Mercosur : des études d’impact fragmentées et partielles

Photos © Isolda Agazzi

Après la conclusion des négociations de l’accord de libre-échange, le Seco (Secrétariat d’Etat à l’économie) a fait réaliser une étude d’impact sur quelques questions environnementales choisies, omettant les questions sociales et de droits humains. Une commission parlementaire lui avait pourtant demandé d’élaborer une méthodologie inclusive

Les négociations de l’accord de libre-échange entre l’Association européenne de libre-échange (AELE), dont la Suisse est membre, et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) ont été conclues le 23 août 2019. Plus d’un an plus tard, l’accord n’a toujours pas été signé, ni publié, l’AELE se contentant de divulguer un résumé de 7 pages.

Lors du lancement des négociations, Alliance Sud avait demandé au Conseil fédéral d’effectuer une étude d’impact ex ante sur les droits humains – ce qu’il n’a pas fait, prétextant que les données manquent. Ce alors même qu’il avait accepté un postulat de la Commission de gestion du Conseil national lui demandant d’élaborer une méthodologie.

De son côté, le Seco (Secrétariat d’Etat à l’économie) a mandaté une études d’impact qui a été publiée le 30 juin 2020, c’est-à-dire bien après la conclusion des négociations. Réalisée par le World Trade Institute, elle arrive à la conclusion que l’accord serait nettement favorable à la Suisse : elle augmenterait ses exportations de 55% vers les pays du Mercosur, alors que les exportations de ces derniers vers notre pays ne croîtraient que de 5%. Sur le plan environnemental, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre due à l’accord serait de 0,1 % en Suisse et de 0,02 % dans les pays du Mercosur. L’augmentation de la déforestation dans les pays du Mercosur pourrait aller, quant à elle, de 0,02 % à 0,1 %.

Elisabeth Bürgi

Questions sociales et foncières éludées

Pour Elisabeth Bürgi, conseillère scientifique au Centre pour le développement et l’environnement de l’Université de Berne, cette étude est partielle : « Elle examine trois questions environnementales : les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité en relation avec la déforestation et l’eutrophisation. La conclusion est que l’impact sur la déforestation serait minime car l’exportation d’or, de soja et de bœuf ne changerait presque pas par rapport au statu quo. Dans ce domaine, seules les concessions déjà accordées aux pays du Mercosur dans le cadre du Système généralisé de préférences seraient consolidées. Ce qui augmenterait, c’est l’exportation de blé, maïs, vin et volaille, entre autres. Mais l’étude n’examine pas des domaines importants : elle ne traite pas des pesticides, de la gestion des sols, des questions sociales – telles que les droits fonciers – et des droits humains. Elle n’examine pas non plus comment améliorer le statu quo du point de vue environnemental (soja, or, viande) ».

La deuxième étude, confiée par le l’Office fédéral de l’agriculture  à Agroscope, arrive aussi à la conclusion que l’importation de viande bovine n’augmenterait pas, mais celle de blé, maïs, huile de soja, porc, vin et poulet, si.

Dès lors, la question est de savoir s’il faut conserver le statu quo ou l’améliorer. Le Seco affirme que la Suisse n’importe du Brésil que du soja garanti sans OGM et qui ne contribue pas à la déforestation – ce qui est confirmé par une étude mandatée par l’Office fédéral de l’environnement.

Soja sans OGM et déforestation pas rentable

“Effectivement il existe une région au Brésil d’où le soja est exporté vers la Suisse, qui est garantie sans OGM et n’encourage pas la déforestation”, confirme Elisabeth Bürgi. “Cependant, l’étude de l’OFEV montre également que tous les problèmes environnementaux n’ont pas été résolus – que, par exemple, l’utilisation de pesticides est élevée – mais qu’une production de soja plus durable n’est pas rentable car les différences de prix par rapport au soja conventionnel sont trop faibles. Pour garantir la différence de prix nécessaire, le soja réellement durable pourrait par exemple être importé à de meilleures conditions, mais ce serait difficile, puisque le soja est déjà importé en franchise de droits. Toutefois, comme l’a montré l’accord de libre-échange récemment négocié avec l’Indonésie, qui lie les réductions tarifaires pour l’huile de palme au respect de critères sociaux et écologiques, de telles possibilités existeraient, pour lesquelles l’OMC laisse également une certaine marge de manœuvre. Toutefois, cette approche n’a pas été adoptée pour l’accord avec le Mercosur – ni pour le soja ni pour aucun autre produit”.

“L’accord ne devrait pas seulement consolider le statu quo, mais l’améliorer”

Le postulat de la Commission de gestion du Conseil national exige que le Conseil fédéral élabore une méthodologie pour l’élaboration des études de durabilité. Cependant, l’objectif n’a pas encore été atteint, déclare la scientifique : “Le processus est hésitant. Plusieurs études de différents mandataires sont actuellement sur la table, qui révèlent différentes perspectives et appliquent différentes méthodes et qui soit légitiment l’accord, soit le remettent en question. Bien que ces études aident à mieux comprendre le contenu de l’accord et ses conséquences possibles, elles arrivent trop tard, car le dossier est déjà clos. L’objectif des analyses d’impact serait plutôt de générer des informations en temps utile et de permettre ainsi aux acteurs concernés de s’impliquer dans le processus. Les analyses devraient permettre de répondre à des questions telles que les suivantes : Quel est le processus lancé par l’accord? Comment l’accord pourrait-il être formulé de manière à prendre en compte non seulement les intérêts économiques, mais aussi les objectifs environnementaux et sociaux ? L’objectif devrait être un accord qui ne se contente pas de consolider le statu quo, mais l’améliore – par exemple en accordant des préférences tarifaires aux produits qui répondent à certaines normes ou aux produits transformés – couplé à un soutien financier pour renforcer le processus de transformation dans le pays partenaire”.

Proto-étude d’impact sur les droits humains d’Alliance Sud

En clair : un tel accord renforcerait encore davantage la situation existante, qui voit les pays du Mercosur exporter des matières premières à faible valeur ajoutée – avec un impact plus ou moins important sur la déforestation – et importer des produits industriels et des services. Sans compter le renforcement des droits de propriété intellectuelle habituellement prévu par ce genre d’accords, qui rendrait plus difficile l’accès aux semences et aux médicaments, et d’autres problèmes relatifs aux droits humains, comme l’a montré la proto-étude d’impact [1]mandatée par Alliance Sud.

Avec cette étude, Alliance Sud a voulu montrer qu’il existe à la fois une méthodologie et les données nécessaires à une analyse des droits humains. Il appartient maintenant au SECO d’en développer une lui-même ou d’utiliser notre étude. Et d’inclure la question des droits humains et du développement social ainsi que les questions environnementales – parce que c’est cela le développement durable. Avant que le débat ne commence au Parlement et en public, l’impact de cet accord sur les populations des pays du Mercosur doit être connu. Après tout, l’Argentine et le Brésil sont parmi les pays les plus touchés par la pandémie de coronavirus et un accord ne devrait pas aggraver une crise économique et sociale déjà dramatique. Ce serait l’occasion de compléter et d’améliorer l’accord par des dispositions innovantes. Ou de le rejeter.

[1] Caroline Dommen: Blueprint for a Human Rights Impact Assessment of the Planned Comprehensive Free Trade Agreement Between EFTA and Mercosur; A Study commissioned by Alliance Sud, January 2020.


Cet article a été publié par Global, le magazine d’Alliance Sud

La gauche brésilienne mobilisée contre l’accord Mercosur – Suisse

Photo: Rio de Janeiro © Isolda Agazzi

De passage en Suisse, deux députées brésiliennes dénoncent la politique du président Jair Bolsonaro en faveur de l’agro-business et des projets miniers, que l’accord de libre-échange avec l’AELE va renforcer, selon elles. La libération de l’ancien président Inacio Lula da Silva pourrait redynamiser l’opposition, tout comme les soutiens extérieurs, dont le Synode sur l’Amazonie.

«Le gouvernement brésilien ne donne aucune information sur l’accord de libre-échange avec l’AELE [dont la Suisse est membre], contrairement au gouvernement précédent», se désolait Marilene Alves de Souza (Leninha) la semaine passée à Berne, invitée par l’EPER (l’Entraide protestante suisse). Cette députée du Parti des Travailleurs (PT) de l’Etat fédéral de Minas Gerais préside la commission des droits humains et travaille depuis vingt ans avec les petits paysans et les communautés locales. «Depuis l’entrée en fonction de Jair Bolsonaro en janvier 2019, 290 pesticides toxiques, pour la plupart interdits en Europe, ont été autorisés, afin d’augmenter la production agricole pour le marché international. Cela se fait au détriment des terres des groupes traditionnels, dont les quilombolas et les autochtones, et crée beaucoup de conflits. Des autochtones sont assassinés, le dernier en date étant un chef Wajapi le 23 juillet. »

«Tout cela profite aux pays du Nord et aux grands producteurs brésiliens, les seuls qui exportent. La sécurité alimentaire du pays et notre nourriture sont assurées par les petits paysans », ajoute Andreia de Jesus, députée du PSOL du même Etat fédéral et co-présidente de la même commission.

Marilene Alves de Souza (Leninha) (gauche) et Andreia de Jesus (droite)

Pesticides et déforestation pour augmenter les exportations

Les deux élues renchérissent : la déforestation a atteint des niveaux inégalés, dans le but de gagner de nouvelles terres pour produire davantage de viande pour l’exportation. « Cette année, les incendies ont augmenté de 82% pour atteindre 71’000 départs de feu, dont 52% en Amazonie et 31% dans la savane, détaillent-elles. Cet accord de libre-échange et celui avec l’Union européenne vont signer l’arrêt de mort de l’environnement et des droits humains.»

Le président Jair Bolsonaro a arrêté le versement de 72 millions USD par l’Allemagne et la Norvège au Fonds pour l’Amazonie. Les acteurs étrangers regrettent qu’en dix mois qu’il n’y ait plus d’interlocuteurs, ni de politique, en matière de climat, de santé, d’agriculture paysanne et de peuples autochtones.

L’Etat de Minas Gerais, deuxième utilisateur de pesticides du Brésil, exporte de la viande, du café et des produits miniers vers l’Europe. Ces trois produits peuvent compter sur un lobbying très puissant au parlement et sur des connivences étroites entre les grands producteurs et les politiciens, qui ont eu raison des tentatives des deux députées de limiter l’utilisation de pesticides.

Fin du monopole sur la vente d’armes

Andreia de Jesus ne mâche pas ses mots : « La politique de Jair Bolsonaro est une continuation du coup d’Etat contre Dilma Roussef. Il veut ouvrir le monopole des armes, réservé jusqu’à présent aux fabricants brésiliens, ce qui va renforcer la vente illégale d’armes aux milices. Les assassinats ont beaucoup augmenté depuis qu’il est au pouvoir, en ville et dans les zones rurales. L’accord de libre-échange va encourager cette politique et ouvrir encore davantage le marché des armes, des pesticides, des semences transgéniques et des produits pharmaceutique. Ce sera la désindustrialisation du Brésil ».

Selon les chiffres officiels, en 2018 la Suisse a exporté pour 12 millions CHF d’armes au Brésil.

L’autre bête noire de la députée du PSOL, c’est l’extraction minière. Premièrement parce qu’elle n’est pas taxée. Ensuite à cause des nombreux accidents survenus ces quatre dernières années, dont la rupture du barrage minier de Vale à Brumadinho, le 25 janvier. Les familles des 300 victimes n’ont toujours pas été indemnisées, affirme-t-elle, et le plus grand producteur de minerai de fer au monde peut continuer à l’extraire et l’exporter en toute impunité.

Lula, rassembleur de la gauche à nouveau ?

« Nous devons mobiliser la société contre les accords de libre-échange avec l’UE et l’AELE et créer des alliances au niveau international, lance Leninha. La récente libération de Lula peut nous aider à faire bloc contre Jair Bolsonaro. C’est une figure charismatique, reconnue au niveau international, qui peut rassembler les noyaux de résistance de la société brésilienne et soutenir les campagnes internationales, comme celle contre les  pesticides toxiques. Un grand rassemblement du PT va avoir lieu fin novembre pour préparer les élections municipales de 2020, qui seront notre premier banc d’essai»

Pour les deux députées, le Synode sur l’Amazonie, organisé par le pape François fin octobre à Rome, auquel ont participé beaucoup d’autochtones, « a été très important pour la gauche». En l’absence de prêtres, les laïcs membres de la communauté sont désormais autorisés à administrer les sacrements dans les coins les plus reculés d’Amazonie. « Ce sont des régions ou les églises pentecôtistes, qui soutiennent fortement Bolsonaro, sont très présentes, relève Uli Ide, responsable de la thématique développement durable pour l’Amérique latine chez l’EPER et basé au Brésil. Cette nouvelle pastorale permet à l’Eglise catholique d’accéder aux indigènes, aux pêcheurs et aux communautés reculées et de les écouter. Cet été, lors des incendies, le pape a pris des positions très fortes sur le Brésil. Il a été très critiqué par le gouvernement à cause du synode sur l’Amazonie et par Jair Bolsonaro lui-même, qui dit que les églises ne doivent pas faire de politique ».

« L’accord de libre-échange avec le Mercosur va dans le mur »

Photo: troupeau de zébus au Brésil © Isolda Agazzi

L’accord de libre-échange avec le Mercosur soulève des questions. Les personnes touchées sur le terrain craignent que l’agro-industrie ne prenne encore plus de pouvoir. Et de mauvaises perspectives pour leurs droits humains

« Qu’est-ce qu’on vise avec les accords de libre-échange? De qui défend-on les intérêts ? Ces accords partent du principe que ce qui profite aux plus forts profite à tout le monde, pourtant malgré la croissance économique les inégalités augmentent. Les études d’impact sur les droits humains, que les défenseurs réclament depuis vingt ans, contribuent à mettre le doigt sur les zones à risque pour éviter les effets négatifs, ou pour y remédier par des mesures complémentaires », nous explique Caroline Dommen. Cette spécialiste des questions de commerce et droits humains est en train de finaliser une « proto » étude d’impact de l’accord de libre-échange avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) pour le compte d’Alliance Sud.

A ce jour il existe une douzaine d’études d’impact des accords commerciaux, en plus de celles de l’Union européenne. « Notre étude met l’accent sur la consultation des parties prenantes, précise la consultante et elle ne prétend pas être exhaustive: on se focalise sur les principaux droits humains considérés à risque par les organisations consultées.» Celles-ci ont répondu à un questionnaire en ligne et certaines ont participé à une réunion à Buenos Aires en avril, co-organisée par Alliance Sud.

70% des sondés considèrent que l’impact du libre-échange sur les droits humains est négatif (0% considèrent l’impact positif). Surtout pour les populations vulnérables, à savoir les pauvres, les autochtones, les petits paysans, les travailleurs du secteur informel et des secteurs industriels sensibles et les personnes âgées. Mais aussi pour les petites et moyennes entreprises.

L’agriculture industrielle, talon d’Achille du Mercosur

« Les accords commerciaux Nord-Sud sont asymétriques et ne protègent pas les droits humains dans les pays périphériques », assène un participant. Pour inverser la tendance, il faudrait  la pleine participation de toutes les parties prenantes aux instances de prise de décision, à commencer par les communautés locales.

« Compte tenu de l’absence d’études d’impact et du manque d’informations dû à l’opacité des négociations, l’accord aboutira à un échange inégal où le Mercosur exportera essentiellement des matières premières à faible valeur ajoutée. Au lieu de cela, il faudrait promouvoir l’agriculture familiale et la transformation des produits sur place pour augmenter les revenus et en assurer une répartition plus équitable », affirme une personne sondée.

Pour les participants à la consultation, l’agriculture est le talon d’Achille du modèle de développement du Mercosur, et l’accord ne fera que le renforcer. « Les modes de consommation dans les pays du Sud sont de moins en moins adéquats, assène une autre participante. Chez nous, on trouve des aliments agro-industriels bon marché et de mauvaise qualité, alors que les aliments sains sont de plus en plus rares. Il faut appliquer des restrictions à ce type d’approvisionnement, subventionner l’agro écologie, promouvoir le droit à la terre et la commercialisation d’aliments sûrs, exempts d’agro toxines et issus de l’agriculture familiale. »

Un autre participant est moins négatif : « Le problème principal est lié à la pression sur les terres des communautés locales, qui se trouvent actuellement dans une situation de vulnérabilité juridique. Mais je crois que l’accord peut créer des emplois plus stables que ceux offerts actuellement par l’agro-industrie, à condition de respecter les droits des populations autochtones. » L’accaparement des terres est un problème majeur car « il conduira à une plus grande expulsion des petits paysans et des populations autochtones, les privant ainsi de leurs sources de vie. »

 Changer la matrice productive des pays du Mercosur

Pour d’autres sondés, il faudrait modifier ni plus ni moins la matrice productive des pays du Mercosur, qui repose actuellement sur l’exportation de matières premières (agro-négoce) et l’extractivisme des produits miniers. Au lieu de cela, il faudrait l’orienter vers la fabrication de biens d’équipement, de produits manufacturés à faible ou moyenne complexité, de produits scientifiques et technologiques pour le développement du savoir et les exporter sous forme de services. Tout cela générerait de la richesse en recomposant une économie aujourd’hui “refroidie” par la récession, l’ajustement fiscal et l’inflation, et mettrait en mouvement le marché intérieur en générant de l’emploi –  « notre principale préoccupation aujourd’hui. »

Plusieurs participants s’inquiètent de la tendance à la destruction d’emplois dans les petites et moyennes entreprises, qui sont pourtant le moteur de l’activité économique dans le Mercosur. Un autre pense que l’accord va augmenter la précarité du travail. Citant le cas de l’ALENA (l’accord de libre-échange nord – américain, récemment renégocié), il indique que l’industrie mexicaine a été affectée par une réduction des salaires et un abaissement des normes du travail. « L’AELE pourra exporter des produits manufacturés hors droits de douane, qui mettront sous forte pression l’industrie locale naissante ».

Menaces sur le droit à la santé

Les organisations consultées craignent aussi que l’accord ne limite la capacité des États à prendre des mesures pour protéger l’environnement, la santé publique et assurer le droit à l’eau, les droits des peuples autochtones et les droits des travailleurs, comme la hausse du salaire minimum.

Mais le principal souci des participants, surtout vis-à-vis de la Suisse, est le renforcement des droits de propriété intellectuelle généralement prévu par ces accords. Car le prolongement de la durée des brevets au-delà de 20 ans et des conditions plus strictes pour la commercialisation des génériques risquent de faire augmenter le prix des médicaments et de réduire la disponibilité des traitements médicaux, mettant ainsi en péril le droit à la santé.

Le renforcement des droits de propriété intellectuelle pourrait menacer aussi l’accès des petits paysans aux semences.


La modification de la Loi de semences en Argentine

Ce n’est pas une crainte infondée : en Argentine, le gouvernement essaie depuis des années de modifier la Loi de semences, appelée aussi Monsanto – Bayern (ils auraient pu ajouter la bâloise Syngenta qui, depuis sa fusion avec Chem China, est devenue l’une des quatre multinationales qui contrôlent 60% des semences dans le monde). Le but est de limiter « l’utilisation propre », à savoir le droit des paysans d’utiliser, sauvegarder, reproduire et utiliser des semences. Jusqu’à présent les organisations de la société civile, fortement mobilisées, ont réussi à bloquer la modification de la loi. Elles dénoncent une légalisation de la «bio piraterie », à savoir le vol des semences des communautés paysannes et autochtones au profit des entreprises biotechnologiques et agro-industrielles.

Pour Tamara Perelnuter, une chercheuse de l’Université nationale de Saint José, « l’enjeu est vital. Avec plus de la moitié de ses terres arables plantées en semences transgéniques, l’Argentine est un lieu stratégique pour analyser les conflits autour de l’appropriation des semences. Il s’agit de discuter du modèle agraire et, par conséquent, du projet du pays (…) Il  serait urgent d’avancer dans les politiques de transition vers un autre modèle agroalimentaire basé sur l’agro écologie, qui définit l’axe de la production d’aliments sains et culturellement appropriés, dans le respect de la biodiversité et des ressources naturelles, qui sont des biens communs de toute l’humanité. »

Le gouvernement libéral de Mauricio Macri veut faire passer la modification de la Loi de semences avant la fin de l’année (et de son mandat). Le renforcement des droits de propriété intellectuelle probablement prévu par l’accord avec l’AELE lui ouvre une voie royale, au détriment de la souveraineté alimentaire et du changement de paradigme invoqué par la société civile du Mercosur.


Une vesion de cet article a d’abord été publiée par Global, le magazine d’Alliance Sud

La société civile du Mercosur rejette l’accord avec l’UE

Le 28 juin, l’UE et le Mercosur annonçaient la conclusion d’un accord de libre-échange dont les négociations auront duré 20 ans. Les paysans et les écologistes européens sont loin d’être les seuls à s’y opposer : les syndicats, ONG, mouvements sociaux et intellectuels latino-américains le rejettent aussi fermement.

Contrairement à ce que laisse trop souvent entendre la presse européenne, les paysans et défenseurs de l’environnement de l’UE ne sont pas les seuls à s’opposer à l’accord de libre-échange signé vendredi passé. Si les gouvernements du Mercosur (Argentine, Uruguay, Paraguay et Brésil) saluent un succès diplomatique, la société civile de la région le rejette fermement et se mobilise pour empêcher sa ratification. Car, rappelle-t-elle, cet accord va bien au-delà de l’exportation facilitée vers l’UE de viande et soja – dont le prix sur le marché international ne cesse d’ailleurs de baisser.

Dans une pétition en ligne relayée par la Plataforma America Latina mejor sin TLC, des intellectuels et universitaires argentins critiquent le fait que l’accord ait été négocié dans le plus grand secret et sans qu’aucune étude d’impact préalable n’ait été effectuée par l’Argentine. Maintenant que les grandes lignes du texte sont connues, ils affirment que, bien que dénommé « accord de libre-échange », ce traité va au-delà des frontières pour empiéter sur des politiques nationales souveraines, comme les droits de propriété intellectuelle, les services, le secteur financier, les indications géographiques et les politiques gouvernementales. Il limite la capacité des Etats à réguler dans l’intérêt public et il va avoir un impact particulièrement négatif sur les services de base tels que la santé, l’éducation et l’eau potable, affectant principalement les femmes et les secteurs les plus vulnérables de la société.

Marchandisation de la santé par le renforcement des droits de propriété intellectuelle

Selon la Coordinadora de Centrales sindicales del Cono Sur, la puissante faîtière qui regroupe les 20 principales centrales syndicales de la région, l’accord « signe l’arrêt de mort de notre industrie, de l’emploi décent et du travail de qualité », notamment dans la technologie, le système maritime et fluvial, les œuvres publiques, les marchés publics, les laboratoires médicaux, l’industrie automobile et les économies régionales (surtout celles liées à l’huile d’olive, aux vins et aux produits laitiers). Ce à cause de la baisse des droits de douane dans des secteurs industriels stratégiques, qui vont rendre l’importation de produits manufacturés européens moins chers, au détriment de la production locale. En cause aussi la libéralisation des marchés publics, qui permettra aux entreprises européennes de participer aux appels d’offre sur un pied d’égalité avec les entreprises locales. Ces dernières, dont beaucoup de PME, ne sont souvent pas (encore) compétitives. Jusqu’à présent elles étaient protégées par des droits de douane pouvant aller jusqu’à 35%, que l’accord vise à démanteler progressivement. Au grand dam de l’industrie et de l’emploi local.

Dans un communiqué intitulé « Notre santé n’est pas négociable», le Grupo Efectos Positivos met en garde contre l’impact sur la santé du renforcement des droits de propriété intellectuelle prévus par l’accord, qui vont au-delà des dispositions de l’OMC. Il prévoit notamment une prolongation de la durée des brevets au-delà de 20 ans et la protection des données test, qui vont rendre plus longue et onéreuse la production et commercialisation de médicaments génériques.

Les problèmes de l’accord avec l’AELE sont les mêmes

Lors d’une journée continentale, les mouvements sociaux de la région ont rejeté l’accord de libre-échange avec l’UE au nom du droit à réguler, à protéger les industries naissantes et à exiger le transfert de technologies. A leur tour, elles ont dénoncé la libéralisation des marchés publics, la marchandisation du droit à la santé et la dérégulation des services.

Pour le sénateur argentin Fernando Solana, « l’accord Mercosur-UE confirme une politique qui viole notre production et notre souveraineté économique. C’est un jour noir pour les intérêts nationaux ».

L’Association européenne de libre-échange (AELE), dont la Suisse est membre, négocie un accord de libre-échange avec le Mercosur depuis deux ans. L’UE et l’AELE étant en compétition constante, les négociations pourraient aboutir très prochainement. Les problèmes que cet accord pose du point de vue du développement sont les mêmes que celui avec l’UE.

 

 

« Etre le grenier du monde n’est pas une affaire »

Photo: Boucherie à Buenos Aires © Isolda Agazzi

Les négociations de l’accord de libre-échange avec l’UE suscitent une levée de bouclier dans les pays du Mercosur, où la société civile craint une perte d’emplois industriels et le renforcement d’une économie basée sur l’exportation de matières premières. L’accord avec l’AELE, dont la Suisse, pose les mêmes problèmes.  

Le moins que l’on puisse dire est que les négociations de l’accord de libre-échange entre l’AELE (Association européenne de libre-échange) et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) ne sont pas sur le radar de la société civile de ces pays. La plupart des associations et syndicats ne savent même pas que ces négociations, lancées l’année passée dans la plus grande opacité, ont lieu. Si la visite d’une délégation amenée par Johann Schneider – Amman en mai 2018 a donné un petit coup de projecteur, la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein sont bien trop petits pour faire la une de la presse locale.

Par contre, les négociations avec l’UE, qui remontent au siècle dernier, suscitent une opposition farouche des syndicats de travailleurs, des ONG, des parlementaires, mais aussi des syndicats patronaux. Lancées en 1995, bloquées entre 2004 et 2010, elles ont pris un nouvel essor avec l’arrivée au pouvoir de gouvernements libéraux dans la région, il y a quelques années. Bien que les deux négociations soient secrètes, à l’exception de quelques fuites pour celles avec l’UE, nous savons par expérience qu’elles contiennent à peu près les mêmes dispositions. Les craintes de la société civile du Mercosur valent donc aussi pour l’accord avec l’AELE.

Buenos Aires, La Boca © Isolda Agazzi

Pas d’études d’impact sur les secteurs sensibles

La Coordinadora de Centrales Sindicales del Cono Sur (LA représentante du syndicalisme dans  le Mercosur) et la Confédération européenne des syndicats, dénoncent un accord asymétrique entre des pays aux niveaux de développement inégaux, et sans traitement spécial et différencié pour les moins développés. Elles regrettent l’absence d’études d’impact sur les secteurs sensibles, qui permettraient d’évaluer les mesures nécessaires à la protection de la production et à l’accompagnement des emplois délocalisés et transformés. Car la baisse des droits de douane, trop drastique et rapide, risque de mettre à mal les politiques industrielles et commerciales des pays du Mercosur, dont les industries ne sont pas assez compétitives pour faire face aux importations à moindre coût en provenance de l’UE et de la Suisse et ont encore besoin d’être protégées.

Une requête portée aussi, en Suisse, par Alliance Sud et Public Eye, exprimée par la Commission de gestion du Conseil national, mais à laquelle le Conseil fédéral oppose un refus catégorique, comme il l’a réitéré dans sa réponse à l’interpellation de Maya Graf, où il concède tout au plus une étude d’impact sur quelques secteurs environnementaux sensibles.

Petites et moyennes entreprises à risque

Les centrales syndicales argentines rejettent à leur tour l’accord avec l’UE, qui signerait l’arrêt de mort de l’industrie nationale. Elles affirment qu’il aurait un impact négatif sur la production nationale en général et sur certains secteurs stratégiques en particulier, tels que la technologie, le transport maritime et fluvial, les travaux publics, les marchés publics, les laboratoires médicaux, l’industrie automobile et les économies régionales. Elles dénoncent aussi l’insuffisance des mesures de promotion et protection des PME.

La Suisse lorgne l’immense marché du Mercosur, qui compte 275 millions de consommateurs et est encore relativement protégé. Les droits de douane sur les produits industriels y sont de 7% en moyenne, mais ils peuvent aller jusqu’à 35%. Elle espère augmenter surtout ses exportations de produits chimiques, pharmaceutiques et de machines.

Plus étonnant, dans une rare position commune, les centrales industrielles du Mercosur (syndicats patronaux) ont adopté une déclaration très dure qui demande la transparence des négociations, des conditions pour permettre aux secteurs affectés de s’adapter aux nouvelles réalités et un accord équilibré, qui reconnaisse la différence de développement entre les parties.  Elles demandent une « clause de développement industriel » et la sauvegarde de différents instruments de protection de l’emploi.

Dans une tribune intitulée « Etre le grenier du monde n’est pas une affaire », Julio René Sotelo, un élu argentin du Parlement du Mercosur, remet en question la logique même de cet accord, qui ferait du Mercosur un exportateur de denrées agricoles, au détriment d’une production industrielle indigène – dans la seule Argentine, l’accord avec l’UE mettrait à risque 186’000 emplois industriels. Il dénonce aussi la perte de souveraineté et le risque que cet accord fait peser sur l’intégration régionale.

Dans un pays à l’inflation galopante – il fallait 19 pesos argentins pour 1 USD fin 2017, il en faut presque 40 aujourd’hui -, où les produits importés deviennent tous les jours un peu plus chers, il est urgent de développer une industrie nationale pour ne pas dépendre des importations.

Agro-industrie au détriment des petits paysans

Dans une tribune publiée en février 2018, des ONG régionales renchérissent : l’accord avec l’UE (et l’AELE) profiterait surtout aux élites agro-exportatrices du Mercosur, qui cherchent à renforcer les exportations basées sur le bétail industriel et le soja. « Si l’accord est signé, il approfondira les problèmes que l’agro-industrie est déjà en train de produire dans la région : déforestation, expulsion des paysans, pollution du fait des agro toxines, destruction des économies régionales, perte de souveraineté alimentaire et vulnérabilité alimentaire croissante. Les paysans et les petits agriculteurs familiaux produisent la majeure partie de la nourriture dans la région. Le modèle imposé par l’accord favorise le contrôle territorial par l’industrie agroalimentaire et approfondira la violence, la criminalisation et la persécution que subissent, aujourd’hui, les communautés paysannes dans toute la région », dénoncent-elles.

Les syndicats du Mercosur craignent aussi que l’adoption de règles d’origine flexibles entraîne la délocalisation de la production dans des pays tiers où les droits du travail ne sont pas respectés. Ils dénoncent la déréglementation de services stratégiques, dont les services publics et le renforcement des droits de propriété intellectuelle, qui rendront plus longue, difficile et onéreuse la commercialisation de médicaments génériques.

Buenos Aires, La Boca © Isolda Agazzi

Mise sur le marché des génériques retardée

Ce n’est pas une crainte infondée, comme en a fait l’amère expérience un pays voisin, la Colombie. Il y a quelques années, le Seco a contesté l’intention de Bogota de commercialiser un générique du Glivec, un anti-cancéreux produit par Novartis, en raison des accords de libre-échange et d’investissement. Or la Suisse dispose déjà d’accords de protection des investissements avec l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay – pas avec le Brésil, qui n’a signé ce genre d’accord avec aucun pays. La prolongation des droits de propriété intellectuelle au-delà du délai de 20 ans prévu par l’OMC faciliterait le dépôt de plaintes d’entreprises suisses contre ces pays.

Les accords de libre-échange prévoient aussi d’habitude l’adhésion à la Convention UPOV 91, qui rend beaucoup plus difficile l’échange et l’utilisation des semences par les paysans, entraînant une privatisation accrue des semences dans des pays où par ailleurs les OGM sont déjà largement implantés.

Finalement, les entreprises européennes et suisses vont avoir accès aux appels d’offre des entreprises publiques du Mercosur. Celles-ci, à leur tour, devront être gérées comme des entreprises commerciales et s’ouvrir à la concurrence étrangère, perdant leur fonction de réglementation étatique.

Comme le résume l’économiste argentin Claudio dalla Croce, les associations de producteurs, ONG, syndicats, associations patronales, académiciens, mouvements sociaux, politiciens et parlementaires ont empêché, pour l’instant, la signature d’un accord (avec l’UE) très défavorable au Mercosur. On verra qui, de l’AELE ou l’UE, réussira à conclure les négociations. Peut-être ni l’une ni l’autre.


Cet article a d’abord été publié dans Global, le magazine d’Alliance Sud

A qui profite l’accord de libre-échange avec le Mercosur?

Photo: Manifestation de rue à Buenos Aires, décembre 2017

Mettre l’agriculture sous pression pour gagner des parts de marché en Amérique latine : tel est le dilemme actuel de la politique commerciale de la Suisse. Mais du point de vue du développement durable l’accord avec le Mercosur pose des questions beaucoup plus larges.

Economiesuisse contre l’Union suisse des paysans. Ce sont les deux principales voix qu’on entend dans le débat sur la négociation en cours de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur – Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay. La Suisse veut augmenter ses exportations, notamment de produits chimiques, pharmaceutiques et de machines, vers cet énorme marché de 275 millions de consommateurs, encore relativement protégé : les droits de douane sur les produits industriels y sont de 7%, mais ils peuvent aller jusqu’à 35%. En échange, ces géants de l’agrobusiness demandent à la Confédération des efforts encore jamais consentis auparavant dans une négociation commerciale en termes de baisse des droits de douane sur les produits agricoles. Selon l’Union suisse des paysans, les produits les plus sensibles sont la viande rouge, le poulet et le sucre.

Or il serait bon de prendre un peu de hauteur et de situer les principaux enjeux de cette négociation dans un cadre de développement durable, tel que défini par l’Agenda 2030 des Nations Unies.

Certes, l’exportation de produits agricoles est très importante pour les pays en développement. Actuellement, 80% des importations agricoles en Suisse proviennent de l’UE et des Etats-Unis. 20% seulement viennent des pays en développement, dont 10% d’Amérique latine. Les principaux produits importés sont le café, les bananes, le riz, l’huile de tournesol, l’huile de palme, les noix, l’huile de coco, la vanille et l’huile d’arachide.

Mais pour qu’une politique agricole commerciale fasse du sens du point de vue du développement, il faut qu’elle réduise la pauvreté et les inégalités et qu’elle protège le climat global et l’écologie locale. Le but devrait donc être la production paysanne durable du point de vue écologique et social.

Or, quel est le principal produit d’exportation du Brésil, de l’Argentine et du Paraguay au niveau mondial? Le soja (10% pour le Brésil, 30% pour l’Argentine en comptant ses produits dérivés, 35% pour le Paraguay en comptant ses produits dérivés). Pour l’Uruguay c’est la viande bovine (plus de 30% ; 13% pour le Paraguay). Il s’agit essentiellement de monocultures industrielles qui entraînent les dégâts climatiques, l’érosion des sols et l’accaparement des terres  – exactement le contraire d’une politique agricole sensée du point de vue du développement.

Les ONG locales s’opposent à l’intensification de cette politique agricole qu’entraîneraient les accords de libre-échange, car elle profite à quelques élites et menace les petits paysans – pourtant les principaux producteurs de l’agriculture vivrière – et la souveraineté et sécurité alimentaire de ces pays.

Que demande la Suisse (et l’Union européenne, dans une négociation à part) aux pays du Mercosur? Notamment de baisser les droits de douane sur les produits industriels. Or, ceux-ci ne tombent pas du ciel. Ils sont l’instrument d’une politique industrielle ciblée qui vise à protéger les industries locales jusqu’à ce qu’elles soient compétitives au niveau international. Localement les résistances aux accords de libre-échange en cours de négociation sont nombreuses. En Argentine, les principales centrales syndicales (la Central de Trabajadores de Argentina CTA et la Confederacion General del Trabajo CGT)  s’y opposent, de même que les syndicats d’entreprises (surtout des petites et moyennes entreprises) Confederacion Empresaria de la Republica de Argentina (Cgera) et l’Asociation de Industriales Metalurgicos de la Republica de Argentina (Adimra).

Ils craignent des pertes d’emploi, l’accès des entreprises européennes et suisses aux marchés publics locaux, l’obligation pour les entreprises d’Etat de fonctionner comme des entreprises commerciales strictes, ce qui limiterait leur capacité à influencer la promotion de certains secteurs de production.

Tout cela alors que l’Argentine doit déjà faire face à une profonde crise sociale, comme le montrent les manifestations et grèves à répétition. En décembre, en marge de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce, de nombreuses ONG et mouvements sociaux ont manifesté contre l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, donné comme étant à bout touchant. Il n’a finalement pas abouti. Pour l’instant.