LinkedIn, le réseau le plus WTF

LinkedIn a un problème. Le réseau copie de plus en plus Facebook et sa timeline addictive. Mais puisqu’on est en milieu “professionnel”, ses utilisateurs ne savent pas comment se comporter. Dois-je raconter ma vie comme sur Facebook? Poster des photos de mes chats en costard? Mes récits de vacances pour le côté work-life balance? Si dans le doute la plupart ne font rien et restent silencieux, certains font vraiment n’importe quoi et le parler bullshit est devenu une réelle marque de fabrique. Alors qu’on ne parle plus que de Facebook et Twitter dans les médias, et ce à juste titre, observons comment LinkedIn est devenu le réseau le plus WTF du moment.

 
LinkedIn c’est
  • près de 500 millions de membres donc pas rien
  • le réseau où on procrastine comme sur Facebook et Instagram, mais professionnellement
  • la plateforme la plus spammy du monde avec ses multiples alertes qui vous proposent de spammer à votre tour l’ensemble de vos contacts Gmail en les invitant à rejoindre “la communauté”
  • apprendre qu’une personne qu’on ne connaît pas fête ses 10 ans dans une boîte dont on a jamais entendu parler
  • un étranger qui vous recommande pour des compétences que vous n’avez pas
 
 
Mais LinkedIn c’est surtout cette timeline qui a pris le relai du bon vieux corporate bullshit en favorisant les publications de vos contacts qui partagent de grands moments d’intime authenticité. LinkedIn c’est devenu le confessional à ciel ouvert avec le naturel d’une image de stock de chez Getty. 
  
Le corporate bullshit y est de rigueur. Mais pas le vieux corporate bullshit de papa imposé par le top management et ses communicants. Non, ici le bullshit a fait sang neuf et revient teinté de la culture web et de son illusion que tout le monde peut tout faire avec un peu de bonne volonté.
 
 

Être influenceur sur LinkedIn c’est se donner le titre d'”Entrepreneur Visionnaire” alors qu’on a vendu des gâteaux à la récré.

Ensuite, il faut une stratégie contenu en mode confidence avec des posts hyper consensuels et démagogiques de préférence. À la fin de chaque post, demandez l’avis de votre communauté qui ne tardera pas à liker pour montrer que “moi aussi je suis d’accord qu’il faut persévérer dans la vie si on veut réussir”. L’algorithme LinkedIn se chargera du reste en faisant apparaître votre message au monde entier, du moins à votre réseau dans un premier temps. Amen.

 

Voici quelques pépites en commençant par celle-ci traduite de l’anglais:

 
On pourrait m’arrêter pour ce que je m’apprête à vous dire. Mais je crois que c’est important que je le dise une bonne fois pour toute. De tous mes employés, il y en a un que je n’ai pas traité comme j’aurais dû. 
 
Je l’ai fait travailler 100 heures par semaine, sans lui payer ses heures supp.
 
Je lui ai demandé de travailler durant la nuit.
 
Le samedi? Oui.
 
Des vacances? Je lui ai simplement donné une semaine après quelques années.
 
À cause de moi, il a manqué des mariages, des réunions de famille.
 
Je l’ai forcé à travailler, même quand il était malade, pendant ses vacances, et même à Noël.
 
Je lui ai fait prendre des risques de fou.
 
….
 
Était-il mieux payé qu’un autre employé? 
 
Certainement pas, il n’a jamais été l’employé le mieux payé dans l’entreprise.
 
Une fois, je l’ai fait travailler quatre ans sans une seule paye et je ne l’ai d’ailleurs toujours pas payé. 
 
J’ai tenu mes promesses envers tous mes employés mais jamais envers lui.
 
Je devrais être arrêté pour avoir traité un collaborateur de la sorte, mais heureusement personne ne le prendrait au sérieux si il portait plainte, car ce collaborateur, c’est moi!
Voyez toute la subtilité du message qui consiste à montrer qu’on a la vie dure parce qu’on est entrepreneur et qu’on ne fera jamais subir à ses collaborateurs ce qu’on se fait subir. OMG.

D’autres exemples tout aussi clairvoyants et repérés par le dénicheur Disruptive humans of LinkedIn

Le meilleur du pire de LinkedIn nous propose, en vrac, des leçons de charité, du drama familial, des reconversions difficiles et beaucoup, beaucoup de pugnacité.” selon l’ADN.

 

 

Et enfin un dernier pour nos très chères collègues de la gent féminine.

On préfère alors lire les parodies de Walter Laouadi, concepteur rédacteur en agence

Mon père a tout quitté (moi y compris) pour vivre ses rêves.
Et je l’admire quand même énormément –> : Il y a désormais 16 ans, mon père a décidé de faire ses valises et de s’en aller de l’appartement que nous occupions avec ma mère et mes 7 frères et soeurs.
Maman, alors mère au foyer, nous a réuni dans le salon (qui était aussi la chambre de Geoffrey) et nous a dit : « Mes petits raton-laveurs, Papa s’en va. Il a décidé de poursuivre ses rêves.
Faire le tour du monde en van avec ma soeur, votre tante” (qui est devenue sa femme par la suite) Forcément, toute la fratrie était un peu interloquée. Mais moi je me suis levé.
Et j’ai applaudis. Seul. Ma soeur Tania m’a alors administré une retentissante gifle.
Mais je n’ai pas cessé d’applaudir. Pourquoi ?
Parce qu’il faut TOUJOURS se lever aux côtés de ceux qui osent casser les codes, innover, constater leur échec et repartir de l’avant.
Et ce, dans le professionnel comme dans le privé.
Que cela pousse une centaine d’employés au plan social.
Ou votre propre mère à la dépression.
J’avais un modèle. C’était l’important.
En plus, dès le lendemain, plus aucun de mes frères ne voulait dormir avec moi.
J’en ai donc profité pour être le tout premier à avoir une chambre pour moi tout seul !
J’avais gagné.
Croyez en vous.
Citons un article de l’express: “Ces mecs se montrent toujours actifs, jurent que leurs 200 employés sont tous très heureux, mais c’est du flan, du bullshit”, s’énerve Guillaume Natas. Pour le jeune entrepreneur, cette attitude est même dangereuse : “Faire croire qu’il suffit d’être ‘audacieux’ ou de ‘sortir de sa zone de confort’ pour réussir, c’est bien gentil, mais monter sa boîte, ce n’est pas si simple.” “Leur seul stress est de performer (sic) sur leurs projets. Ils oublient que certains doivent aussi réfléchir à comment remplir leur frigo”.
 

Problème: la marque personnelle est complètement surfaite

 
Elle suggère que vous pouvez construire votre carrière en vous inventant une réputation en ligne. C’est archi faux, votre marque personnelle n’existe pas en soit mais est un produit de votre réputation. La réputation est la perception qu’ont les autres de vous, c’est donc quelque chose que vous ne contrôlez pas complètement. 
 

Bienvenue dans la vraie vie: le monde s’en fout de votre marque personnelle. 

 
Chaque publication sur les réseaux ne fait que renforcer l’image que l’on souhaite projeter. Mais le monde à d’autres chats à fouetter que de s’attarder à admirer votre marque. Alors autant rester authentique, mais vraiment authentique. Être humble et modeste mais vraiment humble et modeste, c’est-à-dire en commençant par éviter de le mentionner. Résister à la pression de toujours communiquer, spécialement sur ses états d’âme sur LinkedIn car le monde vous observe!
 

Tout sur LinkedIn n’est pas à jeter

 
Le réseau reste la meilleure façon de contrôler son image sur le web. Le profil LinkedIn remonte en général dans les premiers résultats lorsque l’on Google un nom. Ceci dit, n’oublions pas une leçon de base. Se faire passer pour un génie ne fera pas de vous un génie. Ca peut rassurer mais c’est ridicule.
 
Finissons par ce commentaire de Jeff Bezos qui n’a plus besoin de s’inventer une marque:
 
“Une marque pour une entreprise, c’est comme une réputation pour une personne. Vous la gagnez en essayant de bien faire des choses difficiles.”
 
Et si votre timeline LinkedIn est encore remplie de commentaires WTF, c’est comme avec les commentaires de Kanye West: il suffit d’arrêter le les écouter.

Hervé Peitrequin

Hervé Peitrequin est marketeur et manager en communication, spécialisé dans les stratégies digitales. Fort de son expérience au sein de multinaltionales comme l'Oréal, Bulgari, Adecco, Swisscom, comme de plus petites structures, il porte un regard empirique et critique sur le marketing d'aujourd'hui.

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