Début de l’année académique

Fin juin, la Ville éternelle semblait écrasée sous un dôme de chaleur. Dès le mois de mai, des températures exceptionnellement élevées saturaient l’air, la canicule avait pris un tour ouvertement apocalyptique : nuages gris dans le ciel, vent brûlant soufflant une fine pluie de cendres sur le jardin de la Villa Maraini. Cette vision devait-elle faciliter nos adieux ?

Notre réponse fut: une longue table, des serviettes blanches, du bon vin, un repas délicieux, l’échange de mots et de petits présents à la veille de la séparation La soirée d’adieu des résident.e.s est arrivée pour moi plus vite que prévu. Avec leur arrivée à l’Istituto Svizzero à Rome dix mois auparavant en septembre 2022, j’avais pris mes nouvelles fonctions de responsable du programme scientifique. Pour la première fois, il m’était donné d’aménager avec eux le calendrier annuel de l’Istituto Svizzero, rythmé par des vernissages d’exposition, des concerts, des manifestations scientifiques, ainsi que par des visites et des voyages d’étude.

J’ai encore du mal à réaliser que ce ne seront pas les mêmes visages, les mêmes personnalités que nous accueillerons fin septembre à l’Istituto Svizzero, tant les résident.e.s semblent incarner ce lieu et former une unité.

La Villa Maraini, c’est avant tout ses résident.e.s! Pour une période de dix mois, les treize personnes retenues par le programme Roma Calling forment une communauté de vie et de travail : artistes et scientifiques de tout domaine et de toute discipline se consacrent à leurs projets individuels, découvrent Rome, et cultivent l’échange interdisciplinaire, notamment lors du repas de midi pris en commun. Cette communauté élargie compte aussi deux artistes et deux scientifiques à Milan et à Palerme, qui ont été choisis.es pour une résidence (Milano Calling pour sept mois, Palermo Calling pour trois mois), ainsi que des Senior fellows, qui passent, sur invitation, de brefs séjours à l’Istituto Svizzero. Un premier voyage d’étude en commun à Palerme en octobre est l’occasion de faire connaissance, de créer des liens et de déployer ses antennes dans le Sud de l’Italie.

Le jardin de Villa Maraini à Rome

Je me réjouis beaucoup découvrir comment nos résidents du monde de l’art et de la science formeront une nouvelle communauté au cours de l’année. Les échanges promettent d’être passionnants : cette année, les fellows scientifiques viennent de l’architecture et de l’histoire de l’architecture, de la philosophie, des sciences politiques, de l’anthropologie sociale, de l’histoire des religions, du droit et de l’astrophysique. Loin de se contenter d’investiguer dans les archives et les bibliothèques de Rome, de Milan et de Palerme, ou dans les documents et les livres d’histoire, à la recherche de réponses à leurs questions, ils et elles mèneront aussi des recherches sur le terrain, dans des lieux ordinaires de la ville, entreront en contact avec les organisations internationales basées à Rome, ou mèneront des études expérimentales dans une infrastructure de recherche à Milan. L’Istituto Svizzero jouit d’un bon ancrage dans le paysage académique romain, que ce soit les instituts de recherche ou les universités. Aussi, il nous tient à cœur de mettre notre vaste réseau au service des chercheur.euse.s pour leur permettre de mieux s’immerger dans leurs différents milieux de recherche locaux.

Le coup d’envoi de la nouvelle période de résidence sera donné par l’événement September Calling, qui se tiendra le 30 septembre à la Villa Maraini. Les invités  – de la scène artistique et scientifique romaine  – auront l’occasion de rencontrer personnellement les fellows et d’en apprendre davantage sur leurs projets de travail. Ensuite, les portes de l’Istituto Svizzero seront ouvertes pour un concert public dans le jardin qui marquera le début de l’année académique.

Cet automne encore, deux grands évènements sont prévus dans le programme scientifique, en collaboration avec des universités italiennes et suisses. Dans la série Dispute, nous organisons « Overbooking : Rethinking ‘sustainable tourism’ in the 21st Century », un événement sur la question du tourisme durable. La pandémie a montré à quel point nos villes dépendent du tourisme (de masse), et combien elles souffrent en parallèle de ses divers effets. A quoi ressemblerait un tourisme instruit, socio- et éco-responsable ? Dans ce domaine, l’Italie et la Suisse offrent des exemples intéressants, qui seront examinés et discutés par des expert.e.s. Dans la série Innovation, nous nous pencherons sur l’hôpital en tant qu’institution sociale majeure, au cœur des débats pendant la pandémie. Il est apparu très clairement que l’hôpital est bien plus qu’un lieu d’innovation technologique, et qu’il est et doit être un lieu d’innovation sociale. C’est pourquoi la conférence « The Hospital Inside Out : Historical legacies and social innovation » réunit aussi des expert.e.s en anthropologie et sociologie médicales, en histoire de la médecine et de l’architecture.Ce sera l’occasion de faire un tour d’horizon des débats et des recherches actuels sur le passé, le présent et l’avenir de l’hôpital, de manière interdisciplinaire.

Lorsque nous reprendrons la vie de l’institut en septembre, la ville nous attendra encore avec des températures caniculaires. Mais nous, de retour  Nord, accueillerons avec joie cet été indien. Et près une année à Rome, ce sera le moment de décider quelle saison plonge le jardin de la Villa Maraini dans la plus belle lumière.


Maria Böhmer est responsable du programme scientifique de l’Istituto Svizzero à partir de septembre 2021. Elle a étudié l’histoire et la littérature allemande à l’Université Humboldt de Berlin et à l’Université La Sapienza de Rome. Ensuite, elle a suivi le programme de doctorat en “Histoire et Civilisation” à l’Institut Européen de Florence et elle a obtenu son doctorat en 2013, avec une thèse sur l’histoire de la psychiatrie au XIXe siècle. De 2014 à 2021, elle a été collaboratrice scientifique à l’Université de Zurich, où elle a enseigné l’histoire de la médecine et des sciences, à la fois à la Faculté de médecine et au Département d’histoire. Elle a également été chargée de cours en Medical Humanities à l’Université de Fribourg (CH). Au centre interdisciplinaire « Zentrum Geschichte des Wissens » (ZGW) de l’Université et de l’ETH Zurich, elle a été associée scientifique, représentante des collaborateurs scientifiques et membre de la direction élargie.

© Gina Folly

Istituto Svizzero

L’Istituto svizzero a plus de 70 ans. Il souhaite se faire mieux connaître et illustrer, grâce aux récits de ses résidents de Rome, Milan ou Palerme, comment cette plateforme interdisciplinaire permet à des artistes et à des scientifiques venus de toute la Suisse de développer leurs projets en croisant leurs expériences et leurs pratiques. Sous l’impulsion d’une nouvelle équipe et de Joëlle Comé, sa directrice depuis quatre ans, l’institut a ouvert des résidences à Milan, la ville du design, de l’architecture et de la mode. Mais aussi à Palerme, la cité qui se situe depuis toujours au carrefour des civilisations et de la Méditerranée. Le blog donne la parole aux résidents et permettra de suivre ces chercheurs tout au long de leur séjour et de leur cohabitation inédite à l’Istituto svizzero. Il informera de l’avancée de leurs recherches qui vont, de l’archéologie à l’architecture, en passant par les arts visuels, la composition musicale ou l’histoire de l’art. Et ainsi de les accompagner dans leur découverte de l’Italie et des trois villes de résidence.

Une réponse à “Début de l’année académique

  1. Chère Maria,
    J’ai lu avec grand plaisir et grand intérêt votre contribution à Arts et sciences en Italie. En temps qu’ancien membre et président durant de nombreuses années de la Commission scientifique je suis particulièrement heureux de voir que les manifestations scientifiques de l’ISR sont nombreuses et de qualité. Je vous en félicite. Deux petites remarques si vous permettez :
    1. ce n’est pa la première fois qu’un astrophysicien devient membre de l’ISR. Maurizio Falanga, actuellement directeur le l’International Space Institute de Berne a été membre durant l’année 2000-2001.
    Il a appartenu au comité de l’Association des membres et amis de l’ISR durant plusieurs années.
    2. Personnellement je regrette l’omniprésence de l’anglais dans les manifestations que vous organisez.
    Vu la vocation de l’Istituto svizzero di Roma, il serait, me semble-t-il, souhaitable que l’italien en soit la langue officielle. Ce qui n’empêche nullement que lors des manifestations certaines communications ou conférences soient en anglais. Il est important en outre que l’ISR ne néglige pas le fait que la Suisse a trois sinon quatre langues nationales.
    Je serai à la Villa Maraini durant la première semaine de novembre. Je serais heureux de bavarder avec vous autour d’un café, ce qui serait aussi l’occasion de faire plus ample connaissance.
    Avec mes voeux chaleureux de succès pour la nouvelle année académique et mes messages bien cordiaux.
    Philippe Mudry

    Prof. hon. Philippe Mudry
    Université de Lausanne
    Faculté des lettres et Faculté de biologie et de médecine
    Institut des humanités en médecine

Les commentaires sont clos.