On en reparle autour d’un café?

Congé paternité: de l’ambition pour nos familles

Cher Murat,

Je te remercie chaleureusement pour ta lettre du 17 juillet et ton soutien au contre-projet du Conseil des Etats pour un congé paternité de deux semaines.

J’ai été agréablement surprise de lire ton accord de principe à l’instauration d’un tel congé. C’est un message clair en faveur de la conciliation entre travail et famille. C’est également un message fort pour une plus grande égalité entre les femmes et les hommes au niveau des tâches éducatives. Le fait qu’un homme libéral-radical l’admette est la preuve qu’une majorité des représentants politiques – à part l’UDC bien sûre – peut, à tout le moins partiellement, être à l’écoute des revendications légitimes des habitant.e.s de notre pays.

Partiellement oui. Parce qu’un congé paternité de deux semaines, vendu comme un compromis, n’est rien d’autre qu’un plâtre sur une jambe de bois, une mesurette qui tourne le dos aux aspirations légitimes des familles et des travailleur.euse.s du XXIème siècle. Certains collègues de ton parti ont même eu le culot de proposer une diminution du congé maternité de quelques semaines pour les offrir aux pères! Au lendemain des grandes manifestations du 14 juin, ce type de proposition est de la pure provocation. 

L’initiative pour un congé paternité flexible de vingt jours est à mon sens la seule mesure propre à atteindre les objectifs que tu as justement évoqué dans ta lettre du 17 juillet. Grâce à elle, un père pourrait, par exemple, réduire son taux d’activité de 100 % à 80 % pendant vingt semaines. Il serait également possible de prendre deux semaines juste après la naissance, puis les jours restants de façon isolée. Ainsi, le système s’adapte à la situation de chaque famille et de chaque entreprise.

Voilà pour la logisitique. Sur le plan financier, étant donnée la diminution constante des indemnités versées pour les jours de service militaire, elles aussi à la charge des APG, le taux des cotisations paritaires ne devrait à moyen terme faire l’objet d’aucune modification, ou alors d’une adaptation négligeable.

Tu conviendras également que de parler du congé paternité uniquement en terme de coûts directs et de frais d’organisation pour l’entreprise est un peu réducteur, tant les plus-values indirectes sont importantes: productivité accrue des salarié.e.s grâce à davantage de repos, moins de présentéisme, moins de jours de maladie, maintien des femmes dans la vie active, et, notamment, amélioration des conditions de travail pour toutes et tous.

Et oui, un congé paternité de quatre semaines, c’est aussi une question d’égalité. Il n’est à mon sens pas envisageable qu’un employé de Novartis bénéficie de 70 jours, alors que l’employé dans la vente n’ait qu’un seul jour de congé payé pour accueillir un nouveau né. Ce n’est pas le nom de l’entreprise qui doit définir le type de père qu’on peut être.

Je pense Murat que si notre économie – comme tu l’as dit, composée dans son immense majorité de petites et moyennes entreprises – a pu supporter la participation, chaque année, des citoyens suisses aux cours de répétition de l’armée, elle pourra en faire de même avec un congé paternité raisonnable de vingt jours. Ce n’est sans doute pas l’officier d’état-major général que tu es qui me contredira.

Dans un monde idéal, dans la Suisse de mes rêves, les parents pourraient bénéficier d’un congé parental de 38 semaines au total, dont quatorze réservées à la mère. Cela étant, je suis bien consciente que nous ne sommes pas encore prêts à franchir un tel pas de sorte que je vais soutenir avec ferveur l’initiative pour l’introduction d’un congé de quatre semaines pour le père, qui doit être privilégiée au contre-projet du Conseil des Etats.

Enfin, mon cher Murat, c’est avec grand sourire que j’ai lu tes assertions sur les avancées sociales portées par le parti libéral-radical. Je me permets ici de te rappeler, non sans ironie, que ton parti, âgé d’à peine dix ans, n’a pas encore atteint la puberté. Alors même que le parti socialiste suisse a été fondé en 1888, ce qui lui donne un âge vénérable. A l’occasion, je t’expliquerai volontiers les revendications du comité d’Olten lors la grève générale de 1918…

J’imagine qu’on aura l’occasion d’en reparler autour d’un café?

Amitiés,

Jessica

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