“De nos jours, un t-shirt n’est pas toujours un t-shirt, un magasin pas seulement un magasin. Les sacs à mains, robes ou autres produits ordinaires, ainsi que le lieu ou on les a acheté se sont politisés.”
Cet article du New York Times résume bien le climat actuel. Dans un monde de plus en plus polarisé, l’acte d’achat devient un acte militant. Les marques, elles, sont prises à partie, sommées de prendre position pour un camp ou pour l’autre.
Selon une étude US, plus de 2/3 des consommateurs américains pensent qu’il est important que les marques aient un point de vue sur les questions sociales et politiques. Qu’elles le veuillent ou non, les marques se retrouvent de plus en plus prises dans le feu de la controverse et doivent s’insérer dans le débat politique.
Face à cette nouvelle réalité, quelle est l’attitude à adopter? Est-ce que les marques doivent prendre une position idéologique pour exister ou au contraire doivent-elles rester neutres?
Que ce soit des sacs à mains, de la glace ou une voiture, l’image que nous avons d’une marque va déterminer ce que nous achetons, ce que nous portons, ce que nous aimons. Nike, Facebook, Nestlé, Amazon. Les grandes entreprises vont investir plus de 500 milliards en publicité en 2018 pour nous convaincre d’acheter leurs produits.
Un bad buzz peut impacter fortement les ventes. Je le vois depuis plusieurs années dans mes activités de marketeur. Prenons simplement des émissions comme A Bon Entendeur. Il y a quelques années, elles contribuaient aux succès ou aux échecs commerciaux. Cette émission de 2005 avait fait perdre 25% des ventes à la marque de shampoing Fructis suite à un test qui la classait dans les shampoings déconseillés.
Le consommateur connecté a une voix qu’il fait entendre. Les discussions à propos des marques ne sont pas nouvelles. En 2010, la campagne lancée par Greenpeace contre l’huile de palme a poussé Nestlé à se doter des capacités pour y répondre sur les médias sociaux. Les grandes marques scrutent en permanence le web pour détecter les bad buzz et éviter la casse.
La nouveauté, c’est que la marque est prise à partie dans des débats politiques qui ne la concernent pas toujours directement mais dans lesquels elle se doit aujourd’hui de prendre position.
Les appels au boycott sont plus fréquents: #BoycottNike, #BoycottFacebook, #BoycottNestle, #BoycottAmazon. Sur les réseaux sociaux, l’appel au consommateur militant n’a jamais été aussi fort qu’aujourd’hui. 57% des consommateurs sont enclins à boycotter une marque qui ne respecte pas leur valeurs.
Ces dernières années, le consommateur s’est habitué à dialoguer avec les marques et s’attend à juste titre de recevoir des réponses. De leur côté, les marques ont pris l’habitude de répondre à des consommateur mieux informés sur les différentes plateformes.
Les responsables marketing, CEO, et autres dirigeants de l’entreprise doivent mieux comprendre comment leurs actions au sein de l’entreprise s’intègrent et influencent le reste du monde. Leurs actions ont pris un tournant politique qu’il est impossible d’éviter dans le climat actuel.
Aujourd’hui, les marques ne sont plus seulement mises à l’épreuve pour leurs produits ou leurs services. Elles sont prises à partie dans le débat politique à propos de sujets qui sont loins de leur “business as usual”. 3 exemples contemporains:
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Sleeping Giants, un groupe d’activistes sur Twitter a convaincu des centaines d’entreprises d’arrêter de mettre des pubs sur certains sites d’extrême droite. 4’000 entreprises soucieuses de leur image et de l’environnement dans lequel apparaissent leurs communications y ont répondu positivement. Né aux US, ce phénomène a gagné la Suisse qui a son compte Twitter et qui gère les questions relatives aux marques et médias suisses. Et ça marche. Certains sites comme le fameux Breitbart ont perdu 90% de leurs annonceurs.
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Nike a communiqué intensément sur des valeurs féministes ces dernières années. Il y a encore quelques semaines, on parlait de Nike comme d’une de “ces entreprises qui s’engagent pour les femmes.” Aujourd’hui, Nike fait face au mouvement #meetoo #balancetonporc. Sa culture d’entreprise sexiste qui marginalise les femmes n’est plus tenable et Nike a dû renvoyer ses cadres responsables.
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Facebook et son business model qui consiste à mettre à profit les données de ses utilisateurs en permettant de cibler ses audiences à des fins marketing. Son algorithme maximise le temps que les utilisateurs passent sur la plateforme afin de les cibler avec plus de pub. Ce faisant, Facebook a créé un monstre qui a favorisé l’essor des fake news, bien plus virales que les vraies puisqu’elles se propagent 6 fois plus rapidement.
Comme je le mentionnais en 2016, si Facebook est votre seule source d’actualités, c’est un algorithme qui décide de ce que vous allez consommer comme nouvelle“. Facebook joue un rôle important en forgeant les opinions et ne peut plus se cacher derrière sa façade de neutralité. Changer son algorithme ne suffira pas à faire taire ses critiques.
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La marque prise à partie dans le débat politique est une tendance qui semble se confirmer. Les entreprises vont devoir s’armer des compétences nécessaires pour y faire face. Le consommateur militant n’a pas fini de faire entendre sa voix par l’intermédiaire de son porte-monnaie. Il est temps pour les entreprises et leurs marques d’assumer pleinement le rôle qu’elles jouent dans la société.
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