Deux voitures et un bus

Un cher voisin exprimait son enthousiasme pour les 1000 idées de la Fondation Solar Impulse de Bertrand Piccard. Elles pourraient contribuer à sauver la planète. D’accord !  Merci à Bertrand. Son engagement constructif pour éviter le crash est exemplaire. J’ai pourtant essayé de dire à mon voisin que, sans rejeter l’importance des solutions technologiques, il me semblait que celles-ci seront insuffisantes ; ce qu’il faut, c’est un changement d’état d’esprit. Malheureusement, je n’ai pas su trouver les mots qui auraient pu le convaincre.

Le soir même, autour d’un café, une amie m’a raconté l’anecdote suivante.
À Lausanne, elle aussi a un voisin. Celui-ci est une personnalité importante dans une banque de la place très affirmative quant à son engagement pour la durabilité et le climat.  Juste devant leurs domiciles il y a un arrêt du bus qui, tous les quarts d’heure, conduit directement à la placer Saint François devant le bâtiment de la grande banque. Pourtant le voisin préfère y aller en voiture. Il en a deux qu’il utilise selon l’humeur, parfois la Porche, parfois la Jeep Grand Cherokee.
Un jour, surprise, mon amie rencontre le voisin banquier dans le bus. Il semble gêné. Sur le ton de l’excuse, il explique qu’il a eu un pépin, aujourd’hui, hélas, les deux voitures sont au garage !

Je suis remonté chez mon voisin et je lui ai raconté la petite histoire. Nous sommes tombés d’accord que c’est bien l’état d’esprit qu’il faut changer. Alors tout sera possible et les solutions technologiques nous y aideront.

Jacques Dubochet

Jacques Dubochet, professeur honoraire à l'UNIL. Il a développé, dans les années 80, les fondements de la cryo-microscopie électronique qui lui ont valu un prix Nobel de chimie en 2017. Citoyen actif, il est préoccupé par l’impact de la science sur la société. Il croit que c'est la jeunesse qui surmontera la crise du climat et de la vie.

8 réponses à “Deux voitures et un bus

  1. Concernant les solutions technologiques, il suffit, souvent, de quelques calculs d’ordre de grandeur pour montrer qu’une solution techniquement viable à l’échelle du véhicule, du bâtiment, de la situation particulière est, simplement, incompatible avec le niveau des flux d’énergie et de matière à l’échelle de l’humanité.
    Malheureusement, les quelques voix qui portent ce discours ,souvent des ingénieurs d’ailleurs, sont noyées dans le flot du discours écologique structuré autour de deux pôles. D’un côté, on trouve les solutions technologiques, le découplage, la croissance verte ; cette vision est quasi hégémonique au niveau politique et économique. De l’autre, on a l’écologie radicale, et son fatras d’indignation (c’est dans l’air du temps) et de revendications diverses, variées et parfois contradictoires, qui ne propose finalement rien.
    Pourquoi votre banquier changerait-il quoi que ce soit?
    La prochaine Porsche sera électrique, il mange bio, a des panneaux solaires sur le toit et a remplacé le charbon par le lithium dans son portefeuille, il fait tout juste même les verts le disent.
    Pour changer l’état d’esprit, ne faudrait-il pas un discours raisonné sur la transition écologique?
    Seulement voilà, ce n’est ni branché, ni électoralement porteur, ni rentable financièrement.

    1. D’accord avec vous – le banquier a théoriquement tout juste, même si c’est éphémère.
      Mais c’est simplement que le discours ambiant est mensonger.
      Retrouver la réalité, cela signifie d’abord d’arrêter le marketing de la consommation et le marketing de la bonne conscience.
      Sans arrêt de la publicité mensongère, on n’arrêtera pas le besoin de consommer, qui est artificiellement entretenu et développé depuis au moins un siècle, avec la dette comme esclavage.
      C’est le premier pas pour que nous retrouvions une vie plus simple. Pour atteindre ce but, il faudra aussi déconnecter en partie notre dépendance à Internet, qui est le moteur de la consommation actuelle.
      Le deuxième pas, ce serait de favoriser des circuits plus courts, en retrouvant des solidarités humaines. En effet, on ne peut pas tout faire pour enlever le CO2 si l’on continue de polluer dans tous les autres domaines de la vie, tout en déshumanisant les relations sociales.
      Donc oui, à une approche rationnelle, mais en redonnant tout son sens à la vie.

  2. Bonjour,
    Entièrement d’accord avec vous, il faudrait changer d’état d’esprit, et très vite! Je crains que ce soit malheureusement trop en demander pour beaucoup (par exemple d’abandonner le confort de son SUV au profit du vélo ou du bus). Des règles ou limitations seraient donc une solution, mais pour cela il faut quand même un « état d’esprit un minimum altruiste » de la part de la majorité.
    Sans parler des clivages que cela engendrerait entre cette majorité et certains egocrates…

  3. C’est évident, changer d’état d’esprit est indispensable pour la survie de notre civilisation. Il est déjà bien tard pour le faire. Malheureusement, je ne suis pas très optimiste. Obtenir le changement d’état d’esprit est probablement une tâche bien difficile à réaliser.
    Déjà dans les années 70, le visionnaire Club de Rome l’affirmait, l’alternative est : changer ou disparaître. Cette affirmation est de plus en plus d’actualité.

    1. L’alternative n’est pas changer ou disparaître. L’alternative, c’est de continuer la fuite en avant vers plus de technologie et d’artifices ou de revenir simplement à la réalité – il faut respecter la terre et ses ressources.
      A la fin, la réalité nous rattrape de toute manière.
      Pour le Club de Rome, ce n’est pas un club visionnaire à mes yeux, simplement un club d’intellectuels occidentaux qui voulaient garder leur centralité dans une monde en changement, qui montrait l’émergence d’autres centres (Inde Chine, URSS, OPEP). Cet aspect du Club de Rome me déplaît fortement.
      Aurelio Peccei ou Alexander King en sont des représentants.
      Donc oui, retour à la simplicité et changement de philosophie, c’est très nécessaire. Mais non, c’est pas forcément avec le Club de Rome qu’on y arrivera.
      On y arrivera d’en bas, lorsque la population se rendra compte que vivre simplement ne signifie pas perdre quelque chose, mais retouver du sens à la vie. Pour cela, il faut aussi déconstruire l’idée (voire l’idôle) que l’informatique des objets est l’avenir. C’est une illusion, en plus de mener vers des sociétés qui entretiennent la paranoïa du contrôle absolu.
      La simplicité, c’est aussi moins d’informatique.

  4. Bref… laissons les scientifiques inventer des trucs qui permettront aux humains de survivre. C’est tendance. Excusez-moi mais tout cela me pousse au cynisme. Parce que voilà, cette année, c’est la première fois de ma vie que les désastres ne me font plus pleurer. Plus d’émotions, plus rien. Là-bas, ça flambe… ah bon. Et puis ici les animaux crèvent sur pieds. Ah voilà. Il y a augmentation des prix des matières premières. Evidemment. Sauf que les matières premières, c’est deux mondes. Celui des pays du Sud qui connaissent la famine et ceux du Nord qui vont s’écharper pour un nouveau smartphone et tant pis si il faut dépenser 1000 balles. J’oubliais je vis avec moins que le minimum vital… quelques burnout plus tard. Cette situation m’a considérablement aidée à faire le tri entre l’indispensable et le superflus. Mais c’est vrai que dans les pays du Nord, ceux qui “bossent” pas n’ont pas bonne presse. Mais peut-être que l’on pourrait aussi s’interroger sur la manière dont on “consomme” l’humain dans les entreprises. Bref, les mentalités changeront le jour où pauvres occidentaux que nous sommes cesseront de soigner nos frustrations en achetant tout et n’importe quoi et surtout en ayant absolument besoin de de bouger, partir, aller là et ici, prendre l’avion, le train, la voiture… C’est un peu un choix que nous devons faire. On choisi de faire le bien pour soi et la Terre dans son ensemble ou pas. Mais à la fin il faut faire un choix. Pour l’instant aucun choix n’a été fait, sauf par ceux qui y ont été contraints. Douce contrainte, j’avoue, j’adore la nature, la vie, la beauté des paysages et les gens qui sourient en marchant… c’est peut-être pour cela que les désastres écologiques, climatiques, me faisaient tant pleurer. Maintenant, j’espère et apprend à vivre avec moins, encore – surtout pour l’alimentation. Va falloir si faire – surtout après l’été qu’on a eu. Le prix des légumes va considérablement augmenter. C’est aussi à ça que sert le changement de mentalité : pouvoir continuer se nourrir…

  5. Trois événements pour les changements à venir…
    Dernièrement, suite au décès de mon père, j’ai mis en vente sa résidence secondaire: une toute petite maison avec un grand terrain dans un coin perdu. Avant la COVID, ce bien semblait invendable. Il a été vendu en quatre jours pour un prix inespéré. J’ai même reçu des offres de personnes prêtes à payer cash sans visiter. Le retour au vers et à l’autarcie semble un mouvement puissant.
    Je circulais sur une petite route avec une automobile du groupe PSA. Soudain, le ressort de suspension avant droite se brise et éclate le pneu. Le ressort de suspension avant gauche avait fait de même cet hiver. Renseignement pris, il s’agit d’un problème courant. Ainsi, lorsqu’il s’agit de sécurité, les grands groupes sont intouchables contrairement péquins desquels on ose tout exiger.
    Dernière observation, il n’existe plus de consensus sur la notion de progrès. Certains continuent à soutenir mordicus que le progrès réside dans l’augmentation de la consommation et la mondialisation, mais de plus en plus prennent conscience ce progrès là est suicidaire et qu’ils seront directement victime de cette prédation. Je parie qu’avant peu, les gros SUV et autre gouffre à pétrole se prendront des cailloux. Jusqu’à quand votre banquier continuera-t-il à produire de l’argent en écrivant des chiffres sur son ordinateur ?
    La société mondialisée se dispersera abandonnant un projet inepte… comme à Babel.

  6. Je ne peux qu’approuver l’action de Jacques Dubochet. Il semble bien que les gouvernements et les population réagissent. Reste à savoir si leurs réactions sont suffisamment énergiques. Est-ce l’égoïsme ou est-ce la raison qui va l’emporter? Dans mon entourage, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui ait nié le réchauffement climatique et ses dangers.

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