Elargir son horizon, des Alpes à l’Afrique

Photo: clinique dentaire de Kinshasa © Claire Aeschimann

A 87 ans, Claire Aeschimann, alpiniste chevronnée et dentiste au grand cœur, continue à œuvrer bénévolement dans la clinique dentaire qu’elle a ouverte en République démocratique du Congo et, accessoirement, au Point d’Eau de Lausanne

Avec sa casquette multicolore vissée sur la tête et son sourire en coin, on dirait une Gavroche des Alpes aux cheveux blancs. Cela lui sied plutôt bien car Claire Aeschimann, Clairon pour les intimes, est un personnage choyé dans le petit monde de la randonnée romande. A 87 ans, elle a fait deux fois la traversée du Mont Blanc et gravi tous les 4’000 mètres de Suisse et des environs – « c’est vite fait, il n’y en a pas beaucoup ! » – s’amuse-t-elle de son petit air narquois. Elle est aussi une personnalité respectée car cette dentiste au grand cœur apporte son aide aux plus démunis depuis plus de vingt ans, de Lausanne à l’Afrique.

Claire Aeschimann © Isolda Agazzi

Ouverture d’une clinique dentaire à Kinshasa

En 1989, elle faisait partie du Groupe d’entraide médicale du Département missionnaire des Eglises protestantes de Suisse romande lorsque Jean-François, un dentiste renommé de la place, lui a proposé de l’aider à monter une clinique dentaire en République démocratique du Congo (RDC). C’était la même clinique du Secours dentaire international, une fondation suisse qui vise à mettre en place une dentisterie sociale dans les pays en développement.

« Nous avons créé cette clinique à Kinshasa où je me rends encore régulièrement – la dernière fois c’était en novembre passé. Nous faisons surtout des extractions car les patients, très démunis, arrivent lorsqu’il est trop tard pour soigner leurs dents. Ils paient 10 USD pour une intervention, ce qui n’est pas rien pour les standards locaux, mais les autres institutions sociales pratiquent les mêmes prix, il faut bien acheter le matériel. Je vais en RDC depuis 32 ans, la pauvreté est extrême, au début je croyais que la situation des gens allait s’améliorer, mais malheureusement il n’en est rien… », nous raconte-t-elle, couchée dans l’herbe en attendant que les saucisses grillent sur le feu de camp.

Cabinet dentaire du Point d’Eau à Lausanne

En Suisse romande, Claire pratique aussi au Point d’Eau Lausanne, un centre dédié à la santé des personnes vulnérables où, avec les institutions et l’aide d’un représentant d’une maison de produits dentaires, elle a ouvert le cabinet dentaire. Elle y exerce deux matins par semaine, extrayant surtout des dents et faisant beaucoup de traitements de racines et de dépannages à des personnes vulnérables qui ne peuvent pas se permettre de payer les soins dentaires, ne bénéficient pas d’aide sociale pour cette prestation et s’acquittent de la somme de 40.-

Depuis quelques années, cette alpiniste chevronnée, qui a gravi son premier 4’000 mètres à 12 ans et le Cervin à 19 ans, a dû freiner ses ardeurs pour la montagne en raison d’un méchant problème au genou. Fini l’alpinisme et l’escalade et depuis peu, même les sorties à peau de phoque. Mais il reste la randonnée, qu’elle continue à pratiquer assidument « même si je vais moins vite maintenant », précise-t-elle, alors que son genou la trahit une fois de plus dans la descente.

Elargir son horizon

Une personnalité étonnante et attachante…. « Sacrée Clairon ! s’exclame un ami du Club alpin. Fort caractère, courage mais aussi amabilité et altruisme sont les traits qui la caractérisent. Son engagement en Afrique est exemplaire : malgré son âge elle se rend sur place avec des dizaines de kilos de matériel pour sa clinique dentaire. Au Point d’Eau elle donne le sourire aux plus démunis et lors des courses en montagne elle est toujours prête à donner un coup de main. »

Mais qu’est-ce qui pousse ce petit bout de femme à se dépenser sans compter, alors qu’elle pourrait couler une retraite paisible et gravir encore quelques sommets? « J’aime mon travail, que j’ai dû arrêter à 62 ans pour m’occuper de ma mère. Et j’aime m’occuper des autres. Aller en Afrique me permet d’élargir mon horizon au-delà de la montagne. »


Une version de cette chronique a été publiée dans l’Echo Magazine