Intervenir avant qu’il ne soit trop tard

Chère Jessica,

J’espère que tu te portes bien.

Je repense au café que nous avions partagé il y a deux ans sur une terrasse ensoleillée de Lausanne pour définir le cadre de ce qui est devenu notre blog.

Ce jour-là, nous étions tous les deux à des années-lumière d’imaginer les circonstances sanitaires, économiques et sociales que nous connaissons depuis le printemps 2020.

Je dois t’avouer que j’ai vraiment hâte de retrouver cette vie qui, à bien des égards, confinait à l’insouciance, tant nous prenions pour acquis les bonheurs de dîner au restaurant, de boire un verre au bar, de danser en boîte de nuit, de voyager à l’étranger, d’assister à un match de football au stade ou encore de fouler la plaine de l’Asse en musique, et tout ceci, sans avoir à cacher nos visages derrière un masque chirurgical.

Et c’est en repensant à ce café du début de l’été 2019 que j’ai eu l’idée de te parler de ce qui est imprévisible.

L’entrée de l’humanité dans le XXIème siècle a été marquée par les attentats terroristes qui ont frappé New York et la Pennsylvanie le 11 septembre 2001, et qui ont causé près de 3’000 morts et plus de 6’000 blessés.

Nous avons tous en souvenir le lieu où nous nous trouvions lorsque nous découvrions avec effroi les images télévisées de la cruauté illimitée avec laquelle une poignée de combattants terroristes déterminés étaient capables de commettre l’impensable contre des civils innocents.

Et malheureusement, ces attentats n’ont été que le prélude à d’autres attaques terroristes qui ont depuis lors frappé aux quatre coins du monde, y compris dans nos pays voisins, en emportant les vies de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants.

Contrairement à un avis hélas largement répandu, la Suisse n’est pas à l’abri de la menace terroriste.

Chaque semestre, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) publie un rapport de suivi (« monitoring ») du terrorisme dans notre pays. Le dernier rapport, qui date de novembre 2020, fait état de 690 cas traités par le SRC. Nous devrions prochainement recevoir un rapport mis à jour.

Le 13 juin 2021, nous voterons sur la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT).

Ces mesures ont pour but de combler une lacune juridique en fournissant à nos organes de police des outils supplémentaires en matière de prévention, en permettant à nos forces de l’ordre d’intervenir en amont, c’est-à-dire avant la commission d’actes terroristes.

La nouvelle loi définit le terroriste potentiel comme une personne dont on présume, sur la base d’indices concrets et actuels, qu’elle mènera des activités terroristes.

Les principales mesures prévues sont les suivantes :
• l’obligation de participer à des entretiens spéciaux, afin de déterminer la mesure dans laquelle une personne peut représenter une menace ;
• l’obligation de se présenter régulièrement auprès d’une autorité, par exemple afin de s’assurer qu’une interdiction de quitter le territoire soit respectée ;
• l’interdiction d’entretenir des contacts avec des tiers dont il est établi qu’ils sont proches de milieux terroristes ou qu’ils soutiennent de tels milieux ;
• l’interdiction de quitter le territoire faite aux personnes susceptibles de mener des activités terroristes à l’étranger ;
• l’interdiction de se rendre en certains lieux ou de sortir d’un certain périmètre ;
• l’assignation à résidence, si des mesures moins restrictives prononcées précédemment n’ont pas été respectées ;
• la mise en détention en vue de l’expulsion de terroristes potentiels de nationalité étrangère.

Les MPT sont largement inspirées des législations d’autres Etats européens. De plus, certaines de ces mesures existent déjà depuis plusieurs années en Suisse dans le cadre de la lutte contre le hooliganisme.

La nouvelle loi, portée par la Conseillère fédérale PLR Karin Keller-Sutter, en charge du Département fédéral de justice et police, encadre de manière adéquate l’application des mesures prévues, en empêchant la violation des principes constitutionnels de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire.

En effet, ces mesures sont ordonnées de cas en cas et limitées dans le temps. Elles ne peuvent être prononcées qu’en présence d’indices concrets et actuels. De nouvelles mesures ne peuvent être prises que si des mesures moins restrictives se sont avérées inefficaces ou insuffisantes. Elles sont donc subsidiaires.

En outre, l’assignation à résidence est soumise à l’approbation du tribunal cantonal des mesures de contrainte et chaque mesure peut être contestée auprès du Tribunal administratif fédéral.

Il ne s’agit donc pas d’une législation dystopique qui érigerait tout un chacun en potentiel suspect. Il n’est pas non plus question de reprendre le scénario du film Minority Report.

Il s’agit simplement de permettre à notre pays de mieux se protéger, en intervenant avant qu’il ne soit trop tard.

C’est pourquoi je voterai en faveur de cette nouvelle loi le 13 juin prochain.

Et toi ? Qu’en penses-tu ? On en reparle autour d’un café ?

Protection des salaires : le partenariat social plutôt que les contraintes étatiques

Chère Jessica,

J’espère que tu te portes à merveille en cette fin d’été d’une année si particulière.

Les circonstances extraordinaires liées au COVID-19 ont eu raison des votations populaires initialement prévues le 17 mai 2020, si bien que le menu des prochaines votations, qui auront lieu le 27 septembre 2020, s’avère copieux, du moins dans le canton de Genève, où nous avons cinq objets cantonaux soumis à votation en plus des cinq objets fédéraux.

Hasard du calendrier, comme le 18 mai 2014, les Genevois seront appelés à se prononcer, le même jour, sur la modernisation des forces aériennes de l’Armée suisse et sur l’instauration d’un salaire minimum.

Toutefois, ce deuxième objet est de rang cantonal.

En effet, en 2014, le vote portait sur une initiative populaire fédérale, dont l’objectif était de fixer un salaire minimum légal pour l’ensemble de la Suisse, d’un montant de 22 francs par heure, soit d’environ 4’000 francs par mois.

Cette initiative avait été rejetée par la totalité des cantons ; à Genève, par 66 % de NON contre 34 % de OUI.

Malgré la netteté de ce scrutin, la gauche et les syndicats de travailleurs reviennent à la charge avec une initiative populaire cantonale, l’IN 173 “23 frs, c’est un minimum”, laquelle prévoit cette fois-ci l’instauration d’un salaire minimum légal cantonal d’un montant de 23 francs par heure, ce qui représente près de 4’200 francs par mois.

Je suis résolument opposé à cette initiative, parce que j’ai la conviction qu’elle n’apportera rien à personne, ni aux salariés, ni aux employeurs, ni aux demandeurs d’emploi, ni aux partenaires sociaux, ni encore à l’Etat.

Pour tout te dire, je n’y vois même pas une fausse bonne idée. Au contraire, c’est l’illustration parfaite de la vraie mauvaise idée. Bref, un splendide autogoal en pleine lucarne !

En Suisse, nous avons la chance de connaître un droit du travail libéral, mais avec des cautèles. On nous l’envie dans bien d’autres pays européens. Tu te souviens peut-être comme moi de ce fameux débat télévisé de septembre 2013, au cours duquel François Bayrou avait brandi notre loi fédérale sur le travail face au code du travail français, non sans mettre en évidence le taux de chômage suisse et de le comparer avec celui de la France.

Dans notre pays, les salaires sont négociés. D’abord, entre le travailleur et l’employeur, puisque le salaire est un élément essentiel d’un contrat (de travail). Ensuite, entre les partenaires sociaux, dans le cadre de conventions collectives de travail (CCT), par branches économiques. Enfin, des contrats-types de travail (CTT), avec ou sans salaire minimum impératif, sont édictés par l’Etat, pour certains secteurs spécifiques.

Il ressort de plusieurs CCT en vigueur à Genève que les salaires horaires convenus entre partenaires sociaux sont souvent déjà supérieurs à 23 francs. Si l’IN 173 devait être adoptée, il y a de fortes chances que de nombreuses CCT soient dénoncées, certains employeurs préférant se contenter de verser le salaire minimum légal cantonal. Est-ce là vraiment une façon de protéger les salariés ?

Malheureusement, et l’exemple de la France nous le démontre, le salaire minimum légal a une fâcheuse tendance à devenir un salaire de référence, ce qui tire le niveau général des salaires vers le bas.

Dans d’autres secteurs économiques, où les salaires horaires sont inférieurs à 23 francs, il faudra s’attendre, ce d’autant plus en période de crise économique, à des licenciements et à des restructurations.

En d’autres termes, le salaire minimum légal a pour conséquence un appauvrissement progressif des salariés et une augmentation du chômage. À cet égard, la France constitue à mes yeux non pas un modèle, mais un contre-exemple.

Je t’avoue d’ailleurs ne pas comprendre cette volonté de la gauche et des syndicats de travailleurs suisses à vouloir nous ressortir sans arrêt des recettes qui ont démontré leur inefficacité ailleurs dans le monde.

En revanche, je crois dans la capacité des syndicats de travailleurs et des associations patronales à trouver des solutions pragmatiques, raisonnables, concertées et adaptées aux besoins de chaque branche économique, sans que l’Etat n’ait à intervenir au moyen de contraintes inefficaces et donc inutiles.

Je te propose d’assister au débat public organisé sur ce sujet par Zofingue Genève le mercredi 23 septembre 2020 à 18:30 heures à Uni-Mail, en salle MS150. Il opposera Ivan Slatkine, Président de la FER Genève, et ton serviteur, d’une part, à Davide de Filippo, Président de la CGAS et Romain de Sainte-Marie, député socialiste au Grand Conseil genevois, d’autre part. Le débat sera animé par Myret Zaki.

Sinon, on en reparle très volontiers autour d’un café ou d’un bon verre de Chasselas (genevois, bien entendu) !

Je t’embrasse,

Murat

La Suisse peut devenir le nœud ferroviaire nocturne de l’Europe

Chère Jessica,

Dans le prolongement de mon précédent billet, je souhaiterais évoquer avec toi une autre mesure en matière de politique du climat et de l’environnement, cette fois-ci plus particulièrement dans le domaine des transports.

Sur notre continent, avec le développement des compagnies aériennes à bas coûts, les habitudes des voyageurs ont changé. Réserver un vol aller-retour pour un séjour dans une autre ville européenne est devenu un jeu d’enfant.

Autrefois, pour voyager en Europe, on prenait plus souvent le train, notamment de nuit lorsqu’il fallait effectuer de grandes distances. Jusqu’en 2009, il existait une liaison ferroviaire nocturne entre Genève et Rome. Depuis 2012, il n’y a plus aucun train de nuit au départ de la Suisse romande.

Ce n’est pas par nostalgie que je déplore cette situation, mais bien parce que devant les défis climatiques auxquels nous sommes confrontés, nous devons offrir des alternatives dignes de ce nom aux voyageurs. Parmi les alternatives à l’avion, il y a le redéploiement du train de nuit.

Quel dommage que les compagnies nationales de chemins de fer européennes aient si vite baissé les bras face à la concurrence des entreprises de transport aérien durant les années 2000 et 2010 !

Il y en a néanmoins une qui sort du lot et qui a bien compris que le train de nuit était un marché à développer : les chemins de fer fédéraux autrichiens (ÖBB), qui ont récemment décidé de renforcer leur collaboration avec nos CFF.

Développer les trains de nuit constitue clairement une solution pragmatique et intelligente pour agir en faveur du climat. Les jeunes comme les moins jeunes la demandent. La journaliste Céline Zünd a d’ailleurs décrit dans divers articles l’expérience du voyage en train de nuit pour montrer à quel point cela valait la peine de privilégier ce mode de transport par rapport à l’avion. On sait aussi que le «flygskam» a pour effet d’augmenter de manière importante la demande en transports ferroviaires au détriment de l’avion.

Certains m’accuseront de commettre de « l’écoblanchiment » (tu connais ma passion pour les anglicismes), mais j’ai la conscience tranquille. Depuis 2007, je suis membre du mouvement transpartisan Écologie libérale qui rassemble des membres et des élus de tous les partis politiques de la droite et du centre en Suisse romande dans le but de réconcilier l’économie et l’écologie.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises durant la campagne pour les élections fédérales qui s’achèvera ce dimanche, personne n’a le monopole de l’écologie et il y a un juste milieu entre la décroissance et le climato-négationnisme.

De par sa position géographique au centre de l’Europe, du moins de l’Europe occidentale, et grâce à un réseau ferroviaire déjà bien développé, la Suisse peut devenir une cheville ouvrière de la renaissance du train de nuit en Europe.

C’est d’ailleurs dans cette perspective que plusieurs parlementaires fédéraux issus de différents partis se sont joints à des élus d’autres pays européens pour lancer le projet « Objectif train de nuit » qui vise à promouvoir le train de nuit, avec la particularité de combiner les wagons de transport de personnes avec les wagons de fret.

Je soutiens ce projet. Et je le fais d’autant plus volontiers que je suis persuadé que la Suisse a les moyens de devenir le nœud ferroviaire nocturne de l’Europe.

On en reparlera volontiers autour d’un café à l’occasion, mais plus probablement ce soir à 19:00 heures dans l’émission « Genève à Chaud » de Pascal Décaillet sur Léman Bleu où nous sommes conviés tous les deux pour parler de notre blog.

Amicalement,

Murat

Construire ensemble la transition énergétique

Chère Jessica,

Je te remercie de ton billet du 1er octobre 2019 à l’occasion de la journée internationale du café !

Avant même que je ne prenne la plume pour te répondre, l’ancien député radical genevois Pierre Kunz, avec qui j’ai eu le plaisir de siéger sur les bancs de l’Assemblée constituante genevoise entre 2008 et 2012, a répondu à ton article sur son blog.

C’est la première fois qu’une tierce personne réagit à nos échanges par son propre blog, et je m’en réjouis. Nous en aurons probablement d’autres, ce qui ne peut qu’enrichir nos débats !

C’est à juste titre que tu relèves que les bâtiments génèrent environ un quart des émissions de gaz à effet de serre. J’ajouterai même qu’ils consomment environ 40 % de l’énergie.

C’est pourquoi la Confédération et les cantons ont mis en place le Programme Bâtiments dont l’objectif est de réduire significativement la consommation d’énergie et les émissions de CO2 du parc immobilier suisse par un soutien financier aux rénovations énergétiques.

Le rapport annuel 2018 de ce programme révèle qu’en Suisse, encore un million de maisons sont peu, voire pas du tout isolées et que deux tiers des bâtiments sont encore chauffés au moyen d’énergies fossiles ou directement par l’alimentation électrique.

Comme toi, je pense qu’il est donc nécessaire d’agir, en priorité sur les bâtiments les plus anciens.

En revanche, je ne pense pas que ces travaux d’assainissement se feront sur le dos des locataires. En effet, lorsque ces travaux se font et sont financés avec intelligence et pragmatisme, les rénovations énergétiques profitent à tous, tant aux propriétaires qu’aux locataires.

Aux locataires tout d’abord, parce que les assainissements font baisser leurs charges sur le moyen terme et que le passage à des énergies renouvelables peut aller jusqu’à réduire à néant les émissions de CO2 lors de l’exploitation. Savais-tu par exemple qu’une meilleure isolation permet de réduire les besoins en chaleur de plus de la moitié, et donc, la facture de chauffage d’autant ?

Les rénovations énergétiques profitent également aux propriétaires, parce que la diminution des charges permet d’augmenter la rentabilité du bien immobilier. À moyen terme, les hausses de loyer marginales sont donc compensées par les gains en énergie et les réductions des charges.

Tu pars du principe que “ce sont (…) les locataires qui vont financer les rénovations énergétiques des bâtiments par l’augmentation de leurs loyers”. Les choses ne semblent pas aussi évidentes à la lecture de l’article “De la conciliation des intérêts entre propriétaires et locataires en matière de transition énergétique à de nouvelles mesures de politiques publiques”, paru dans l’ouvrage collectif “Volteface, La transition énergétique : un projet de société” (pages 183 et suivantes).

Cet article met en lumière le fait que les propriétaires sont souvent découragés de procéder à des travaux de rénovation énergétiques de leurs bâtiments en raison du mécanisme d’adaptation des loyers aux taux hypothécaires.

Là où tu as raison, c’est qu’en cas de rénovation énergétique, les coûts des travaux peuvent être répercutés sur le loyer. C’est le droit fédéral qui le prévoit ainsi (articles 14, alinéa 2 de l’OBLF et 269a, lettre b du Code des obligations).

Toutefois, lors du calcul du loyer après la répercussion, celui-ci doit être ajusté en prenant en compte l’ensemble des éléments qui le composent, ce qui inclut les taux hypothécaires courants. Or, comme tu le sais, les taux hypothécaires ont beaucoup baissé ces dernières années et le taux de référence se situe actuellement à 1,5 %, ce qui entraîne un réajustement des loyers à la baisse. Cela peut donc avoir pour effet de décourager un propriétaire de rénover son bâtiment.

Pour remédier à cette situation, les auteurs de cet article proposent l’adoption d’un contrat-cadre, négocié entre les associations faîtières de propriétaires et de locataires, qui comporterait une clause prévoyant que le coût des travaux de rénovation énergétique puisse être répercuté sur le loyer sans tenir compte du taux hypothécaire, selon une clé de répartition équitable et inférieure au taux de 100 % actuellement permis. Comme quoi, une certaine justice sociale peut être préservée et les gains tirés de la rénovation énergétique peuvent être équitablement répartis.

En d’autres termes, chère Jessica, il existe d’autres solutions que de rigidifier encore plus le droit des constructions et du logement. Au contraire, une plus grande rigidité n’aura guère d’autre effet que de décourager encore plus les propriétaires de bâtiments d’investir dans la rénovation énergétique, et là, tout le monde serait perdant : les locataires, les propriétaires et le climat.

À Genève, nous avons encore d’autres sortes de problèmes.

La Commission des monuments, de la nature et des sites, dont les préavis sont pratiquement toujours suivis par le département cantonal en charge des constructions, a parfois tendance à refuser la pose de panneaux solaires sur les toits des maisons des particuliers.

Autant je peux comprendre que cette Commission puisse s’opposer à ce que l’on pose des panneaux solaires sur des bâtiments ayant une valeur culturelle ou patrimoniale, autant je ne peux que déplorer l’intransigeance occasionnelle de cette autorité s’agissant de biens immobiliers appartenant à des privés.

Fort heureusement, certains propriétaires n’hésitent pas à contester des décisions négatives de ce département devant la justice, avec succès.

En conclusion, plutôt que de rigidifier encore plus le droit des constructions et du logement, je privilégie des solutions incitatives et pragmatiques, telles que les encouragements fiscaux, la réduction de la bureaucratie et la simplification des procédures, ou encore les mécanismes comme ceux proposés par Volteface. C’est ainsi que nous avancerons ensemble dans la transition énergétique.

On en reparle autour d’un café ?

Bien à toi,

Murat

Une politique de recherche et d’innovation ambitieuse pour la Suisse

Chère Jessica,

Le weekend dernier, un institut de renommée mondiale situé dans le canton de Vaud célébrait ses 50 ans d’existence, en organisant des journées portes ouvertes. Au même moment, un autre poids lourd de la recherche scientifique, situé dans le canton de Genève, a profité de l’arrêt technique de son accélérateur de particules, le Grand collisionneur de hadrons, pour ouvrir ses portes au public.

Tu auras deviné que je fais référence à l’EPFL et au CERN, dont les journées portes ouvertes m’ont donné l’occasion d’aborder dans ce billet une thématique qui suscite une moindre attention politique, mais qui est pourtant essentielle pour la prospérité de la Suisse et les échanges scientifiques internationaux.

Avant cela, j’aimerais néanmoins te dire combien je suis heureux de pouvoir échanger avec toi dans le respect et l’ouverture au dialogue.

En effet, au cours de cette semaine, un parti représenté au Conseil fédéral a défrayé la chronique en tombant dans ce qu’il y a de plus lamentable en politique : s’attaquer aux personnes au lieu de débattre des idées.

Cette démarche a tellement choqué que certaines sections romandes de ce parti s’en sont désolidarisées avec autant de courage que de sévérité. Qu’elles en soient remerciées et félicitées !

Revenons-en au thème que je me propose d’aborder ce jour.

Tu sais que dans notre pays, notre principale matière première, c’est la matière grise.

En juillet dernier, pour la neuvième année consécutive, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a décerné à la Suisse le titre de championne du monde de l’innovation.

Nous pouvons en être fiers. Nous le devons en grande partie à nos hautes écoles, à nos universités, à nos écoles polytechniques fédérales et à nos chercheurs, mais aussi aux cerveaux venus du monde entier en Suisse pour participer à la recherche, au développement et à l’innovation dans notre pays.

En effet, la recherche de pointe ne se conduit pas de manière isolée, chacun dans son coin. Elle se nourrit des échanges d’idées entre scientifiques du monde entier. Par exemple, le CERN met ses laboratoires et outils à disposition de plus de 10’000 scientifiques de 100 nationalités différentes et le succès de nos écoles polytechniques fédérales est aussi dû à nombre de professeurs et chercheurs internationaux.

Une étude publiée dans la revue scientifique « Nature » a montré que plus les pays sont ouverts sur le monde, plus l’impact de leur recherche scientifique est fort. Une proportion de chercheurs étrangers élevée, les possibilités pour les chercheurs nationaux d’effectuer des recherches à l’étranger et les équipes de chercheurs issus de plusieurs pays aboutissent à des études scientifiques plus souvent citées, et donc plus influentes.

La Suisse est un pays ouvert en matière de recherche et doit le rester. Elle participe depuis de nombreuses années aux programmes cadres de recherche et d’innovation de l’Union européenne (PCR). Depuis 2017, notre pays est un associé à part entière du 8ème programme de ce type, Horizon 2020.

La Suisse participe également à d’autres programmes internationaux (AAL2, Eurostars 2, EDCTP2, EMPIR, EURATOM et ITER), qui revêtent eux aussi une importance capitale.

Cependant, l’acceptation de l’initiative « contre l’immigration de masse » le 9 février 2014 a jeté un froid sur nos échanges scientifiques avec l’étranger. Entre 2014 et 2016, notre pays n’a en effet été associé que de manière partielle à Horizon 2020. Ce qui montre que cet équilibre est fragile et dépend de nos bonnes relations avec le reste du monde, y compris avec l’Union européenne.

La qualité de la recherche scientifique de notre pays, ainsi que la réputation de la Suisse comme centre de recherche, de même que les prochains succès de l’EPFL et du CERN, dépendent des échanges scientifiques internationaux, dont l’importance est parfois sous-estimée lorsqu’il s’agit de conclure de nouveaux accords de libre-échange.

C’est pourquoi je pense que la Suisse aurait beaucoup à gagner en s’engageant en faveur de mesures et d’accords qui stimulent les échanges scientifiques internationaux.

Qu’en penses-tu ?

On en reparle autour d’un café ?

Amicalement,

Murat

Une conception libérale et moderne du mariage et de la famille

Chère Jessica,

Je me réjouis que nous ayons pu tomber d’accord sur l’imposition individuelle des couples et des familles.

Je constate également que nous partageons la même préoccupation concernant le maintien des jeunes mères sur le marché du travail suite à la naissance d’un enfant. Dans ton billet du 8 septembre dernier, tu m’écris à cet égard que la Confédération serait bien avisée de mener “une politique d’investissement majeure (…) dans l’accueil de jour des enfants”.

Récemment, le canton de Genève et la Confédération ont décidé – sur l’initiative du PLR – d’augmenter à 25’000 francs par année le plafond du montant déductible des impôts pour les frais de garde.

En réaction à ce soutien financier indirect en faveur des familles, la Ville de Genève, dont l’organe exécutif est composé d’une majorité de gauche et d’extrême-gauche, a décidé d’augmenter les tarifs de ses crèches. Oui, tu m’as bien lu.

Augmenter ainsi les tarifs des crèches, c’est non seulement tondre encore plus la classe moyenne, mais c’est également compliquer la conciliation de la vie privée et familiale avec les obligations professionnelles, tout en créant des barrières supplémentaires au maintien des jeunes mères sur le marché du travail.

La Présidente du Parti socialiste vaudois que tu es cautionnerait-elle une telle politique ?

Venons-en à présent aux autres thèmes que tu abordes dans ton dernier billet.

C’est avec plaisir que j’ai moi aussi pris connaissance des résultats de la procédure de consultation de la Commission des affaires juridiques du Conseil national concernant le mariage civil pour tous.

Comme toi, je fais partie de celles et ceux qui considèrent que chacun doit pouvoir organiser sa vie de couple et mener à bien ses projets familiaux sans que l’Etat ne vienne s’en mêler.

Tout comme l’amour au sein d’un couple, la capacité à aimer et à élever un enfant n’a rien à voir avec l’orientation sexuelle. C’est pourquoi je considère que les couples de même sexe doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que les couples hétérosexuels.

À propos de la procréation médicalement assistée, permets-moi, au nom de la liberté, de me montrer encore plus critique que toi sous l’angle de l’égalité.

Actuellement, la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée est doublement discriminatoire et rétrograde : d’une part, elle réserve les dons de sperme aux seuls couples mariés (article 3, alinéa 3), d’autre part, elle interdit tout don d’ovules (article 4).

Autrement dit, les couples non mariés ne peuvent en aucun cas bénéficier d’un don de sperme, alors qu’ils pourraient en avoir tout autant besoin qu’un couple marié, et le don d’ovules est proscrit pour l’ensemble des couples, qu’ils soient mariés ou non.

Certes, comme l’exige l’article 119 de la Constitution fédérale, l’être humain doit être protégé contre les abus en matière de procréation médicalement assistée et de génie génétique.

Toutefois, en raison d’une législation aussi restrictive en comparaison avec d’autres Etats européens, de nombreux couples suisses en sont aujourd’hui réduits à devoir recourir à la procréation médicalement assistée à l’étranger, alors que nous avons en Suisse le savoir-faire et les compétences pour offrir les prestations dont ces couples ont besoin.

Il n’y a rien de plus humain que de vouloir fonder une famille. Est-ce vraiment le rôle de l’Etat que de mettre des bâtons dans les roues aux couples qui, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent pas avoir d’enfants par la seule voie naturelle ?

On en reparle volontiers autour d’un café !

Amicalement,

Murat

Réformes fiscales : après les entreprises, au tour des particuliers !

Chère Jessica,

J’espère que tu as passé un agréable week-end et que le Capitaine Cook (incorporation et fonction connues de la rédaction) est bien entré en service dimanche soir pour attaquer sa dernière semaine avant la rentrée.

Pour ma part, j’ai eu le plaisir de participer au traditionnel tournoi de football des parlements cantonaux qui, cette année, a eu lieu à Bâle. Une très belle occasion pour les députés de l’Ouest du Lac de Genève de retrouver et de chambrer leurs homologues de l’Est, tout en rencontrant des parlementaires du reste de notre si beau pays.

En raison de récents développements, j’aimerais te parler d’un objet sur lequel nous allons peut-être devoir voter une seconde fois, ce qui est hors du commun dans notre démocratie.

Tu te souviens certainement de l’initiative « Pour le couple et la famille − Non à la pénalisation du mariage » sur laquelle nous avions voté en 2016. Elle proposait de mettre fin à l’inégalité de traitement des couples devant l’impôt, les couples mariés étant pénalisés par une forte progressivité de l’impôt par rapport aux couples non-mariés. Si cette discrimination fiscale avait déjà été relevée par le Tribunal fédéral en… 1984, cette initiative avait surtout suscité la polémique du fait de la définition rétrograde du mariage qu’elle cherchait à inscrire par la bande dans notre Constitution.

En raison du caractère incomplet et du manque de transparence des informations fournies par le Conseil fédéral dans la brochure de vote, le Tribunal fédéral a estimé au printemps dernier que la liberté de vote des citoyens avait été violée. Au vu de l’issue serrée du scrutin et de la gravité des irrégularités, la votation du 28 février 2016 a été annulée.

La semaine dernière, le Conseil fédéral a adopté son message complémentaire relatif à la modification de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (imposition équilibrée des couples et de la famille) en rectifiant les chiffres communiqués avant la votation annulée : selon ses nouvelles estimations, quelque 700’000 couples mariés (et non pas 80’000 comme indiqué en 2016) subiraient une charge fiscale supplémentaire contraire à notre Constitution.

Le Parlement va désormais à nouveau être saisi de la question. Le Conseil fédéral ne propose pas pour autant un véritable changement de système. Son projet ressemble davantage à une version « bis » de cette initiative qu’à une alternative sérieuse.

Or, le Parlement semble prêt à aller de l’avant avec une vraie réforme du système, en passant à une imposition individuelle indépendante de l’état civil. La motion de la Conseillère nationale PLR Christa Markwalder du 17 juin 2019 qui va dans ce sens a été cosignée par plus de 100 parlementaires.

En passant à l’imposition individuelle des couples, nous démantèlerons une barrière au maintien des femmes mariées sur le marché du travail. En effet, le système actuel a pour désavantage de pousser le parent qui a le revenu le moins élevé (selon les statistiques, la plupart du temps, c’est la mère) à renoncer à exercer une activité lucrative et à rester au foyer parce que son revenu est presque intégralement consommé par le surplus d’impôt généré par la progressivité des taux.

De plus, en supprimant une inégalité pourtant connue et dénoncée depuis des décennies, l’imposition individuelle aurait pour conséquence que les habitants de notre pays ne seraient plus découragés de se marier en raison de la pénalisation fiscale du mariage.

J’ai le sentiment que nous pourrions tomber d’accord sur ce sujet. J’en serais d’ailleurs très heureux.

Dans le cas contraire, je ne pourrais que me réjouir de te lire m’expliquer pour quelles obscures raisons le Parti socialiste pourrait légitimer la vision « Kinder, Küche, Kirche » qui prédomine encore et toujours dans nos lois fiscales.

Au cours des 20 dernières années, nous avons accompli trois importantes réformes de la fiscalité des entreprises. La préservation de nos emplois, la compétitivité de notre économie et la prospérité de notre pays nous en savent gré.

Le moment est donc venu de réussir la première grande réforme de la fiscalité des particuliers avec l’imposition individuelle des couples mariés. Par la suite, nous pourrions aller plus loin, par exemple en réduisant les barèmes d’imposition pour les personnes physiques afin de redonner du pouvoir d’achat aux ménages.

On en reparle autour d’un café ?

Amicalement,

Murat

Consolidons la voie bilatérale avec l’accord institutionnel

Chère Jessica,

Je te remercie de tes billets des 17 juillet et 3 août 2019.

Pour ma part, j’ai eu deux très belles opportunités de célébrer notre fête nationale, le 31 juillet 2019 dans la commune de Bardonnex, puis le lendemain à Chêne-Bougeries, avec les communes voisines de Chêne-Bourg et de Thônex, où j’ai habité pendant 19 ans.

Ces fêtes populaires sont des occasions précieuses de rencontrer nos concitoyens et d’entendre leurs préoccupations. Et puisque tu en parles, l’avenir de nos relations avec l’Union européenne en fait clairement partie.

Le PLR − qui certes existe sous cette forme depuis une dizaine d’années grâce à une fusion du parti libéral avec le parti radical-démocratique, lequel a façonné les institutions de la Suisse moderne au milieu du XIXème siècle − semble être le seul parti suisse qui tient une ligne claire dans le domaine de la politique européenne.

En effet, mon parti s’oppose aussi bien à une adhésion de notre pays à l’UE qu’à la voie de l’isolement préconisée par les tenants de l’Alleingang. Il soutient la poursuite de la voie bilatérale, et ce, au moyen d’un accord institutionnel destiné à pérenniser nos relations avec notre principal partenaire commercial. En effet, tu n’es pas sans savoir que plus de la moitié de nos exportations sont destinées à des Etats membres de l’UE.

La conclusion de cet accord-cadre est dans l’intérêt de la Suisse. Il nous assure un accès aux marchés européens et crée une sécurité juridique durable, tout en évitant une reprise automatique du droit communautaire.

Je m’étonne de la position du Parti socialiste à propos de cet accord institutionnel. En effet, selon son programme, “le PS est pour le lancement rapide de négociations d’adhésion avec l’UE” (p. 40). Or, il semble désormais rechigner à vouloir continuer sur la voie bilatérale. S’agit-il de faire les yeux doux à certains syndicats en période électorale ?

Il est évident que la protection contre la sous-enchère salariale doit être préservée. Le PLR est sensible au maintien des mesures d’accompagnement et aux préoccupations des travailleurs suisses (je me permets de relever que ton billet du 3 août 2019 n’est pas écrit en langage inclusif ; je ne peux que me réjouir de ce respect des règles de la langue française, mais tu risques de te faire taper sur les doigts).

Toutefois, la question des mesures d’accompagnement relève davantage de la mise en œuvre interne de l’accord institutionnel que de cet accord lui-même.

Permets-moi à ce propos de te citer l’exemple du dispositif genevois, constitué d’un Conseil de surveillance du marché de l’emploi composé de représentants de l’Etat, des employeurs et des travailleurs, lequel est chargé de coordonner l’exécution des mesures d’accompagnement, notamment en constatant les situations de sous-enchère salariale. Il ne tient qu’à la Suisse et aux cantons de faire preuve de la créativité politique nécessaire pour trouver des solutions à même de répondre aux préoccupations légitimes des travailleurs à ce propos.

De surcroît, l’avocate attentive que tu es devrait être rassurée en lisant la directive européenne n° 2018/957 concernant le détachement de travailleurs, qui prévoit en substance le principe du « salaire égal pour un travail égal au même endroit ». Cette directive implique notamment que les conventions collectives du travail en vigueur dans un pays soient également applicables aux travailleurs détachés dans ce pays. C’est du moins l’avis de deux de nos Confrères français à propos de ladite directive.

En d’autres termes, l’accord-cadre renforce en réalité l’importance du partenariat social et des conventions collectives du travail, auxquels le PLR et le PS sont tout autant attachés l’un que l’autre.

Jessica, notre pays a plus à gagner qu’à perdre de cet accord institutionnel avec l’UE, tant sur un plan économique que social.

J’ai la conviction qu’il est dans l’intérêt de la Suisse comme dans celui de l’UE de trouver une solution durable et acceptable pour permettre à chacune des parties d’avancer ensemble.

On en reparle volontiers autour d’un café !

Amicalement,

Murat

Congé-paternité : OUI au contre-projet !

Chère Jessica,

Le 20 juin 2019, le Conseil des Etats a approuvé un contre-projet à l’initiative “Pour un congé de paternité raisonnable − en faveur de toute la famille” sous la forme d’un congé-paternité de deux semaines financé par le régime des APG. Au début du mois de juillet 2019, la Commission des finances du Conseil national a suivi notre Chambre haute. Puisse la Chambre basse en faire de même lorsqu’elle sera saisie de cet objet en plénière !

Un congé-paternité de deux semaines, ce n’est pas seulement améliorer les possibilités pour les parents de concilier leur vie de famille avec leur vie professionnelle. C’est également revaloriser le rôle des jeunes pères, tout en permettant à ces derniers de soutenir les jeunes mères dans les premiers jours qui suivent la naissance de leur enfant, ce qui renforce l’égalité des chances entre femmes et hommes sur le marché du travail.

En 2015, une étude de l’Université d’Oslo a même démontré que le congé-paternité favorisait une implication précoce du père sur le plan éducatif, ce qui a un effet positif sur les capacités d’apprentissage des enfants et leurs performances à l’école, en particulier celles des filles.

Je te lis d’ores et déjà m’écrire que ce contre-projet, ce n’est pas grand chose, voire que c’est la moindre des choses. Que beaucoup de grandes entreprises offrent déjà un congé-paternité de deux semaines ou plus à leurs employés. Qu’il serait préférable d’envisager un congé parental plus long, dont tout ou partie pourrait être pris d’un commun accord entre les parents. Sans doute.

Je te lis également me dire que, dans les pays nordiques, les congés parentaux octroyés sont beaucoup plus longs. Certes.

Néanmoins, nous ne connaissons pas − fort heureusement, d’ailleurs − une fiscalité comparable à celle de ces Etats.

De plus, notre économie, qui est constituée dans son immense majorité de petites et moyennes entreprises, souffrirait d’une introduction subite d’un congé parental aussi long et aussi coûteux que dans ces pays-là.

En Suisse, c’est grâce au Parti libéral-radical que les grandes avancées sociales ont été rendues possibles. L’AVS et le congé-maternité en sont de bons exemples. Le congé-paternité en sera un troisième, j’en ai la conviction.

On en reparle autour d’un café ?