Photo: Sonia Shah au Soudan
Sonia Shah, Kényane d’origine indienne de 46 ans, sillonne l’Afrique toute seule depuis deux ans. Sac au dos, se déplaçant toujours en bus, elle a déjà visité une quinzaine de pays et n’a fait (presque) que des expériences positives. Un manifeste au dépassement de soi, de son genre, de son âge et de ses barrières culturelles. Et une ode à un continent mal connu
Elle a fêté son 46ème anniversaire près de Port Soudan, là où a été tourné The Read Sea Diving Resort, le film qui raconte l’histoire de l’exfiltration de milliers de Juifs éthiopiens par le Mossad au début des années 1980, transférés en secret dans un hôtel de la mer Rouge. Une fête à son image, dans un endroit reculé et romanesque, avec ses nouveaux amis soudanais : Sonia Shah, Kényane d’origine indienne, sillonne l’Afrique toute seule depuis deux ans. Ouganda, Tanzanie, Namibie, Botswana, Zimbabwe, Mozambique, Zambie, Malawi, Burundi, Rwanda, Sud-Soudan, Soudan, Égypte… Avec un petit budget, en bus ou en auto-stop – sauf quand la fermeture des frontières terrestres l’oblige à prendre l’avion – et toujours au plus près des gens, cette aventurière en a fait du chemin depuis notre rencontre en Tanzanie, l’année passée !

Démarche d’émancipation féminine
« Je suis dans une démarche d’émancipation féminine, lance-t-elle au téléphone, lorsque nous arrivons enfin à la joindre entre deux plongées à Dahab, en Egypte. Beaucoup de femmes pensent qu’après un certain âge la vie s’arrête, mais ce n’est pas le cas. Peu de femmes de mon âge voyagent en solo, mais je leur dis : vous n’êtes jamais trop vieilles pour faire ce que vous aimez ! »
Une autre barrière se dressait sur sa route et non des moindres : « Dans ma culture indienne d’origine, ce n’est pas acceptable qu’une femme voyage seule, mais j’ai décidé de briser les normes. Au début, c’était difficile, mais maintenant cela va un peu mieux. Ne laissez pas les normes sociales et culturelles faire obstacle à votre passion ! » s’enflamme la pétillante célibataire sans enfants, qui a esquivé un mariage arrangé.

Prendre sa retraite à 44 ans pour découvrir le monde
Cette battante avait un but dans la vie : prendre sa retraite à 44 ans et voyager. Et elle s’est donné les moyens de l’atteindre. Elle a travaillé en Arabie Saoudite pendant cinq ans comme professeur d’anglais, cumulant deux emplois à plein temps pour 75 heures par semaine, sept jours sur sept. Cette volonté de fer lui a permis de mettre de l’argent de côté, qu’elle a placé dans des obligations du gouvernement kényan. « Ma vie est riche, mais financièrement je dois gérer mon budget au plus près, précise-t ’elle. Je ne peux pas me permettre de dépenser 40 USD pour un hôtel ; mais dès que je descends du bus, les chauffeurs de taxi s’approchent et me proposent facilement des auberges à 10 – 15 USD la nuit. »
A l’origine, elle voulait aller en Amérique latine, mais le covid est passé par là et elle a dû changer ses plans. En octobre 2020, en pleine pandémie, elle part en Ouganda « Etant moi-même originaire d’Afrique de l’Est, le continent africain ne m’intéressait pas particulièrement, je pensais que ce serait partout pareil. Mais je me suis trompée et c’est ce qui rend mon voyage si spécial : il y a toujours des surprises, les mentalités, les cultures et les paysages sont tellement différents ! L’hospitalité, la gentillesse des gens, la diversité de l’Afrique sont inimaginables et malgré les conflits et les problèmes, les voyages ont enrichi mes connaissances et changé ma perception » s’exclame-t-elle.
Quand on lui demande quel pays lui a le plus plu, elle hésite…Si le Rwanda l’a un peu déçue en termes de paysages, elle admire la façon dont le président a su le remettre sur pied après le génocide. « Les gens ont des opinions différentes sur la question, mais c’est admirable et les villes rwandaises sont plus propres que Londres et certaines villes européennes ! »

L’Egypte et la loi de l’attraction
Finalement, c’est peut-être l’Egypte qui l’a séduite le plus, alors même qu’elle en avait un apriori négatif. « J’avais une mauvaise image de ce pays parce qu’on me disait de faire attention, avoue-t-elle. Mais j’ai décidé de changer cela. Lorsque j’avais trente ans j’ai commencé à lire des livres sur la façon d’attirer les choses positives et je crois à la loi de l’attraction : j’ai commencé à me répéter que les gens sont gentils, honnêtes avec moi et de fait, ils ont presque tous été incroyables. Certains ont refusé que je paie, d’autres m’ont couru après pour me rendre la monnaie, des chauffeurs de taxi ont insisté pour me conduire gratuitement quelque part, des gens m’ont offert une tasse de thé, d’autres m’ont invitée à leur mariage».
Elle reconnaît avoir fait quelques rares expériences négatives : au Rwanda, qui est censé être l’un des pays les plus sûrs d’Afrique, on lui a volé des milliers de dollars à l’auberge de jeunesse. Au Sud Soudan, où elle voulait se rendre chez des tribus d’éleveurs sur des îles très reculées, elle est tombée sur un guide peu scrupuleux… « Mais cela fait partie de ma courbe d’apprentissage ; maintenant je sais que je dois toujours écouter mon instinct et m’éloigner des personnes négatives, relativise-elle. Dans l’ensemble, cela a été une bonne expérience car lorsque quelque chose de mal arrive, beaucoup de bien vient compenser. La positivité attire les situations positives.”

La force du voyage en solitaire, en tant que femme
N’est-il pas risqué de voyager toute seule ? Elle affirme ne pas avoir eu de problèmes particuliers, « peut-être parce qu’elle n’est pas blonde », à l’exception d’un petit incident avec un jeune soldat en Egypte, qu’elle a pu régler par le dialogue. Elle publie des post sur FB pour montrer que l’Afrique est belle et sûre. « Beaucoup de gens me disent qu’ils sont étonnés, mais je pense qu’ils projettent leur propre peur. J’ai été arrêtée par la police au Mozambique, dans la zone de Cabo Delgado [théâtre d’attaques djihadistes] mais ce n’était pas effrayant comme le pense ma belle-sœur ! L’important est d’établir un rapport avec les gens. Mais je sais que certaines femmes voyageant solo ont fait de mauvaises expériences, ce n’est pas pour tout le monde »
Alors aucun regret ? Ne se sent elle jamais seule ? « Non, aucun regret. Je ne souffre jamais de la solitude, peut-être parce que je réalise un rêve que j’avais depuis longtemps. Mais aussi parce que j’ai découvert tellement de liberté et de paix à être capable de voyager seule… De plus, je vois trop de gens passer à côté de la beauté du monde parce qu’ils ne trouvent personne avec qui voyager. La vie est trop courte pour attendre les autres ! »
Quelles sont les prochaines étapes de cette aventure ? Israël, ensuite peut-être Oman, après retour en Afrique, peut-être la Tunisie et l’Afrique de l’Ouest… « Le monde a tant de moments incroyables à offrir qu’on ne peut pas passer à côté ! » conclut Sonia Shah, lumineuse exploratrice du monde, des gens et d’elle-même. Dans la plus pure tradition des grands voyageurs et des femmes qui leur ont emboîté le pas.
Une version de cette chronique a été publiée dans l’Echo Magazine
Mme Isolda Agazzi, merci de noter la publication du livre intitule “Lumineuse Afrique” publie en trois tomes par Herve Assah chez l’Harmattan. Cet essai pourra etre interessant pour vous et completer vos experiences de voyages dans le onde et leur lien avec l’Afrique. Merci de nous indiquer a quelle adresse email vous contacter.
J’ai connu Sonia Shah pendant un échange Erasmus en Angleterre il y a 25 ans.
Déjà à l’époque elle voulait mener sa barque par elle-même et voyager, refusant les conventions familiales. Je suis ravie d’avoir pu lire dans votre article son parcours de vie de ces dernières années et de constater qu’elle a pu réaliser son rêve. Merci!