Échappée algérienne – D’Alger la blanche à la Ville des Roses

Depuis le balcon, Alger s’étend à perte de vue. La Méditerranée scintille, le monument des Martyrs domine les immeubles surmontés de paraboles, alors que l’appel à la prière résonne aux quatre coins de la ville. Quand l’ennui vient, on se promène dans les rues. On descend le Boulevard Mohammed V pour rejoindre Didouche Mourad, où l’on regarde d’un œil distrait les vitrines colorées. On profite quelques instants de l’atmosphère pétillante de la Grande Poste, avant de rejoindre le front de mer que l’on longe jusqu’à la Place des Martyrs. Un petit marché frémit à l’entrée de la Casbah, aux pieds de la Mosquée Ketchaoua. Demi-tour, et l’on passe par la place de l’Émir Abdelkader pour s’arrêter un instant à la librairie du Tiers-Monde, avant de retrouver la rue Didouche Mourad. Station Khelifa Boukhalfa, un ticket, 50 dinars, direction Hamma. Au sortir des entrailles du métro, l’imposant musée des Beaux-Arts nous fait face. Nous nous baladons dans le splendide Jardin d’Essai, pour admirer les arbres centenaires et les statues de joueurs de ney, cette flûte originaire du Moyen-Orient, qui veillent sur le parc. Retour au Boulevard Mohammed V, arrêt dans une petite échoppe pour y acheter quelques fruits juteux. Yatiksaha, merci beaucoup, et nous repartons. Le lendemain, nous nous perdons dans les ruelles de la Casbah. Quelques chats y rôdent et nous observent de cet air dédaigneux propre aux félins. Nous finissons notre course dans un petit salon de thé, rempli de dorures et d’étranges artefacts suspendus au plafond. Le goût parfumé de la boisson ravit les papilles, véritable rêve de sucre et de miel aux arômes de menthe. Une journée passe, et nous prenons le train jusqu’à Blida, la Ville des Roses. La chaleur est écrasante, étouffante. Les heures s’étirent, pas âme qui vive dans les ruelles. Le soir, nous retournons à Alger la blanche, frémissante et fascinante.

Irène Dutoit

Irène Dutoit est étudiante en Lettres à l’Université de Genève. Elle compte poursuivre des études de journalisme, et accorde un intérêt tout particulier aux arts et à l’évolution du monde qui l’entoure.

4 réponses à “Échappée algérienne – D’Alger la blanche à la Ville des Roses

  1. Merci pour cette page de votre carnet de voyage que j’ai eu du plaisir à lire.

    Je me représente l’Algérie comme étant un pays peu accueillant pour les visiteurs étrangers, bien que des navigateurs témoignent de la sincère bienvenue des gens du port qui les invitent et les emmènent visiter les lieux. Avez-vous dû être courageuse malgré tout ? Avant votre départ, ou pendant votre séjour ? Plus encore pour une femme qui s’arrête au salon de thé, vêtue d’un T-shirt noir bien plus léger que les grandes robes de la même couleur ? Je suis assez courageux pour avoir osé passer le seuil des petits bistrots musulmans de Paris, qui m’ont laissés de bons souvenirs, et même des conversations où l’humour pouvait être partagé, comme la votation des Suisses qui ne veulent pas de minarets à côté des petits chalets. Ou quand j’ai posé la question : « J’adore la tête de veau vinaigrette, est-ce que vous connaissez un restaurant à Paris qui la propose, mais pas pour les touristes, un endroit simple comme ici… Euh, la tête de veau n’est peut-être pas votre plat préféré, mais je pense que vous savez où on peut en manger une bonne… » Et la réponse : « C’est vrai, on préfère le couscous, mais on va vous dire où vous serez content… » Puis une seconde réponse : « Ah vous devez vous adresser à un vrai connaisseur : Chirac ! Il adore lui aussi la tête de veau vinaigrette ! » Et tout le monde riait… Ce soir-là je n’avais plus les jambes pour parvenir jusqu’au restaurant conseillé, mais en guignant par une petite fenêtre un peu sale, où je voyais manger une douzaine de gens âgés dans une faible lumière jaune, je suis allé frapper à la porte… C’était une pension « zéro étoiles », où j’ai été heureux de manger un bon ragoût de France, accompagné d’un vin rouge un peu âcre mais garanti de la cave, aussi authentique que ces pensionnaires âgés qui m’ont si bien accueilli, avec lesquels j’ai trinqué…

    Je vous ai suivie dans une promenade qui me fait rêver, et je voudrais y aller aussi. Mais j’aurais une seule question bête et pratique : Moi qui suis trop vieux pour dormir d’un œil dans une tente, qui crains les scorpions, les chèvres, les chameaux, y a-t-il un endroit même modeste, pas pour y manger une fondue au Gruyère, mais avec un vrai lit et une douche chaude ?.. Une agence de voyages ne saurait rien me dire, mais vous oui ! Bon… Si je ne peux pas y aller vraiment, je resterai à vos côtés en toute sécurité, dans un de vos prochains « blog découverte sous d’autres cieux ».

    1. Bonjour Dominic,

      Merci pour votre commentaire ! Je garde des souvenirs absolument merveilleux de l’Algérie, où j’ai fait beaucoup de rencontres inoubliables. Le départ est toujours un peu stressant, mais une fois sur place, je m’y suis sentie en sécurité et accueillie. En ce qui concerne chèvres, chameaux et scorpions, à moins peut-être de vous rendre tout au Sud, vous ne risquez de loin pas d’en croiser (et certainement pas dans des villes telles qu’Alger ou Oran). Je vous rassure, les Algérien-ne-s ont des douches chaudes et ne dorment pas à même le sol ! Malheureusement, il est vrai que les hôtels sont assez chers et que le secteur du tourisme n’est pas encore très développé. Une agence de voyages serait plus à même de vous conseiller. Je vous recommande néanmoins le guide touristique sur l’Algérie de la collection « Petit Futé », à mon avis bien conçu. J’espère que vous aurez l’occasion de passer quelques jours dans ce splendide pays, qui mérite qu’on lui accorde plus d’attention.

  2. Tiens pourquoi pas l’Algérie comme pour épingler un nouveau pays sur une carte de géographie ? Cela fait quarante ans que les mondes arabo-musulmans et perse titillent ma curiosité, m’ont invité au voyage, du Maroc à l’Iran, du Yemen à la Palestine, du petit Liban à la Syrie sans oublier la Palestine. L’Algérie, pourquoi pas mais il me fallait un fil conducteur pour guider mes pas. Allons-y pour Albert Camus. Mon taximan me conduit à son quartier où il passa sa jeunesse. Camus ne lui dit rien mais une personne âgée m’indique le café où il avait ses habitudes. Café vite trouvé que le propriétaire était en train de fermer. Le temps s’y était arrêté : chaises empilées dans le fond, articles de journaux jaunis épinglés et une petite photo découpée de Camus. J’en sors avec un grand sentiment de tristesse. Une mémoire du passé avec son bar encore intact, sa machine à café va tôt ou tard disparaître. Visite ensuite de Bab el Oued, cet ancien quartier des “petits blancs” d’Alger, bastion de l’OAS avant leur départ précipité en 1962 vers la métropole. Bel ensemble architectural qui n’en finit pas de faner, faute d’entretien comme l’est la Casbah, haut lieu de la résistance du FLN. La Casbah grouille de vie dans ses ruelles qui descendent en pente raide. On la dit dangereuse mais il n’en est rien. Parfois au gré des averses torrentielles, une maison s’écroule, laissant un trou béant. Voyage en train jusqu’à Oran : il est relativement lent et permet de découvrir l’Algérie de l’intérieur avec de superbes paysages. Oran, c’est un peu d’Algérie et un peu de France et d’Espagne et me fait penser à Tanger. J’avais pu trouver avant mon départ l’adresse d’Albert Camus alors qu’il était journaliste dans cette ville. Un homme âgé arrive du marché, me dit habiter son ancien appartement et m’y invite pour le café, surpris de l’intérêt que je porte à ces lieux. Des peintres s’activent à blanchir le couloir. Pour le reste, tout est resté d’époque avec le petit balcon où l’écrivain fut pris en photo restée célèbre. Oran, c’est le raï et l’on y trouve encore des lieux pour y entendre des voix qui prennent aux tripes. Retour à Alger et visite de la Mitidja, la plaine agricole située à 30 km au sud d’Alger. Les vignes qui firent la fortune de quelques propriétaires fonciers du temps de la colonisation ont été remplacées par des orangers. Et, au loin se dressent des immeubles, en construction, à peine finis, finis. La pression démographique est forte : il faut loger rapidement et en nombre. Ce sont des compagnies chinoises qui ont obtenu les mandats et qui ont fait venir leurs ouvriers dans une course à l’urbanisation mal pensée. Le ChinaAfrica a de beaux jours devant lui.
    Et, pour Dominic qui rêve de s’y rendre : non il n’y a pas de scorpions dans les hôtels et la noria des taxis d’Alger ou d’ailleurs à remplacé depuis belle lurette les dromadaires. Je vous conseille de descendre à l’hôtel “Suisse”, non par patriotisme. Il est à deux pas de l’avenue Didouche Mourad et il est facile de louer à la journée (après marchandage pour le prix) un taxi avec chauffeur pour aller dans les coins reculés de la capitale.
    Bon voyage!

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