Sauver les glaciers, des Alpes aux Andes

Glacier de Corbassière, septembre 2020 © Isolda Agazzi

Les effets du changement climatique se font sentir dans les Alpes, mais aussi dans les pays du Sud. L’Alliance Climatique Suisse et les organisations de développement demandent aux pays industrialisés d’aider les pays pauvres à réduire leurs émissions et à s’adapter à la nouvelle donne

Le glacier de Corbassière s’éteint lentement dans la lumière bleutée du soir, avant de briller à nouveau sous les étoiles qui s’allument l’une après l’autre, dans une voûte céleste balayée par les nuages. Au cœur des Alpes valaisannes, sur la terrasse de la cabane Panossière, on frôle le ciel et on entend presque la respiration du glacier en face – à moins que ce soient les soubresauts des ruisseaux qui dévalent la pente et formeront, avant de toucher terre, des lacs dans toutes les tonalités de bleu.

Pourtant le lendemain matin, après avoir descendu la moraine et traversé non sans quelques frissons  la passerelle de Corbassière, c’est une réalité moins poétique qui saute aux yeux : le recul inexorable du glacier en deux ans seulement, photos à l’appui. Cette passerelle vertigineuse, l’un des ouvrages en acier les plus hauts d’Europe, a été inaugurée en 2014 et parrainée par Toni Rüttimann, le célèbre bâtisseur de ponts en Birmanie, au Cambodge, au Laos, au Vietnam et en Equateur grâce à des câbles usagés fournis par Téléverbier et d’autres entreprises de remontées mécaniques helvétiques.

Passerelle de Corbassière © Isolda Agazzi

Justice climatique

Un trait d’union entre la Suisse et le reste du monde, pourrait-on dire… Un peu comme la célébration organisée début septembre, au glacier du Trient tout proche, par l’Alliance Climatique Suisse, Pain pour le Prochain et Action de Carême. «Nous avons voulu commémorer les 500 petits glaciers qui ont disparu en Suisse ces 30 – 40 dernières années, mais aussi mettre l’accent sur la justice climatique, souligne Yvan Maillard de Pain pour le Prochain: les effets du réchauffement se font sentir surtout dans les pays en développement qui n’y ont pourtant pas contribué, ou très peu. Les pays industrialisés ont donc la responsabilité de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et d’aider les pays du Sud à s’adapter à la nouvelle donne.»

A savoir les catastrophes naturelles, cyclones, sécheresses prolongées et autres fontes des glaciers dans les Andes tropicales et l’Himalaya…. En ratifiant l’accord de Paris sur le climat, les pays industrialisés se sont engagés à allouer 100 milliards d’USD par an aux pays du Sud. Selon le calcul des ONG, la Suisse doit y contribuer à hauteur de 1 milliard par an, mais elle se limite à 600 millions.

Glacier de Corbassière, septembre 2018 © Simon Panchaud

Nouvelle loi sur le CO2 : insuffisante, mais un pas dans la bonne direction

Le mois passé, après d’innombrables allées – retours, le Parlement a adopté la révision de la loi sur le CO2. Pour les 90 organisations membres de l’Alliance Climatique Suisse, elle va dans la bonne direction, mais reste insuffisante car elle prévoit la neutralité carbone pour 2050 et non pour 2040, comme elles le réclament. Neutralité carbone veut dire que la  Suisse devra réduire ses émissions fossiles de 100% et ne plus rejeter dans l’atmosphère davantage de gaz à effet de serre que ne peuvent en absorber les réservoirs, appelés « puits carbone. »

« D’un point de vue global, nous ne sommes pas entièrement satisfaits, nous déclare Jürg Staudenmann d’Alliance Sud, mais il faut achever enfin ce processus qui s’éternise et utiliser la nouvelle loi comme base pour des mesures climatiques ultérieures plus ambitieuses. La menace de référendum brandie par la droite et par certains courants de la grève du climat conduirait à un blocage de la politique climatique suisse pendant cinq ans.»

L’expert détaille que la nouvelle loi prévoit que 75% de la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 doit avoir lieu en Suisse (et pas 60% comme dans l’ancienne loi). En outre, la loi reconnaît également l’importance de réduire les émissions à l’étranger qui ne sont pas comptabilisées dans les objectifs climatiques de la Suisse (par le biais de certificats de réduction des émissions).

“Il s’agit d’une référence implicite au financement climatique, c’est-à-dire à des projets d’émissions sans la prétention de pouvoir “compenser” les émissions suisses”, se réjouit-il


Une version de cette chronique a été publiée par l’Echo Magazine 

Isolda Agazzi

Isolda Agazzi est la responsable du commerce international romand d’Alliance Sud, la coalition des principales ONG suisses de développement. Après des études en relations internationales à Genève et des voyages aux quatre coins du monde, elle travaille depuis plus de 20 ans dans la coopération internationale, en Suisse et dans les pays du Sud. Elle est journaliste RP et a enseigné à l’université en Italie. Elle s'exprime ici à titre personnel.

7 réponses à “Sauver les glaciers, des Alpes aux Andes

  1. D’une naïveté touchante, tout ça. Si le réchauffement continue (oui, c’est encore un „si“) quelles que soient les mesures que nous prenions, elles n’auront aucun effet avanT plusieurs décennies, donc la plupart des glaciers vont disparaître quoi que nous fassions.

  2. Les pleureuses qui se lamentent du recul des glaciers n’ont pas vu les données historiques des avancées et reculs des glaciers sur des millénaires , ni celles sur les données paléo climatiques et encore moins sur les chiffres de l’effet de serre en watts/m2 des différents GES . Pour ne donner qu’une référence , je citerais l’analyse des température de la Méditerranée de ces derniers millénaires qui montre un pic à l’époque romaine et des cycles plus ou moins réguliers dépendant des courants marins (NAO index) et autres phénomènes :
    https://www.nature.com/articles/s41598-020-67281-2 (figure 2 )

  3. Nous en sommes à un degré de réchauffement environ, depuis la période industrielle et les glaciers fondent déjà.
    Alors l’objectif de Paris à un degré et demi ne va pas arranger les choses, car on s’achemine plutôt à plus de deux degrés.
    La seule chose qui pourrait les sauver (et Dieu sait s’ils ils sont importants et même pour la Suisse),
    serait que le réchauffement climatique bascule dans les extrêmes, soit plus de chaleur mais aussi plus de froid.

    Ca fait plus de quarante ans que les scientifiques le prédisent, ils sont à 95% unanimes, chaque jour avec de nouvelles révélations et pourtant ce ne sont les négato-trolls qui manquent jajaja;)

    Bien sûr, tout ça n’est qu’une conspiration, comme la Covid!

  4. Ce qui est navrant, c’est la radicalité écologique qui peut torpiller la loi. Je sais bien, que ce sont principalement des jeunes immatures, donc à excuser, mais ce serait un désastre. Cette loi n’est pourtant pas un frein à des lois futur plus ambitieuse, mais le début.
    C’est bien ce genre d’immaturité qui me rend hostile à l’abaissement de l’âge pour aller voter.

    Quant aux sceptiques, je ne m’inquiète pas, ils sont minoritaires, et comme les glaciers, ils reculent.

    Cependant, l’Argovie à montré dans la dernière votation cantonale, que lorsque l’on touche au portemonnaie, la transition est perdante. La radicalité écologique ne passera donc pas les votations, mais peut stopper toutes avancées consensuelles.

    Quant aux pistes cyclables, c’est le cache sexe de l’écologie pour le PS. Les Verts devraient donc s’émanciper de ce parti pour être plus ambitieux sans être radicaux. A commencer par une obligation à l’Etat d’utiliser des véhicules électriques au-delà d’un seuil kilométrique annuel par véhicule. Histoire de donner conscience à la population des nécessités de changements.

    1. “La vraie écologie” n’a rien à voir avec aucun parti et encore moins celle de l’UDC, qui confond encore marxisme et écologie, pauvres demeurés.

      En revanche, “la vraie écologie” ne fera pas l’économie de mettre la main au porte-monnaie.
      Et ce n’est pas du greenwashing, genre véhicule électrique qui va changer la donne.

      Si la Suisse persiste dans la croissance de ses véhicules, avec tout ce que ça implique (routes, parking, etc.), quand bien même seraient-ils électriques, alors pfoui.

      Et c’est bien là son principal frein!

      1. Vous avez vu l’échec en Argovie, il y a quelques années à Fribourg.
        L’investissement écologique ne peut se faire principalement que par l’Etat.
        Les taxes écologiques sur le privé doivent être compensé par la baisse de taxe ailleurs.

        Dans une démocratie comme la nôtre, le peuple décide. Le peuple est encore loin de vouloir faire de gros efforts individuelles, c’est aux communes, à l’Etat d’avancer, de donner l’exemples. Le tout dans une imposition globale qui ne change pas, ou alors sur les entreprises.

        Quant à la croissances de véhicules, la tendance est à moins de véhicules pour les habitants des villes. Mais la croissance de la population folle (bientôt 10-12 millions d’habitants), détruit toutes améliorations.

        La croissance de la population, problème que les politiques taisent, seront un des facteurs important de nuisances écologiques. Ces millions en plus qui prennent l’air dans la Nature le weekend, sera un fléau pour la Nature sauvage.

        1. Pourtant cette “Loi C02” est bien basée sur une panoplie de taxes, qui est un compromis politique, ce qui provoque bien sûr l’ire de l’UDC et des jeunes qui pensent que ce n’est pas assez.
          Qui respecterait les règles de circulation sans amende?

          Heureusement, les gens se rendent de plus en plus compte de l’urgence d’agir.
          Même s’il y aura toujours ceux qui pensent que le masque, c’est pour les autres.

          Quant à l’accroissement de la population, d’accord avec vous et là, une grande responsabilité se situe du côté des employeurs (dumping) et des politiques ne voyant que la croissance favorisant l’immobilier et le reste.

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