Manifestation des partisans du président Kaïs Saïed, Tunis, 17.12.2021 © Isolda Agazzi
Onze ans après la révolution, la corruption et le covid ont plongé la Tunisie dans une crise économique qui risque de dégénérer en explosion sociale. L’effervescence démocratique est réelle, mais beaucoup regrettent l’ordre et la sécurité qui régnaient sous Ben Ali. Un sursaut est nécessaire pour aider le pays à sortir de l’ornière
En ce 17 décembre, 11ème anniversaire de la révolution tunisienne, surnommée par la presse étrangère « révolution du jasmin », deux manifestations séparées se déroulent au centre-ville de Tunis: sous le pont, celle des opposants au président Kaïs Saïed ; devant le théâtre municipal, celle de ses partisans. Tenues à bonne distance par un impressionnant dispositif de sécurité, elles en disent long sur l’état de la seule démocratie rescapée du printemps arabe : divisée, bousculée.
« Vous soutenez le président ? », demandons-nous à Abderrazak, enveloppé dans un large drapeau rouge et blanc aux couleurs du pays. «Pas le président, mais la Tunisie», nous répond sans hésitation celui qui affirme avoir vécu dans plusieurs pays démocratiques, « dont la Suède. Certains l’accusent d’être un dictateur, mais s’il l’était vraiment il n’autoriserait pas ses opposants à manifester ! Ce qu’il veut c’est se débarrasser des corrompus et des islamistes d’Ennahda qui ont pillé le pays et ça, croyez-moi, tous les Tunisiens le veulent ! »

Corrompus obligés de mener des projets sociaux
Le 25 juillet, le président Kaïs Saïed avait suspendu le parlement et limogé la plupart des ministres pour s’arroger les pleins pouvoirs. Si son coup de force constitutionnel avait été soutenu par l’écrasante majorité des Tunisiens, aujourd’hui l’état de grâce pourrait se terminer.
Le 13 décembre, prenant tout le monde de court, cet homme de plus en plus isolé, qui s’exprime dans un arabe littéraire que personne ne comprend, a annoncé une feuille de route fumeuse: elle prévoit des consultations populaires en ligne pour élaborer une nouvelle constitution, suivies par un referendum pour valider celle-ci et, le 17 décembre 2022, de nouvelles élections législatives. Entre temps, la justice devrait être assainie et les personnes corrompues condamnées à réaliser des projets de développement social dans les régions reculées.
Sauf qu’au lieu d’arguties juridiques, les Tunisiens attendent des réponses à l’énorme crise économique qui fait redouter une explosion sociale. Le covid, ajouté à la mauvaise gouvernance et à l’instabilité, a mis le pays à genoux : l’investissement étranger, qui a chuté à 652 millions de USD, est à son niveau le plus bas depuis la révolution, tout comme le tourisme, qui emploie 10% de la population active ; avec une inflation à 6%, le pouvoir d’achat a dégringolé, alors que le taux de pauvreté a grimpé à 21%.
La dette au détriment des droits humains ?
L’Etat n’a plus d’argent pour payer les salaires des fonctionnaires et les retraites et il doit trouver urgemment quatre milliards USD. Il se tourne pour cela vers le FMI, qui demande en contrepartie des réductions de salaires qui seraient intenables. La Presse, le principal quotidien francophone du pays, se demandait même s’il fallait continuer à rembourser la dette au détriment des droits humains.
Onze ans après la révolution – dont l’anniversaire était d’abord fixé au 14 janvier -, l’effervescence démocratique est réelle : on dénombre plus de 21’000 associations – même si des élus demandent la fermeture de plusieurs d’entre elles, accusées d’être financées par les islamistes ; les minorités ethniques, religieuses et sexuelles revendiquent leurs droits et un pourvoi en cassation vient d’être déposé pour faire annuler deux condamnations pour homosexualité. Mais la liberté d’expression et de la presse est désormais menacée, plusieurs personnes ayant été condamnées pour avoir critiqué Kaïs Saïed, à commencer par l’ancien président Moncef Marzouki.
Par ailleurs, la jeune démocratie s’accompagne de l’incurie et du chaos, au point que beaucoup regrettent l’ordre et la sécurité qui régnaient sous le dictateur Ben Ali.
Pour permettre au jasmin d’embaumer, il faut soutenir la lutte contre la corruption, continuer à investir dans ce pays, le visiter de nouveau et l’aider à surmonter la crise du covid. Pour l’instant, la cinquième vague qui frappe l’Europe semble épargner encore la Tunisie, mais avec le nombre de contaminations en hausse et moins de 48% de la population ayant reçu deux doses de vaccin, elle n’est pas à l’abri d’un nouveau déferlement.
Une version de cette chronique a été publiée dans l’Echo Magazine
Les narcoétats devraient être placés sous gouvernorat des Nations Unies.
La démocratie recule dans le monde, tandis que les narcostrafiquants gagnent du pouvoir. Trois cantons suisses sont déjà sous la coupe des narcos, et le canton de Vaud est cible d’attaques. Nous allons droit vers la guerre.
merci à l’Occident, merci à Amnesty international, merci à tous ceux qui ont soutenu, ouvertement ou pas, Ennahdha ! Je ne suis pas une fan de Saïed mais je sais exactement ce qu’il s’est passé pendant ces 11 ans après la “ révolution “. Je suis partie de Tunisie en février 2010 parce que j’ai senti venir… et j’ai des amis qui m’ont tenu au courant, je lis les journaux tunisiens, j’ai su des assassinats de politiciens et de syndicalistes, de la corruption, de la criminalité et l’insecurité : ça a été ça aussi ces 11 derniers années. Des amis ont quitté leur Pays avec leurs familles, des gens fortunés et cultivés en France et en Allemagne arrivés par avion et de façon régulière, les autres, pauvres ou fugitifs arrivent à Lampedusa par bateaux. J’ai fait un saut en Tunisie fin 2018 et j’étais sidérée et triste de constater le désastre : l’appauvrissement de la population est évident et, en même temps, l’augmentation des larcins, grandes spéculations douteuses, commerce de la drogue et j’en passe, ont transformé une société qui était sans doute moins libre que la nôtre, mais, oh! combien plus saine !