Réformes fiscales : après les entreprises, au tour des particuliers !

Chère Jessica,

J’espère que tu as passé un agréable week-end et que le Capitaine Cook (incorporation et fonction connues de la rédaction) est bien entré en service dimanche soir pour attaquer sa dernière semaine avant la rentrée.

Pour ma part, j’ai eu le plaisir de participer au traditionnel tournoi de football des parlements cantonaux qui, cette année, a eu lieu à Bâle. Une très belle occasion pour les députés de l’Ouest du Lac de Genève de retrouver et de chambrer leurs homologues de l’Est, tout en rencontrant des parlementaires du reste de notre si beau pays.

En raison de récents développements, j’aimerais te parler d’un objet sur lequel nous allons peut-être devoir voter une seconde fois, ce qui est hors du commun dans notre démocratie.

Tu te souviens certainement de l’initiative « Pour le couple et la famille − Non à la pénalisation du mariage » sur laquelle nous avions voté en 2016. Elle proposait de mettre fin à l’inégalité de traitement des couples devant l’impôt, les couples mariés étant pénalisés par une forte progressivité de l’impôt par rapport aux couples non-mariés. Si cette discrimination fiscale avait déjà été relevée par le Tribunal fédéral en… 1984, cette initiative avait surtout suscité la polémique du fait de la définition rétrograde du mariage qu’elle cherchait à inscrire par la bande dans notre Constitution.

En raison du caractère incomplet et du manque de transparence des informations fournies par le Conseil fédéral dans la brochure de vote, le Tribunal fédéral a estimé au printemps dernier que la liberté de vote des citoyens avait été violée. Au vu de l’issue serrée du scrutin et de la gravité des irrégularités, la votation du 28 février 2016 a été annulée.

La semaine dernière, le Conseil fédéral a adopté son message complémentaire relatif à la modification de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (imposition équilibrée des couples et de la famille) en rectifiant les chiffres communiqués avant la votation annulée : selon ses nouvelles estimations, quelque 700’000 couples mariés (et non pas 80’000 comme indiqué en 2016) subiraient une charge fiscale supplémentaire contraire à notre Constitution.

Le Parlement va désormais à nouveau être saisi de la question. Le Conseil fédéral ne propose pas pour autant un véritable changement de système. Son projet ressemble davantage à une version « bis » de cette initiative qu’à une alternative sérieuse.

Or, le Parlement semble prêt à aller de l’avant avec une vraie réforme du système, en passant à une imposition individuelle indépendante de l’état civil. La motion de la Conseillère nationale PLR Christa Markwalder du 17 juin 2019 qui va dans ce sens a été cosignée par plus de 100 parlementaires.

En passant à l’imposition individuelle des couples, nous démantèlerons une barrière au maintien des femmes mariées sur le marché du travail. En effet, le système actuel a pour désavantage de pousser le parent qui a le revenu le moins élevé (selon les statistiques, la plupart du temps, c’est la mère) à renoncer à exercer une activité lucrative et à rester au foyer parce que son revenu est presque intégralement consommé par le surplus d’impôt généré par la progressivité des taux.

De plus, en supprimant une inégalité pourtant connue et dénoncée depuis des décennies, l’imposition individuelle aurait pour conséquence que les habitants de notre pays ne seraient plus découragés de se marier en raison de la pénalisation fiscale du mariage.

J’ai le sentiment que nous pourrions tomber d’accord sur ce sujet. J’en serais d’ailleurs très heureux.

Dans le cas contraire, je ne pourrais que me réjouir de te lire m’expliquer pour quelles obscures raisons le Parti socialiste pourrait légitimer la vision « Kinder, Küche, Kirche » qui prédomine encore et toujours dans nos lois fiscales.

Au cours des 20 dernières années, nous avons accompli trois importantes réformes de la fiscalité des entreprises. La préservation de nos emplois, la compétitivité de notre économie et la prospérité de notre pays nous en savent gré.

Le moment est donc venu de réussir la première grande réforme de la fiscalité des particuliers avec l’imposition individuelle des couples mariés. Par la suite, nous pourrions aller plus loin, par exemple en réduisant les barèmes d’imposition pour les personnes physiques afin de redonner du pouvoir d’achat aux ménages.

On en reparle autour d’un café ?

Amicalement,

Murat

Murat Julian Alder

Murat Julian Alder est né en 1981 à Bâle, a grandi aux quatre coins du monde et vit à Genève depuis 1999. Avocat au Barreau de Genève, il est député libéral-radical au Grand Conseil genevois depuis 2013. Il a été vice-président du PLR genevois entre 2011 et 2015.

5 réponses à “Réformes fiscales : après les entreprises, au tour des particuliers !

  1. Mme Christa Markwalder s’est donc rachetée de son faux pas de 2013, car cette intéressante motion de juin 2019, signée par seulement 100 parlementaire (surprenant !) devrait permettre de corriger cette curiosité fédérale et morale (KKK) de 2016 concernant l’imposition des couples. A mon humble avis, le TF a eu raison de l’annuler.
    Au XXIeme siècle, un couple se compose toujours de 2 personnes avec la possibilité d’avoir des enfants (avec ou sans aide médicale), de les aimer et de les accompagner jusqu’a l’âge adulte, voir à la fin de leurs études, parfois un peu au-delà (mon épouse et moi ne l’avons jamais regretté). Le mariage civile ou un partenariat officiel me semblent utiles, alors que le mariage religieux, option liée à ses croyances et strictement privée, et n’a rien à voir avec la fiscalité, qui devrait être aussi équilibrée que possible.
    Au-delà de ce simple retour au respect des citoyens, restera encore à régler le problème des places dans les crèches et des appartements abordables pour les familles (à Genève par exemple). Quant aux enfants issus de ces couples arrivés à l’age adulte, le recrutement « militaire » devrait être libre et ne pas privilégier un genre plutôt qu’un autre. Avec mes excuses pour ce dernier point, je vous l’accorde, il est hors sujet.

  2. Oui, il faut que, quelle que soit la forme du partenariat dans un couple, la charge fiscale soit identique. Corrigeons le tir, MAIS corrigeons le entièrement et dans tous les sens.
    En effet, si les coupes mariés sont fiscalement pénalisés actuellement, ils profitent néanmoins d’autres avantages, issus de l’histoire et de la vision paternaliste et de la vision du mariage traditionnel dans la société d’après guerre, comme … la rente de veuve en cas de décès du conjoint (depuis étendu à certaines autres formes d’unions, mais pas toutes et pas dans toutes les caisses LPP)

    Allons donc jusqu’au bout de la démarche et supprimons les rentes de veuve.veuf, individualisons totalement les questions financières, pourquoi moi célibataire dois-je participer via mes cotisations LPP à des rentes pour veuf.veuve alors que lors de mon décès, toute rente s’arrêtera ? On discrimine le célibataire !

    Supprimons aussi les rentes de couples AVS et individualisons les rentes, les revenus des femmes et des hommes dans le couple ne seront plus additionnés pour calculer la valeur de la rente et les femmes qui ont peu travaillé se retrouveront uniquement avec leur AVS “propre” non majoré par un salaire plus élevé du mari…, soit pas grand chose non plus, et surtout rien lors du décès du mari.

    Allons au bout de la démarche. Mais je ne sais pas qui en sera les gagnants. En tout cas pas les couples à bas revenus, ça c’est sur, ils ne payent quasi pas d’impôts. Pour les autres… toute baisse d’impôt est bonne à prendre et tout argument (même incomplet) est bon, ça permet de réduire leurs impôts et puis n’allons pas au bout de la démarche, celle de ne plus tenir compte d’une union ou non pour déterminé nos seulement les obligations (impôts) mais aussi les droits (rentes p.ex.), car ça pour bobonne à leur décès ça sera la cata.

  3. il est vraiment temps de mettre fin à cette discrimination et j’espère que cela se fera rapidement. L’autre discrimination à supprimer est celle de l’AVS. Nous sommes mariés depuis 50 ans. Pendant plus de 40 ans nous avons payé un max d’impôts et depuis que nous sommes à l’AVS, nous ne touchons que 1.5 rente alors que nous avons payé des cotisations plus que maximales. Pour vivre ce n’est pas possible en Suisse.

    1. Bonjour Sylvia.

      Pour l’AVS je ne crois pas qu’il s’agisse d’une discrimination. Vous avez pendant 40 ans payé des cotisations AVS pour les personnes qui étaient à la retraite. Vous n’avez pas cotisé / épargné pour vous.

      A défaut d’être discriminatoire, ce système mis en place par la génération du baby boom n’est pas forcément juste.

      Et effectivement, vivre avec 3’525.- francs par mois en suisse est impossible / compliqué. Et encore, si vous les touchez, vous avez de la “chance” car beaucoup de personnes ne touchent pas la rente de couple maximale.

      Bien à vous.

  4. Cher M. Alder,

    Plutôt que de s’engager dans de longues et pénibiles réformes où l’on est assuré de voir les administrations fiscales traîner les pieds, serait-il envisageable de simplement donner le droit aux contribuables de choisir sous quel régime fiscal (marié, célibataire, etc..) ils souhaitent être taxés, indépendamment de leur véritable statut?
    L’équité serait immédiate, chacun pouvant choisir le régime optimisant le mieux ses impôts. Les administrations fiscales n’auraient dans l’immédiat rien à changer à leur systèmes (et rien à dire non plus – un petit désaveu ne leur ferait pas de mal). Une manière de remettre le contribuable au milieu du village.

    M-T

Les commentaires sont clos.