Chère Jessica,
J’espère que tu te portes bien.
Je repense au café que nous avions partagé il y a deux ans sur une terrasse ensoleillée de Lausanne pour définir le cadre de ce qui est devenu notre blog.
Ce jour-là, nous étions tous les deux à des années-lumière d’imaginer les circonstances sanitaires, économiques et sociales que nous connaissons depuis le printemps 2020.
Je dois t’avouer que j’ai vraiment hâte de retrouver cette vie qui, à bien des égards, confinait à l’insouciance, tant nous prenions pour acquis les bonheurs de dîner au restaurant, de boire un verre au bar, de danser en boîte de nuit, de voyager à l’étranger, d’assister à un match de football au stade ou encore de fouler la plaine de l’Asse en musique, et tout ceci, sans avoir à cacher nos visages derrière un masque chirurgical.
Et c’est en repensant à ce café du début de l’été 2019 que j’ai eu l’idée de te parler de ce qui est imprévisible.
L’entrée de l’humanité dans le XXIème siècle a été marquée par les attentats terroristes qui ont frappé New York et la Pennsylvanie le 11 septembre 2001, et qui ont causé près de 3’000 morts et plus de 6’000 blessés.
Nous avons tous en souvenir le lieu où nous nous trouvions lorsque nous découvrions avec effroi les images télévisées de la cruauté illimitée avec laquelle une poignée de combattants terroristes déterminés étaient capables de commettre l’impensable contre des civils innocents.
Et malheureusement, ces attentats n’ont été que le prélude à d’autres attaques terroristes qui ont depuis lors frappé aux quatre coins du monde, y compris dans nos pays voisins, en emportant les vies de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants.
Contrairement à un avis hélas largement répandu, la Suisse n’est pas à l’abri de la menace terroriste.
Chaque semestre, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) publie un rapport de suivi (« monitoring ») du terrorisme dans notre pays. Le dernier rapport, qui date de novembre 2020, fait état de 690 cas traités par le SRC. Nous devrions prochainement recevoir un rapport mis à jour.
Le 13 juin 2021, nous voterons sur la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT).
Ces mesures ont pour but de combler une lacune juridique en fournissant à nos organes de police des outils supplémentaires en matière de prévention, en permettant à nos forces de l’ordre d’intervenir en amont, c’est-à-dire avant la commission d’actes terroristes.
La nouvelle loi définit le terroriste potentiel comme une personne dont on présume, sur la base d’indices concrets et actuels, qu’elle mènera des activités terroristes.
Les principales mesures prévues sont les suivantes :
• l’obligation de participer à des entretiens spéciaux, afin de déterminer la mesure dans laquelle une personne peut représenter une menace ;
• l’obligation de se présenter régulièrement auprès d’une autorité, par exemple afin de s’assurer qu’une interdiction de quitter le territoire soit respectée ;
• l’interdiction d’entretenir des contacts avec des tiers dont il est établi qu’ils sont proches de milieux terroristes ou qu’ils soutiennent de tels milieux ;
• l’interdiction de quitter le territoire faite aux personnes susceptibles de mener des activités terroristes à l’étranger ;
• l’interdiction de se rendre en certains lieux ou de sortir d’un certain périmètre ;
• l’assignation à résidence, si des mesures moins restrictives prononcées précédemment n’ont pas été respectées ;
• la mise en détention en vue de l’expulsion de terroristes potentiels de nationalité étrangère.
Les MPT sont largement inspirées des législations d’autres Etats européens. De plus, certaines de ces mesures existent déjà depuis plusieurs années en Suisse dans le cadre de la lutte contre le hooliganisme.
La nouvelle loi, portée par la Conseillère fédérale PLR Karin Keller-Sutter, en charge du Département fédéral de justice et police, encadre de manière adéquate l’application des mesures prévues, en empêchant la violation des principes constitutionnels de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire.
En effet, ces mesures sont ordonnées de cas en cas et limitées dans le temps. Elles ne peuvent être prononcées qu’en présence d’indices concrets et actuels. De nouvelles mesures ne peuvent être prises que si des mesures moins restrictives se sont avérées inefficaces ou insuffisantes. Elles sont donc subsidiaires.
En outre, l’assignation à résidence est soumise à l’approbation du tribunal cantonal des mesures de contrainte et chaque mesure peut être contestée auprès du Tribunal administratif fédéral.
Il ne s’agit donc pas d’une législation dystopique qui érigerait tout un chacun en potentiel suspect. Il n’est pas non plus question de reprendre le scénario du film Minority Report.
Il s’agit simplement de permettre à notre pays de mieux se protéger, en intervenant avant qu’il ne soit trop tard.
C’est pourquoi je voterai en faveur de cette nouvelle loi le 13 juin prochain.
Et toi ? Qu’en penses-tu ? On en reparle autour d’un café ?