps nié par les instances économiques est maintenant une telle réalité qu’il n’est plus possible de le nier. Une conférence va donc se tenir à Marrakech en novembre pour essayer de concrétiser les efforts communs des pays présents. Poursuivi par la vindicte de la Chine communiste, Taïwan ne sera représenté que par un observateur. Or, il s’agit d’un problème qui est indiscutablement planétaire. Nous avons déréglé la composition de l’atmosphère depuis deux siècles et le résultat est fatal : personne ne peut prédire ce qui va se passer dans les décennies à venir.

Face à cette urgence vitale, il serait élémentaire d’enterrer de vieilles querelles et de résoudre pratiquement un problème qui est strictement technique. Mais le poids de la Chine, même si elle est le pollueur majeur de la planète, paralyse les Etats occidentaux, y compris la Suisse, une des premières à reconnaître le gouvernement de la Chine communiste. Dès lors elle n’a pas de représentation diplomatique à Taïwan et réciproquement ce dernier pays n’est pas représenté officiellement à Berne. C’est à prendre ou à laisser : la Chine ne supporte pas l’existence diplomatique de cette province qu’elle revendique. Néanmoins, elle est le premier partenaire commercial d’un pays dont elle postule l’inexistence. En sens inverse Taïwan est aujourd'hui le premier investisseur en Chine. Le total de ses investissements en Chine ont dépassé les 400 milliards de dollars américains. Il n’y a donc aucune relation entre la réalité économique et la fiction diplomatique : ce sont deux plans disjoints. On peut faire de fructueuses affaires avec un pays dont on affirme qu'il n'existe pas. C'est du reste ce que fait la Suisse aussi.

Or, Taïwan dispose du statut d’observateur ou de membre associé auprès de 20 organisations intergouvernementales et structures affiliées, telles que l' OMC et de l'APEC, l'OCDE, la Banque  américaine de développement ou encore la BERD. Taïwan entretient des relations diplomatiques avec seulement 22 États des 193 États membres des Nations unies. Cependant, en pratique, la plupart des pays ont des relations diplomatiques officieuses avec Taïwan par le biais de bureaux de représentation faisant office de consulats.

En revanche le CNUCC, acronyme imprononçable qui désigne la convention cadre des Nations unies sur les changements climatique, ne veut pas de Taïwan. Dans le désordre du monde, cela peut paraitre un détail. Mais c’est un exemple frappant parmi d’autres de déni de la réalité au niveau mondial. Pour la sauvegarde de la planète, la hargne antérieure de la Chine et la pusillanimité de la Suisse devaient être rangées au magasin des accessoires diplomatiques désuets. Sinon on finira par ne plus prendre la diplomatie au sérieux.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.